Honoraires d’expertise : obligations contractuelles et conséquences financières

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Honoraires d’expertise : obligations contractuelles et conséquences financières

L’Essentiel : En février 2021, M. [T] a engagé M. [W] comme expert conseil pour l’indemnisation d’un sinistre. Le 7 novembre 2023, M. [W] a assigné M. [T] devant le tribunal de Bobigny pour le paiement de ses honoraires. Le tribunal a fixé l’audience de plaidoiries au 14 novembre 2024, avec un jugement prévu pour le 20 janvier 2025. M. [W] réclame 16 881,49 euros pour ses honoraires, tandis que M. [T] conteste le montant et propose 2 500 euros. Le tribunal a reconnu à M. [W] un droit à 9 774,95 euros, mais a débouté sa demande de dommages et intérêts.

Contexte de l’affaire

Courant février 2021, M. [T] a engagé M. [W] en tant qu’expert conseil pour l’assister dans l’indemnisation d’un sinistre survenu le 15 janvier 2021. M. [W] a ensuite assigné M. [T] devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 7 novembre 2023 pour obtenir le paiement de ses honoraires.

Procédure judiciaire

La clôture de l’instruction a été prononcée le 24 avril 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries le 14 novembre 2024. Le jugement a été mis en délibéré pour le 20 janvier 2025.

Demandes des parties

M. [W] a demandé au tribunal de condamner M. [T] à lui verser 16 881,49 euros pour ses honoraires, 5 000 euros en dommages et intérêts, et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, M. [T] a demandé le rejet des demandes de M. [W] et a proposé de limiter les honoraires à 2 500 euros.

Analyse des honoraires

Le tribunal a rappelé que les honoraires de M. [W] doivent être basés sur la convention entre les parties. Bien que M. [T] conteste le montant, la lettre de nomination signée par lui stipule une rémunération de 6% de l’indemnité totale. M. [W] a droit à 9 774,95 euros, car l’indemnité perçue par M. [T] était de 162 915,78 euros.

Demande de dommages et intérêts

Concernant la demande de M. [W] pour des dommages et intérêts, le tribunal a noté que les dommages et intérêts pour retard de paiement ne peuvent être accordés qu’en cas de mauvaise foi, ce qui n’a pas été prouvé. M. [W] a donc été débouté de cette demande.

Dépens et frais de justice

Le tribunal a décidé que M. [T], en tant que partie perdante, serait condamné à payer les dépens. De plus, M. [T] a été condamné à verser 2 500 euros à M. [W] au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile.

Exécution provisoire

Le jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, permettant ainsi à M. [W] de récupérer les sommes dues sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations contractuelles de M. [W] en tant qu’expert conseil ?

M. [W], en tant qu’expert conseil, a des obligations contractuelles définies par le contrat qui le lie à M. [T]. Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Cela signifie que M. [W] doit respecter les termes de la convention signée, qui stipule qu’il doit « fixer contradictoirement […] le montant des dommages et l’application des garanties consécutives au sinistre survenu. »

En cas d’inexécution de ses obligations, M. [T] pourrait se prévaloir des dispositions de l’article 1217 du même code, qui lui permet de refuser d’exécuter ou de suspendre l’exécution de sa propre obligation, ou encore de demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Ainsi, M. [W] doit prouver qu’il a bien rempli ses obligations pour pouvoir réclamer ses honoraires, conformément à l’article 1353 du Code civil, qui stipule que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Comment sont déterminés les honoraires dus à M. [W] ?

Les honoraires de M. [W] doivent être déterminés selon les termes de la convention signée entre les parties. L’article 1103 du Code civil précise que les contrats légalement formés ont force obligatoire.

Dans ce cas, la lettre de nomination du 8 février 2021 stipule une « délégation d’indemnité correspondant à : 6% de l’indemnité totale correspondant aux dommages matériels et immatériels. »

Cependant, il a été établi que M. [T] n’a perçu qu’une indemnité de 162 915,78 euros, et non 281 258,21 euros comme contesté.

Ainsi, M. [W] a droit à une rémunération de 9 774,95 euros, calculée comme suit : 162 915,78 * 0,06 = 9 774,95 euros.

Il est important de noter que l’indemnisation de l’assurance inclut les « honoraires Expert d’assuré », ce qui renforce le droit de M. [W] à cette somme.

Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts ?

L’article 1231-6 du Code civil précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent uniquement en intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

Pour qu’un préjudice soit indemnisé, il doit être prouvé, et l’éventuel préjudice indépendant de ce retard ne peut être indemnisé qu’en cas de mauvaise foi du débiteur.

Dans cette affaire, M. [W] a demandé des dommages et intérêts, mais il n’a pas rapporté la preuve d’un préjudice.

De plus, le droit français interdit les dommages et intérêts punitifs, ce qui signifie que M. [W] ne peut pas demander une sanction à M. [T] sans preuve d’un préjudice réel.

Ainsi, M. [W] a été débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Comment sont répartis les dépens et les frais irrépétibles ?

Selon l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Dans cette affaire, M. [T] a succombé à l’instance, ce qui signifie qu’il sera condamné à payer les dépens.

Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du Code de procédure civile stipule que le tribunal peut condamner la partie perdante à payer à l’autre une somme pour les frais exposés et non compris dans les dépens.

Le tribunal a décidé d’allouer à M. [W] une somme de 2 500 euros, considérant les frais réellement engagés et la situation des parties.

M. [T] a également été débouté de sa demande au titre de l’article 700, ce qui signifie qu’il ne recevra pas de remboursement pour ses propres frais.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire ?

L’article 514 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333, précise que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire de la loi ou de la décision rendue.

Dans cette affaire, le tribunal a rappelé que le jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

Cela signifie que M. [T] doit s’acquitter des sommes dues à M. [W] immédiatement, même si un appel est interjeté.

L’exécution provisoire vise à garantir l’effectivité de la décision judiciaire et à éviter que le créancier ne subisse un préjudice en raison des délais d’appel.

Ainsi, M. [T] est tenu de respecter la décision du tribunal sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 20 JANVIER 2025

Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 23/10749 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YJQD
N° de MINUTE : 25/00049

Monsieur [Z] [W], entrepreneur individuel
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me David BOUSSEAU, la SELARL d’Avocats ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 231

DEMANDEUR

C/

Monsieur [Y] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Thomas CASTEJON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1723

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 14 Novembre 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant février 2021, M. [T] a nommé M. [W], expert conseil, pour l’assister dans le cadre de l’indemnisation d’un sinistre survenu le 15 janvier 2021 au [Adresse 2].

C’est dans ces conditions que M. [W] a, par acte d’huissier du 7 novembre 2023, fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter le paiement de ses honoraires.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 24 avril 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024.

Le jugement a été mis en délibéré au 20 janvier 2025, date de la présente décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2024, M. [W] demande au tribunal judiciaire de Bobigny de condamner M. [T] aux dépens et à lui payer les sommes suivantes :
– 16 881,49 euros au titre de ses honoraires de résultat ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024, M. [T] demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– débouter le demandeur de toutes ses demandes ;
– fixer les honoraires du demandeur à la somme de 2 500 euros ;
– condamner le demandeur aux entiers dépens.

*

Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes en paiement de M. [W]

L’article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, sans quoi la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut, selon l’article 1217 du même code, refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, et/ou demander réparation des conséquences de l’inexécution, le tout cumulable avec l’octroi de dommages et intérêts au sens de l’article 1231-1 du même code.

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, l’article 1353 du code civil disposant, qu’en matière contractuelle, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, les honoraires de M. [W] ne peuvent résulter que de la convention des parties.

Si M. [T] conteste la lettre du 28 février 2021, force est de constater que la lettre de nomination du 8 février 2021, signée par le défendeur, prévoit une « délégation d’indemnité correspondant à : 6% de l’indemnité totale correspondant aux dommages matériels et immatériels ».

Les pièces produites ne démontrent nullement que M. [T] aurait perçu une indemnité de 281 258,21 euros, mais seulement de 162 915,78 euros. En effet, seul le courrier de l’assureur fait foi.

M. [W] a donc droit, en principe, à une rémunération de (162915,78*0,06=) 9 774,95 euros, étant observé que l’indemnisation de l’assurance inclut les « honoraires Expert d’assuré ».

M. [T] conteste ce montant en faisant valoir que les prestations de M. [W] ne lui ont pas donné satisfaction.

Il convient ainsi de se référer aux obligations mises à la charge de M. [W] par le contrat, qui lui remet la tâche de « fixer contradictoirement […] le montant des dommages et l’application des garanties consécutives au sinistre survenu. »

Or, M. [W] a bel et bien fixé le montant des dommages et a produit une analyse par courriel.

Si le défendeur soutient que l’expert s’est engagé oralement à son égard, aucune preuve de tels engagements n’est rapportée.

M. [T] sera ainsi condamné à payer à M. [W] la somme de 9 774,95 euros.

S’agissant de la demande à titre de dommages et intérêts, il sera d’abord rappelé que l’article 1231-6 du code civil précise que les dommages et intérêts dus en raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent ne consistent que dans l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et l’éventuel préjudice indépendant de ce retard, qui ne serait pas réparé par les seuls intérêts moratoires, ne peut être indemnisé qu’en cas de mauvaise foi du débiteur.

Etant observé que M. [W] appelle le tribunal à « sanctionner » M. [T] alors que le droit français interdit les dommages et intérêts punitifs, le demandeur ne rapporte la preuve d’aucun préjudice, de sorte qu’il sera débouté de sa demande.

Il sera en outre observé que M. [W] ne demande pas que la condamnation soit assortie des intérêts au taux légal prévus par l’article 1231-6 du code civil, de sorte que le tribunal ne saurait les lui octroyer sans excéder sa saisine en statuant ultra petita.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, les dépens seront mis à la charge de M. [T], succombant à l’instance.

Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, M. [T], condamné aux dépens, sera condamné à payer à M. [W] une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE M. [T] à payer à M. [W] la somme de 9 774,95 euros au titre des honoraires ;

DEBOUTE M. [W] de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts ;

MET les dépens à la charge de M. [T] ;

CONDAMNE M. [T] à payer à M. [W] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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