L’Essentiel : La SCI STECYR a engagé la SARL HEPTAGONE pour des missions de maîtrise d’œuvre, mais n’a pas réglé les factures émises. Après plusieurs mises en demeure, la SARL HEPTAGONE a assigné la SCI STECYR devant le tribunal. Ce dernier a ordonné une expertise judiciaire, concluant que la SCI n’avait pas payé la consignation complémentaire. En septembre 2024, l’instruction a été clôturée. La SARL HEPTAGONE a demandé le paiement de 8.349 euros et des dommages et intérêts, tandis que la SCI STECYR a réclamé des indemnités pour malfaçons. Le tribunal a condamné la SCI STECYR à payer les sommes dues.
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Contexte du LitigeLa SCI STECYR a engagé la SARL HEPTAGONE pour des missions de maîtrise d’œuvre concernant deux locaux commerciaux, l’un le 6 juin 2017 et l’autre le 19 janvier 2019. La SARL HEPTAGONE a émis plusieurs factures pour des prestations réalisées, mais aucune n’a été réglée par la SCI STECYR. Mises en Demeure et RéponsesLa SARL HEPTAGONE a mis en demeure la SCI STECYR par courrier recommandé pour le paiement des factures impayées, mais la SCI STECYR a répondu en évoquant des désordres dans les travaux réalisés. En conséquence, la SARL HEPTAGONE a assigné la SCI STECYR et son gérant devant le tribunal judiciaire de Bobigny. Jugement et Expertise JudiciaireLe tribunal a déclaré hors de cause le gérant de la SCI STECYR et a ordonné une expertise judiciaire. L’expert a déposé son rapport en décembre 2023, indiquant que la SCI STECYR n’avait pas payé la consignation complémentaire. L’instruction a été clôturée en septembre 2024, avec une audience prévue pour novembre 2024. Demandes de la SARL HEPTAGONEDans ses conclusions, la SARL HEPTAGONE a demandé le rejet des demandes de la SCI STECYR, le paiement des factures impayées totalisant 8.349 euros, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice subi. Demandes de la SCI STECYRDe son côté, la SCI STECYR a demandé la constatation de malfaçons, le rejet des demandes de la SARL HEPTAGONE, et a réclamé des dommages et intérêts pour préjudices subis, s’élevant à 25.000 euros. Motifs de la DécisionLe tribunal a examiné les demandes de paiement d’honoraires et a constaté que la SARL HEPTAGONE avait rempli ses obligations contractuelles. Les objections de la SCI STECYR concernant des désordres n’ont pas été jugées suffisantes pour justifier un refus de paiement. Condamnations et DéboutsLa SCI STECYR a été condamnée à payer les sommes dues à la SARL HEPTAGONE, tandis que les demandes de dommages et intérêts des deux parties ont été déboutées. La SCI STECYR a également été condamnée aux dépens de l’instance. Exécution ProvisoireLe tribunal a décidé que l’exécution provisoire de la décision était de droit, sans qu’il soit nécessaire de l’écarter. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations contractuelles de la SARL HEPTAGONE en tant que maître d’œuvre ?La SARL HEPTAGONE, en tant que maître d’œuvre, a des obligations définies par le contrat signé avec la SCI STECYR. Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Cela signifie que la SARL HEPTAGONE doit exécuter ses missions de manière conforme aux stipulations contractuelles. En l’espèce, le contrat du 06 juin 2017 stipule que la SARL HEPTAGONE doit réaliser une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution pour la direction des travaux de gros œuvre, le clos et le couvert. De plus, l’article 1353 du Code civil impose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Ainsi, la SARL HEPTAGONE doit démontrer qu’elle a bien exécuté les prestations pour lesquelles elle demande paiement. En l’occurrence, le rapport d’expertise judiciaire du 1er décembre 2023 a établi que la SARL HEPTAGONE a réalisé les prestations prévues au contrat, ce qui justifie sa demande de paiement. Quels sont les effets de l’inexécution contractuelle sur les obligations de paiement ?L’inexécution d’une obligation contractuelle peut avoir des conséquences sur les obligations de paiement. Selon l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de l’obligation, sauf s’il justifie que l’inexécution provient d’une cause étrangère. Dans le cas présent, la SCI STECYR a tenté de s’opposer au paiement des factures en invoquant des désordres et des retards. Cependant, pour qu’une partie puisse suspendre ses obligations en raison