Hospitalisation sous contrainte : enjeux de la protection et de la liberté individuelle

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Hospitalisation sous contrainte : enjeux de la protection et de la liberté individuelle

L’Essentiel : Le patient, désigné ici comme un individu hospitalisé, a été admis à l’EPSM sans son consentement le 24 janvier 2025, en raison de troubles mentaux graves. Les certificats médicaux initiaux, rédigés par deux médecins, ont confirmé l’existence de ces troubles, avec un risque de récidive. Le conseil juridique du patient a contesté le maintien de l’hospitalisation, arguant qu’elle était bénéfique. Le juge a conclu que l’hospitalisation complète était justifiée, malgré une amélioration de l’état du patient, afin de garantir sa sécurité et celle des tiers. La décision peut faire l’objet d’un appel devant la Cour d’Appel.

Contexte de l’Hospitalisation

Le patient, désigné ici comme un individu hospitalisé, a été admis à l’EPSM de [6] sans son consentement le 24 janvier 2025. Cette admission a été motivée par des troubles mentaux graves, notamment une tentative de suicide par phlébotomie, marquant sa quatrième tentative en un mois, suite à des problèmes personnels et une condamnation pour violence.

Évaluation Médicale Initiale

Les certificats médicaux initiaux, rédigés par deux médecins, ont confirmé l’existence de troubles mentaux, avec un risque de récidive. Le patient, en détresse psychique, a refusé une hospitalisation en psychiatrie, bien que celle-ci ait été jugée nécessaire pour sa sécurité.

Suivi Médical et Amélioration

Au cours de la période d’observation, les médecins ont noté que les troubles mentaux persistaient, mais une amélioration du contact et une prise de conscience des actes auto-agressifs ont été observées. Le patient a exprimé un désir de quitter l’hôpital pour intégrer un appartement en résidence senior, tout en étant soutenu par sa famille.

Position du Conseil du Patient

Le conseil juridique du patient a contesté le maintien de l’hospitalisation, arguant que celle-ci était bénéfique pour son client. Ils ont laissé à l’appréciation du magistrat la décision concernant la poursuite de l’hospitalisation.

Considérations Juridiques

La décision d’hospitalisation sans consentement doit respecter le principe de la liberté individuelle, tout en tenant compte de la sécurité du patient et des tiers. Selon le code de la santé publique, l’hospitalisation sans consentement est justifiée si les troubles mentaux rendent impossible le consentement du patient et nécessitent des soins immédiats.

Conclusion de la Décision Judiciaire

Le juge a conclu que l’hospitalisation complète du patient était justifiée, malgré une amélioration de son état. Les éléments médicaux indiquent que le patient nécessite toujours une surveillance médicale constante pour éviter toute rechute. La décision de maintenir l’hospitalisation complète a été prise pour protéger le patient et organiser la poursuite de ses soins à l’extérieur.

Appel et Procédure

La décision peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’Appel dans un délai de 10 jours. L’appel n’est pas suspensif, et les éventuels dépens de la procédure seront à la charge du Trésor Public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ?

Selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement que si :

1° ses troubles rendent impossible son consentement ;

2° son état impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

Ces conditions visent à protéger la liberté individuelle tout en garantissant la sécurité de la personne concernée et des tiers.

Il est donc essentiel que l’évaluation de l’état mental du patient soit effectuée par des professionnels de santé qualifiés, afin de déterminer si ces conditions sont remplies.

Quel est le rôle du juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’hospitalisation complète ?

Le juge des libertés et de la détention a un rôle crucial dans le contrôle de la régularité des décisions administratives relatives à l’hospitalisation complète, conformément à l’article L3216-1 du code de la santé publique.

Ce juge doit s’assurer que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis, comme le stipule l’article L3211-3 du même code.

Il est important de noter que le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour ce qui est de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins à administrer.

Ainsi, le juge doit examiner les éléments médicaux et les circonstances entourant l’hospitalisation pour décider de son maintien ou de sa levée.

Quels sont les droits de la personne hospitalisée en matière d’appel ?

La personne hospitalisée ou son avocat a le droit de faire appel de la décision de maintien de l’hospitalisation complète.

