Hospitalisation psychiatrique : conditions et régularité des procédures

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Hospitalisation psychiatrique : conditions et régularité des procédures

L’Essentiel : Le 6 janvier 2025, M. [A] [E] a été admis en soins psychiatriques sans consentement, suite à une demande de son beau-frère. Le directeur de l’établissement a prolongé cette hospitalisation pour un mois. Le 9 janvier, il a saisi le tribunal judiciaire pour obtenir la poursuite de l’hospitalisation, avec un avis favorable du procureur. Malgré la fugue de M. [A] [E] le 8 janvier, le tribunal a jugé la procédure régulière, rejetant les contestations de son avocat. L’état mental du patient, marqué par des troubles graves, a justifié la décision de maintenir l’hospitalisation complète, avec les dépens à la charge de l’État.

Admission en soins psychiatriques

Le 6 janvier 2025, M. [A] [E] a été admis en urgence en soins psychiatriques sans consentement, suite à une demande de son beau-frère, M. [M] [G]. Cette hospitalisation complète a été décidée par le directeur de l’établissement public de santé de [4]. Le 7 janvier, le directeur a prolongé cette hospitalisation pour un mois.

Procédure judiciaire

Le 9 janvier 2025, le directeur a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir la poursuite de l’hospitalisation. Le procureur de la République a donné un avis favorable le 10 janvier. Les débats ont eu lieu le 13 janvier 2025, mais M. [A] [E] ne s’est pas présenté en raison d’une fugue survenue le 8 janvier.

Régularité de la procédure

L’avocat de M. [A] [E] a contesté la régularité de la procédure, arguant que la notification de l’admission n’avait pas été correctement effectuée. Il a souligné que la fiche de notification mentionnait un péril imminent au lieu d’une urgence, et que l’identité du médecin n’était pas précisée. Toutefois, le tribunal a jugé que cette irrégularité ne faisait pas grief, car le fondement de l’admission était clairement établi.

État de santé du patient

Le certificat médical du 4 janvier 2025 a décrit des troubles mentaux graves chez M. [A] [E], incluant des idées délirantes et un risque d’atteinte à son intégrité. D’autres certificats médicaux ont confirmé la persistance de ces troubles, notamment après sa fugue. Le médecin a noté que le patient ne pouvait pas consentir aux soins en raison de son état.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que la poursuite de l’hospitalisation complète était justifiée, en raison de l’état mental du patient et de la nécessité d’une surveillance médicale constante. La procédure a été jugée régulière, et la demande de l’avocat a été rejetée. L’hospitalisation a été autorisée, avec les dépens à la charge de l’État.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la régularité de la procédure

La régularité de la procédure d’hospitalisation sans consentement est encadrée par l’article L. 3211-3 du code de la santé publique. Cet article stipule que :

« Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. »

Il est également précisé que la personne concernée doit être informée de la décision d’admission et des raisons qui la motivent, dans la mesure où son état le permet.

Dans le cas présent, l’avocat de M. [A] [E] a soulevé une irrégularité concernant la notification de la décision d’admission, arguant que la fiche de notification mentionnait un cas de péril imminent au lieu d’un cas d’urgence. Cependant, le tribunal a noté que le fondement de l’admission était correctement indiqué dans la décision d’admission, ce qui a permis de clarifier le régime juridique applicable.

De plus, bien que la notification n’ait pas pu être effectuée en raison de l’état du patient, le tribunal a jugé que l’absence de mention de l’identité du médecin sur la fiche de notification n’entachait pas sa valeur probatoire.

Ainsi, le moyen d’irrégularité a été rejeté, confirmant la régularité de la procédure.

Sur la poursuite de l’hospitalisation complète

La poursuite de l’hospitalisation complète est régie par l’article L. 3211-12-1, I-1° du code de la santé publique, qui stipule que :

« L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement, ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission. »

Cet article précise également que le juge doit être saisi dans un délai de huit jours suivant l’admission.

