L’Essentiel : La collaboratrice d’architecte a été engagée par une société spécialisée en architecture et urbanisme. À partir de mai 2020, elle a été placée en chômage partiel à la demande du dirigeant de l’entreprise, puis en arrêt de travail pour des raisons de santé, qu’elle attribue à des comportements de harcèlement moral de son employeur. En novembre 2020, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître la rupture de son contrat comme justifiée. En mars 2024, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société, entraînant des réclamations de la collaboratrice pour obtenir des indemnités et des rappels de salaire.
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Engagement et Contexte de l’AffaireLa collaboratrice d’architecte a été engagée par la société spécialisée en architecture et urbanisme, par un contrat de travail à durée indéterminée, à partir du 1er septembre 2009. À la date de la rupture, la société comptait moins de dix salariés et appliquait la convention collective nationale des entreprises d’architecture. La direction de la société a été assurée par plusieurs associés, jusqu’à ce qu’un dirigeant prenne seul les rênes de l’entreprise à la fin de juin 2018. Conditions de Travail et Harcèlement MoralÀ partir de mai 2020, la collaboratrice a été placée en chômage partiel à la demande du dirigeant. Elle a ensuite été en arrêt de travail pour des raisons de santé, en raison de conditions de travail dégradées qu’elle attribue à des comportements de harcèlement moral de la part de son employeur. Dans une lettre de rupture de contrat, elle a détaillé des manquements graves, tels que des messages agressifs, un isolement au sein de l’entreprise, et des atteintes à ses documents de travail. Procédure Judiciaire et Jugement InitialEn novembre 2020, la collaboratrice a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître la rupture de son contrat comme justifiée et obtenir des indemnités. Le jugement du 6 juillet 2022 a considéré la prise d’acte comme une démission, tout en condamnant la société à verser un rappel de salaire. La collaboratrice a interjeté appel de cette décision. Liquidation Judiciaire et Nouvelles AssignationsEn mars 2024, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société, désignant un liquidateur. La collaboratrice a assigné le liquidateur et l’AGS en intervention forcée, cherchant à faire valoir ses droits dans le cadre de la liquidation. Demandes et Réclamations en AppelDans ses conclusions, la collaboratrice a demandé la confirmation de certaines condamnations et l’infirmation d’autres décisions du jugement initial. Elle a réclamé des indemnités pour licenciement nul, des dommages-intérêts pour harcèlement moral, ainsi que des rappels de salaire et d’autres compensations. Décision de la Cour d’AppelLa cour a infirmé partiellement le jugement initial, déclarant nul le licenciement de la collaboratrice et fixant au passif de la liquidation judiciaire les créances à son bénéfice. Elle a également ordonné la remise de documents de travail conformes à la décision. Les demandes d’astreinte ont été rejetées, et la cour a statué sur les obligations de l’AGS concernant les créances de la collaboratrice. ConclusionCette affaire met en lumière des allégations de harcèlement moral et des manquements graves de l’employeur, entraînant des conséquences juridiques significatives pour la société en liquidation et des droits reconnus à la collaboratrice. Les décisions judiciaires successives ont cherché à établir la responsabilité de l’employeur et à garantir les droits de la salariée dans un contexte de rupture de contrat et de liquidation. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature juridique de la prise d’acte de rupture du contrat de travail par la salariée ?La prise d’acte de rupture du contrat de travail par la salariée doit être analysée à la lumière des articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du Code du travail. L’article L. 1231-1 stipule que « le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’une ou l’autre des parties ». En ce qui concerne la prise d’acte, l’article L. 1232-1 précise que « la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle est fondée sur des faits qui ne justifient pas une telle rupture ». Dans le cas présent, la salariée a invoqué des manquements graves de l’employeur, notamment des faits de harcèlement moral, ce qui pourrait justifier la prise d’acte comme étant fondée. Ainsi, la cour a constaté que la prise d’acte de la salariée est justifiée et doit produire les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral. Quels sont les droits de la salariée en cas de licenciement nul ?En cas de licenciement nul, les droits de la salariée sont régis par les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du Code du travail. L’article L. 1235-1 dispose que « le salarié dont le licenciement est déclaré nul a droit à une indemnité correspondant à la période de préavis ». De