Hospitalisation psychiatrique : conditions et garanties de protection des droits individuels

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Hospitalisation psychiatrique : conditions et garanties de protection des droits individuels

L’Essentiel : Madame [E] [L], née le 11 juillet 1981, est hospitalisée à l’EPS [6] depuis le 12 janvier 2025, suite à une décision d’admission en soins psychiatriques. Le 17 janvier, la directrice a saisi le juge des libertés pour prolonger son hospitalisation. Lors de l’audience du 21 janvier, Madame [E] [L] a contesté cette mesure, affirmant ne pas avoir besoin de traitement. Cependant, les certificats médicaux ont confirmé des troubles mentaux graves, justifiant la nécessité d’une surveillance constante. Le juge a décidé de maintenir l’hospitalisation, considérant que son état ne lui permettait pas de consentir aux soins.

Identification de la personne en soins psychiatriques

Madame [E] [L], née le 11 juillet 1981 à [Localité 4], est hospitalisée à l’EPS [6] depuis le 12 janvier 2025, date à laquelle la directrice de l’établissement a prononcé sa décision d’admission en soins psychiatriques. Elle est représentée par Me Simon PAEZ, avocat commis d’office.

Procédure d’hospitalisation

Le 17 janvier 2025, la directrice de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention pour obtenir la poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [E] [L]. Le ministère public a transmis ses observations par écrit le 20 janvier 2025. L’audience s’est tenue le 21 janvier 2025, où les observations de l’avocat de Madame [E] [L] ont été entendues.

Motifs de l’hospitalisation

Le certificat médical initial du 12 janvier 2025, établi par le Dr [B], a signalé un péril imminent pour la santé de Madame [E] [L], décrivant des troubles mentaux tels que des idées délirantes et des hallucinations. D’autres certificats médicaux ont confirmé la persistance de ces troubles, justifiant ainsi la nécessité d’une hospitalisation complète.

État de santé et observations

À l’audience, Madame [E] [L] a exprimé son désaccord avec l’hospitalisation, la qualifiant d’erreur et affirmant ne pas avoir besoin de traitement. Elle a mentionné des problèmes de voisinage et a déclaré être fatiguée par le traitement. Malgré ses déclarations, les éléments médicaux présentés ont confirmé que son état mental nécessitait une surveillance médicale constante.

Décision du juge

Le juge des libertés et de la détention a statué que la procédure d’admission en hospitalisation complète était régulière. Il a décidé de maintenir la mesure d’hospitalisation, considérant que les troubles du comportement de Madame [E] [L] rendaient impossible son consentement et justifiaient la poursuite des soins sous surveillance médicale. L’ordonnance a été notifiée et est susceptible d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’admission en soins psychiatriques sans consentement selon le Code de la santé publique ?

L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique stipule que l’admission d’une personne atteinte de troubles mentaux en soins psychiatriques sans son consentement est possible uniquement si deux conditions sont remplies :

1. Les troubles rendent impossible le consentement de la personne.
2. L’état de la personne nécessite des soins immédiats, justifiant soit une hospitalisation complète avec surveillance médicale constante, soit une prise en charge sous une autre forme avec surveillance médicale régulière.

Ces dispositions visent à protéger les droits des patients tout en garantissant leur sécurité et celle des tiers.

Il est donc essentiel que l’évaluation médicale soit rigoureuse et que les décisions d’hospitalisation soient justifiées par des éléments concrets, tels que des certificats médicaux établissant l’urgence de la situation.

Quel est le rôle du juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’hospitalisation complète ?

Le juge des libertés et de la détention, conformément à l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique, a pour mission de contrôler la régularité des décisions administratives relatives à l’hospitalisation complète.

Il doit s’assurer que les restrictions à la liberté individuelle du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis, comme le précise l’article L. 3211-3.

Le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour évaluer le consentement du patient ou le diagnostic posé. Son rôle est de garantir que les droits du patient sont respectés tout en tenant compte de la nécessité de soins.