de l’inexécution de l’autre, elle doit prouver que cette inexécution est suffisamment grave pour justifier une telle suspension. Le tribunal a constaté que la SCI STECYR n’a pas apporté la preuve d’une inexécution grave de la part de la SARL HEPTAGONE. Par conséquent, la SCI STECYR n’avait pas de juste motif pour s’opposer au paiement des factures. Comment se détermine la responsabilité en cas de désordres constatés sur un chantier ?La responsabilité en cas de désordres sur un chantier est régie par le principe de la charge de la preuve. Selon l’article 1353 du Code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation. Dans cette affaire, la SCI STECYR a allégué des désordres, mais le rapport d’expertise a établi que les désordres constatés n’étaient pas imputables à la SARL HEPTAGONE. En effet, l’expert a précisé que les désordres étaient liés à des travaux antérieurs réalisés par un autre architecte. Ainsi, la SCI STECYR n’a pas pu prouver que les désordres étaient le résultat d’une inexécution contractuelle de la part de la SARL HEPTAGONE, ce qui a conduit le tribunal à rejeter ses demandes. Quelles sont les conséquences d’une mise en demeure sur les obligations de paiement ?La mise en demeure est un acte juridique qui a pour effet de rappeler à une partie ses obligations contractuelles. Selon l’article 1231-6 du Code civil, les intérêts au taux légal commencent à courir à compter de la mise en demeure. Dans cette affaire, la SARL HEPTAGONE a mis en demeure la SCI STECYR de régler ses factures. Cette mise en demeure a eu pour effet de faire courir les intérêts à compter de la date de la première mise en demeure, soit le 16 juillet 2020. Ainsi, la SCI STECYR est tenue de payer non seulement le montant des factures, mais également les intérêts au taux légal à partir de cette date, conformément aux dispositions légales. Quelles sont les implications des frais d’expertise dans le cadre d’un litige ?Les frais d’expertise sont généralement à la charge de la partie perdante dans un litige. Selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, y compris les frais d’expertise. Dans le cas présent, la SCI STECYR a été condamnée aux dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire, en raison de sa défaite dans le litige. Cela signifie qu’elle devra supporter les coûts liés à l’expertise, en plus des sommes dues à la SARL HEPTAGONE. Cette disposition vise à garantir que la partie qui succombe dans ses prétentions contribue aux frais engagés par la partie gagnante, ce qui est une pratique courante dans le cadre des litiges civils. |
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JANVIER 2025
Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 21/00322 – N° Portalis DB3S-W-B7E-UZ43
N° de MINUTE : 25/00006
La S.A.R.L. HEPTAGONE
[Adresse 3]
représentée par Me Alain TREMOLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 0036
DEMANDEUR
C/
La S.C.I. S.T.E.C.Y.R.
[Adresse 1]
représentée par Me Edmond MSIKA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 0484
Monsieur [S] [B] ( en sa qualité de gérant de la société S.T.E.C.Y.R.)
né le 12 Août 1948 à [Localité 6]
[Adresse 2]
représenté par Me Edmond MSIKA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 0484
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Charlotte THIBAUD, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS
Audience publique du 04 Novembre 2024, à cette date l’affaire a été mise en délibéré au 13 Javier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THIBAUD, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
Selon contrat en date du 06 juin 2017, la SCI STECYR propriétaire d’un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 8] a confié à la SARL HEPTAGONE divers prestations relatives à une mission de maîtrise d’œuvre.
Selon contrat signé le 19 janvier 2019, la SCI STECYR propriétaire d’un autre local commercial situé [Adresse 4] à [Localité 8] a confié à la SARL HEPTAGONE divers prestations relatives à une mission de maîtrise d’œuvre.
La SARL HEPTAGONE a émis :
-le 4 décembre 2019 une facture n°1939-12/2019/[Adresse 1] d’un montant de 2.400 € ;
-le 13 janvier 2020 une facture n°2007-01/2020/[Adresse 1] d’un montant de 1.200 € ;
– 14 mai 2020 une facture n°2012-02/2020/[Adresse 7] d’un montant de 4.749 €.
Aucune de ces factures n’a été honorée par la SCI STECYR.