plus, l’article L. 1235-3 précise que « l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est égale à un montant minimum de six mois de salaire ». Dans le cas présent, la cour a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF plusieurs indemnités, dont une indemnité pour licenciement nul de 25 000 euros bruts, ainsi qu’une indemnité légale de licenciement de 10 605,10 euros. Ces indemnités sont dues à la salariée en raison de la nullité de son licenciement, ce qui lui confère des droits financiers importants. Quelles sont les conséquences de la violation de l’obligation de sécurité par l’employeur ?La violation de l’obligation de sécurité par l’employeur est encadrée par l’article L. 4121-1 du Code du travail, qui impose à l’employeur de « prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». En cas de manquement à cette obligation, l’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit que le salarié peut demander des dommages et intérêts pour préjudice subi. Dans cette affaire, la cour a reconnu que la société AGBF avait manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à l’octroi de dommages-intérêts à la salariée. Ainsi, la cour a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, illustrant les conséquences financières d’une telle violation. Comment se déroule la procédure de liquidation judiciaire et quelles en sont les implications pour les créances des salariés ?La procédure de liquidation judiciaire est régie par le Code de commerce, notamment par les articles L. 640-1 et suivants. L’article L. 640-1 stipule que « la liquidation judiciaire est ouverte lorsque l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ». Dans le cadre de cette procédure, les créances des salariés sont considérées comme des créances privilégiées, conformément à l’article L. 3253-8 du Code du travail, qui précise que « les créances des salariés sont payées en priorité sur les autres créances ». Dans cette affaire, la cour a fixé les créances de la salariée au passif de la liquidation judiciaire, garantissant ainsi le paiement de ses indemnités et rappels de salaires. Cela souligne l’importance de la protection des droits des salariés en cas de liquidation judiciaire de leur employeur. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 5 FEVRIER 2025
N° RG 22/02400
N° Portalis DBV3-V-B7G-VLA7
AFFAIRE :
[H] [D] [L]
C/
Société HERBAUT-[N]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 juillet 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES
Section : E
N° RG : F 20/00819
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Charlotte CHEVALLIER
Me Victor EDOU
Me Sophie CORMARY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [H] [C]
née le 21 mars 1984 à [Localité 9]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Charlotte CHEVALLIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 129
APPELANTE
****************
Société HERBAUT-[N] représentée par Me [I] [N] en qualité de mandataire liquidateur de la société AGBF Architectes
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentant : Me Victor EDOU de la SELARL EDOU – DE BUHREN ‘ HONORE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0021 substitué à l’audience par Me Naîma CHEIKH, avocat au barreau de Paris
UNEDIC délégation AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué à l’audience par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de Paris
PARTIES INTERVENANTES
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Mme [C] a été engagée par la société AGBF, en qualité de collaborateur d’architecte, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 2009.
Cette société est spécialisée dans l’architecture et l’urbanisme. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, moins de dix salariés. Elle applique la convention collective nationale des entreprises d’architecture.
La société a été gérée par deux associés, MM.[G] et [U], puis M. [K], président de la société AGBF, a pris la direction de la société à la fin du mois de juin 2018, tous trois continuant à travailler ensemble jusqu’au 18 décembre 2018, date à laquelle M. [U] a alors cédé ses parts à M. [K], qui a ensuite dirigé seul la société AGBF.
Par courriel du 29 mai 2020 de M. [K], la salariée a été placée à sa demande en chômage partiel à compter du 1er juin 2020.
La salariée a été en arrêt de travail du 1er juillet 2020 au 11 septembre 2020 puis de nouveau au chômage partiel.
Par lettre du 29 septembre 2020, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
‘(…) Je vous contacte en ma qualité de salariée, embauchée par le cabinet d’Architectes AGBF, à compter du 1er septembre 2009, pour vous faire part des nombreux manquements de la société que je subis depuis plusieurs mois.
Depuis le changement de direction du cabinet en date du 31 mai 2018, mes conditions de travail se sont fortement dégradées, au point d’altérer ma santé physique et mentale, en raison de vos agissements répétés, qui s’apparentent à du harcèlement moral.
