L’Essentiel : M. [F] [Y] a engagé Mme [L] [N], avocate, pour une procédure devant le juge de l’exécution, avec une convention d’honoraires fixant un montant de 250 euros HT et 10% des sommes perçues. Le 9 janvier 2023, Mme [N] a demandé la taxation de ses honoraires, totalisant 57 650 euros TTC. Le bâtonnier a suspendu sa décision en attendant l’issue d’un litige. Le 2 décembre 2023, Mme [N] a demandé la révocation du sursis pour statuer sur la partie fixe de ses honoraires, mais cette demande a été rejetée le 12 avril 2024, entraînant un recours irrecevable.
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Confiance et Convention d’HonorairesM. [F] [Y] a engagé Mme [L] [N], avocate, pour défendre ses intérêts dans une procédure devant le juge de l’exécution. Une convention d’honoraires a été établie, stipulant un honoraire fixe de 250 euros HT et un honoraire de résultat de 10% des sommes perçues. Le 1er décembre 2022, Mme [N] a émis une facture. Demande de Taxation des HonorairesLe 9 janvier 2023, Mme [N] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse pour la taxation de ses honoraires, s’élevant à 57 650 euros TTC. Le 8 septembre 2023, le bâtonnier a déclaré la demande recevable, mais a suspendu la décision en attendant une issue définitive dans le litige entre M. [Y] et Mme [V]. Révocation du Sursis à StatuerLe 2 décembre 2023, Mme [N] a demandé la révocation du sursis afin que soit statué sur la partie fixe de ses honoraires, soit 6 719,82 euros TTC. Cependant, le 12 avril 2024, le bâtonnier a rejeté cette demande, maintenant le sursis en attendant la décision finale dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V]. Recours et ConclusionsMme [N] a formé un recours contre la décision du bâtonnier le 22 avril 2024, demandant à la cour d’appel de déclarer ses demandes recevables et fondées, d’annuler la décision du bâtonnier, et de condamner M. [Y] à lui verser ses honoraires. M. [Y] a, de son côté, demandé à la cour de déclarer les demandes de Mme [N] irrecevables et infondées, tout en sollicitant la nullité de la convention d’honoraires. Motivation de la DécisionLa cour a rappelé que le bâtonnier est compétent pour trancher les litiges relatifs aux honoraires d’avocats. Elle a précisé que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge et que Mme [N] ne pouvait pas revendiquer un délai de réponse de quatre mois pour sa demande de révocation du sursis. En conséquence, son recours a été déclaré irrecevable. Conclusion de la CourLa cour a statué en déclarant Mme [L] [N] irrecevable en son appel, rejetant le surplus de ses demandes et la condamnant aux dépens, ainsi qu’à verser 800 euros à M. [Y] au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du bâtonnier en matière de contestation d’honoraires d’avocats ?Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, en son article 174, précise que le bâtonnier est compétent pour trancher les litiges relatifs aux contestations d’honoraires d’avocats. Cet article établit clairement que toute réclamation concernant les honoraires doit être soumise au bâtonnier, qui agit en tant qu’arbitre dans ce type de litige. De plus, l’article 277 du même décret stipule que pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret, il est procédé comme en matière civile. Cela signifie que les règles de procédure civile s’appliquent également aux litiges relatifs aux honoraires, sauf disposition contraire. Ainsi, le bâtonnier a le pouvoir de statuer sur les demandes d’honoraires, mais il doit également respecter les principes de la procédure civile, notamment en ce qui concerne les délais et les formes de la réclamation. Quelles sont les conséquences d’un sursis à statuer selon le code de procédure civile ?L’article 379 du code de procédure civile stipule que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. Cela signifie que même si une décision de sursis est prononcée, le juge conserve sa compétence pour poursuivre l’instance. À l’expiration du sursis, l’instance doit être poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf si un nouveau sursis est ordonné. L’article 380 précise que la décision de sursis peut être frappée d’appel, mais uniquement sur autorisation du premier président de la cour d’appel, et ce, s’il est justifié d’un motif grave et légitime. La partie qui souhaite faire appel doit saisir le premier président dans un délai d’un mois suivant la décision de sursis. Dans le cas présent, le bâtonnier a ordonné un sursis à statuer en attendant une décision définitive dans un autre litige, ce qui a des implications sur la procédure en cours. Comment se déroule la procédure de réclamation d’honoraires devant le bâtonnier ?Selon l’article 175 du décret n° 91-1197, les réclamations d’honoraires doivent être soumises au bâtonnier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l’intéressé que, faute de décision dans un délai de quatre mois, il pourra saisir le premier président de la cour d’appel dans un délai d’un mois. Ce délai de quatre mois peut être prorogé par décision motivée du bâtonnier, et il commence à courir à