Par courrier adressé en recommandé avec accusé de réception reçu le 16 juillet 2020, la SARL HEPTAGONE a mis en demeure la SCI STECYR d’avoir à lui régler la somme de 3.600 € au titre des factures du 4 décembre 2019 et du 13 janvier 2020.
Par courrier adressé en recommandé avec accusé de réception reçu le 18 juin 2020, la SARL HEPTAGONE a mis en demeure la SCI STECYR d’avoir à lui régler la somme de 4.749 € au titre de la facture du 14 mai 2020.
Selon courriers en date du 3 août 2020 et du 17 septembre 2020, la SCI STECYR répondait en se plaignant de l’existence de désordres.
C’est dans ces conditions que par acte d’huissier de justice en date du 15 décembre 2020, la SARL HEPTAGONE a fait assigner la SCI STECYR et Monsieur [S] [B] en sa qualité de gérant de la SCI STECYR devant le tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins d’obtenir notamment le paiement de ses honoraires.
Par jugement avant dire-droit du 22 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré hors de cause Monsieur [S] [B] en sa qualité de gérant de la SCI STECYR et ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [X] [E].
L’expert judiciaire a déposé son rapport en l’état le 1er décembre 2023, faute de paiement de la consignation complémentaire par la SCI STECYR.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 11 septembre 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 04 novembre 2024.
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Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 24 juin 2024, la SARL HEPTAGONE demande au tribunal de :
« REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE S.T.E.C.Y.R ;
RECEVOIR l’intégralité des moyens et prétentions de la société HEPTAGONE ;
CONDAMNER la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE S.T.E.C.Y.R. à régler à la société HEPTAGONE les factures impayées suivantes :
– N°1939-12/2019/[Adresse 1] d’un montant de 2.400 euros TTC,
– N°2007-01/2020/[Adresse 1] d’un montant de 1.200 euros TTC,
– N°2012 – 02/2020/[Adresse 7] d’un montant de 4.749 euros TTC,
Soit un montant total de de 8.349 euros TTC ; avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2020 date de la première mise en demeure,
CONDAMNER la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE S.T.E.C.Y.R à régler à la société HEPTAGONE la somme de 20.000 euros pour réparation du préjudice subi ;
CONDAMNER la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE S.T.E.C.Y.R. à régler à la société HEPTAGONE la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; ainsi qu’aux entiers dépens dont l’intégralité des frais d’expertise ;
REJETER toute demande de la société SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE S.T.E.C.Y.R. de suspension de l’exécution provisoire du jugement à intervenir. »
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Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 janvier 2024, la SCI STECYR demande au tribunal de :
« – CONSTATER l’existence des malfaçons affectant l’exécution des chantiers et missions confiés à la Société HEPTAGONE par la Société S.T.E.C.Y.R. sur les immeubles sis [Adresse 4] et d’autre part [Adresse 1] constitutifs de manquements aux obligations contractuelles de la part de la société HEPTAGONE ;
– JUGER que la SCI S.T.E.C.Y.R est victime de préjudices de jouissance consécutifs aux malfaçons dans la réalisation des travaux exécutées sous le contrôle et la maitrise d’oeuvre de la Société HEPTAGONE ;
DEBOUTER purement et simplement la Société HEPTAGONE de ses demandes, fins et conclusions ;
– JUGER recevable et bien fondée la SCI S.T.E.C.Y.R en ses demandes reconventionnelles formulées à l’encontre de la Société HEPTAGONE ;
– CONDAMNER la Société HEPTAGONE à payer à la SCI S.T.E.C.Y.R, la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices.
– CONDAMNER la Société HEPTAGONE à payer à la SCI S.T.E.C.Y.R la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.»
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Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
La décision a été mise en délibéré au 13 janvier 2025.
A titre liminaire
Aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater », « dire », « juger » ou « donner acte », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger » lorsqu’elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).
Sur les demandes principales
Sur la demande de paiement d’honoraires
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation.
s’agissant du contrat signé le 06 juin 2017
En l’espèce, aux termes du contrat signé le 06 juin 2017, la SCI STECYR a confié à la SARL HEPTAGONE concernant les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 8] :
une mission pour la réalisation d’un permis de construire modificatif ; une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution pour la direction des travaux de gros œuvre, le clos et le couvert.