Vous n’avez eu de cesse de m’adresser des messages (sms ou courriels) rédigés sur un ton autoritaire et agressif, en n’hésitant pas à me sanctionner de manière totalement injustifiée et ce, à deux reprises.
Par suite, lors de nos retours respectifs en présentiel dans l’entreprise consécutif à la période de confinement ordonnée par le Gouvernement en raison de la pandémie de Covid-19, vous avez orchestré mon isolement, en changeant mon bureau de place et en le plaçant face au mur, dans un coin et dos aux personnes entrantes, afin que je ne puisse voir personne, alors que vous pouviez, vous, observer mes faits et gestes. Vous avez en outre, et à mon insu, jeté mes documents de travail à la poubelle ainsi que mes affaires personnelles de bureau.
Cet évincement explicite m’a profondément choqué.
Il s’est par la suite poursuivi, par ma mise au chômage partiel et le choix de transférer mes dossiers auprès de ma collègue.
Ces agissements répétés ont fortement dégradé mes conditions de travail ainsi que mon état de santé, contraignant mon médecin traitant à devoir m’arrêter pour syndrome dépressif à compter du 1er juillet 2020.
Cet arrêt de travail faisait notamment suite, comme vous le savez, à l’altercation du 1er juillet 2020, au cours de laquelle vous n’avez eu de cesse de m’accabler de reproches sur mon comportement alors que cet entretien avait été organisé à ma demande, afin que je puisse recueillir vos explications sur les avertissements que vous m’aviez notifié.
Suite à mon arrêt de travail, vous avez continué de vous acharner sur moi, en remettant en cause ma bonne foi, puisque vous avez organisé une contre-visite médicale dès le 8e jour de mon arrêt de travail.
Vous avez ensuite persisté dans vos manquements, en vous abstenant de faire le nécessaire auprès de l’organisme de prévoyance pour que je puisse percevoir mon complément de salaire, qui n’est d’ailleurs toujours pas régularisé à ce jour et depuis le 1er juillet dernier.
L’ensemble de ces faits constituent des manquements graves de votre part et laissent fortement présumer l’existence d’un harcèlement moral, qui ne permettent plus de retourner travailler sereinement dans de telles conditions.
C’est la raison pour laquelle je suis contrainte, par la présente, de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts.
Je vous rappelle que la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail à la date d’envoi du courrier recommandé du salarié (Cass. soc., 4 avr. 2006, n°04-44.540 ; Cass. soc., 17 nov. 2015, n°14-19.925).
Etant placée au chômage partiel par vos soins, je vous remercie de m’indiquer si vous entendez me dispenser ou non d’effectuer mon préavis.(…)’.
Par requête du 17 novembre 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de constater que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail est justifiée et qu’elle prend les effets d’un licenciement nul et en paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 6 juillet 2022, le conseil de prud’hommes de Versailles (section encadrement) a :
– dit et jugé que la prise d’acte du 29 septembre 2020 de Mme [C] doit s’analyser en une démission,
– condamné la société SAS AGBF à régler la somme de 5 713,08 Euros à titre de rappel de salaire,
– débouté Mme [C] du surplus de ses demandes,
– débouté la société SAS AGBF de ses demandes reconventionnelles,
– condamné la société SAS AGBF France à verser à Mme [C] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société SAS AGBF aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 27 juillet 2022, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 13 mars 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société AGBF, la Selarl Herbaut-[N] étant désignée en qualité deliquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 31 décembre 2023.
Par actes d’huissier du 10 mai 2024, Mme [C] a assigné en intervention forcée la Selarl Herbaut-[N] représentée par [I] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AGBF, ainsi que l’AGS CGEA IDF Ouest, par remise de l’acte en étude,et leur a communiqué la déclaration d’appel et ses conclusions.
