Harcèlement moral et surcharge de travail

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Harcèlement moral et surcharge de travail

L’Essentiel : Mme [B] a été engagée par la fondation EPF en tant que directrice administrative et financière en mai 2014. Après un avertissement en janvier 2018 et un arrêt de travail, elle a été licenciée en juillet 2018 pour insuffisance professionnelle, notamment pour des retards et des erreurs dans la gestion. La fondation a également signalé des manquements éthiques, comme la collecte de fonds non justifiée. Contestant son licenciement, Mme [B] a été déboutée par le conseil de prud’hommes, mais la cour d’appel a finalement annulé son licenciement pour harcèlement moral, condamnant la fondation à des indemnités.

Engagement de Mme [B]

Mme [B] a été engagée par la fondation EPF en tant que directrice administrative et financière à partir du 6 mai 2014, sous un contrat de travail à durée indéterminée. La fondation est spécialisée dans la formation d’ingénieurs généralistes et applique la convention collective nationale de l’enseignement.

Avertissement et licenciement

Le 5 janvier 2018, Mme [B] a reçu un avertissement. Elle a été en arrêt de travail du 19 mars au 20 juin 2018. Suite à un entretien préalable le 10 juillet 2018, elle a été licenciée le 25 juillet 2018 pour insuffisance professionnelle, avec des accusations de carences et négligences dans l’exercice de ses fonctions.

Carences professionnelles

Le licenciement a été justifié par des retards récurrents dans l’exécution de tâches essentielles, des erreurs dans la gestion des ressources humaines et des services financiers, ainsi qu’une absence de suivi des dossiers importants. Des exemples concrets de dossiers laissés en souffrance ont été cités, illustrant une gestion défaillante.

Absence de pilotage et décisions inappropriées

La fondation a constaté une dégradation du dispositif de pilotage budgétaire et l’absence d’outils de contrôle de gestion. Mme [B] a également pris des décisions inappropriées, comme l’acquisition d’un logiciel sans suivi adéquat, et a fourni des analyses erronées concernant la rémunération des enseignants.

Manquements éthiques

Des accusations de manquements à l’éthique ont été soulevées, notamment concernant la collecte de fonds pour un cadeau qui n’a jamais été acheté, soulevant des questions sur la loyauté et l’honnêteté de Mme [B].

Procédure judiciaire

Mme [B] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, qui a rendu un jugement le 13 octobre 2022, déboutant Mme [B] de la plupart de ses demandes. Elle a interjeté appel de cette décision.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a infirmé partiellement le jugement initial, déclarant le licenciement de Mme [B] nul en raison de harcèlement moral. Elle a condamné la fondation EPF à verser diverses sommes à Mme [B], y compris des rappels d’heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour licenciement nul et harcèlement moral.

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA ?

L’article L.742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que :

« À titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. »

Il est important de noter que les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie que l’administration n’a besoin d’établir qu’un seul de ces critères pour justifier la prolongation de la rétention.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?

L’article L.741-3 du CESEDA précise que :

« Il appartient au magistrat du siège de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. »

Cela implique que dès le placement en rétention, l’administration doit saisir effectivement les services compétents pour faciliter le retour de l’étranger.

Cependant, il est également établi que l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, comme l’indique la jurisprudence (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).

Ainsi, le juge ne peut pas imposer à l’administration la réalisation d’actes sans véritable effectivité.

Comment est appréciée la menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention ?

La menace pour l’ordre public, qui peut justifier une prolongation de la rétention, doit être appréciée in concreto. Cela signifie qu’elle doit être évaluée en fonction d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.

La jurisprudence (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X.) a précisé que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public.

L’appréciation de cette menace doit également prendre en compte les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).

Quelles sont les voies de recours possibles contre l’ordonnance de prolongation de la rétention ?

Selon les dispositions applicables, le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Il est également précisé que l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, ce qui signifie que les voies de recours doivent être exercées dans le cadre défini par la loi.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 8 janvier 2025

N° RG 22/03515

N° Portalis DBV3-V-B7G-VRDB

AFFAIRE :

[Y] [B]

C/

Fondation ECOLE POLYTECHNIQUE FEMININE (EPF)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 octobre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F19/00986

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Dahbia MESBAHI

Me Eric SEGOND

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JANVIUER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [Y] [B]

née le 8 décembre 1961 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Dahbia MESBAHI de la SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0706

APPELANTE

****************

Fondation ECOLE POLYTECHNIQUE FEMININE (EPF)

N° SIRET : 391 101 581

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND – ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0172

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [B] a été engagée en qualité de directrice administrative et financière, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 6 mai 2014 par la fondation EPF.

Cette société est spécialisée dans la formation d’ingénieurs généralistes. Elle applique la convention collective nationale de l’enseignement, écoles supérieures d’ingénieurs et cadres.

Par lettre du 5 janvier 2018, Mme [B] a reçu un avertissement.

Elle a été en arrêt de travail du 19 mars 2018 au 20 juin 2018.

Convoquée par lettre du 26 juin 2018 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 10 juillet 2018, Mme [B] a été licenciée par une lettre du 25 juillet 2018 de huit pages, pour insuffisance professionnelle, dans les termes suivants :

« (‘) L’analyse des faits à laquelle nous avons procédé nous conduit à considérer que, dans l’exercice de vos fonctions, vous avez fait preuve de multiples carences et/ou négligences, et ce bien souvent dans les domaines les plus essentiels de vos attributions, de sorte que nous sommes aujourd’hui contraints d’en tirer la conclusion que vous ne répondez pas aux exigences de votre poste, et de ce que nous sommes en droit d’attendre d’un professionnel de votre niveau.

Nous rappelons à cet égard, qu’après avoir signé votre contrat de travail le 17 avril 2014, vous avez pris vos fonctions le 6 mai 2014 en qualité de Directrice Administrative et Financière de la Fondation EPF.

Aux termes du contrat de travail vous liant à celle-ci, vous étiez plus particulièrement en charge des

missions suivantes :

« 1. Diriger, animer et conseiller les services de support administratifs et financiers directement rattachés :

– Services financiers et du contrôle de gestion : comptabilité, contrôle de gestion de la trésorerie, budget annuel, reporting (arrêté des comptes mensuels par nature et gestion prévisionnel’)

– Services des ressources humaines : Paie, gestion des entrées et des sorties des personnels, animation du dialogue et de l’agenda social, élaboration des contrats de travail, gestion des litiges’

– Services généraux : Gestion du personnel immobilier de l’école et de l’ensemble des systèmes en permettant l’utilisation optimale par les élèves et les personnels dans les conditions de sécurité réglementaires (ERP)’, dans un esprit de service aux utilisateurs, de qualité des prestations servies (fiabilité des informations produites/respect des réglementations tenu des délais et d’optimisation générale des ressources financières de la Fondation.

