L’Essentiel : Le 24 février 2024, M. [U] [L] a contesté une décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Thionville, qui avait rejeté sa demande de remboursement de 1 200 euros et taxé les honoraires de Maître [D] à 5 598,41 euros. M. [L] a soutenu que le paiement avait été effectué sous contrainte et qu’il n’avait jamais consenti à un honoraire de résultat de 4 % HT. En réponse, Maître [D] a demandé la confirmation de la décision, justifiant ses honoraires par la durée de la procédure. Le tribunal a finalement confirmé la décision du bâtonnier, rejetant la demande de M. [L].
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Contexte de l’affaireLe 24 février 2024, M. [U] [L] a contesté une décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Thionville, rendue le 29 décembre 2023. Cette décision a rejeté sa demande de remboursement de 1 200 euros et a débouté Maître [D] de sa demande de taxation d’honoraires de 10 047,48 euros, tout en taxant les honoraires de Maître [D] à 5 598,41 euros, montant que M. [L] avait réglé le 24 mars 2022. Arguments de M. [L]M. [L] a soutenu qu’il n’était pas légitime à demander le remboursement de la somme non réglée, car celle-ci avait été payée par son assurance. Il a également affirmé n’avoir jamais consenti à un honoraire de résultat de 4 % HT et a précisé que le paiement de 4 398,41 euros à Maître [D] avait été effectué sous contrainte, l’avocate ayant conditionné la restitution de son dossier à ce paiement. Il a ajouté que tout honoraire de résultat devait prendre fin par une décision juridictionnelle irrévocable, ce qui n’était pas le cas ici. Réponse de Maître [D]Maître [D] a demandé la confirmation de la décision du bâtonnier et a réclamé 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a précisé qu’elle n’avait pas accepté de se conformer au barème de la protection juridique et que M. [L] était conscient que ses honoraires dépasseraient ce barème. Elle a justifié ses honoraires par la durée de la procédure, qui a duré 14 ans, et le nombre d’audiences auxquelles elle a participé. Délibération et décisionLors de l’audience du 13 novembre 2024, les deux parties ont maintenu leurs positions respectives. M. [L] a demandé l’infirmation de la décision et le remboursement de 5 398,41 euros, tandis que Maître [D] a plaidé pour la confirmation de la décision initiale. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision prévue le 8 janvier 2025. Analyse des honorairesLe tribunal a noté qu’il n’existait pas de convention d’honoraires signée entre M. [L] et Maître [D]. Il a également souligné que la demande de Maître [D] à l’assureur pour la communication de ses barèmes ne constituait pas une acceptation de limiter ses honoraires. Le tribunal a examiné les diligences effectuées par Maître [D] et a conclu que le montant perçu était raisonnable, ne justifiant pas de remboursement. Conclusion de la décisionLe tribunal a confirmé la décision du bâtonnier, rejetant la demande de remboursement de M. [L]. De plus, il a condamné M. [L] à verser 500 euros à Maître [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison des frais engagés pour sa défense. M. [L] a également été chargé des dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la légitimité de M. [L] à demander le remboursement des honorairesLa question de la légitimité de M. [L] à demander le remboursement des honoraires se pose en raison du fait que le paiement de la somme de 1 200 euros a été effectué par sa compagnie d’assurances, la MACIF, et non par lui-même. Selon l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, « l’avocat est libre de fixer ses honoraires ». Toutefois, il est également stipulé que « les honoraires doivent être convenus avec le client ». Dans ce cas, M. [L] n’a pas directement réglé la somme contestée, ce qui soulève la question de son droit à demander un remboursement. Il est donc établi que M. [L] n’est pas légitime à solliciter le remboursement de cette somme, car il n’a pas été le débiteur direct de l’honoraire en question. En conséquence, le bâtonnier a correctement rejeté cette demande. Sur le consentement de M. [L] concernant les honoraires de résultatLa question du consentement de M. [L] à un honoraire de résultat de 4 % HT des sommes perçues est également cruciale. L’article 1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précise que « l’honoraire de résultat ne peut être convenu qu’avec le consentement exprès du client ». M. [L] soutient qu’il n’a jamais donné son consentement à un tel honoraire. Il est important de noter que, selon l’article 28 du même texte, « l’avocat doit informer son client des modalités de sa rémunération ». Dans cette affaire, le bâtonnier a retenu que M. [L] avait donné son consentement, ce qui est contesté par ce dernier. Cependant, l’absence de preuve de ce consentement de la part de M. [L] pourrait jouer en sa faveur, mais cela doit être prouvé par des éléments tangibles. Sur la responsabilité professionnelle de l’avocatLa mise en cause de la responsabilité professionnelle de Maître [D] est un point soulevé par M. [L], qui affirme que l’avocate a retenu son dossier en attendant le paiement des honoraires. L’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 stipule que « l’avocat doit respecter les règles de déontologie ». Cependant, le bâtonnier et le premier président n’ont pas le pouvoir de se prononcer sur la responsabilité professionnelle de l’avocat dans le cadre de la contestation des honoraires. Cela signifie que toute demande de réparation pour faute professionnelle doit être portée devant une juridiction de droit commun, et non dans