Par jugement du 9 octobre 2024, le tribunal de commerce de Nanterre a mis fin à l’application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [C] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il condamnait la société AGBF à verser à Mme [C] la somme 5 713,08 euros de rappels de salaire;
– Infirmer partiellement le jugement du conseil de prud’hommes rendu le 6 juillet 2022, en ce qu’il a:
– dit et jugé que la prise d’acte du 29 septembre 2020 de Mme [C] doit s’analyser en une démission,
– Débouté Mme [C] du surplus de ses demandes, à savoir :
– Débouté Mme [C] de sa demande visant à faire reconnaître le bien fondé de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, reposant sur des manquements graves de la société empêchant la poursuite du contrat de travail ;
– Débouté Mme [C] de sa demande visant à constater à titre principal que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul ;
– Débouté Mme [C] de sa demande visant à constater à titre subsidiaire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Débouté Mme [C] de sa demande condamnation de la société AGBF à lui verser les indemnités suivantes :
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis : 11 228,94 euros outre 1 122,89 euros de congés payés afférents ;
– Sur l’indemnité légale de licenciement : 10 605,10 euros.
– à titre principal : 45 000 euros nets de CSG et de CRDS au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
– à titre subsidiaire : sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– à titre principal : 45 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (non plafonnée), en raison du plafonnement prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail qui est écarté en raison de son inconventionnalité,
– à titre subsidiaire : 39 300 euros nets de CSG et de CRDS à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail (plafonnée à 10,5 mois de salaire) ;
– Débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros sur le fondement de la violation de l’obligation de sécurité de la société AGBF ;
– Débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros sur le fondement du manquement à l’obligation de prévention du harcèlement de la société AGBF ;
– Débouté Mme [C] de sa demande dommages et intérêts d’un montant de 5 000 euros en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Débouté Mme [C] de sa demande de remise d’un bulletin de paie
régularisant les créances salariales ainsi que l’attestation Pôle emploi conforme à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, dans les 15 jours suivants la notification de la décision à venir ;
– Débouté Mme [C] de sa demande visant à faire constater que les sommes versées au titre des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation du défendeur;
– Débouté Mme [C] de sa demande visant à ce qu’il soit ordonné la capitalisation des intérêts.
Statuant à nouveau :
– Recevoir Mme [C] en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;
– Constater que la société AGBF a commis plusieurs manquements graves constitués par des faits de harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité, rendant impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [C] ;
En conséquence,
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF les indemnités suivantes :
– sur l’indemnité compensatrice de préavis : 11 228,94 euros outre 1 122,89 euros de congés payés afférents ;
– sur l’indemnité légale de licenciement : 10 605,10 euros.
A titre principal :
– constater que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [C] est justifiée et doit produire les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral ;
En conséquence,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 45 000 euros nette de CSG et de CRDS à verser à Mme [C], au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
A titre subsidiaire :
– constater que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [C] est justifiée et doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation de l’obligation sécurité de l’employeur ;
A titre principal :
– Constater que doit être écarté le plafonnement prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable ;
En conséquence,
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 45 000 euros nette de CSG et de CRDS à verser à Mme [C], à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (non plafonnée) ;
A titre subsidiaire :
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail (plafonnée à 10,5 mois de salaire) égale à 39 300 euros nets de CSG et de CRDS ;
En tout état de cause,
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts à verser à Mme [C] sur le fondement du harcèlement moral ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 10 000 euros de dommages et intérêt à verser à Mme [C] sur le fondement de la violation de l’obligation de sécurité ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts à verser à Madame [D] [L] sur le fondement du manquement à l’obligation de prévention du harcèlement ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à verser à Mme [C], en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 5 713,08 euros et 571,30 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire ;
– Fixer la moyenne des salaires bruts à la somme de 3 742,98 euros ;
– Ordonner à la SELARL Herbaut-[N] représentée par [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS AGBF, la remise d’un bulletin de paie régularisant les créances salariales ainsi que l’attestation Pôle emploi conforme à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, dans les 15 jours suivants la notification de la décision à venir ;
– Constater que la cour se réserve le droit de liquider l’astreinte sur simple requête ;
– Condamner la SELARL Herbaut-[N] représentée par [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS AGBF à verser à Mme [C] la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le remboursement des frais d’huissiers d’un montant de 112,20 euros;
– Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes;
– Condamner la SELARL Herbaut-[N] représentée par [I] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la SAS AGBF aux entiers dépens.