5. Développer les instruments de pilotage des activités et des sites de l’école et personnifié auprès des Directeurs membres du Codir et du Codex, l’axe stratégique Contrôle interne/ Contrôle de gestion, en les sensibilisant et en les accompagnant dans cette démarche ;

6. Appuyer le Directeur de l’EPF dans la conduite stratégique de l’établissement, en fournissant, notamment, toutes informations ressortant de votre périmètre fonctionnel et en lui apportant toutes contributions et suggestions permettant la mise en ‘uvre de solutions aux problèmes rencontrés si ils sont pressentis ;

7. Structurer l’administration de l’établissement en complétant et en optimisant les procédures administratives dans le contexte d’organisation multi-sites récemment mises en place. A cet effet, tout mettre en ‘uvre pour garantir la diffusion, la compréhension et l’application de ces procédure par l’ensemble des personnels de la Fondation. »

Il convient également de rappeler que, pour le bon accomplissement de vos fonctions, vous avez été dotée des moyens et des ressources nécessaires (à titre d’exemple, chacune des demandes de renforcement des équipes que vous avez sollicitées a été honorée, et ce, alors même qu’intervenaient des procédures de simplification et d’automatisation des process, ainsi que le transfert d’un niveau de gestion autonome vers les campus).

A plusieurs reprises, au cours de votre collaboration, nous vous avons été amenés à déplorer un certain nombre de carences, voire de manquements professionnels de votre part, consistant par exemple dans des retards importants et récurrents dans l’exécution de tâches essentielles et qui auraient supposé une ponctualité sans défaut.

Fin août 2017, un long entretien avait été consacré à la nécessité de remédier à ces différents retards notamment en ce qu’il exerçait un impact fort néfaste sur l’organisation ou la charge de travail de collaborateurs indirectement impliqués par vos carences.

Le 5 janvier 2018, vous avez été l’objet d’une mesure d’avertissement, mesure justifiée par diverses erreurs et anomalies, ainsi que des retards, dans des domaines ou des matières énoncés précisément dans notre lettre du 5 janvier 2018, avertissement qu’au demeurant, vous n’avez alors en rien contesté.

Il ne s’agit évidemment pas pour nous, aujourd’hui, de revenir sur les faits qui ont ainsi été sanctionnés, les griefs justifiant l’actuelle mesure de licenciement étant fondés sur des faits certes la plupart du temps comparables, mais distincts de ceux qui ont déjà été sanctionnés.

Il se trouve que vous avez été en arrêt de travail du 12 février au 12 mars dernier puis du 19 mars 2018 au 20 juin dernier.

En votre absence et comme vous avez pu le constater à votre retour, les services généraux ont fait face efficacement à de nombreuses missions, reprenant des actions qui, pour certaines d’entre elles, avaient été laissées en souffrance.

Il se trouve par ailleurs que la nécessaire reprise, en votre absence, des dossiers que vous traitiez ou que vous étiez supposée traiter, nous a amené à découvrir des faits dont nous n’avions pas encore pu appréhender la réalité ou l’étendue.

Ceci en résulte en partie de ce que vous exerciez dans le cadre d’une large autonomie, qui, en tant que telle, relève certes de l’application normale de votre contrat de travail mais que vous avez progressivement transformé en étanchéité totale, notamment vis-à-vis de la Direction Générale, pour affirmer votre autorité vis-à-vis des collaborateurs relevant de votre hiérarchie, ou échapper à tout contrôle de la vôtre.

Vous avez par exemple ainsi demandé à vos collaborateurs qu’ils n’aient plus aucun contact direct avec le Directeur Général, dont vous avez par ailleurs entrepris de surveiller l’agenda.

Dans le même état d’esprit, vous avez demandé, contrevenant en cela aux pratiques jusqu’alors établies, que certains documents pourtant simples produits par la comptabilité (état de la trésorerie, états de suivi budgétaire etc…) ne soient plus transmis simultanément à la Direction Générale et à la DAF comme ils l’étaient jusqu’alors, mais qu’ils vous soient adressés préalablement de sorte que vous soyez ainsi l’unique transmetteur d’informations vis-à-vis de la Direction Générale.

Votre exigence de ce contrôle total a ainsi eu pour conséquence des retards sans précédent dans la transmission des données à la Direction Générale, et ce, sans que la moindre valeur ajoutée soit apportée par la Direction Administrative et Financière.

Cette pratique qui était, selon vos dires, supposée vous permettre, le cas échéant, de corriger ou compléter les informations produites par la comptabilité n’a en réalité conduit à aucune, établissant ainsi que votre exigence était sans fondement, alors par ailleurs que vos équipes expérimentées réalisaient un travail de qualité.

Votre souci du contrôle total nous est apparu être inspiré par une absence de confiance en vos collaborateurs, si ce n’est même de défiance à leur égard ainsi que par la volonté de vous prévaloir directement du travail réalisé par ces derniers, sans avoir à mettre en ‘uvre vos propres responsabilités telles qu’elles résultent des points II, III et IV de votre contrat de travail.

Nous reviendrons ci-après sur les différentes carences et/ou insuffisances découvertes ou révélées au cours de votre absence.

Dossiers non traités depuis plusieurs mois

Il est à nos yeux édifiant de constater que deux dossiers que vous aviez véritablement laissés à l’abandon ont été dénoués en très peu de temps, au cours de votre absence, dans le cadre de l’intérim qui a été assuré par la Direction Générale.

Tel a été le cas du dossier fiscal du Campus de [Localité 5] concernant un logement considéré comme vacant par l’Administration (et par conséquent taxé à ce titre) et qui a été régularisé afin que soit déclaré auprès du Centre des Impôts le logement de fonction du Directeur, permettant à l’Administration Fiscale d’émettre un avis de Taxe d’Habitation.

De la même façon, le dossier « Exonération du versement transport » qui était en chantier depuis deux ans, selon vous sans réponse émanant de l’Administration Régionale, a pu être réglé en un mois en votre absence, étant observé qu’il nous a alors été indiqué qu’il avait mis fin à la procédure par le Syndicat du Transport d’île de France il y a peu, et ce, faute de réponse de l’EPF (autrement dit de vous !).

Ces deux exemples sont révélateurs de ce qu’a été votre façon de faire (ou plutôt de ne pas agir en temps utiles).

Absence d’outils de pilotage

Comme nous l’avons déjà vainement fait valoir, depuis votre entrée en fonction, le dispositif de pilotage budgétaire s’est progressivement dégradé en dépit de vos différents engagements de rétablir le cours d’une situation normale à cet égard.

Plus généralement, et là encore en dépit de vos engagements d’amélioration, l’École ne dispose plus de budget d’investissement exhaustif contrairement à ce qui était en place avant votre prise de fonction.