Ce même document prévoit que les missions sont découpées en trois phases :
– phase 1 – audit de l’existant et dossier PCM d’un montant de 2.000 € HT ;
– phase 2 – dossier DCE d’un montant de 3.000 € HT ;
– phase 3 – direction des travaux d’un montant de 3.000 € HT.
Les parties s’accordent à reconnaître que la SCI STECYR a réglé la somme de 6.000 € TTC au titre des prestations prévues à ce contrat.
La SARL HEPTAGONE réclame le paiement de deux factures :
– la facture n°1939-12/2019/[Adresse 1] émise le 4 décembre 2019 d’un montant de 2.400 € TTC ;
– la facture n°2007-01/2020/[Adresse 1] émise le 13 janvier 2020 d’un montant de 1.200 € TTC.
L’examen des pièces versées aux débats, en particulier le procès-verbal de réception du 16 décembre 2019, le procès-verbal de levée des réserves du 27 décembre 2019 et le rapport d’expertise judiciaire du 1re décembre 2023, permet d’établir que la SARL HEPTAGONE a réalisé les prestations prévues au contrat dont elle demande le paiement.
Par conséquent, la preuve est rapportée du principe et du montant de l’obligation en paiement du prix des travaux qui incombe à la SCI STECYR au bénéfice de la SARL HEPTAGONE.
Pour s’opposer à ce paiement la SCI STECYR fait valoir l’existence de désordres et plus particulièrement l’obstruction des grilles de ventilation des caves du [Adresse 1] à [Localité 8] ainsi que d’importants retards de chantier et l’absence de transmission de documents de fin de chantier.
Dans un rapport synallagmatique, pour qu’une partie poursuivie en exécution de ses obligations puisse suspendre la réalisation de ses engagements en opposant à l’autre partie l’inexécution de ses prestations, il faut rapporter la preuve que cette partie n’a pas exécuté ses propres obligations. Seule une inexécution grave des engagements d’une partie est de nature à détruire l’équilibre des rapports synallagmatiques entre les partenaires. La charge de la preuve de cette inexécution incombe à celui qui se prévaut de l’exception d’inexécution.
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire du 1er décembre 2023 que le grilles de ventilation dans les caves ne sont pas bouchées, que celle située dans le couloir, partie commune, l’est partiellement (25% de la grille environ) et qu’après un mesurage du taux d’humidité aucune présence d’humidité n’est révélée.
A l’occasion de sa mission de direction et de surveillance des travaux, pèse sur le maître d’oeuvre une obligation de moyens de sorte qu’il revient au maître d’ouvrage non seulement de démontrer sa défaillance dans la direction de l’exécution des travaux, mais également le lien de causalité entre cette défaillance et le préjudice allégué.
Cette obligation de surveillance qui incombe au maître d’oeuvre ne lui impose pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l’entrepreneur doit exercer sur son personnel. En effet, les missions de l’architecte, maître d’oeuvre d’exécution, ne peuvent être confondues avec celles d’un chef de chantier ou d’un conducteur de travaux.
Ainsi, le seul fait qu’une grille de ventilation soit partiellement obstruée ne suffit pas à établir une inexécution contractuelle de la part de la SARL HEPTAGONE au titre de sa mission de suivi du chantier et encore moins qu’il s’agit d’une inexécution d’une gravité suffisante pour justifier d’une exception d’inexécution.
S’agissant des retards de chantier allégués, la SCI STECYR produit de nombreux échanges de mails entre la SARL HEPTAGONE et la chef de projet du locataire des locaux, la société Naturalia, dont il ressort que des travaux étaient menés par ce dernier en parallèle de ceux commandés par la SCI STECYR. Ces échanges ne démontrent pas un manquement contractuel de la part de la SARL HEPTAGONE, sa mission telle que définie par le contrat conclu le 06 juin 2017 ne comprenant pas le fait de se coordonner avec les travaux menés par le locataire.
S’agissant de la déclaration de fin de travaux non transmise, il résulte des échanges de mails produits par la SCI STECYR et non contestés par la SARL HEPTAGONE, que cette dernière n’a pas transmis l’intégralité de ses documents se plaignant de l’absence de paiement de ses honoraires. Bien qu’il s’agisse d’une inexécution contractuelle, celle-ci n’est pas suffisamment grave pour justifier une exception d’inexécution.