– Rendre opposable l’arrêt rendu aux AGS.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Selarl Herbaut-[N] représentée par [I] [N], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société AGBF demande à la cour de :
A titre principal:
– juger l’appel de Mme [C] mal fondé,
– Débouter donc Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 6 juillet 2022 en toutes ses
dispositions.
A titre subsidiaire :
– juger qu’en l’absence de preuve, les préjudices allégués par Mme [C] ne sont fondés ni dans leur principe ni dans leur quantum,
– en tout cas, ramener les demandes de Mme [C] à de plus justes proportions,
– débouter Mme [C] de sa demande d’astreinte.
En tout état de cause :
– juger l’AGS d’Ile de France Ouest tenue à garantie des créances en cause redues à Mme [C], dans les limites de sa garantie.
– condamner Madame [D] [L] à payer à la SAS AGBF Architectes la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [C] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat ainsi que ses demandes indemnitaires au titre de l’exécution du contrat de travail.
En tout état de cause :
– mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure.
– Juger que l’AGS ne garantit pas les astreintes
– Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du commerce.
– Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail.
Sur le rappel de salaires
La salariée sollicitant la confirmation de la décision des premiers juges, ce qui est le cas également du liquidateur et l’AGS, il convient donc de confirmer le jugement qui a condamné la société AGBF à verser à Mme [C] la somme de 5 713,08 euros à titre de rappel de salaire, sauf àfixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société AGBF la somme de 5 713,08 euros, outre la somme de 571,30 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire, qui s’y rattache par un lien nécessaire.
Sur la prise d’acte
La salariée indique que les faits qu’elle dénonce relèvent d’un management caractérisant un harcèlement moral en raison des agissements nocifs du nouveau gérant, M. [K], que les faits qu’elle détaille ne démontrent pas l’exercice d’un pouvoir de direction qu’elle n’aurait pas supporté mais bien l’exercice d’un pouvoir de direction abusif qu’elle a seule dénoncé, les autres salariés étant partis ou ayant été évincés.
Le mandataire réplique que les faits reprochés par la salariée se sont déroulés en 2020, à savoir pendant l’épidémie de covid-19 et le premier confinement, qu’il s’agissait pour tous, et donc aussi pour le dirigeant d’une petite entreprise comme la société AGBF d’une période inédite faite de stress et d’incertitude et pendant laquelle il fallait s’adapter régulièrement aux changements incessants et soudains tant pour les souhaits des clients que de la règlementation en droit du travail. Il ajoute que la salariée communique des courriels censés démontrer ses allégations qui sont tronqués, et assemblés dans le désordre et complètement sortis de leurs contexte de sorte qu’ils sont difficilement interprétables et ne démontrent aucun harcèlement moral à l’encontre de la salariée, qui ne verse aucun témoignage des prétendus abus avant le 11 juillet 2023.
L’AGS objecte que le liquidateur a repris chacun des reproches de la salariée à l’appui de sa prise d’acte et a démontré qu’ils étaient infondés, que la Cour de cassation écarte la qualification de harcèlement moral lorsque la demanderesse à cette qualification est co-autrice d’une relation conflictuelle, qu’un arrêt récent de la cour d’appel de Versailles ( RG 22/01192) a estimé qu’il n’y avait pas de harcèlement moral dans une situation de changement de direction et d’organisation entraînant d’éventuels désaccords professionnels.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il appartient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas présent, à l’appui des faits allégués de harcèlement moral, la salariée invoque d’abord l’existence d’un environnement de travail constitutif d’un harcèlement moral puis des faits qu’elle reproche à l’employeur.
– sur l’environnement de travail
La salariée produit de très longues attestations d’anciens salariés, M. [Z] et Mme [T] qui décrivent la pression exercée par M. [K] pour obtenir des contrats, M. [K] dénigrant le travail réalisé par les salariés, n’apportant aucune aide technique aux architectes salariés tout en critiquant ensuite leurs projets comme ‘ pas à la hauteur ou non aboutis’, ne saluant pas les salariés mais leur donnant directement les consignes de la journée, effectuant de nombreux reproches, rabaissant les salariés y compris devant les clients, n’adressant plus la parole à ses collaborateurs s’ils ne gagnaient pas un contrat, les témoins donnant des exemples précis et concrets de ces situations notamment qu’ils qualifient d’humiliantes (pièces n° 49 et 52).