La procédure budgétaire n’est pas étendue à l’ensemble des directions et le budget d’exploitation de synthèse est réalisé systématiquement dans l’urgence, sans concertation préalable avec la Direction Générale, et surtout sans possibilité de vérification d’arbitrage et de validation par le Comité de Direction, avant sa présentation au Bureau du Conseil d’Administration.

Vous n’ignorez pourtant pas que ce contexte de travail ne manque pas de créer des difficultés lorsque les insuffisances ou incohérences sont pointées en séance, entraînant des récriminations de la part des Administrateurs et nécessitant d’apporter des corrections.

Dans ce contexte dégradé, le budget ne peut faire l’objet d’une présentation aux instances représentatives du personnel, qui sont pourtant très directement impliquées ne serait-ce que dans la mesure où la réalisation budgétaire entre dans l’assiette de calcul de l’intéressement des salariés.

La Fondation ne dispose ainsi d’aucun indicateur de contrôle de gestion alors qu’il s’agit d’une responsabilité directe de la DAF. Ainsi, comme vous le savez, chaque fois que des informations comptables, économiques ou financières s’avèrent nécessaires, il en résulte un travail laborieux et incertain qui pourrait nous être épargné si vous aviez fait face aux exigences de votre fonction.

Il faut en effet conclure à cet égard que vous n’avez pas fait face à ce qui était pourtant une de vos missions essentielles, aux termes de votre contrat de travail, consistant à :

« Développer les instruments de pilotage des activités et des sites de l’École et personnifier auprès des Directeurs membres du CODIR et du CODEX l’axe stratégique contrôle interne/ contrôle de gestion, en les sensibilisant et en les accompagnant dans cette démarche ».

Décisions inappropriées

Ainsi que nous l’avons évoqué ci-dessus, vous êtes progressivement allée au-delà de la simple autonomie qui était inhérente à vos fonctions pour vous confiner dans un mode d’exercice totalement cloisonné, et dans une totale absence de partage des décisions avec vos collègues ou votre hiérarchie.

Cette organisation vous a conduit à prendre des décisions inappropriées, comme par exemple celle d’acquérir un logiciel« Portail collaboratif» (logiciel EDY) pour un montant de 10 140 euros (dont 8 508 euros effectivement réglés) pour un projet démarré en 2016, dont l’abandon (tout comme l’existence), n’a été porté à notre connaissance que le 21 février 2018 par mail de la DSI, cette abandon faisant « suite à une demande de Madame [B] qui se propose de rechercher un nouveau logiciel répondant mieux à nos attentes ».

De la même façon, dans ce mode d’exercice à la fois solitaire et excluant toute rigueur, vous avez commis de fréquentes erreurs dont certaines pouvaient avoir des conséquences calamiteuses, comme ce fut le cas d’une décision fondée sur une analyse qui vous a été demandée concernant le niveau de rémunération des enseignants, visant à établir une politique de salaire objective et équitable.

Vous avez à ce propos fourni des données qui se sont avérées erronées, non corrigées en temps utile, et qui ont conduit à une décision d’augmentation de salaire qui s’est avérée infondée.

Erreurs et/ou négligences

Il ne s’agit pas ici de revenir en détail sur toutes vos erreurs, mais de ne retenir que quelques exemples de celles-ci, de nature à exposer la Fondation à des conséquences dommageables.

Tel a notamment été le cas concernant les vacataires assurant un nombre d’heures important alors qu’une vigilance particulière vous a régulièrement été demandée, et que des procédures ont rédigées et communiquées, les informations requises étant en outre transmises aux différents Directeurs.

Dans la mesure où vous n’avez pris à cet égard aucune initiative, et n’avez assuré aucun contrôle c’est en définitive la Direction Générale qui a dû prendre les mesures nécessaires et rappeler au Responsable les règles instaurées au sein de la Fondation en la matière ainsi que les risques associés au non-respect de celles-ci.

Dans le même ordre d’idée, comme vous le savez, sans que vous n’en ayez jamais tiré les conséquences, la Fondation accorde la gratuité des droits de scolarité aux enfants des membres du personnel.

Cette situation, qui existe certes de longue date, est susceptible de gérer un risque social avéré dans la mesure où il peut être considéré que cette gratuité relèverait de la notion d’avantage en nature (susceptible, de ce fait, de supporter les cotisations sociales étant observé que l’EPF est la seule école associative ayant des usages aussi généreux vis-à-vis des enfants du personnel).

A aucun moment, contrairement à vos obligations, vous n’avez entrepris d’attirer l’attention de la Direction sur ce point, pas plus que de préconiser des mesures de correction et d’adaptation, de sorte que cela n’ayant pas été fait, la Direction Générale a informé la représentation du Personnel des risques encourus, et de sa décision prise, au vu de ceux-ci, de mettre fin à la pratique précitée.

Vous avez par ailleurs mis en place des ordres de mission supposés être permanents, alors qu’ils se sont avérés être à durée déterminée, perdant évidemment de ce fait leur vocation originelle.

Il s’est ainsi avéré qu’ils avaient à être renouvelés avant le 31 décembre dernier sauf à devenir caducs, faisant ainsi courir un risque juridique au personnel de la Fondation de même qu’à la Fondation elle-même, ce qu’une simple lecture un tant soit peu attentive des documents que vous établissiez vous aurait permis d’éviter.

De manière générale, nous sommes ainsi confrontés en permanence, dans le domaine administratif, à votre incapacité récurrente à respecter le moindre de vos engagements, ou à définir et contrôler des procédures fiables alors que votre contrat de travail prévoit que vous étiez supposée contribuer à : « structurer l’administration de l’établissement en complétant et en optimisant les procédures administratives dans le contexte d’organisation multi-sites récemment mises en place, à cet effet, tout mettre en ‘uvre pour garantir la diffusion, la compréhension et l’application effective de ces procédures par l’ensemble des personnels de la Fondation ».

Absence de toute action en vue de la réalisation d’un projet stratégiques

Voici près de deux années que nous travaillons sur la réalisation d’un projet stratégique 2017/2022 reporté à 2018/2023 essentiellement en raison de l’absence de toute contribution de la Direction Administrative et Financière audit projet, puisqu’à ce jour, aucun élément d’information ne nous a été transmis.

Depuis plus de deux ans, la Direction Générale vous demande, sans résultat ni réaction de votre part d’assurer un travail de fond notamment axé sur la meilleure connaissance possible des coûts engendrés par les activités de la Fondation.

C’est en partie le cas de l’activité de recherche, appréhendée anormalement à travers les seuls flux financiers, et ce, en contradiction avec les principes comptables élémentaires, ceux-ci n’offrant aucune possibilité de comparaison entre les exercices comptables.

