Héritiers et charges : la question de l’acceptation tacite de la succession

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Héritiers et charges : la question de l’acceptation tacite de la succession

L’Essentiel : Le 12 juin 2017, un défunt, désigné comme un auteur, est décédé, laissant derrière lui des héritiers, à savoir deux enfants et une épouse, qui forment les consorts de l’auteur. Le 17, 18 et 19 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires a sommé les héritiers de prendre parti concernant une créance relative à des charges de copropriété dues par le défunt. N’ayant pas réagi dans le délai de deux mois, le syndicat a décidé de les assigner en paiement. La cour a rappelé qu’un héritier qui ne prend pas parti dans le délai imparti est réputé avoir accepté la succession.

Décès et héritiers

Le 12 juin 2017, un défunt, désigné comme un auteur, est décédé, laissant derrière lui des héritiers, à savoir deux enfants et une épouse, qui forment les consorts de l’auteur.

Créance et sommation

Le 17, 18 et 19 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires de la copropriété concernée a sommé les héritiers de l’auteur de prendre parti concernant une créance relative à des charges de copropriété dues par le défunt, conformément aux dispositions du code civil.

Assignation en paiement

Les héritiers n’ayant pas réagi dans le délai de deux mois suivant la sommation, le syndicat des copropriétaires a décidé de les assigner en paiement de la dette laissée par le défunt.

Arguments des héritiers

Les héritiers contestent la décision de la cour d’appel qui les a condamnés solidairement à payer une somme au syndicat des copropriétaires, arguant qu’ils n’avaient pas été privés de la possibilité de renoncer à la succession, même après l’expiration des délais impartis.

Réponse de la Cour

La cour a rappelé que, selon le code civil, un héritier qui ne prend pas parti dans le délai imparti est réputé avoir accepté la succession. Ainsi, les héritiers, n’ayant pas réagi dans le délai de deux mois, ont perdu leur droit de renoncer à la succession.

Conclusion

La cour a donc jugé que les actes de renonciation des héritiers, établis après les dates limites, étaient inopérants, permettant au syndicat des copropriétaires d’agir contre eux en tant qu’héritiers pour le paiement de la dette du défunt. Les moyens soulevés par les héritiers n’ont pas été retenus.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 771 du code civil concernant l’option successorale ?

L’article 771 du code civil stipule que :

« À l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, l’héritier peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’Etat. »

Cet article établit le cadre dans lequel un héritier doit se prononcer sur l’acceptation ou la renonciation à la succession.

Il est important de noter que cette sommation doit être faite par acte extrajudiciaire, ce qui signifie qu’elle doit être réalisée par un huissier de justice.

Ainsi, l’héritier est informé de la nécessité de prendre une décision concernant la succession, ce qui est crucial pour la gestion des dettes et des actifs du défunt.

Quelles sont les conséquences de l’article 772 du code civil sur le délai de prise de parti ?

L’article 772 du code civil précise que :

« Dans les deux mois qui suivent la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu’il n’a pas été en mesure de clôturer l’inventaire commencé ou lorsqu’il justifie d’autres motifs sérieux et légitimes.

Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi.

A défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple. »

Cet article souligne l’importance du délai de deux mois accordé à l’héritier pour se prononcer.

Si l’héritier ne prend pas parti dans ce délai, il est réputé avoir accepté la succession, ce qui signifie qu’il ne peut plus renoncer à celle-ci.

Cela a des implications significatives, notamment en ce qui concerne la responsabilité des héritiers pour les dettes du défunt.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle la possibilité de renoncer à la succession après le délai imparti ?

La jurisprudence a établi que, même si l’héritier est réputé acceptant pur et simple après l’expiration du délai de deux mois, il conserve la possibilité de renoncer à la succession tant qu’aucune décision judiciaire ne l’a déclaré acceptant pur et simple.

Cela signifie que, malgré le non-respect du délai, l’héritier peut encore agir pour renoncer à la succession, à condition qu’il n’y ait pas eu de jugement définitif sur son statut d’héritier.

Cette interprétation vise à protéger les droits des héritiers, en leur permettant de renoncer à une succession qui pourrait leur être défavorable, notamment en raison de dettes importantes.

Cependant, dans le cas présent, la cour d’appel a jugé que les consorts, n’ayant pas pris parti dans le délai imparti, avaient perdu leur droit de renoncer à la succession, ce qui a conduit à leur condamnation au paiement des dettes du défunt.