M. [Z], par courriel adressé le 18 septembre 2021 à la salariée précise que ‘ Par la présente, je vous confirme n’avoir pas souhaité assurer la poursuite de ma carrière professionnelle à l’AGBF après la fin de mon contrat HMONP qui s’est terminé en août 2019. Cette décision personnelle n’était pas motivée par un voyage au Vietnam, qui n’a duré qu’un mois, mais bien par l’ambiance de travail instaurée par M. [K] et le manque d’encadrement à l’égard du personnel et de moi-même constaté depuis mon arrivée dansl’agence en juillet 2018.’.
M. [S], par courriel du 6 octobre 2021, écrit en ces termes à la salariée : ‘ Pendant les 12 années passées à l’AGBF sous la direction de M. [G] et M.[U], et en présence de nos anciens collègues, nous avons vécu de riches expériences,tant au niveau professionnel qu’au niveau humain. Cependant je t’avoue que l’arrivée de M.[K] en mars 2018, en tant que chef d’agence, a vu un changement radical dans lagestion de l’entreprise. Il a instauré un management autoritaire qui a été nocif à l’espritd’équipe qui régnait au sein de l’agence et qui est si nécessaire dans notre métier. C’est pour cette raison que j’avais décidé de partir en négociant une rupture conventionnelle dans le but d’entreprendre de nouveaux projets professionnels. Il était évident qu’il n’y avaitaucune évolution possible par rapport aux objectifs que je m’étais fixés.’.
M.[G], ancien gérant, associé et salarié jusque sa retraite, à l’arrivée de M. [K] témoigne le 3 juin 2023 de ce que ‘jours après jours les relations de M. [K] avec l’ensemble des personnels se sont fortement dégradées sous les invectives répétées, les colères subites et [ mot illisible du témoin] de M. [K], certains ont donné leur démission ou conclu une rupture conventionnelle, d’autres ont terminé leur mission en cours par respect des cliens, avant de quitter la société (CDD)(…) Je, sousssigné, témoigne d’un management brutal et inapproprié de la part de M. [K] qui a conduit au départ de toute l’équipe originelle et des intervenants extérieurs (…)’.
Par échanges de courriels relatifs à un projet, M. [K] écrit le 30 janvier 2020 en ces termes à Mme [A], architecte, qui lui indique qu’elle ne peut pas finaliser des détails sur un plan: ‘ on est architecte quand on ne sait pas dessiner des détails », réponse de la salariée ‘ mais vous avez dit que c’est vous qui va s’occupez les détails de GC’, je comprends pas, si c’est à moi de les dessiner il faut me le dire (…)’, M. [K] lui répondant ‘ vous faites ce que je dis. Il n’y a rien de contradictoire avec mes directives de ce matin. Je gère une agence pas une [Localité 8]’ .
D’ailleurs par SMS adressé le 30 juin 2021 à M.[G] , Mme [A] lui indique ‘ je vous dérange concernant l’histoire d'[F] [M. [K]] et [H] [ la salariée] … Il m’a demandé ce matin d’écrire une lettre d’ici demain, en disant que tout se passe bien à l’agence..; et qu’il m’a pas fait du mal… et que tout ça c’est pour du bien de l’agence, s’il perd, ça va coûter trop cher et il sera obliger de fermer l’agence… A votre avis, est-ce que je suis obliger de le faire’ Je n’ai pas envie de le faire… même s’il est plus sympa avec moi depuis ma discussion avec lui en octobre dernier(…)’.
Enfin, la salariée communique quatre attestations, dont les termes sont identiques et qu’elle-même ainsi que M. [Z], M.[G] et M. [U] ont signé, qui relatent notamment que ‘ Nous, soussignés, témoignons tous d’un management brutal et inapproprié de la part de Monsieur [F] [K] qui a conduit au départ de toute l’équipe originelle et des intervenants extérieurs ou des prestataires de services, dont certains travaillaient avecl’AGBF depuis de nombreuses années. Le management déployé par Monsieur [F] [K] doit être porté à votre connaissance en ce qu’il peut être vécu par ses salariés ou par les intervenants extérieurs de l’agence, comme du harcèlement moral en raison notamment, du ton autoritaire employé régulièrement, des brimades et des reproches quotidiens qu’il professait souvent devantd’autres collègues, des menaces et des sanctions injustifié qu’il pouvait leur octroyer.’.