Ceci relève incontestablement du c’ur même de vos attributions et aussi, là encore, d’engagements régulièrement pris par vous, mais jamais honorés.

Cet immobilisme est d’autant plus regrettable et incompréhensible que vous disposez de nombreuses ressources externes pour vous assister (Avocats, Experts-comptables, Commissaire aux Comptes, pris en charge par la Fondation).

En dépit de ce contexte favorable, et devant votre incapacité à apporter une réponse exploitable aux demandes que formule à votre attention la Direction Générale depuis deux ans, celle-ci a été dans l’obligation de prendre en charge ce sujet très important pour le modèle économique de l’EPF, de réunir les services comptables et le Directeur de la Recherche afin de conduire une analyse du problème, et avancer sur des solutions techniques et opérationnelles relatives au traitement des dépenses de recherche.

Ces réponses connues par tous ont pu immédiatement être mises en ‘uvre et nous déplorons, là encore, ceci se soit fait sans la moindre contribution de votre part.

De la même façon, après avoir demandé que la Fondation s’inscrive dans une démarche « Crédit Impôt Recherche », et malgré le retard de mise en ‘uvre de la demande de la Direction Générale, ce CIR est calculé chaque année et fait l’objet d’un remboursement par l’Administration. Cette procédure nous expose à un contrôle fiscal, constatation au vu de laquelle, en l’absence d’implication de la Direction Administrative et Financière, la Direction Générale a été amenée à rappeler des règles de fond, en vue de mieux sécuriser les procédures internes.

En outre, de nombreux exemples illustrent l’absence totale de diligences de votre part, ce comportement imposant à vos interlocuteurs des relances systématiques pour s’assurer d’une prise en compte effective des demandes que vous êtes supposée traiter.

En conclusion sur ce point, votre absence de suivi de nombreux dossiers parmi les plus essentiels, procède d’une méconnaissance délibérée des obligations énoncées à votre contrat de travail, consistant en :

« Appuyer le Directeur de l’EPF dans la conduite stratégique de l’établissement en fournissant, notamment, toutes informations ressortant de votre périmètre professionnel et en lui apportant toutes contributions et suggestions permettant la mise en ‘uvre de solutions aux problèmes rencontrés ou de les éviter s’ils sont pressentis ».

Absence de suivi mettant en cause la sécurité juridique

Comme vous le savez, l’EPF occupe, depuis la dernière entrée, un laboratoire de chimie au sein de l’ESTP. Celui-ci est utilisé pour des travaux pratiques des élèves de l’EPF, ainsi que la recherche.

Il se trouve qu’un an après la discussion et l’accord tacite d’occupation de ce laboratoire de chimie sur le campus de l’ESTP, aucune convention n’a été finalisée, cette situation exposant l’EFP au risque d’être considérée comme n’ayant aucun statut locatif et/ou celui d’un occupant sans droit ni titre avec les diverses conséquences néfastes qui en découlent.

Là encore, vous n’avez pas pris ce sujet en charge et, comme à l’accoutumée, vous avez entrepris de faire porter la responsabilité de cette situation anormale à votre interlocutrice (la Secrétaire Générale de l’ESTP), comme ne répondant prétendument pas à vos appels, sans pour autant avoir avisé de cette situation la Direction Générale.

Dans le domaine des relations sociales comme pratiquement en toutes autres matières, les dossiers ne sont donc pas suivis dans les délais requis, et, quel que soit le sujet, ou le collaborateur concerné, il est régulièrement nécessaire de vous relancer, souvent à plusieurs reprises, pour que vous finissiez par vous conformer à vos engagements.

Cette situation, qui n’a fait qu’empirer avec le temps, est devenue véritablement inacceptable.

Dans le même ordre d’idée, nous observons une dégradation régulière du climat social, qui est la conséquence de l’absence de réponse de la DAF aux questions posées par les salariés, cette situation amenant les différents intéressés à solliciter la Direction Générale pour obtenir des réponses ou des solutions qui ne leur ont pas été apportées par la DAF.

Cette dégradation a également affecté la relation avec la représentation du Personnel pour la même raison tenant aux nombreux engagements que vous avez pris en séance mais qui n’ont pas été respectés par la suite.

Cette situation a par exemple amené au fait que l’ordre du jour de la réunion du CE du 27 mars 2018 ait comporté le libellé suivant, les termes utilisés se passant de tout commentaire :

« 7- Point sur les engagements de la Direction non tenus :

‘ Réponses de la Direction aux questions DP hors délais systématiquement (en principe 6 jours après la tenue de la réunion)

‘ BDF.S : dossier de partage toujours inexistant malgré réunions et demandes. En conséquence, aucune information disponible à ce jour. Retard sur les premières négociations (voir PY 05 et 0612017)

‘ Négociation sur le contrai de mutuelle et prévoyance (décembre 2017) : non communication des documents écrits, réunions de travail hors délais, pression sur les élus (voir PY 1212017 et 0112018)

8- Point sur les dossiers en souffrance :

‘ Négociation sur le futur accord d’intéressement, non-respect des délais (ni calendrier, ni proposition de réunion, voir PY 09/2017) Engagement sur le dialogue à propos la grille d’évaluation des EC (réunion envisagée en septembre, une/fois par trimestre, aucune avancée, voir PV09/2017)

‘ Télétravail : Engagement sur des entretiens pour chaque salarié, centrés sur leur environnement de travail (PV 11/2017), groupe de travail sur le télétravail non lancé (voir PV 1112017)

‘ Droit à la déconnexion : groupe non lancé (voir PV 10/2017) ».

Un an plus tôt, vous aviez vainement été interpellée au vu de votre retard à répondre aux questions des Délégués du Personnel.

Durant votre absence, la Direction Générale a entrepris de reprendre certains sujets, et d’ouvrir les groupes de travail « Télétravail » et « Droit à la déconnexion » ainsi que de renouer le dialogue sur le temps de travail des enseignants.

Concernant le sujet de la base de données économiques et sociales (BOES), en dépit de plusieurs demandes qui vous ont été faites, la situation n’a pas évolué, ceci étant à inscrire dans vos carences relatives tout ce qui relève de la situation budgétaire.

Manquements à l’éthique ou indélicatesses

Il nous faut enfin revenir sur un fait qui nous parait mettre en cause votre loyauté, si ce n’est même votre honnêteté.

En effet, vous avez dernièrement collecté la somme de 400 euros prétendument destinée à un cadeau au profit d’une salariée quittant une entreprise.

Il se trouve cependant que ce cadeau n’a pas été acheté et que les espèces afférentes n’ont pas été restituées, tandis qu’aucun justificatif de dépense n’a été transmis au service comptable qui a alerté la Direction Générale sur cette situation.

