L’Essentiel : Dans cette affaire, le directeur d’un Centre Hospitalier Spécialisé Psychiatrique a initié une procédure d’hospitalisation complète pour une patiente, victime de violences conjugales, admise à la demande d’un tiers. Cette admission, prononcée le 28 janvier 2025, était justifiée par des troubles mentaux nécessitant des soins immédiats. La demande d’hospitalisation a été formulée par une cadre de santé, soulevant des questions sur la légitimité de la saisine. Lors de l’audience, la patiente a expliqué avoir fui des violences, mais son état mental fragile a conduit le tribunal à statuer en faveur du maintien de l’hospitalisation complète pour garantir sa sécurité.
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Contexte de l’affaireDans cette affaire, le directeur d’un Centre Hospitalier Spécialisé Psychiatrique a initié une procédure d’hospitalisation complète pour une patiente, une victime de violences conjugales, qui a été admise à la demande d’un tiers. Cette admission a été prononcée le 28 janvier 2025, en raison de troubles mentaux nécessitant des soins immédiats. Admission et hospitalisationLa patiente, une victime, a été maintenue en hospitalisation complète après une période d’observation de trois jours. Son admission a été justifiée par des certificats médicaux attestant de son état mental et de la nécessité de soins. La demande d’hospitalisation a été formulée par une cadre de santé, qui n’était pas un personnel soignant de l’établissement, ce qui a soulevé des questions sur la légitimité de la saisine. État de la patienteLors de l’audience, la patiente a expliqué qu’elle avait fui des violences de son conjoint et qu’elle avait intégré un centre parental avec sa fille. Bien qu’elle ait connu des épisodes de violence, elle a montré des signes d’apaisement et a commencé à adhérer aux soins. Cependant, son état mental restait fragile, et des menaces de violence envers des éducateurs avaient été rapportées. Arguments de la défenseL’avocat de la patiente a contesté la légitimité de la demande d’hospitalisation, arguant que la cadre de santé n’avait pas qualité pour agir en tant que tiers. Il a également soutenu que la patiente avait besoin de soins, mais que les conditions pour une hospitalisation complète n’étaient pas remplies, notamment en ce qui concerne le risque imminent pour sa santé ou celle des autres. Décision du tribunalLe tribunal a statué en faveur du maintien de l’hospitalisation complète, considérant que la patiente ne pouvait pas consentir aux soins de manière pérenne et que son état nécessitait une surveillance médicale constante. La décision a été motivée par le risque de rechute rapide en cas de sortie prématurée. Conclusion et voies de recoursLa décision de maintenir l’hospitalisation complète a été notifiée aux parties concernées, et il a été précisé que cette décision pouvait faire l’objet d’un appel dans un délai de 10 jours. Les frais d’expertise seront pris en charge par le Trésor Public, conformément aux dispositions légales. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’admission à l’hospitalisation complète selon le code de la santé publique ?L’article L 3212-1 du code de la santé publique précise les conditions d’admission à l’hospitalisation complète. Il stipule que : « I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1. » Ainsi, pour qu’une personne puisse être admise en hospitalisation complète, il est impératif que son état mental nécessite des soins immédiats et qu’elle ne soit pas en mesure de consentir à ces soins. Quelles sont les exigences relatives à la demande d’admission en hospitalisation complète ?L’article L 3212-1 II du code de la santé publique énonce les exigences relatives à la demande d’admission. Il précise que : « Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission : 1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. » Cette disposition souligne que la demande d’admission doit provenir d’une personne ayant des liens antérieurs avec le malade, excluant ainsi les personnels soignants de l’établissement. Comment se déroule la procédure d’hospitalisation complète selon le code de la santé publique ?L’article L 3211-12-1 du code de la santé publique décrit la procédure à suivre pour l’hospitalisation complète. Il stipule que : « I. L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement (…) ait statué sur cette mesure (…) : 1° Avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission. » Cela signifie qu’une fois l’admission prononcée, le directeur doit saisir le juge des libertés dans un délai de 12 jours pour obtenir une validation de la mesure d’hospitalisation complète. Quelles sont