Honoraires d’avocat : Validité d’une convention et contestation des montants facturés

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Honoraires d’avocat : Validité d’une convention et contestation des montants facturés

L’Essentiel : Le 23 décembre 2021, le bâtonnier a fixé les honoraires de monsieur [R] à 600 euros pour une facture de décembre 2019 et 1200 euros pour une facture d’octobre 2020. Contestant cette décision, monsieur [R] a demandé une réduction à 150 euros et la restitution de 1650 euros. Il a argué que les avocats n’avaient pas justifié la proportionnalité des honoraires. En réponse, les avocats ont souligné qu’une convention d’honoraires avait été signée, confirmant la légitimité des montants facturés. La cour a finalement rejeté les demandes de monsieur [R], confirmant la décision du bâtonnier.

Décision du bâtonnier

Le 23 décembre 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence a statué sur les honoraires dus par monsieur [W] [R]. Il a fixé ces honoraires à 600 euros TTC pour une facture datée du 2 décembre 2019, établie par maître [C] [M], et à 1200 euros TTC pour une facture du 29 octobre 2020, établie par maître [U] [H]. Monsieur [R] a réglé ces sommes.

Recours de monsieur [R]

Monsieur [R] a contesté cette décision par courrier recommandé le 21 janvier 2022, s’adressant au premier président de la cour d’appel. Il a demandé une réduction des honoraires à 150 euros TTC pour la consultation et la restitution de 1650 euros avec intérêts, ainsi qu’une somme de 830 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de monsieur [R]

Monsieur [R] a soutenu que les avocats n’avaient pas justifié la proportionnalité entre les diligences effectuées et le montant total des honoraires de 1800 euros TTC. Il a contesté la validité des factures en raison d’un manque de concordance avec les services rendus.

Réponse des avocats

Maître [C] [M] et maître [U] [H] ont demandé le rejet de l’appel de monsieur [R], le qualifiant d’injuste et mal fondé. Ils ont affirmé qu’une convention d’honoraires avait été signée, précisant que les factures correspondaient à moins de quatre heures de travail effectif, et que le montant des honoraires devait être confirmé par la cour.

Recevabilité du recours

La cour a examiné la recevabilité du recours, notant que la décision du bâtonnier avait été rendue le 23 décembre 2021 et que le recours avait été posté dans le délai d’un mois, rendant ainsi la demande recevable.

Analyse des honoraires

La cour a rappelé que les honoraires sont fixés par convention entre l’avocat et le client, et que les parties étaient liées par une convention d’honoraires signée le 25 novembre 2019. Cette convention stipulait un montant forfaitaire de 3000 euros hors taxes, avec des provisions successives en fonction de l’avancement de la procédure.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé la décision du bâtonnier, rejetant les demandes de monsieur [R]. Elle a souligné que les honoraires facturés correspondaient aux diligences réalisées et que toute contestation relative à d’éventuels manquements des avocats ne pouvait justifier une réduction des honoraires. Monsieur [R] a été condamné aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours formé par monsieur [R] est régie par les dispositions de l’article 175 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991. Cet article stipule que les réclamations doivent être soumises au bâtonnier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé.

Le bâtonnier doit prendre sa décision dans un délai de quatre mois, et celle-ci doit être notifiée dans les quinze jours suivant sa date. La notification doit mentionner, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours.

En l’espèce, la décision contestée a été rendue le 23 décembre 2021. Monsieur [R] a posté sa lettre de recours le 21 janvier 2022.

Bien que la date de notification de la décision ne soit pas connue, le recours est recevable car il a été effectué dans le délai d’un mois suivant la décision.

Sur la demande principale

La demande principale de monsieur [R] concernant la fixation des honoraires est encadrée par l’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971. Cet article précise que les honoraires d’avocat doivent être fixés d’un commun accord avec le client, sauf dans certaines matières limitativement énumérées.

L’alinéa 3 de cet article stipule que, sauf en cas d’urgence ou de force majeure, l’avocat doit conclure une convention d’honoraires par écrit avec son client. Cette convention doit préciser le montant ou le mode de détermination des honoraires, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Il est également important de noter que, selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, une convention d’honoraires a été signée le 25 novembre 2019, fixant le montant des honoraires à 3000 euros hors taxes. Les factures émises par les avocats correspondent à des provisions sur ce montant total.