Lors de l’entretien préalable, à l’évocation de ces faits, vous avez indiqué que le cadeau avait effectivement été acheté, qu’il avait été déposé dans votre bureau et que, compte tenu de votre arrêt de travail, vous n’aviez pas eu le temps matériel d’en effectuer la remise.

Comme nous l’avons fait observer, il vous appartenait de remettre immédiatement le justificatif afférent, et ce d’autant plus que votre arrêt de travail a été une première fois interrompu, et que vous étiez de retour depuis deux semaines, sans que le nécessaire ait fait.

Pour anodin qu’il vous paraisse, ce dernier exemple est à nos yeux révélateur d’un comportement totalement inadapté aux différentes exigences de votre fonction. ».

Par requête du 23 juillet 2019, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 13 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

. Dit que la rédaction du contrat de travail dans son article 4 est incompatible avec le niveau d’embauche et de responsabilité de Mme [B] défini dans son article 3 de son contrat de travail

. Invité la fondation EPF à mieux maîtriser la rédaction de ce type de contrat

. Débouté Mme [B] de ses demandes de paiement d’heures supplémentaires de congés payés y afférents, de contrepartie de repos et de travail dissimulé

. Débouté Mme [B] dans sa demande de nullité de son licenciement suite à des faits de harcèlement subi

. Débouté Mme [B] dans ses demandes annexes au principal, de condamner la fondation EPF à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de condamner la fondation EPF à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité et de prévention par l’employeur, de condamner la fondation EPF à titre de dommages et intérêts en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail et de condamner la fondation EPF à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

. Débouté Mme [B] dans sa demande de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse

. Débouté Mme [B] dans sa demande d’article 700 du code de procédure civile

. Débouté Mme [B] du surplus de ses demandes

. Condamné Mme [B] à verser à la fondation EPF la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. Mis les entiers dépens à la charge de Mme [B]

Par déclaration adressée au greffe le 28 novembre 2022, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 1er octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [B] demande à la cour de :

. Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 13 octobre 2022

A titre principal,

. Condamner la fondation EPF à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

. Heures supplémentaires pour la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018 : 147 382,63 euros,

. Congés payés afférent : 14 738,26 euros,

. Contrepartie obligatoire en repos pour la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018 : 40 581,79 euros,

. Congés payés y affèrent : 4 058,17euros,

. Dommages et intérêts pour travail dissimulé : 48 485,88 euros,

. Indemnité compensatrice de préavis : 12 121,47 euros

. Incident congés payés : 1 212,14 euros

. Dire et juger nul le licenciement de Mme [B] compte tenu du harcèlement moral subi,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 96 971,78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l’obligation de sécurité et de prévention par l’employeur,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ,

A titre subsidiaire,

. Dire et juger que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 40 404,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

. Ordonner la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros de retard par jour à compter de la décision à venir,

. Condamner la fondation EPF aux intérêts de retard sur les condamnations à caractère salarial prononcées à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

. Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

. Condamner la fondation EPF au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamner la fondation EPF aux entiers dépens de première instance et d’appel

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la fondation école polytechnique féminine demande à la cour de :

. Recevoir la Fondation EPF en ses conclusions et en son appel incident,

. L’y disant bien fondée,

. Infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a :

«. Dit que la rédaction du contrat de travail dans son article 4 est incompatible avec le niveau d’embauche et de responsabilité de Mme [B] défini dans son article 3 de son contrat de travail.

. Invité la Fondation EPF à mieux maîtriser la rédaction de ce type de contrat. ».

. Le confirmer pour le surplus.

Statuant à nouveau,

. Débouter Mme [B] de l’intégralité de ses demandes.

. Condamner Mme [B] à payer à la Fondation EPF une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

. Condamner Mme [B] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

La salariée expose que son contrat de travail prévoit une durée de 35h par semaine, qu’elle a été surchargée de travail pendant trois années, sans s’en plaindre auprès de l’employeur qui lui a octroyé des primes, que le secrétaire général recruté en 2017 a récupéré une partie de ses fonctions mais qu’elle a dû reprendre ses tâches à la fin de la période d’essai non concluante de ce dernier, que la direction n’a jamais pris la mesure de ses difficultés, raison pour laquelle elle a été placée en arrêt maladie début 2018 puis à mi-temps pour raison médicale jusqu’en septembre 2018.

L’employeur objecte que la surcharge de travail alléguée n’est pas établie, qu’elle percevait une rémunération conforme à ses attributions.

**

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, publié au rapport ; Soc., 27 janvier 2021 (pourvoi n° 17-31.046, publié).

Au cas présent, le contrat de travail de la salariée, engagée en mai 2014 en qualité de directrice administratif et financier, indique en son article 4 une durée du travail de « 35h par semaine, sur une période de cinq jours avec les horaires suivants : du lundi au vendredi 9h à 17h y compris une heure de pause déjeuner ».

D’abord, il convient de faire droit à l’appel incident de l’employeur aux fins d’infirmation du chef de dispositif du jugement qui «. Dit que la rédaction du contrat de travail dans son article 4 est incompatible avec le niveau d’embauche et de responsabilité de Mme [B] défini dans son article 3 de son contrat de travail.

. Invite la Fondation EPF à mieux maîtriser la rédaction de ce type de contrat. ».

ces chefs de dispositif ne correspondant à aucune demande de la salariée, non soumise à une convention de forfait en jours, qui sollicitait uniquement le paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, la salariée, qui ne conclut pas au rejet de l’appel incident, ne s’opposant pas au moyen de l’employeur selon lequel le conseil de prud’hommes a statué ultra petita. Ces chefs de dispositif seront donc infirmés.

Ensuite, à l’appui de sa demande de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période non prescrite du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, la salariée produit et invoque les éléments suivants :

– un tableau établi par ses soins, faisant état, sur la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, du nombre d’heures qu’elle allègue avoir travaillées par semaine, y compris certains samedi ou dimanche (pièce 105 de la salariée),

– de nombreux courriels qu’elle a envoyés sur la période, y compris les week-end,

– une attestation versée par l’EPF dans laquelle le témoin indique que « Madame [B] partait souvent avec un gros sac de courses contenant des dossiers EPF. Elle arrivait en général après 9 heures le matin, et partait vers 19h ou 20 heures le soir ». (Pièce EPF n°40)

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Sur ce point, l’employeur se contente de soutenir que la salariée n’a jamais indiqué avoir réalisé des heures supplémentaires, qu’elle ne produit pas d’éléments au soutien de sa demande, que le tableau n’a été produit que le 24 mars 2022, qu’il ne peut se voir reconnaître la moindre force probante compte tenu des circonstances de l’espèce et du droit en vigueur, qu’elle était à un niveau d’autonomie qui lui permettait de déterminer seule l’organisation de son travail, que les courriels qu’elle produit ne sauraient être probants alors que le logiciel de messagerie (Outlook) utilisé au sein de la Fondation et par Mme [B] permettait de différer l’expédition de messages.