Le management autoritaire et brutal de M. [K] envers plusieurs salariés en 2019 et 2020 est établi, la salariée étant en poste à ce moment-là.
– sur ‘le management autoritaire et les difficultés de communication’
La salariée établit un turn-over important parmi les salariés du cabinet d’architecture entre juin 2018 et février 2019, sept personnes ayant quitté la société qui comptait trois salariés permanents, et deux d’entre eux, M. [Z] et Mme [T], ont témoigné de leurs conditions de travail.
Si le CDD de Mme [T] s’est achevé à son terme, il est établi que M. [Z] a quitté la société en raison du climat délétère qui y régnait.
Si la salariée n’établit pas les ‘agressions verbales’ de M. [K] à son encontre, la cour analyse toutefois les messages de l’employeur comme une menace de licenciement en ce qu’à propos d’un dossier M. [K] lui a indiqué le 4 février 2020 : ‘je vais t’expliquerde vive voix après ma réunion’ et ‘ Et si cela ne te convient pas, il y a d’autres agences.’
La salariée produit également un courriel du 5 février 2020 de M. [K] relatif à un chantier sur lequel sont listées en majuscules les tâches à réaliser, sans aucun message d’explication ni formule de politesse.
La salariée établit ensuite le ‘contrôle exacerbé’ de M. [K] sur les salariés lors du premier confinement pendant la crise sanitaire, leur demandant par courriel du 13 mars 2020 ‘ pendant les heures ouvrables (…)un compte rendu toutes les heures des tâches réalisées en télétravail avec envoi sur mon mail des pièces’, ainsi que des demandes à la salariée alors qu’elle ne travaillait pas ce jour-là, outre un suivi précis du travail de la salariée et d’une autre architecte le 11 mai 2020, M. [K] leur demandant de répondre en temps réel à ses messages. M. [K] a également réaménagé en juin 2020 le bureau de la salariée, offrant ainsi une visibilité de son écran depuis la porte d’entrée.
Par courriel du 9 mars 2023, M.[G] écrit à la salariée : ‘Je me souviens très bien vous avoir trouver en larmes dans votre bureau face au réaménagement de celui-ci. Il est évident que Mr [K], qui avait effectué ce réaménagement seul et sans me consulter, voulait vous atteindre psychologiquement et vouspousser à la démission après vous avoir fragilisé pendant des mois’.
Si la salariée invoque ensuite les ‘ ordres et des contre- ordres’ de M. [K] à propos des congés payés, cela résulte des difficultés pour l’employeur à s’organiser pendant le premier confinement et ce dernier a pris en compte, comme cela ressort des courriels produits par la salariée, de son empêchement à reprendre le travail en juin 2020 dès lors que les établissements scolaires n’étaient pas ré-ouverts.
En revanche, la salariée établit que l’employeur sollicite une charge certaine de travail tout en lui demandant de prendre des congés, suscitant un échange de courriels avec la salariée empreints de forte tension en ce que la salariée indique à M. [K] le 14 mai 2020 que ‘ « (‘) tu me donnes des objectifs de rendu pour le DCE de [Localité 10] qui sont difficilement tenables et même temps je te rappelle que tu viens de nous mettre 2 semaines en congés, où est la cohérence ‘ D’ailleurs, là aussi un minimum de concertation aurait permis une meilleure gestion du dossier. Tu ne peux pas nous mettre 2 semaines en congés et nous ensuite demander de travailler 2 fois plus pour compenser le temps perdu », l’employeur répliquant par ce message : ‘Je ne peux pas avoir en permanence un cadre de l’agence qui contredit ou remet en question les décisions de sa direction. Il s’agit d’un avertissement’.
S’agissant de la pression et la surcharge de travail, la salariée établit qu’elle a été amenée à finaliser un projet en travaillant le samedi 9 décembre 2019 et le soir tardivement en début d’année 2020, la salariée indiquant un soir à 20h09 à M. [K] ‘ vivement qu’on reprenne le rythme 9h-18h! Çà s’impatiente aussi à la maison!’, la salariée ayant également travaillé un dimanche en février 2020 puis pendant le confinement ( pièce n° 64).