Les honoraires facturés sont donc conformes à la convention signée, et la question de la restitution des honoraires pour absence de diligences relève d’une action en responsabilité, échappant à la compétence du premier président.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Dans cette affaire, les avocats ont demandé la condamnation de monsieur [R] au paiement de la somme de 600 euros HT sur le fondement de cet article. Cependant, le tribunal a décidé de ne pas faire application de ces dispositions en faveur des avocats.

Cette décision repose sur le fait que l’équité ne commandait pas de faire droit à cette demande, compte tenu des circonstances de l’affaire et de la nature des demandes formulées par monsieur [R].

Ainsi, bien que l’article 700 offre une possibilité de compensation des frais, son application dépend de l’appréciation du juge sur l’équité de la situation.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP

ORDONNANCE SUR CONTESTATION

D’HONORAIRES D’AVOCATS

DU 17 JANVIER 2025

N°2025/ 012

Rôle N° RG 22/01228 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIYFZ

[W] [R]

C/

[C] [M]

[U] [H]

Copie exécutoire délivrée

le : 17 janvier 2025

à : Maître MOLINES Matthieu

Décision déférée au Premier Président de la Cour d’Appel:

Décision rendue le 23 Décembre 2021 par le Bâtonnier de l’ordre des avocats d’AIX-EN-PROVENCE.

DEMANDEUR

Monsieur [W] [R],

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Maître D’ASSOMPTION Sandra, avocat au barreau de Tarascon, avocat ayant plaidé

DEFENDEURS

Maître [C] [M],

demeurant [Adresse 1]

non comparant et non représenté

Monsieur [U] [H],

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Maître MOLINES Matthieu, avocat au barreau d’Aix-en-Provence substitué par Maître TRAMIER David, avocat au barreau d’Aix-en-Provence, avocat ayant plaidé

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 13 Novembre 2024 en audience publique devant

Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre

déléguée par ordonnance du Premier Président .

Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2024 prorogé au 17 janvier 2025.

ORDONNANCE

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.

Signée par Mme Nathalie FEVRE, Présidente de chambre et Mme Anne-Marie BLANCO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par décision du 23 décembre 2021, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence a fixé à la somme de 600 euros TTC les honoraires dus par monsieur [W] [R] selon facture du 2 décembre 2019 n°18.00310 établie par maître [C] [M] et à la somme de 1200 euros TT C les honoraires dus selon facture du 29 octobre 2020 n°2020 972 95044 établie par maître [U] [H], somme payée par monsieur [R].

Par courrier recommandé posté le 21 janvier 2022, monsieur [R] a formé un recours à l’encontre de la décision du bâtonnier devant le premier président de la cour d’appel.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues par son conseil à l’audience, il demande de fixer à la somme de 150 euros TTC les honoraires de consultation et réception au cabinet et la condamnation solidaire de maître [M] et [H] à lui restituer la somme de 1650 euros avec intérêts au taux légal et en tant que de besoin sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ainsi qu’à lui payer la somme de 830 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que maître [M] et maître [H] ne justifient pas de la concordance et de la proportionnalité entre les diligences accomplies dans son dossier et le montant des honoraires facturés et payés soit 1800 euros TTC.

Aux termes des leurs conclusions déposées à l’audience auxquelles ils se réfèrent oralement, maître [C] [M] et [U] [H] demandent de débouter monsieur [R] de son appel injuste et mal fondé et de la condamner au paiement de la somme de 600 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir qu’une convention d’honoraires a été conclue avec monsieur [R] qui a vocation à s’appliquer quelque soit le résultat obtenu, les factures émises correspondant à moins de 4h de travail effectif de sorte que leur montant devra être confirmé par la cour qui n’a pas le pouvoir de réduire un honoraire dont le principe et le montant ont été accepté et concrétisé par un règlement.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours

Selon les dispositions de l’article 175 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé… Le bâtonnier prend sa décision dans les quatre mois et cette décision est notifiée, dans les quinze jours de sa date, à l’avocat et à la partie, par le secrétaire de l’ordre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la lettre de notification mentionnant, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours. Aux termes de l’article 176 de ce décret la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai d’un mois.