L’employeur ne fournit pas le moindre élément de nature à justifier les heures de travail effectivement réalisées par la salariée au cours de cette période.

Au regard des éléments versés aux débats, la cour condamne la Fondation EPF à payer à Mme [B] les sommes de 147 382,63 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, outre 14 738,26 euros de congés payés afférents.

Au vu des éléments produits par l’une et l’autre partie, et notamment des quelques courriels que produit la salariée envoyés en dehors des horaires de travail collectifs figurant sur son contrat de travail, il y a lieu de considérer que Mme [B] a effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas donné lieu à rémunération, mais en nombre moindre que ce qu’elle revendique.

En effet, le décompte produit par la salariée indique une pause déjeuner quotidienne systématique de 30 minutes au lieu de 1h prévu contractuellement, ce qui ne résulte d’aucun des courriels qu’elle produit (pièces 104), dont il ressort en revanche que, sur la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, soit durant près dix-huit mois, à 37 reprises elle a travaillé (envoyé un courriel) avant 9h (sur plus de 200 mentions figurant sur le décompte) et à 92 reprises elle a travaillé (envoyé un courriel) après 17h (sur plus de 200 mentions figurant sur le décompte), outre dix samedis ou dimanches au cours duquel elle a envoyé un courriel.

La cour condamne en conséquence la Fondation EPF à payer à Mme [B] les sommes de 48 235,12 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, outre 4 823,51 euros de congés payés afférents.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Compte tenu du volume d’heures supplémentaires précédemment retenu et du fait qu’il n’est pas contesté que la société comptait plus de vingt salariés, la cour retient que Mme [B] a effectué en 2017 des heures supplémentaires au delà du contingent annuel de 220 heures.

Par voie d’infirmation du jugement, la Fondation EPF est condamnée à payer à la salariée la somme de 14 610 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, cette somme incluant le montant de l’indemnité de congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées entre juillet 2016 et janvier 2018.

En l’espèce, l’élément intentionnel du travail dissimulé n’est pas caractérisé, le niveau hiérarchique de la salariée justifiant que l’employeur lui ait laissé de la latitude dans l’organisation de son travail sur l’ensemble de la période contractuelle, entamée en mai 2014.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande à ce titre.

Sur le harcèlement moral

A titre liminaire, la cour relève que le moyen de nullité du licenciement invoqué par la salariée est tiré de l’existence d’un harcèlement moral (cf plan de ses conclusions p.2 : «  La nullité du licenciement pour harcèlement moral  », et non de sa dénonciation d’agissements de harcèlement moral, cette dénonciation n’étant invoquée qu’au titre des fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l’appui du harcèlement moral allégué, la salariée invoque (cf plan de ses conclusions, page 2) « surcharge constante de travail, une absence d’entretien individuel, un climat de travail délétère et dévalorisant, des sanctions disciplinaires injustifiées et menaces sur l’emploi, une absence de mesure suite à la dénonciation du harcèlement moral subi et la rupture de son contrat de travail suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral et à un arrêt de travail pendant une période de temps partiel thérapeutique ».

En l’espèce, la salariée produit les éléments de fait suivants :

Sur la surcharge constante de travail

L’allégation de la salariée selon laquelle après le départ de la responsable des ressources humaines, en octobre 2014, l’EPF a décidé de ne pas procéder à son remplacement et qu’elle a été contrainte de reprendre l’intégralité du poste en plus de ses propres fonctions, est dépourvue d’offre de preuve ainsi que le soutient l’employeur à juste titre. En effet les organigrammes simplement reproduits par la salariée dans ses conclusions ne sont pas versés aux débats, ni aucune autre pièce n’étant invoquée sur ce point au titre du harcèlement moral allégué.

En revanche, la salariée établit par la production de ses bulletins de salaire qu’au 31 janvier 2017 il lui restait 23 jours de congés payés non pris au titre de l’année 2015/2016, qu’elle a été indemnisée des congés qui n’ont pas été pris, pour un montant de 4 081,77 euros correspondant à 25 jours, en avril 2017, et pour un montant de 3 082 euros correspondant à 10 jours, en mai 2017.

En outre, la cour a précédemment retenu la réalisation par la salariée d’heures supplémentaires non rémunérées.

L’existence d’une surcharge de travail est établie.

une absence d’entretien individuel

La salariée allègue sans l’établir que depuis son embauche, et contrairement aux autres salariés de l’entreprise, elle n’a jamais eu d’entretien individuel annuel pour lui fixer le cas échéant des objectifs, des attentes particulières et des propositions, ce dont il résulte qu’elle a été privée de la possibilité de s’exprimer et d’être entendue sur la dégradation importante de ses conditions de travail, sa surcharge de travail avec l’impact induit sur sa santé.

L’employeur objecte en outre à juste titre d’une part que la salariée n’était pas soumise à une convention de forfait en jours, et ne prévoyait donc pas un suivi de la charge de travail à ce titre, et, d’autre part, que les attributions confiées à la salariée ne nécessitaient pas la fixation d’objectifs, étant observé qu’elle percevait seulement une rémunération fixe à laquelle ne s’adjoignait aucune rémunération variable.

un climat de travail délétère et dévalorisant

A l’appui de cette allégation, la salariée invoque le fait que la situation qu’elle allègue sans l’établir par des pièces de son dossier, dont aucune n’est ici invoquée, l’a conduit à un arrêt de travail à compter du 19 mars 2018 au 20 juin 2018.

Elle produit un courriel de la directrice de la communication, Mme [G], adressé à la salariée en février 2016, et qui lui écrit que « (ses) relations avec JMN [M. [N], le directeur général] sont de plus en plus difficile et (la) mine terriblement (‘) ses attaques personnelles et systématiquement négatives [de M. [N]] deviennent de moins en moins supportables et me placent dans une situation de souffrance extrême. J’ai de plus en plus de mal à dormir, je fais des cauchemars, j’ai des crises d’angoisse avant chaque CODIR-CODEX », et qui transfère à la salariée un courriel que lui a adressé M. [N] alors qu’elle était en arrêt maladie et dans lequel celui-ci lui écrit notamment qu’« il (lui) semble urgent que tu puisses parfois faire ton autocritique plutôt que de considérer que la responsabilité n’incombe systématiquement qu’aux autres ».