Dès lors, faute de justifier que son adversaire n’a pas rempli son contrat, le maître de l’ouvrage n’a pas de juste motif pour s’opposer à la demande en paiement des factures susmentionnées.
Par conséquent, la SCI STECYR sera condamnée à payer à la SARL HEPTAGONE la somme de 3.600 € au titre du solde de ses honoraires.
Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
s’agissant du contrat signé le 19 janvier 2019
En l’espèce, aux termes du contrat signé le 19 janvier 2019, la SCI STECYR a confié à la SARL HEPTAGONE concernant les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 8] une mission relative au permis de construire pour la rénovation d’un espace commercial existant et la construction d’un espace commercial neuf.
Ce document prévoit également la rémunération s’effectuera de la manière suivante :
-phase 1 – étude – esquisse – APS – APD d’un montant de 7.700 € HT ;
-phase 2 – permis de construire d’un montant de 6.600 HT.
Selon avenant signé par les parties le 11 avril 2019 la rémunération de la SARL HEPTAGONE pour la phase 2 a été ramenée à 5.000 € HT.
La SARL HEPTAGONE réclame le paiement de la facture n°2012-02/2020/[Adresse 7] du 14 mai 2020 d’un montant de 4.749 €.
L’examen des pièces versées aux débats, en particulier le récépissé de dépôt d’une demande permis de construire effectué le 26 juin 2019 par la SARL HEPTAGONE, le permis de construire accordé par la mairie de [Localité 8] le 28 février 2020 sur un terrain sis [Adresse 5] à [Localité 8] pour des travaux sur construction existante réhabilitation et extension d’un bâtiment et le rapport d’expertise judiciaire du 1re décembre 2023, permet d’établir que la SARL HEPTAGONE a réalisé les prestations prévues au contrat dont elle demande le paiement.
Par conséquent, la preuve est rapportée du principe et du montant de l’obligation en paiement du prix des travaux qui incombe à la SCI STECYR au bénéfice de la SARL HEPTAGONE.
Pour s’opposer à ce paiement la SCI STECYR fait valoir l’existence de désordres et plus particulièrement l’existence d’infiltrations et des fissures.
Dans un rapport synallagmatique, pour qu’une partie poursuivie en exécution de ses obligations puisse suspendre la réalisation de ses engagements en opposant à l’autre partie l’inexécution de ses prestations, il faut rapporter la preuve que cette partie n’a pas exécuté ses propres obligations. Seule une inexécution grave des engagements d’une partie est de nature à détruire l’équilibre des rapports synallagmatiques entre les partenaires. La charge de la preuve de cette inexécution incombe à celui qui se prévaut de l’exception d’inexécution.
En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise du 1er décembre 2023, dont il convient de rappeler que s’il a été déposé en l’état c’est en raison de l’absence de consignation complémentaire de la part de la SCI STECYR demanderesse à l’expertise, que :
– le chantier [Adresse 4] à [Localité 8] est à l’abandon par décision de la SCI STECYR au stade du gros-œuvre terminé ;
– l’immeuble est affecté de nombreuses fissures et infiltrations.
L’expert indique que « à la demande de l’expert, il a ainsi été précisé avec le fils de M. [B] présent sur les lieux et son père que l’architecte n°3 en charge du chantier n’est pas la SARL HEPTAGONE qui ne s’est occupée que du second permis de construire modificatif sur cette opération aujourd’hui obtenu.
Le premier permis de construire aurait été établi par un précédent architecte … le n°1.
Il est ainsi apparu à l’expert que les griefs invoqués de non-règlements d’honoraires concernant des travaux mal réalisés ayant provoqué des désordres par la suite ne pouvait être reproché à la demanderesse en l’état qui n’avait pas mission de les suivre … au titre d’une mission limitée au simple permis de construire. (…) »
Ainsi que l’indique l’expert les désordres constatés sur le chantier abandonné du [Adresse 4] à [Localité 8] sont sans lien de causalité avec la mission contractuellement confiée à la SARL HEPTAGONE au titre du contrat signé le 19 janvier 2019, limitée au permis de construire, et dont elle réclame le paiement.
Dès lors, faute de justifier que son adversaire n’a pas rempli son contrat, le maître de l’ouvrage n’a pas de juste motif pour s’opposer à la demande en paiement des factures susmentionnées.