le cadre de la contestation des honoraires. Ainsi, le moyen relatif à un manquement aux obligations professionnelles a été écarté, ce qui est conforme à la législation en vigueur. Sur la convention d’honoraires et son absenceLa question de l’absence de convention d’honoraires entre M. [L] et Maître [D] est également centrale dans ce litige. L’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précise que « l’avocat doit conclure une convention d’honoraires avec son client ». En l’espèce, il est établi qu’aucune convention n’a été signée, ce qui complique la situation. L’absence de convention d’honoraires signifie que les honoraires doivent être fixés selon les usages, la fortune du client, et la difficulté de l’affaire, comme le stipule l’article 12 de la même loi. Dans ce cas, le montant des honoraires perçus par Maître [D] a été jugé raisonnable au regard des diligences effectuées, ce qui justifie le rejet de la demande de remboursement de M. [L]. Sur l’article 700 du code de procédure civileEnfin, la question de l’application de l’article 700 du code de procédure civile est soulevée. Cet article stipule que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais non répétibles ». Dans cette affaire, M. [L] a été condamné à payer 500 euros à Maître [D] en raison de l’issue du litige. Cela signifie que, compte tenu de la décision rendue, M. [L] doit supporter les frais engagés par Maître [D] pour sa défense, conformément à la législation en vigueur. Ainsi, la décision de condamner M. [L] à régler cette somme est conforme aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. |
CONTESTATION D’HONORAIRES D’AVOCATS
ORDONNANCE DU 08 Janvier 2025
Minute n° 24/00365
Notification le :
Date réception
Appelant :
Intimé :
Clause exécutoire
délivrée le :
à :
Recours
Formé le :
Par :
Demandeur :
Monsieur [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non comparant, représenté par Me Laurent ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ
Défendeur :
Maître [J] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Non comparante, représentée par Me Mathieu SPAETER, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION
L’audience a été tenue par Géraldine GRILLON, conseillère à la cour d’appel de Metz agissant par délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz, assistée de Sonia DE SOUSA, greffière.
DEBATS
L’affaire a été débattue le 13 Novembre 2024, en audience publique;
Le prononcé de la décision a été fixé au 08 Janvier 2025, par mise à disposition publique au greffe, conformément aux dispositions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, en présence de Sonia DE SOUSA, greffière.
Le 24 février 2024, M. [U] [L] a saisi la présente juridiction aux fins de contester la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Thionville le 29 décembre 2023, notifiée le 26 janvier 2024, qui a :
– rejeté la demande de remboursement de M. [L] ;
– débouté Maître [D] de sa demande de taxation d’honoraires à hauteur de 10 047,48 euros ;
– en tant que de besoin taxé les honoraires de Maître [D] pour la somme de 5 598,41 euros ;
‘ constater que M. [L] a réglé ce montant à Maître [D] en date du 24 mars 2022.
Pour statuer ainsi, le bâtonnier a retenu que M. [L] n’était pas légitime à solliciter le remboursement de la somme de 1 200 euros non réglée par lui mais par sa compagnie d’assurances protection juridique ; que par ailleurs, il avait donné son consentement au paiement d’un honoraire de résultat de 4 % hors taxes des sommes perçues au titre de l’indemnisation de son préjudice subi ; que les actes de procédure réalisés par l’avocate justifiaient largement la facture du 22 mars 2022 rappelant qu’il s’était agi d’une procédure particulièrement longue pour avoir débuté en 2007 ; s’agissant de la demande de Maître [D], il a retenu que celle-ci avait renoncé à la facture du 5 juillet 2021 s’étant par ailleurs elle-même abstenue de solliciter en son temps la taxation d’honoraires de ce montant.
Aux termes de ses conclusions datées du 7 mai 2024, M. [L] demande l’infirmation de la décision entreprise aux fins de voir condamner Maître [D] à lui rembourser la somme de 5 398,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2023, outre une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que l’avocate a exclusivement facturé l’assurance la MACIF. À aucun moment il n’a donné son consentement à un honoraire de résultat de 4 % HT des sommes perçues au titre de l’indemnisation de son préjudice. Il ajoute que s’il a réglé la somme de 4 398,41 euros à Me [D], ce n’était que sous contrainte dans la mesure où elle avait conditionné la restitution de son dossier à ce paiement contrairement aux règles déontologiques qui ne permettent pas de recourir à un droit de rétention, le dossier devant être transmis sans délai à la fin du mandat. En tout état de cause, il relève que tout honoraire de résultat prend fin par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ; or, le dossier est toujours en cours auprès de la juridiction pénale.
Par conclusions datées du 10 septembre 2024, Maître [D] demande la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de M. [L] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle fait faloir qu’elle n’a pas accepté de se plier au barème de la protection juridique de son client, ce que celui-ci savait et qu’il n’ignorait pas que les honoraires iraient au-delà de ce barème. Elle indique que le taux horaire appliqué pour ses honoraires s’élève à 200 euros l’heure et que la procédure a duré 14 ans, avec une audience pénale et 48 audiences sur intérêts civils, ce qui n’est pas contesté par M. [L].