Elle produit également des courriels entre Mme [R], qui a quitté la société dans le cadre d’une rupture conventionnelle, et l’un de ses subordonnés, qui se plaignait du comportement de cette dernière, ce dont M. [N], le directeur général, était informé. Le ton employé par Mme [R] dans les courriels produits étaient particulièrement déplacés et dévalorisants pour son destinataire (« si tu veux utiliser des citations assures toi de ne pas faire de contresens (‘) « il n’y a que les gens extrêmement sensibles pour accomplir des choses extraordinaires » (Voltaire, mais peut être te considères tu aussi supérieur à ce monsieur) ».

L’existence d’un climat délétère et dévalorisant est établi.

des sanctions disciplinaires injustifiées et menaces sur l’emploi

La salariée établit que lui a été notifié un avertissement, par lettre recommandée du samedi 6 janvier 2018 avec accusé de réception, accompagné d’un projet de courrier prétendument rédigé le 31 août 2017, que la salariée n’avait bien évidemment jamais reçu à ce moment là. Un rappel à l’ordre lui a été notifié par un courriel que M. [N] lui a adressé le samedi 10 février 2018.

Ces sanctions n’ont pas été contestées par la salariée, qui n’en sollicite pas l’annulation, de sorte qu’il n’est pas établi qu’elle sont « injustifiées » comme elle l’allègue. En revanche, il est établi et non contesté que la salariée a été informée de ces sanctions par un courriel que M. [N] lui a adressé chaque fois un samedi.

« une absence de mesure suite à la dénonciation du harcèlement moral subi et la rupture de son contrat de travail suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral et à un arrêt de travail pendant une période de temps partiel thérapeutique »

La salariée établit avoir alerté l’employeur par courriel du 13 février 2018 sur ses conditions de travail, ses horaires de travail de 8h à 21 h, même pendant ses congés, les soirs et week-end, ainsi que « l’impact sur sa santé » et une « fatigue incommensurable ».

Elle établit également avoir saisi un avocat de sa situation et que ce dernier a alerté l’employeur par une lettre du 4 avril 2018 dans laquelle est évoquée l’augmentation de la charge de travail de la salariée, qui a nui à sa santé physique et mentale, et le fait que la salariée était progressivement écartée de tout, conduisant son médecin à l’arrêter de travailler depuis le 19 mars 2018.

Il n’est pas contesté que l’employeur, alerté par l’intéressée de l’existence d’une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, n’a pris aucune mesure ni saisi les représentants du personnel de la question du harcèlement moral allégué, M. [N] se bornant à répondre au conseil de la salariée par lettre du 5 avril 2018, que « l’EPF ne (‘) paraît pas être celle des deux parties au contrat de travail à laquelle incomberait de « remédier à cette situation » alors que l’employeur est au contraire tenu à une obligation de sécurité.

Ensuite il ressort de la simple chronologie des faits que la salariée, en arrêt de travail depuis le 19 mars 2018 jusqu’au 20 juin 2018 (soit plus de trois mois), a été convoquée à un entretien préalable au licenciement moins d’une semaine après sa reprise du travail, et que son licenciement lui a ensuite été notifié pour un motif d’insuffisance professionnelle.

Enfin, la salariée établit avoir été arrêtée par son médecin traitant à compter du 12 février jusqu’au 12 mars 2018, pour un syndrome d’épuisement professionnel, puis qu’elle a fait l’objet d’un nouvel arrêt de travail à compter du 19 mars 2018, le médecin du travail préconisant lors de la visite de reprise le 27 juin 2018 un mi-temps thérapeutique, la dégradation de son état de santé étant ainsi caractérisée.

La salariée présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

Il incombe donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S’agissant de la surcharge constante de travail, l’employeur se borne à soutenir d’une part « qu’entre la période en cause (2016) et celle du licenciement (2018), elle n’a formulé aucune réclamation, ni même la moindre allusion à cet état de fait », ce qui est erroné au regard du courriel précité de la salariée à l’employeur en date du 13 février 2018, et d’autre part que l’affirmation selon laquelle elle n’aurait pu prendre ses congés « n’est pas étayée en l’état des seuls bulletins de salaire faisant apparaître le paiement de l’indemnité afférente et, même à la supposer établie, il ne serait pas démontré que l’impossibilité invoquée aurait été imputable à l’employeur, et non à la seule organisation ou à la seule volonté de la salariée. ».

Or, il suffira ici de rappeler que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et qu’il appartient à l’employeur, pour en assurer son effectivité, de permettre au salarié la prise de ses congés payés.

S’agissant du climat de travail délétère et dévalorisant, l’employeur se contente de soutenir que la salariée se prévaut de prétendus agissements « même après la rupture de son contrat de travail » (ses Conclusions p.22), évidemment inopérants pour caractériser des manquements supposés être antérieurs à la rupture », et de faire valoir que Mme [R] imputait son souhait de rupture conventionnelle aux « conditions psychologiques de son environnement professionnel devenu pathogène en particulier (ses) relations avec (sa) supérieure hiérarchique Mme [B] dont le comportement consistait à (la) dévaloriser ». Toutefois, ce seul courrier, non explicite quant aux propos et comportement supposément dévalorisants de Mme [B], ne permet pas de justifier que ce climat s’explique par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral de la part de l’employeur sur ses salariés, et notamment Mme [B].

S’agissant de « l’absence de mesure suite à la dénonciation du harcèlement moral subi et la rupture de son contrat de travail suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral et à un arrêt de travail pendant une période de temps partiel thérapeutique »,  l’employeur objecte seulement que la salariée n’invoque à cet égard que son courriel du 13 février 2018 et le courrier de son Conseil du 4 avril 2018, sans qu’aucune de ces correspondances n’évoquent explicitement une situation de « harcèlement moral » mais essentiellement circonscrite à une prétendue charge de travail excessive.

Or, l’objection de l’employeur est inopérante dès lors qu’il est désormais constant que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation , sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-21.053, publié).

De même sont inopérantes les objections de l’employeur selon lesquelles, d’une part, l’invocation d’une prétendue charge de travail excessive est tardive et, d’autre part, la salariée elle-même n’a pas saisi les représentants du personnel. Enfin, l’employeur ne réplique pas sur la concomitance entre la fin de l’arrêt maladie de la salariée, la reprise à temps partiel thérapeutique préconisée par le médecin du travail et le licenciement notifié quelques semaines plus tard à la salariée.

En définitive, l’employeur ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par voie d’infirmation, il convient donc de dire que la salariée a été victime d’un harcèlement moral, et de prononcer la nullité de son licenciement, en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement nul

Sur la demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

Mme [B] réclame une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 12 121,47 euros (ce qui correspond à deux mois de son salaire de référence), outre 1 212,14 euros de congés payés afférents. Elle expose que le 8 octobre 2018 elle a dû subir une intervention chirurgicale à la suite d’un accident du travail au cours duquel elle avait chuté dans les escaliers de l’EPF, que l’assurance maladie a reconnu que les lésions supplémentaires non décrites sur le certificat médical initial du 4 septembre 2017 sont imputables à cet accident du travail, que son préavis se trouvait donc suspendu du 8 octobre 2018 au 9 janvier 2019, que l »arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle interrompt le préavis, que par conséquent, le préavis est, à l’issue de l’arrêt, prolongé d’une durée équivalente à celle qui restait à courir avant l’arrêt de travail.