Quelles sont les implications de l’absence d’avis médical motivé dans le cadre de l’hospitalisation ?

L’absence d’avis médical motivé peut soulever des questions d’irrégularité dans la procédure d’hospitalisation. Cependant, dans le cas présent, le conseil de Madame [E] [L] a décidé de se désister de ce moyen d’irrégularité, ce qui signifie que cette question n’a pas été contestée.

Il est important de noter que, selon la jurisprudence, un avis médical motivé est crucial pour justifier la nécessité de l’hospitalisation complète. Cela garantit que la décision est fondée sur des éléments médicaux objectifs et que les droits du patient sont protégés.

Comment la jurisprudence garantit-elle la protection de la liberté individuelle des patients en soins psychiatriques ?

La protection de la liberté individuelle est un principe fondamental, comme le souligne l’article 66 de la Constitution. La jurisprudence, notamment la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010, affirme que la liberté individuelle ne peut être entravée que par des mesures nécessaires.

Dans le cadre des soins psychiatriques, cela signifie que toute hospitalisation sans consentement doit être justifiée par un péril imminent pour la santé du patient ou des tiers. Les décisions doivent être prises avec rigueur et en respectant les droits des patients, garantissant ainsi un équilibre entre la protection de la santé et le respect des libertés individuelles.

Les certificats médicaux et l’évaluation par le juge des libertés et de la détention sont des éléments clés pour assurer cette protection.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE

DÉLAI DE 12 JOURS

ADMISSION A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

N RG 25/00448 – N Portalis DB3S-W-B7J-2QLY
MINUTE: 25/142

Nous, Raphaëlle AGENIE-FECAMP, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de BOBIGNY, assisté de Lucie BEAUROY-EUSTACHE, greffier, avons rendu la décision suivante concernant:

LA PERSONNE EN SOINS PSYCHIATRIQUES :

Madame [E] [L]
née le 11 Juillet 1981 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Etablissement d’hospitalisation : L’EPS [6], sis [Adresse 3]

présente assistée de Me Simon PAEZ, avocat commis d’office

PERSONNE A L’ORIGINE DE LA SAISINE

Madame la directrice de L’EPS [6]
Absente

MINISTÈRE PUBLIC

Absent
A fait parvenir ses observations par écrit le 20 janvier 2025

Le 12 Janvier 2025, la directrice de L’EPS [6] a prononcé la décision d’admission en soins psychiatriques de Madame [E] [L].

Depuis cette date, Madame [E] [L] fait l’objet d’une hospitalisation complète au sein de L’EPS [6].

Le 17 Janvier 2025, la directrice de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [E] [L].

Le ministère public a fait connaître son avis par conclusions écrites du 20 janvier 2025

A l’audience du 21 Janvier 2025, Me Simon PAEZ, conseil de Madame [E] [L], a été entendu en ses observations.

L’affaire a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS

Vu le certificat médical initial établi le 12 01 2025 par le Dr [B] établissant l’existence d’un péril imminent pour la santé de l’intéressé (e) ;

Vu le relevé des démarches de recherche et d’information de tiers pour un patient admis en soins psychiatriques en cas de péril imminent ;

Vu la décision du directeur de l’Etablissement Public de Santé de Ville Evrard en date du 13 01 2025 prononçant l’admission de [E] [L] en hospitalisation complète ;

Vu l’information donnée dans les 24H à la famille, au tuteur ou curateur ou à toute personne ayant qualité à agir pour le patient ;

Vu le certificat médical dit des 24 heures établi le 12 01 2025 par le Dr [H];

Vu le certificat médical dit des 72 heures établi le 13 01 2025 par le Dr [W];

Vu la décision du directeur de l’établissement en date du 13 01 2025 maintenant pour un mois les soins sous le régime de l’hospitalisation complète de [E] [L];

Vu la saisine par le directeur de l’établissement du juge des libertés et de la détention reçue au greffe de la juridiction le 17 01 2025;

Vu l’avis motivé établi le 20 01 2025 par le Dr [S];

Vu les réquisitions écrites du ministère public en date du 20 01 2025;

Vu le débat contradictoire en date du 21 01 2025;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants du code de la santé publique ;

L’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l’article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.