partir de la réception de la lettre recommandée. Il est important de noter que ce délai ne s’applique qu’à l’acte introductif d’instance et non aux demandes ultérieures, comme une demande de révocation d’un sursis à statuer. Dans le cas de Mme [N], sa demande de révocation du sursis ne constitue pas une réclamation au sens de l’article 175, ce qui a des conséquences sur la recevabilité de son recours. Quelles sont les implications de l’irrecevabilité du recours de Mme [N] ?L’irrecevabilité du recours de Mme [N] signifie qu’elle ne peut pas contester la décision du bâtonnier concernant le sursis à statuer. En vertu de l’article 380 du code de procédure civile, pour contester une décision de sursis, il aurait fallu que Mme [N] obtienne une autorisation du premier président de la cour d’appel. Sans cette autorisation, son appel est déclaré irrecevable, ce qui entraîne le rejet de toutes ses demandes. De plus, Mme [N] se voit également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour abus de droit, car son recours n’a pas été jugé fondé. Enfin, elle est condamnée aux dépens et doit payer à M. [Y] une somme au titre des frais irrépétibles, conformément à l’article 700 du code de procédure civile. Cette situation souligne l’importance de respecter les procédures et délais établis par la loi pour garantir la recevabilité des recours. |
C O U R D ‘ A P P E L D E T O U L O U S E
DU 17/01/2025
3/25
N° RG 24/01382 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QFR3
Ordonnance rendue le DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, par A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente de la cour d’appel de Toulouse du 12 décembre 2024, assistée de C. IZARD, greffière
REQUÉRANTE
Maître [L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante
DEFENDEUR
Monsieur [F] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par :
– Me Sylvain MAURY de la SELAS AGN AVOCATS TOULOUSE, avocat au barreau de Toulouse (postulant)
– Me Jérémie NATAF de la SELAS AGN AVOCATS PARIS, avocat au barreau de Paris (plaidant)
DÉBATS : A l’audience publique du 13 Décembre 2024 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD
Nous, magistrate déléguée, en présence de notre greffière et après avoir entendu les parties ou les conseils des parties en leurs explications :
– avons mis l’affaire en délibéré au 17/01/2025
– avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, l’ordonnance contradictoire suivante :
M. [F] [Y] a confié à Mme [L] [N], avocate, la défense de ses intérêts dans le cadre d’une procédure devant le juge de l’exécution.
Une convention d’honoraires aurait été régularisée entre les parties prévoyant, au titre de cette procédure, un honoraire fixe de 250 euros HT et un honoraire de résultat de 10% des sommes perçues.
Le 1er décembre 2022, Mme [N] aurait adressé une facture.
Par correspondance reçue le 9 janvier 2023, Mme [N] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse en taxation de ses honoraires facturés à hauteur de 57 650 euros TTC.
Par décision du 8 septembre 2023, régulièrement notifiée aux parties, le bâtonnier a :
– déclaré recevable la demande d’arbitrage d’honoraires formée par Mme [L] [N] le 13 janvier 2023,
– avant dire droit, sursis à statuer sur la demande de taxation d’honoraires dans l’attente qu’une décision irrévocable et définitive soit rendue dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V],
– invité toute partie, qui y a intérêt, à saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse d’une demande de révocation du sursis,
– dit que l’instance, si elle n’est pas périmée, sera alors poursuivie pour qu’il soit statué au fond.
Par lettre du 2 décembre 2023, Mme [N] a sollicité la révocation du sursis prononcé afin qu’il soit statué sur la partie fixe de ses honoraires de 6 719,82 euros TTC, sans attendre la réalisation de l’événement ayant fondé le sursis à statuer.
Suivant décision du 12 avril 2024, le bâtonnier a :
– rejeté en l’état la demande de Mme [N] de révoquer le sursis à statuer prononcé par la décision rendue le 8 septembre 2023,
– maintenu le sursis à statuer sur la demande de taxation d’honoraires de Mme [L] [N] dans l’attente qu’une décision irrévocable et définitive soit rendue dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V],
– invité toute partie, qui y a intérêt, à saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse d’une demande de révocation de sursis,
– dit que l’instance, si elle n’est pas périmée, sera alors poursuivie pour qu’il soit statué au fond.
Aux termes de son ordonnance, le bâtonnier retient qu’en l’état, aucun élément ni aucune information de nature à remettre en cause son appréciation dans la décision du 8 septembre 2023 n’a été produit ou rapporté par Mme [N]. Au surplus, il note que cette dernière n’a pas produit de ‘décision irrévocable et définitive (…) rendue dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V]’.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 22 avril 2024, Mme [N] a formé recours à l’encontre de cette décision devant la première présidente de la cour d’appel de Toulouse.