Par conséquent, la SCI STECYR sera condamnée à payer à la SARL HEPTAGONE la somme de 4.749 € au titre du solde de ses honoraires.
Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2020, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
Sur les demandes indemnitaires
En application de l’article 1231-6 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Toutefois, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
En l’espèce, il n’est pas démontré que le retard dans le paiement ait entraîné pour la SARL HEPTAGONE un préjudice distinct qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires.
En conséquence, la SARL HEPTAGONE sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande reconventionnelle de la SCI STECYR
Selon l’article 1231-1 du code civil dans sa version applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise fois de sa part.
A l’occasion de sa mission de direction et de surveillance des travaux, pèse sur le maître d’oeuvre
une obligation de moyens de sorte qu’il revient au maître d’ouvrage non seulement de démontrer sa défaillance dans la direction de l’exécution des travaux, mais également le lien de causalité entre cette défaillance et le préjudice allégué.
Cette obligation de surveillance qui incombe au maître d’oeuvre ne lui impose pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l’entrepreneur doit exercer sur son personnel. En effet, les missions de l’architecte, maître d’oeuvre d’exécution, ne peuvent être confondues avec celles d’un chef de chantier ou d’un conducteur de travaux.
En revanche, le maître d’oeuvre qui, lors de contrôles sur le chantier, constate une mauvaise exécution des travaux, ne remplit pas sa mission s’il se contente de les signaler. Il doit en effet prendre les mesures nécessaires pour y remédier.
En l’espèce, ainsi qu’il a préalablement été développé la seule inexécution contractuelle démontrée est l’absence de déclaration de fin de travaux s’agissant des travaux réalisés [Adresse 1] à [Localité 8] selon contrat conclu le 06 juin 2017.
La SCI STECYR ne produit aucun élément permettant d’établir que ce manquement lui a occasionné un préjudice.
En revanche, il résulte du contrat signé le 09 juin 2017 que la SCI STECYR a confié à la SARL HEPTAGONE une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution pour la direction des travaux de gros œuvre, clos et couvert relativement à des travaux sur existants [Adresse 4] à [Localité 8] et comprenant notamment l’établissement des ordres de service et marchés de travaux, la direction de l’exécution des contrats de travaux (suivi de chantier) et l’assistance aux opérations de réception et de levée des réserves.
Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier de justice des 22 décembre 2020 et 29 janvier 2021 ainsi que du rapport d’expertise judiciaire du 1er décembre 2023 que le chantier de l’immeuble [Adresse 4] à [Localité 8] est abandonné et que l’immeuble est affecté de nombreuses fissures et infiltrations
Toutefois, le rapport d’expertise judiciaire ayant été déposé en l’état au stade des constatations, en l’absence de paiement de la consignation complémentaire par la SCI STECYR demanderesse à l’expertise, aucun de ces documents ne permet d’établir que les désordres constatés sont imputables à un manquement contractuel de la SARL HEPTAGONE.
En conséquence, la SCI STECYR sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Succombant, la SCI STECYR sera condamnée aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire (RG n°21/322).
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux
dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).
Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
En l’espèce, en l’absence de tout justificatif, l’équité commande de condamner la SCI STECYR à payer à la SARL HEPTAGONE la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et par voie de conséquence, de la débouter de sa demande à ce titre.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, compte tenu des circonstances, de la nature de l’affaire et de l’issue du litige, il n’apparaît pas nécessaire d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe
CONDAMNE la SCI STECYR à payer à la SARL HEPTAGONE la somme de 3.600 € (trois mille six cent euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020, au titre du solde de ses factures n°1939-12/2019/[Adresse 1] du 4 décembre 2019 et n°2007-01/2020/[Adresse 1] du 18 juin 2020 ;
CONDAMNE la SCI STECYR à payer à la SARL HEPTAGONE la somme de 4.749 € (quatre mille sept cent quarante-neuf euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2020, au titre du solde de sa facture n°2012-02/2020/[Adresse 7] du 14 mai 2020 ;
Déboute la SARL HEPTAGONE de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute la SCI STECYR de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SCI STECYR aux dépens de la présente instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire (RG n°21/322) ;
CONDAMNE la SCI STECYR à payer à Monsieur [K] [N] la somme de 3.000 € (trois mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu à l’écarter ;
DÉBOUTE les parties de l’ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.
La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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