Selon l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d’un établissement psychiatrique que si :
1 ses troubles rendent impossible son consentement ;
2 son état impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

Le juge des libertés et de la détention doit contrôler en application de l’article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d’hospitalisation complète. En application de l’article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller, à ce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis.
Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.

Sur le moyen d’irrégularité tiré de l’absence d’avis médical motivé

Le conseil se désiste de son moyen d’irrégularité. Il convient de lui en donner acte.

Sur le fond

[E] [L] était hospitalisé (e) à l’Etablissement Public de Santé sans son consentement dans les conditions rappelées ci-dessus.

Le certificat médical établi par le Dr [B] le 12 01 2025 décrivait en ces termes l’existence de troubles mentaux : présentation négligée, contact méfiant et hostile, subagitation psychomotrice sous tendue par une peur manifeste, idées délirantes de persécution, de sorcellerie, de piratage, probables hallucinations, automatisme mental.
Etait constatée l’existence d’un péril imminent pour la santé de l’intéressé (e).

Les certificats médicaux postérieurs établissaient pendant la période d’observation que les troubles mentaux initialement décrits étaient toujours d’actualité, notamment une tension interne, u contact condescendant, une humeur dysphorique, des affects restreints, un discours provoqué verbalisant un délire de persécution à mécanisme essentiellement intuitif, une anosognosie totale, un déni de l’état morbide avec banalisation des troubles et une opposition aux soins et concluaient que la prise en charge de [E] [L] devait se poursuivre sous le mode de l’hospitalisation complète.

L’avis motivé daté du 20 01 2025 constatait que la patiente présentait un contact superficiel, distant et méfiant, que son discours provoqué verbalisait des idées délirantes de persécution de mécanisme essentiellement intuitif et probablement hallucinatoire, qu’elle s’opposait passivement aux soins et était dans le déni total de ses troubles.
L’avis précisait que l’état de santé de [E] [L] était compatible avec son audition par le juge des libertés et de la détention.

A l’audience, [E] [L] déclarait que ça va, explique que la police est venue chez elle, qu’ils ont « défoncé » la porte alors qu’elle faisait sa toilette, qu’ils l’ont blessée et emmenée aux urgences. Elle estime que c’est une erreur, un problème de voisinage, précise qu’elle ne sait qui les a appelés. Elle est fatiguée, le traitement est fort. C’est sa 2ème hospitalisation en psychiatrie, la première, c’était aussi une erreur de voisinage. Elle n’a pas besoin de traitement. Elle vit avec ses parents. Elle ne travaille pas en ce moment. Elle ne veut pas rester à l’hôpital.

Le conseil de [E] [L] était entendu en ses observations.

Il résulte de l’ensemble des éléments joints à la requête et contradictoirement débattus à l’audience, que la procédure relative à l’admission de [E] [L] en hospitalisation complète est régulière, et nonobstant les déclarations du patient et observations de son conseil, que les troubles du comportement persistent et rendent impossible son consentement sur la durée, que l’état mental de [E] [L] impose la poursuite des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny, après débats tenus en audience publique dans la salle d’audience aménagée à l’établissement public de santé de [6], au centre [5] situé [Adresse 1], statuant au tribunal par décision susceptible d’appel,

Donnons acte au conseil de son désistement de ses conclusions d’irrégularité

Maintenons la mesure d’hospitalisation complète dont fait l’objet Madame [E] [L]

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

Dit que cette ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire,

Fait et jugé à Bobigny, le 21 Janvier 2025

Le Greffier

Lucie BEAUROY-EUSTACHE

Le premier vice-président
Juge des libertés et de la détention

Raphaëlle AGENIE-FECAMP
Ordonnance notifiée au parquet le à
le greffier
Vu et ne s’oppose :

Déclare faire appel :


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