En l’espèce la décision querellée a été rendue le 23 décembre 2021.

Monsieur [R] ayant posté la lettre recommandée de recours le 21 janvier 2022 , bien que la date de notification de la décision soit inconnue, celui-ci est recevable puisqu’antérieur à l’expiration du délai d’un mois depuis la décision elle-même.

Sur la demande principale

L’article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 dispose que les honoraires de postulation, de consultation, d`assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont, à l’exception de certaines matières limitativement énumérées, fixés en accord avec le client. L’alinéa 3 du même texte énonce en outre que, sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 19 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci étant précisé que toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite en revanche la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

Par ailleurs, aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En application de l’article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et, selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, les parties sont liées par une convention d’honoraires au forfait signée le 25 novembre 2019, relative au litige opposant monsieur [R] à l’administration ( ministère des comptes publics) prévoyant au titre des diligences à effectuer l’établissement d’un mémoire récapitualtif et le suivi de la procédure jusqu’à son terme.

Le montant des honoraires était fixé forfaitairement à la somme de 3000 euros hors taxes et prévoyait qu’en cas de dépassement d’un temps de travail supérieur à 20 heures, la rémunération serait fixée en fonction du temps effectif de travail et selon facture détaillée sur le fondement du tarif horaire de 380 euros HT , outre dans cette hypothèse les frais de sécrétariat forfaitairement évalué à 1000 euros HT.

La convention prévoit également que des appels de provision succesifs seront émis en fonction de l’avancement de la procédure dans la limite du montant du forfait .

Les deux factures émises les 2 décembre 2019 pour 600 euros TTC et 20 octobre 2020 pour 1200 euros TTC réglées par monsieur [R], sont en conséquence des factures de provisions sur un montant total dû jusqu’au terme du litige de 3600 euros TTC soit la moitié.

Il ne résulte pas du jugement du tribunal administratif du 8 mars 2021 dans le litige en cause qu’un mémoire récapitulatif ait été produit par son conseil avant la date de clôture d’instruction fixée 3 jours avant l’audience du 8 février 2021.

Maître [H] n’a d’ailleurs jamais facturé ni demandé paiement du solde des honoraires prévus par la convention.

En matière de contestation d’honoraires il ne revient pas au premier président de statuer sur d’éventuels manquements de l’avocat à ses obligations, ceux-ci ne pouvant en tout état de cause justifier la minoration des honoraires dus dès lors qu’ils correspondent aux tâches réalisées, seul le succès d’une action en responsabilité pouvant conduire à celle-ci ou à leur restitution.

Monsieur [R] a réglé les factures de provision couvrant les diligences jusqu’à fin octobre 2020 sur la base de la convention acceptée et la question de la restitution totale ou partielle des honoraires au titre de l’indemnisation d’une absence effective de diligences ,relève d’une action en responsabilité échappant en conséquence à la connaissance du premier président saisi d’une contestation de la décision du bâtonnier sur la fixation des honoraires.

La décision de ce dernier sera en conséquence confirmée et monsieur [R] débouté de ses demandes.

Il supportera les dépens sans que l’équité commande par ailleurs de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de maîtres [M] et [H]

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, réputé contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,

REJETONS le recours formé par monsieur [W] [R],

CONFIRMONS en conséquence la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau d’Aix-en-Provence du 23 décembre 2021 fixant à la somme de 600 euros TTC les honoraires dus par monsieur [W] [R] selon facture du 2 décembre 2019 n°18.00310 établie par maître [C] [M] et à la somme de 1200 euros TT C les honoraires dus selon facture du 29 octobre 2020 n°2020 972 95044 établie par maître [U] [H], sommes réglées par Monsieur [W] [R],

DEBOUTONS Monsieur [W] [R] de ses demandes,

CONDAMNONS Monsieur [W] [R] aux dépens de l’instance,

DEBOUTONS maîtres [C] [M] et [U] [H] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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