les implications de l’avis médical dans le cadre de l’hospitalisation complète ?L’article L 3211-12-1 II du code de la santé publique précise également l’importance de l’avis médical. Il indique que : « La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète. » Cet avis médical est crucial car il justifie la nécessité de maintenir l’hospitalisation complète, en se basant sur l’état mental du patient et les soins requis. Quelles sont les conséquences d’une sortie prématurée d’un patient hospitalisé ?La jurisprudence souligne que : « En toute hypothèse, une sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide. » Cela signifie qu’une sortie anticipée d’un patient en hospitalisation complète peut entraîner des conséquences graves, notamment une aggravation de son état mental et des risques pour sa sécurité ou celle des autres. Ainsi, le maintien de l’hospitalisation complète est souvent justifié par la nécessité de garantir la sécurité du patient et celle des tiers. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
N° RG 25/00364 – N° Portalis DBX6-W-B7J-2BRS
ORDONNANCE DU 05 Février 2025
A l’audience publique du 05 Février 2025, devant Nous, Florent SZEWCZYK, magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Bordeaux, assisté(e) de Stéphanie TESSIER, Greffier,
DANS L’INSTANCE ENTRE :
REQUÉRANT :
M. Le directeur CENTRE HOSPITALIER [1]
régulièrement avisé, non comparant,
DÉFENDEUR :
Mme [F] [M]
née le 14 Avril 2004
actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier Spécialisé [1],
régulièrement convoquée, comparante assistée de Me Romain FOUCARD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat choisi,
PARTIE INTERVENANTE :
Mme [L] [T] – Mandataire régulièrement avisée, non comparante
MINISTÈRE PUBLIC :
Madame le Vice-Procureur de la République régulièrement avisée, non comparante,
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Vu le code de santé publique, et notamment ses articles L. 3211-1, L. 3211-2-1, L. 3211-2-2, L. 3211-12-1, L. 3211-12-2, L. 3212-1 à L. 3212-12, R. 3211-7 à R. 3211-18, R. 3211-24 à R. 3211-26, R. 3212-1 et R. 3212-2 ;
Vu l’admission de madame [M] [F] en hospitalisation complète, à la demande d’un tiers, par décision du directeur du Centre Hospitalier Spécialisé de [1] prononcée le 28 janvier 2025 en application des dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique,
Vu la décision du directeur du Centre Hospitalier Spécialisé de [1] maintenant l’intéressée en hospitalisation complète à l’issue de la période d’observation de 3 jours instituée par les dispositions de l’article L. 3211-2-2 du code de la santé publique,
Vu la requête du directeur du Centre Hospitalier Spécialisé de [1] reçue au greffe le 03 février 2025 et les pièces jointes,
Vu l’avis du Ministère public,
Vu la comparution de l’intéressée et ses explications à l’audience au terme desquelles elle indique qu’elle est arrivée en Gironde il y a un an pour fuir des violences de son conjoint étant originaire du Nord de la France avec sa fille : [B] née le 09 octobre 2023. Elle a rejoint des relations amicales rencontrées sur les réseaux sociaux. Sa fille a été immédiatement confiée par le juge des enfants et elle a intégré le centre parental avec elle. Elle a été hospitalisée le 27 janvier 2025 ce qui se passe bien. Elle a un traitement (tercian et valium) et ses soins lui font du bien. Elle avait mis en oeuvre de la sophrologie et un rendez-vous hebdomadaire avec un psychiatre. Elle a commis des violences à l’encontre d’éducateur(s) mais depuis s’est apaisée et a compris ce qui s’est passé. Les éducateurs viennent lui rendre visite. Elle a des nouvelles de son enfant tous les vendredis à 14 h.
Vu les observations de son avocat qui rappelle le placement dans le cadre duquel il est intervenu au soutien de madame. Il a obtenu une ordonnance de protection. La requête d’admission est fondée sur les dispositions de l’article L 3212-1 II 1° or la personne tierce qui a saisi est une cadre médicale du centre parental que madame ne connaît pas. Les conditions de cet article ne sont pas respectées puisque la personne qui est cadre de santé est exclue “ personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade ”. Ce tiers n’avait pas qualité pour saisir. Au fond, l’adhésion aux soins de madame est constante, elle en a besoin et elle les a initiés. Elle est consciente de ce qui s’est passé avec des violences verbales et physiques. Le critère de protection de sa personne ou des tiers n’est pas rempli. L’accès à la pensée restreint ne justifie pas d’une hospitalisation complète. La mesure sera levée en rappelant que les conditions doivent être examinées avec attention.