L’article L. 3212-1, I, du même code, énonce que :

« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques que lorsque ses troubles rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats. »

Dans cette affaire, les certificats médicaux établis par plusieurs médecins psychiatres ont confirmé l’état de santé de M. [A] [E], indiquant des troubles mentaux graves et une incapacité à consentir aux soins.

Le tribunal a noté que la fugue du patient et les avis médicaux démontraient la persistance de ses troubles psychiatriques, justifiant ainsi la nécessité d’une hospitalisation complète pour garantir sa sécurité et celle de son environnement.

En conséquence, la poursuite de l’hospitalisation complète a été autorisée, conformément aux dispositions légales en vigueur.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE STATUANT SUR LA POURSUITE D’UNE MESURE D’HOSPITALISATION COMPLÈTE

DÉLAI DE 12 JOURS

ADMISSION A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PÉRIL IMMINENT

N° RG 25/00210 – N° Portalis DB3S-W-B7J-2O7R
MINUTE: 25/77

Nous, Thomas SCHNEIDER, juge, magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny désigné par le président en application de l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire, assisté de Sagoba DANFAKHA, greffier, avons rendu la décision suivante concernant:

LA PERSONNE EN SOINS PSYCHIATRIQUES :

Monsieur [A] [E]
né le 16 Octobre 2002 au SRI LANKA
Chez Monsieur [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Etablissement d’hospitalisation: L’EPS DE [4]

Absent représenté par Me Axel FORSSELL, avocat commis d’office

PERSONNE A L’ORIGINE DE LA SAISINE

Madame la directrice de L’EPS DE [4]
Absente

TIERS A L’ORIGINE DE L’HOSPITALISATION

Monsieur [M] [G]
Absent

MINISTÈRE PUBLIC

Absent
A fait parvenir ses observations par écrit le 10 janvier 2025

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par décision du 6 janvier 2025, le directeur de l’établissement public de santé de [4] a admis M. [A] [E] en urgence en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète à compter du même jour, à la demande présentée le 4 janvier 2025 par M. [M] [G], en sa qualité de beau-frère.

Il a décidé le 7 janvier 2025 de poursuivre pour un mois les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.

Le 9 janvier 2025, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète.

Le procureur de la République a donné un avis favorable au maintien de l’hospitalisation par réquisitions écrites du 10 janvier 2025.

Les débats se sont déroulés à l’audience publique tenue le 13 janvier 2025 dans la salle d’audience aménagée à l’établissement public de santé de [4], situé [Adresse 2].

Me Axel Forssell, avocat de la personne hospitalisée, a été entendu en ses observations.

M. [A] [E] ne s’est pas présenté en raison de sa fugue le 8 janvier 2025 constatée par le certificat établi le lendemain par le docteur [J].

L’ordonnance a été mise en délibéré à ce jour.

MOTIVATION

Sur la régularité de la procédure

Il résulte de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique que, lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée : a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1. L’avis de cette personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

Par conclusions déposées à le 10 janvier 2025, l’avocat de la personne hospitalisée demande la mainlevée de la mesure en raison de l’irrégularité de la procédure. Il soutient qu’en violation de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, la décision d’admission n’a pas été notifiée au patient dès lors que la fiche de notification vise un cas d’hospitalisation erroné, à savoir un péril imminent plutôt d’un cas d’urgence, et qu’il est mentionné que son état de ne lui permet pas de prendre connaissance de ces informations sans que l’identité du médecin ne soit mentionnée, ce qui entache sa valeur probatoire. Cette irrégularité lui fait nécessairement grief.

La fiche de notification de la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement indique qu’ils sont fondés sur un cas de péril imminent, alors qu’elle a été prise pour un motif d’urgence. Cette irrégularité ne fait cependant pas grief dès lors que le fondement exact de l’admission est bien repris sur la décision d’admission, ce qui ne permet aucun doute sur le régime juridique applicable.