A l’audience tenue le 13 novembre 2024, M. [L], représenté, soutient ses conclusions datées du 7 mai 2024. Il demande l’infirmation de la décision entreprise et la condamnation de Maître [D] à lui rembourser la somme de 5 398,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande soit le 2 janvier 2023 et sa condamnation à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Maître [D], représentée, soutient ses conclusions écrites datées du 10 septembre 2024. Il demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. [L] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet des moyens et prétentions.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.
– Sur la mise en cause de la responsabilité professionnelle de l’avocat :
M. [L] soutient que Maître [D] a failli à ses obligations professionnelles en retenant son dossier après révocation de son mandat dans l’attente du paiement réclamé des honoraires, ce que conteste Maître [D].
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Le bâtonnier et sur recours, le premier président, n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir de conseil et d’information, ou de se prononcer sur une demande tendant, directement ou indirectement à la réparation d’une faute professionnelle éventuelle de l’avocat par voie de réduction du montant de ses honoraires.
Ces arguments relèvent d’une mise en cause de la responsabilité professionnelle de l’avocat devant une juridiction de droit commun et non pas du contentieux de la contestation des honoraires dont est saisie la présente juridiction.
En conséquence, le moyen relatif à un manquement aux obligations professionnelles doit être écarté et il ne saurait venir diminuer dans le cadre du présent litige le montant des honoraires dus.
– Sur les honoraires dus :
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Il est de principe qu’à défaut de convention, les honoraires doivent être fixés en fonction des usages, de la fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
En l’espèce, il est constant qu’il n’existe pas de convention d’honoraires signée entre Maître [D] et M. [L] pour la défense des intérêts que ce dernier a confiée à l’avocate aux fins d’obtenir une indemnisation devant le tribunal correctionnel du préjudice qu’il a subi du fait d’un accident de circulation entre son domicile et son lieu de travail survenu le 24 juillet 2007. Il n’existe pas non plus d’accord signé sur un honoraire de résultat ni d’accord signé pour que Maître [D] ne soit rémunérée que par les versements qu’accepterait de faire l’assurance de responsabilité civile de M. [L], en l’occurence la MACIF.
Le fait pour Maître [D] d’avoir demandé à l’assureur de protection juridique la communication de ses barèmes et d’avoir présenté des factures directement à la compagnie d’assurances ne saurait s’analyser comme une acceptation de sa part de limiter ses honoraires aux versements que la compagnie d’assurance de M. [L] accepterait de lui faire ; cette pratique correspond de manière usuelle pour les avocats à une facilité de recouvrement d’une partie des honoraires.
En conséquence, il est nécessaire de déterminer le travail effectué par Maître [D] au profit de M. [L] dans l’affaire d’indemnisation de son préjudice.
Il résulte des pièces versées aux débats, non contestées, que Maître [D] a effectué les diligences suivantes :
‘ participation à l’audience pénale préliminaire ‘ jugement du 14 novembre 2007(durée 1h30) ;
‘ représentation de M. [L] et suivi de 48 audiences sur intérêts civils (15 mn en moyenne par audience) ;
‘ rédaction de conclusions le 10 mars 2008 ;
‘ requête en demande de provision du 15 mai 2013 ;
‘ requête du 10 juin 2016 ;
‘ conclusions aux fins de chiffrage du préjudice du 8 novembre 2017 ;
‘ conclusions récapitulatives et complétives du 8 février 2019 ;
‘ conclusions du 21 février 2020 ;
– représentation à l’audience du 8 février 2021 sur intérêts civils devant le tribunal correctionnel de Thionville ;
– entretien sur l’opportunité de faire appel le 5 juillet 2021 ;
‘ étude des expertises ;
‘ rédaction de 90 courriers ;
‘ rédaction d’un acte d’appel daté du 9 juillet 2021.
Il résulte de ces éléments, que le montant perçu par Maître [D] pour ces diligences, à savoir au total la somme de 5 398,41, dont 4 398,41 euros réglés par M. [L], le reste ayant été réglé par l’assurance de responsabilité civile, est parfaitement raisonnable et ne saurait donner lieu à un quelconque remboursement de la part de Maître [D].
En conséquence, il convient de confirmer la décision du bâtonnier contestée qui a rejeté la demande de remboursement d’honoraires formée par M. [L].
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Compte tenu de l’issue du litige, M. [L] doit être condamné à régler la somme de 500 euros à Maître [D] au titre des fais non répétibles qu’elle a dû exposer pour faire valoir sa défense.
Statuant par ordonnance contradictoire, par mise à disposition au greffe :
DISONS que le recours de M. [U] [L] à l’encontre de la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Thionville le 29 décembre 2023 est recevable ;
CONFIRMONS la décision rendue par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Thionville le 29 décembre 2023 ;
CONDAMNONS M. [L] à payer à Maître [D] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que M. [L] a la charge des dépens.
La greffière, La conseillère,
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