L’employeur objecte que la salariée a été dispensée d’effectuer son préavis de quatre mois, qu’elle a sollicité pour la première fois le 9 décembre 2021 devant le conseil de prud’hommes une nouvelle demande en ces termes : « Indemnité compensatrice de préavis : 12 121,47 € » en se prévalant, sans fondement juridique, d’une intervention chirurgicale du 8 octobre 2018, qu’elle prétend subséquente à un accident du travail antérieur au licenciement (en l’occurrence du 4 septembre 2017) ce dont il résulterait selon elle que le préavis « se trouvait donc suspendu du 8 octobre 2018 au 9 janvier 2019», ce qu’elle se borne à affirmer péremptoirement sans visa d’aucun texte, alors que l’intervention précitée ne pouvait avoir aucun effet suspensif. Il ajoute que cette demande est en tout état de cause prescrite.

Or, il n’est pas contesté et il ressort des pièces produites, notamment les bulletins de paie de juillet à décembre 2018, que le contrat de travail de la salariée a été rompu à la date du 26 juillet 2018, et que l’employeur s’est acquitté envers la salariée de son obligation de paiement de son salaire pendant le préavis de quatre mois dont il l’avait dispensée. Dès lors, peu important l’existence d’une intervention chirurgicale avant l’expiration dudit préavis, non exécuté par la salariée, celle-ci n’est pas fondée à solliciter une indemnité compensatrice de préavis qu’elle a déjà perçue.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il déboute la salariée de ce chef de demande, l’allégation selon laquelle elle n’a été formée que par conclusions du 9 décembre 2021 étant dépourvue d’offre de preuve, peu important que la salariée ne le conteste pas.

Sur l’indemnité pour licenciement nul

En deuxième lieu, Mme [B] réclame la somme de 96 971,78 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul.

L’article L 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la date de la rupture, dispose : « L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article.

Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».

Eu égard à l’âge de la salariée, à son ancienneté, à son salaire et en l’absence de production ni de l’invocation d’éléments concernant sa situation postérieure à la rupture, il lui sera alloué la somme de 40 000 euros d’indemnité pour licenciement nul, au paiement de laquelle, par voie d’infirmation, il convient de condamner l’employeur.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande pécuniaire.

En dernier lieu, il n’est pas contesté que la Fondation EPF employait à titre habituel au moins onze salariés.

Par suite, en application de l’article L 1235-4 du code du travail, il sera ordonné d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées par eux à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur les demande de dommages-intérêts

Les dommages-intérêts alloués à un salarié doivent réparer intégralement le préjudice subi sans qu’il en résulte pour lui ni perte ni profit (cf Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-11.182).

Il est constant cependant que doivent être indemnisés les préjudices distincts, résultant de l’existence d’un harcèlement moral, d’autre part d’une violation de l’obligation de sécurité : Soc., 27 novembre 2019, pourvoi n° 18-10.551,publié), mais aussi de l’existence d’un harcèlement moral, d’autre part d’une violation de l’obligation de prévention du harcèlement moral (Soc., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-17.729, Bull. 2014, V, n° 267 ; Soc., 6 juin 2012, pourvoi n° 10-27.694, Bull. 2012, V, n° 169).

De même, l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral. (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-11.182, publié).

– les dommages-intérêts au titre du « préjudice moral »

Sollicitant en réalité ici la réparation du harcèlement moral dont elle a été victime, la salariée expose que la dégradation de son état de santé à la fois par son épuisement professionnel mais aussi par les brimades, isolement et harcèlement dont elle a fait l’objet, lui a causé un préjudice qui est d’autant plus important que l’employeur est allé jusqu’à remettre en cause sa probité et son intégrité en prétendant qu’elle aurait détourné une somme de 400 euros destinés à un cadeau de départ.

L’employeur objecte que « cette demande parfaitement injustifiée fait double emploi avec celle qui a été formée à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’elle revient ainsi à gonfler artificiellement ».

En l’espèce, la salariée établit le préjudice résultant du harcèlement moral dont elle a été victime et caractérisé par la dégradation de son état de santé, la conduisant à être placée à plusieurs reprises en arrêt de travail pour maladie, qui sera indemnisé par l’octroi d’une somme de 2 000 euros au paiement de laquelle, par voie d’infirmation, il convient de condamner l’employeur.

– les dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité et de prévention

L’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur en application de l’article L. 4121-1 du code du travail lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés. Il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés.

L’employeur est donc tenu envers ses salariés d’une obligation légale de sécurité et notamment en matière de harcèlement moral, ainsi qu’énoncé à l’article L 1152-4 du code du travail.

En l’espèce, par courriel du 13 février 2018, la salariée a attiré l’attention du directeur général du site sur la dégradation de ses conditions de travail, puis son conseil par lettre du 4 avril 2018, ainsi qu’il a été vu précédemment.

Eu égard à son devoir de sécurité, l’employeur ne pouvait se borner à répondre à ces deux alertes par un simple courrier de réfutation des allégations de la salariée, et des reproches adressés. Il lui appartenait au contraire de prendre des mesures afin de préserver la santé et la sécurité de sa salariée.

N’ayant pris aucune mesure en ce sens, la Fondation EPF a méconnu son obligation de sécurité et de prévention à l’égard de Mme [B], laquelle a subi un préjudice distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral caractérisé par le mépris dont l’employeur a fait preuve à l’égard de la salariée, lorsque celle-ci a dénoncé ses conditions de travail.

Par voie d’infirmation, il convient de la condamner à verser à la salariée la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts de ce chef.

– les dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

La salariée expose qu’à « l’évidence et au regard des conditions de travail de la salariée, et du manque de soutien tant en moyen humain et matériel, dont elle a fait l’objet, l’employeur a failli à une exécution loyale du contrat de travail. ».

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il déboute Mme [B] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [B] est nul en raison du harcèlement moral subi,

CONDAMNE la Fondation EPF à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

– 48 235,12 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 19 juillet 2016 au 31 janvier 2018, outre 4 823,51 euros de congés payés afférents,

– 14 610 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

– 2 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,

– 40 000 euros d’indemnité pour licenciement nul,

– 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

ORDONNE à la Fondation EPF de remettre à Mme [B] un certificat de travail, une attestation France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

ORDONNE le remboursement par la Fondation EPF aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la Fondation EPF à verser à Mme [B] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Fondation EPF aux dépens de première instance et d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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