Par conclusions reçues au greffe le 2 décembre 2024, soutenues oralement à l’audience du 13 décembre 2024, à laquelle il conviendra de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [L] [N] demande à la première présidente de :
– juger inapplicable l’article 380 du code de procédure civile en l’espèce,
– déclarer recevable et fondé l’appel qu’elle a formé,
– y faisant droit, déclarer irrecevable et en tout état de cause infondée l’intégralité des demandes, fins et conclusions de M. [Y] et l’en débouter,
– annuler la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse du 12 avril 2024,
– statuant à nouveau par l’effet dévolutif du recours, abrégeant et modifiant le délai fixé par le sursis à statuer prononcé le 8 septembre 2023, et statuant immédiatement, déclarer incompétente la juridiction du bâtonnier, et par voie de conséquence celle du premier président statuant en appel, au profit du juge de l’exécution sur la demande de M. [F] [Y] de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées,
– condamner M. [F] [Y] à lui payer la somme de 6 719,82 euros TTC correspondant à ses honoraires fixes non contestés par M. [Y], outre intérêts au taux applicable de 3 fois le taux légal depuis le 1er janvier 2023,
– condamner M. [F] [Y] à lui payer la somme de 6 000 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en première instance,
– juger qu’il y a lieu à capitalisation de tout intérêt échu dus au moins pour une année,
– modifiant les termes de la décision du 8 septembre 2023 concernant le terme du sursis à statuer prononcé, prenant acte de toutes réserves formulées concernant ce dernier, supprimer et modifier la disposition ‘sursoit à statuer sur la demande de taxation d’honoraires de Mme [L] [N] dans l’attente qu’une décision irrévocable et définitive soit rendue dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V]’ par celle de ‘sursoit à statuer sur la demande de taxation d’honoraires sur résultat et service rendu de Mme [L] [N] dans l’attente de l’arrêt définitif sur appel de la décision du JEX du 30 novembre 2022, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la présente décision’,
– y ajoutant, condamner M. [F] [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit à agir ayant causé de graves préjudices, certains et directs,
– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles contraints dans la présente procédure devant le premier président,
– condamner M. [F] [Y] aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 29 novembre 2024, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il conviendra de se référer pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la première présidente de la cour d’appel de :
– à titre principal, déclarer irrecevable et infondée Mme [N] en ses demandes, fins et conclusions,
– en conséquence, débouter Mme [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– à titre subsidiaire, le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
– prononcer la nullité de la convention d’honoraires qu’il a signée,
– en conséquence, ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées,
– en tout état de cause, condamner Mme [N] aux dépens,
– condamner Mme [N] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION :
Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui prévoit en son article 174 la compétence du bâtonnier pour trancher les litiges relatifs aux contestations d’honoraires d’avocats, édicte en son article 277 qu’il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.
Aux termes de l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois. Le délai de quatre mois peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier. Le point de départ de ce délai se situe au jour de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception, aux termes de laquelle le bâtonnier informe le demandeur de l’ouverture de la procédure et du délai dans lequel le réclamer peut exercer un recours devant le premier président de la cour d’appel.
Par ailleurs, selon l’article 379 du code de procédure civile, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
L’article 380 du même code précise que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime. La partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
En l’espèce, Mme [N] soutient que le présent recours formé en l’absence de décision du bâtonnier dans le délai de quatre mois à compter de sa réclamation adressée le 2 décembre 2023 doit être déclaré recevable.
Toutefois, le bâtonnier a été initialement saisi le 9 janvier 2023 afin de fixer les honoraires dus par M. [Y] à Mme [N] et, à ce titre, a rendu une décision avant-dire droit le 8 septembre 2023 en ordonnant un sursis à statuer ‘dans l’attente qu’une décision irrévocable et définitive soit rendue dans le litige opposant M. [Y] à Mme [V]’.
L’appelante prétend donc à tort que son courrier du 2 décembre 2023, au travers duquel elle a sollicité la révocation du sursis à statuer, doit s’entendre comme une réclamation au sens de l’article 175 imposant au bâtonnier d’y répondre dans un délai de quatre mois. Ce délai ne doit en effet être respecté qu’à l’égard de l’acte introductif d’instance et non des éventuelles autres réclamations présentées à l’occasion de la même instance.
Il s’ensuit que le bâtonnier, qui n’était pas dessaisi à la suite de sa décision avant-dire droit de sursis à statuer, n’était pas tenu de répondre à la demande de révocation de ce sursis dans le délai de quatre mois précité.
Par ailleurs, si Mme [N] entendait contester cette décision avant-dire droit, il lui appartenait de se conformer aux dispositions de l’article 380 du code de procédure civile, seules applicables.
Dès lors, en l’absence de décision définitive du bâtonnier ou d’une ordonnance l’autorisant à interjeter appel du sursis à statuer prononcé, Mme [N] sera déclarée irrecevable en son recours.
Au regard de ce qui précède elle sera également déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. [Y] au paiement de dommages et intérêts pour abus de droit à agir.
Comme elle succombe, elle sera condamnée aux dépens et à payer à M. [Y] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.
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Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Déclarons Mme [L] [N] irrecevable en son appel,
Rejetons le surplus des demandes,
Condamnons Mme [L] [N] aux dépens,
La condamnons à payer à M. [F] [Y] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE
C. IZARD A. DUBOIS
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