Conformément aux articles R. 3211-18 et R. 3211-33 du code de la santé publique, cet appel doit être formé dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision.

Il est important de noter que l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif, comme l’indique l’article L.3211-12-4 alinéa 2 du code de la santé publique.

Cela signifie que la mesure d’hospitalisation demeure en vigueur pendant la durée de l’appel, garantissant ainsi la continuité des soins nécessaires à la personne concernée.

N° RG 25/00247 – N° Portalis DBZJ-W-B7J-LEZQ
N° MINUTE : 25/00108

COUR D’APPEL DE METZ
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
SERVICE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DETENTION

ORDONNANCE DU 04 Février 2025

HOSPITALISATION SOUS CONTRAINTE

Devant nous, Madame Caroline CORDIER, Vice-Président au tribunal judiciaire de Metz, assistée de Tanya PIOT, Greffier, après débats au sein des locaux judiciaires du Centre Hospitalier de [6] ;

Vu la procédure opposant :
DEMANDEUR
CHS DE [6]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée
DÉFENDEUR
[L] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
né le 10 Octobre 1948 à [Localité 4] (ITALIE)
comparant en personne assisté de Me Julie FROESCH, avocat au barreau de METZ

Le Ministère Public, régulièrement avisé, a fait valoir ses observations par écrit en date du 03 février 2025 ;

Madame [G] [D], tiers demandeur, convoqué(e) à l’audience, n’a pas comparu

Vu la requête reçue au greffe le 31 janvier 2025 , par laquelle le directeur de l’EPSM de [6] a saisi le Magistrat du siège du tribunal judiciaire de Metz aux fins de contrôle de plein droit de la nécessité d’une mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète dont fait l’objet Monsieur [L] [D], depuis le 24 janvier 2025 (contrôle à 12 jours) ;
Vu la demande d’admission en hospitalisation complète de Monsieur [L] [D] présentée par Madame [G] [D] le 23 janvier 2025 en qualité de fille de l’intéressé ;

Vu les deux certificats médicaux initiaux établis le 24 janvier 2025 par le Dr [G] [C] et par le Dr [E] [O] en vue d’une admission en soins psychiatriques de l’intéressé sans son consentement ;

Vu la décision du directeur de l’EPSM de [6] en date du 24 janvier 2025 prononçant l’admission de Monsieur [L] [D] en hospitalisation complète et la notification de cette décision ou l’information de la personne hospitalisée, en date du 24 janvier 2025 ;

Vu le certificat médical dit des 24 heures établi le 25 janvier 2025 par le Dr [F] [U] ;

Vu le certificat médical dit des 72 heures établi le 27 janvier 2025 par le Dr [T] [B] ;

Vu la décision du directeur de l’établissement en date du 27 janvier 2025 maintenant pour un mois les soins sous le régime de l’hospitalisation complète de Monsieur [L] [D] et la notification de cette décision ou l’information de la personne hospitalisée, en date du 28 janvier 2025 ;

Vu l’avis motivé établi le 30 janvier 2025 par le Dr [T] [B] ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public en date du 03 février 2025 favorables à la poursuite de la mesure ;

Vu le débat contradictoire en date du 04 février 2025 ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants du code de la santé publique ;

FAITS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [L] [D] était hospitalisée à l’EPSM de [6] sans son consentement le 24 janvier 2025 dans les conditions rappelées dans l’en-tête de la présente ordonnance.

Les certificats médicaux initiaux établis le 24 janvier 2025 par le Dr [G] [C] et le Dr [E] [O] décrivaient en ces termes l’existence de troubles mentaux :
tentative d’autolyse avec absence totale de critique du geste – risque de récidive
patient admis aux urgences suite à une tentative de suicide par phlébotomie à son domicile, il s’agit de sa 4ème tentative de suicide en un mois , suite à une condamnation pour violence (prison avec sursis et interdiction d’entrer en contact avec sa femme) . Le patient expliquait ne pas supporter sa situation personnelle actuelle ayant du quitter son domicile ne critiquait pas la gravité du geste suicidaire réalisé hier et les idées suicidaires restaient fluctuantes et banalisées . IL refusait une hospitalisation en psychiatrie, pourtant nécessaire au vu du risque de mise en danger de lui-même par des passages à l’acte autolytiques répétés. .