L’article L 3212-1 du code de la santé publique prévoit : »
I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1.
II.-Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :
1° Soit lorsqu’il a été saisi d’une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu’elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l’égard d’un majeur protégé, d’une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.
La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l’objet de ces soins ;
2° Soit lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l’établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.
Lorsque l’admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.”
Aussi, selon l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique « I. L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l’établissement (…) ait statué sur cette mesure (…) : 1° Avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission (…). II. La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète. ».
Il résulte des éléments figurant au dossier que l’intéressée a été admise au Centre Hospitalier Spécialisé de [1] le 28 janvier 2025 puisqu’elle est connue pour des troubles psychiatriques dont certains en lien avec un passé traumatique. Réactivations traumatiques de l’enfance, fluctuations thymiques fréquentes avec ou sans déclencheur objective, menaces suicidaires, harcèlement téléphonique des éducateurs. Passage à l’acte violent sur sa petite fille ayant motivé un placement en urgence. Menaces de morts sur les éducateurs, attitude d’intimidation ayant nécessité le recours aux forces de l’ordre, non adhésion aux soins et refus d’hospitalisation.
La demande d’hospitalisation complète émane de madame [U] cadre de santé professionnel du Centre Départemental de l’Enfance et Famille (CDEF). Il ressort de ces éléments que madame [U] n’est pas un personnel soignant exerçant dans l’établissement hospitalier [1] prenant en charge madame [M]. La saisine est donc régulière.
Les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier, ils ont été établis dans les délais requis et contiennent des indications propres à répondre aux prescriptions légales. La procédure est donc régulière.
L’avis médical motivé prévu par l’article L. 3211-12-1 II du code de la santé publique établi le 03 février 2025 relève que l’état mental de l’intéressée nécessite toujours des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, et ce au regard d’un accès restreint à la pensée malgré un apaisement et bon contact. L’humeur est neutre. La patiente nie toujours certains troubles du comportement allégués avec son admission. L’adhésion aux soins reste fragile. Il n’est pas exigé dans le présent cadre procédural d’établir que les difficultés de madame [M] présente un péril imminent à l’admission étant relevé que les violences sur des tiers sont admises.
En toute hypothèse, une sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide.
Dans ces conditions, la prise en charge dans un cadre contenant et sécurisé s’impose encore, afin de garantir l’observance des soins, et le cas échéant la réadaptation du traitement, ce qui ne peut se faire qu’en milieu hospitalier. Le maintien de l’hospitalisation complète s’avère encore nécessaire à ce jour en raison de l’impossibilité pour l’intéressée de consentir aux soins de façon pérenne alors qu’ils sont indispensables pour stabiliser son état.
Dès lors, le maintien de l’hospitalisation complète de l’intéressée apparaît à ce jour
Statuant par mise à disposition au greffe le 05 Février 2025, par décision contradictoire rendue en premier ressort après débats en audience publique du 05 Février 2025,
Autorise le maintien de l’hospitalisation complète de Mme [F] [M],
Dit que la présente décision sera notifiée à :
Mme [F] [M],
Me Romain FOUCARD,
Mme [L] [T] – Mandataire
Mme [G] [U]
Monsieur le Directeur du Centre Hospitalier Spécialisé Psychiatrique [1],
Ministère public.
Dit que les dépens comprenant les frais d’expertise seront supportés par le Trésor Public, en application des dispositions de l’article R 93-2° du Code de Procédure Pénale.
Le Greffier, Le Juge,
Cette décision peut être frappée d’appel dans un délai de 10 jours à compter de la présente notification par déclaration motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel de BORDEAUX – Place de la République – 33 000 BORDEAUX. Cette déclaration peut notamment être envoyée par courriel à cette adresse : [Courriel 2]
Le ministère public peut, dans tous les cas, interjeter appel dans le même délai.
N° RG : N° RG 25/00364 – N° Portalis DBX6-W-B7J-2BRS
Ordonnance en date du 05 Février 2025
Reçu notification de la présente le
Le patient
signature :
Reçu notification de la présente ordonnance le
le Directeur du Centre Hospitalier Spécialisé [1],
signature
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