Cette décision illustre l’importance de respecter les délais légaux pour éviter des conséquences financières indésirables.

CIV. 1

SH

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 85 F-B+R

Pourvoi n° Q 22-22.618

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 FÉVRIER 2025

1°/ M. [G] [L], domicilié [Adresse 2] (Émirats Arabes Unis),

2°/ Mme [Z] [L], domiciliée [Adresse 1] (Belgique),

ont formé le pourvoi n° Q 22-22.618 contre l’arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d’appel de Nîmes (2e chambre civile, section A), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 3], représenté par l’agence Vesta Syndic, prise en la personne de M. [H] [O],

2°/ à M. [U] [L], domicilié [Adresse 2] (Émirats Arabes Unis),

défendeurs à la cassation.

M. [U] [L] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de MM. [G], [U] [L] et Mme [L], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat des copropriétaires [Adresse 4], après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 7 juillet 2022), [J] [L] est décédé le 12 juin 2017, en laissant pour lui succéder ses enfants, MM. [G] et [U] [L], et Mme [Z] [L] (les consorts [L]).

2. Par actes des 17, 18, 19 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 4] (le syndicat des copropriétaires), invoquant une créance relative à des charges de copropriété dues par [J] [L], a sommé les consorts [L] d’opter, conformément aux dispositions de l’article 771 du code civil.

3. Les consorts [L] n’ayant pas pris parti à l’expiration du délai de deux mois suivant la sommation, imparti par l’article 772 du même code, le syndicat des copropriétaires les a assignés en paiement de la dette du défunt.

Examen des moyens

Sur les moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

4. Les consorts [L] font grief à l’arrêt de les condamner solidairement, en qualité d’héritiers de [J] [L], à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 91 545,25 euros au titre des charges de copropriété arrêtées au 30 juin 2021, alors « que si, à défaut d’avoir pris parti à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la sommation d’opter qui lui a été délivrée, ou, le cas échéant, d’un délai supplémentaire judiciairement accordé, l’héritier est réputé acceptant, il n’est cependant pas privé de la faculté de renoncer efficacement à la succession, même après l’expiration de ces délais, tant qu’une décision judiciaire le déclarant acceptant pur et simple n’est pas encore passée en force de chose jugée ; qu’en se fondant, pour condamner les consort [L] au paiement de dettes de leur auteur, [J] [L], en qualité d’héritiers de celui-ci, sur la seule circonstance qu’une sommation d’opter leur avait été délivrée et qu’ils n’avaient pas réagi à celle-ci dans un délai de deux mois, laquelle n’excluait pourtant pas la faculté pour ces derniers de renoncer efficacement à la succession tant qu’une décision les déclarant acceptants purs et simples n’était pas encore passée en force de chose jugée, la cour d’appel a violé les articles 771 et 772 du code civil ».

Réponse de la Cour

5. Selon l’article 771du code civil, à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession, l’héritier peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l’initiative d’un créancier de la succession, d’un cohéritier, d’un héritier de rang subséquent ou de l’Etat.

6. L’article 772 du même code dispose :

« Dans les deux mois qui suivent la sommation, l’héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu’il n’a pas été en mesure de clôturer l’inventaire commencé ou lorsqu’il justifie d’autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu’à la décision du juge saisi.

A défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l’héritier est réputé acceptant pur et simple. »

7. Il en résulte qu’à l’expiration de ce délai, s’il n’a pas pris parti et n’a pas sollicité de délai supplémentaire auprès du juge, étant réputé acceptant pur et simple de la succession, il ne peut plus y renoncer, ni l’accepter à concurrence de l’actif net.

8. Après avoir relevé que par actes d’huissier de justice des 17, 18 et 19 juillet 2019, le syndicat des copropriétaires avait, en application de l’article 771 du code civil, sommé M. [U] [L], Mme [Z] [L] et M. [G] [L] d’exercer leur option successorale, la cour d’appel a exactement retenu que le délai de deux mois imparti avait valablement couru à compter de ces sommations et qu’à défaut d’avoir pris parti dans ce délai, ceux-ci avaient perdu le droit de renoncer à la succession respectivement à compter des 18, 19 et 20 septembre 2019, de sorte que les actes de renonciation établis par eux postérieurement à ces dates étaient inopérants et que la copropriété, créancière de leur père, était recevable à agir à leur encontre en paiement de la dette du défunt, en leur qualité d’héritiers.

9. Les moyens ne sont donc pas fondés.


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