Ensuite, cette fiche indique que la notification n’a pas été possible en raison de l’état du patient. Elle comporte de façon manucsrite, le nom du patient, la date et une signature. Le nom et la qualité de la personne ayant renseignée et signée cette fiche ne sont cependant pas relatés. Pour autant, aucun texte n’exige une qualité particulière pour notifier la décision d’admission et constater l’état incompatible du patient.

L’établissement d’une telle fiche et le fait qu’elle soit renseignée de façon manuscrite et signée suffit à s’assurer que la notification a été tentée par un préposé de l’établissement de santé et qu’elle n’a pas été possible en raison de l’état du patient.

Le moyen d’irrégularité sera donc rejeté.

Sur la poursuite de l’hospitalisation complète

L’article L. 3211-12-1, I-1°, du code de la santé publique dispose que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le directeur de l’établissement lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l’État dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent code ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 du même code. Le juge est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission.

L’article L. 3212-1, I, du même code précise qu’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.

L’article L. 3211-3, alinéa 1er du même code prévoit que, lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.

En l’espèce, le certificat médical initial établi le 4 janvier 2025 par le docteur E. [Z] [R], médecin, décrit l’état suivant du patient : bizarrerie du comportement à domicile, idées délirantes franches, doute sur les hallucinations, insomnie depuis une semaine, troubles de la concentration et de l’attention, anhédonie, humeur dépressive, labilité émotionnelle. Il constate le risque grave d’atteinte à l’intégrité du patient.

Des certificats médicaux ont été établis les 5 et 7 janvier 2025 par les docteurs [U] et A. [W], médecins psychiatres, afin de constater l’état de santé de la personne hospitalisée.

L’avis médical motivé dressé le 10 janvier 2025 par le docteur [J], psychiatre de l’établissement, relate l’état suivant du patient : en fugue depuis le 8 janvier dernier, patient admis pour bouffée délirante aiguë.

L’avis médical dressé par le docteur A. [W] le 7 janvier 2025, qui est le dernier à les avoir constatés avant sa fugue, relate l’état de santé suivant : contact étrange, bizarrerie du comportement, désinhibé, se dénude dans l’unité, discours désorganisé, réponses à côté et peu informatives, vécu persécutif contre sa famille, humeur morose, affects restreints, banalise les troubles du comportement, anosognosie, ambivalence aux soins. La proximité temporelle entre cet avis médical et l’audience démontre nécessairement la persistance dans le temps des troubles psychiatriques.

Le patient présentait un déni de ses troubles et n’était pas en état de consentir à des soins, ce qu’à d’ailleurs révélé sa fugue le 8 janvier 2025. Il résulte de ces éléments et de l’avis médical motivé que les troubles psychiatriques persistent nécessairement à ce jour compte tenu de leur nature et de leur ampleur.

Une surveillance médicale constante dans un cadre hospitalier est nécessaire pour s’assurer de l’observance des soins prescrits et notamment du traitement. Une interruption intempestive des soins aurait des conséquences néfastes pour la santé de la personne hospitalisée et pour son environnement.

La fugue du patient et son état de santé, tel que rapporté par l’avis médical motivé et l’avis médical du 7 janvier 2025, révèlent qu’il ne peut pas consentir réellement aux soins.

Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et de la motivation ci-avant exposées que la procédure est régulière.

La poursuite de l’hospitalisation complète sera donc autorisée.

PAR CES MOTIFS

Le magistrat du siège,

Rejette le moyen d’irrégularité ;

Autorise la poursuite de l’hospitalisation complète de M. [A] [E] ;

Laisse les dépens à la charge de l’État ;

Rappelle que l’ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Bobigny le 13 janvier 2025.

Le Greffier

Sagoba DANFAKHA

Le Juge

Thomas SCHNEIDER

Ordonnance notifiée au parquet le à

le greffier

Vu et ne s’oppose :

Déclare faire appel :


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