Les certificats médicaux postérieurs établissaient pendant la période d’observation que les troubles mentaux initialement décrits étaient toujours d’actualité, notamment que le patient se trouvait dans une situation de détresse psychique , avec risque de récidive auto-agressive toujours présent, sur fond de difficultés d’adaptation aux changements de vie en cours et que la prise en charge de Monsieur [L] [D] devait se poursuivre sous le mode de l’hospitalisation complète.

L’avis motivé daté du 30 janvier 2025 constatait que le patient présentait une amélioration du contact depuis son admission, ainsi qu’une critique de ses passages à l’acte auto-agressifs répétitifs, ainsi qu ‘une projection dans l’avenir depuis qu’il a appris qu’il aurait un appartement en résidence sénior à [Localité 7]. Le médecin constatait cependant des traits de personnalité avec tendance à la manipulation, clivage et contrôle qui nécessitait la poursuite de la prise en charge hospitalière. Il estimait nécessaire la poursuite des soins à temps complet pour protection et soutien dans ses démarches sociales.

A l’audience, Monsieur [L] [D] déclarait vouloir sortir de l’hôpital pour intégrer l’appartement en résidence sénior qui lui a été trouvé à [Localité 8]. Il revenait sur les circonstances de son dernier passage à l’acte, et expliquait qu’après la décision du tribunal, il s’était trouvé seul et isolé dans son logement, et encore davantage lorsqu’il n’a plus eu la disposition de son véhicule. Il ajoutait être soutenu par sa famille , et être prêt à poursuivre les soins à l’extérieur de l’hôpital.

Le Conseil de Monsieur [L] [D] était entendu en ses observations. Il indiquait s’opposer au maintien de la mesure , et ajoutait que l’hospitalisation faisait du bien à son client et s’en rapportait à l’appréciation du magistrat.

MOTIFS DE LA DECISION :

L’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l’article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.

Selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d’un établissement psychiatrique que si :
1° ses troubles rendent impossible son consentement ;
2° son état impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

Le juge des libertés et de la détention doit contrôler en application de l’article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète. En application de l’article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis. Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.

Il résulte de l’ensemble des éléments produits que la procédure relative à l’admission de Monsieur [L] [D] en hospitalisation complète est régulière ; que les troubles du comportement persistent et rendent impossible son consentement sur la durée ; que selon l’avis motivé, malgré une amélioration de l’état de santé du patient, la poursuite de l’hospitalisation demeurait nécessaire afin notamment de protéger l’intéressé au regard de ses différents passages à l’acte ;

Ainsi, les éléments médicaux présents au dossier démontrent que l’état mental de Monsieur [L] [D] impose toujours la poursuite des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

Par ailleurs, il ressort des propos tenus à l’audience que même si l’intéressé se projette positivement dans l’avenir, il demeure fragilisé par les événements vécus récemment.

Il convient ainsi de constater que les soins en hospitalisation complète doivent, pour le moment, se poursuivre, afin de consolider son état de santé, d’éviter toute rechute en cas de sortie trop précoce et d’organiser la poursuite des soins à l’extérieur.

En conséquence, il convient de maintenir la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet Monsieur [L] [D].

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, en premier ressort,

DECLARE recevable la requête présentée par le Directeur de l’EPSM de [6] ;

MaintIens la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet Monsieur [L] [D] ;

RAPPELLE aux parties que :

– la présente ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la Cour d’Appel et ce, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification (articles R. 3211-18 et R. 3211-33 du code de la santé publique) ;

– cet appel doit être formé par déclaration transmise par tout moyen au greffe de la Cour d’appel de Metz ;

– l’appel interjeté par la personne hospitalisée ou son avocat n’est pas suspensif en application de l’article L.3211-12-4 alinéa 2 du code de la santé publique ;

LAISSONS les éventuels dépens de la présente procédure à la charge du Trésor Public ;

Ainsi rédigé au Tribunal Judiciaire de METZ, le 04 février 2025 , par Caroline CORDIER , Vice-Présidente , et signé par elle et le Greffier.

Le greffier Le Juge des libertés et de la détention


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