Par échanges de messages le 11 mai 2020 à 7h47, M. [K] a demandé à la salariée et à Mme [A] la réalisation d’un travail pour le lendemain matin, leur adressant des messages toutes la journée, notamment à la salariée, à partir de 16h, les message suivants’ »’ vous travaillez là » puis ‘ [H], il faut rester connectée, le télé-travail est comme le travail en agence il faut être joignable et répondre aux messages aux horaires habituelles’, la salariée lui répondant dans la minute qui a suivie, puis ce dernier message ‘ je suis devant mon écran depuis 8h30 ce matin, je n’ai pas de bipbip qui me prévient de l’arrivée d’un mail, je regarde ma messagerie,régulièrement et je pense être réactive au travail. Je fais l’intégralité de mes horaires malgré le contexte actuel, je ne comprends pas ces réflexions négatives sur notre travail. (…)’. A 17h, M. [K] a informé la salariée qu’elle serait en congés la première semaine de juin 2020 avec un retour à l’agence le 8 juin, ce qu’a contesté la salariée rappelant les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la crise sanitaire, M. [K] lui indiquant qu’elle était attendue à l’agence le 1er juin 2020 et lui a notifié un premier avertissement comme indiqué précédemment.
Sur ‘les reproches et les sanctions injustifiées, un isolement et un évincement’
M. [Z] témoigne de faits précis qui montrent que M. [K] a retiré un dossier à la salariée faute d’être parvenue ‘ à un résultat satisfaisant’.
La salariée justifie également l’envoi par l’employeur d’un avertissement notifié par courriel précédemment cité le dimanche 17 mai 2020 à 22h11 puis d’un second avertissement le 4 juin 2020, le client Bouygues-immobilier ayant mis en copie la salariée sur son adresse personnelle pour la remercier également du travail qu’elle avait accompli, M. [K] lui écrivant à la suite de cet échange ‘ vous êtes au chomage partiel il n’y a aucune communication à avoir avec mes clients. Aucune utilisation de votre courriel pour commuiquer dans le cadre professionnel de l’agence. De plus merci de bien vouloir supprimer de votre adresse personnelles la signature de l’agence. Il s’agit d’un avertissement.’.
Ces deux sanctions, adressées uniquement par courriel, sans respect de la procédure requise et qui ne sont pas justifiées par l’employeur ensuite dans le cadre de cette procédure, sont à juste titre qualifiés d’injustifiés par la salariée.
Par ailleurs, la salariée établit les reproches humiliants de M. [K] adressés le 30 mars 2020 à des collaborateurs de la société Bouygues Immobilier, cliente de la société AGBF, demandant à toutes les personnes en télétravail de faire preuve de sérieux et d’engagement, M. [Y] de la société Bouygues Immobilier répliquant : ‘ Je me permets de rebondir sur votre mail car à mon sens il est dommageable vis à vis de l’équipe. Nous travaillons pour la plupart sur le projet quotidiennement et échangeons plusieurs fois par jour avec [H] ( cf la salariée), (…)’.
Par courriel du 28 mai 2020, M. [K] a annoncé à la salariée et à Mme [A], ainsi qu’à Mme [P], collaboratrice de la société Bouygues Immobilier, le transfert des dossiers de la salariée à sa collègue, devenue ‘ seule chef référente sur l’opération’, à la place de la salariée.
A cette annonce, Mme [P] a répondu à M. [K] : ‘Je suis navrée de lire les derniers échanges et avoue ne pas comprendre le ton.’, la cour relevant que la circonstance de la mise au chômage partiel de la salariée envisagée par les parties ne justifiait pas les termes secs et froids employés par M. [K] et cette annonce brutale alors que la salariée l’interrogeait à propos d’une directive relative à la diffusion de plans.
La salariée établit également que M. [K] lui a adressé le 16 septembre 2020 des reproches sur un travail mal accompli alors qu’elle était en arrêt de travail et n’a pas répondu à la salariée qui l’interrogeait sur les dossiers et les erreurs commises.
Enfin, par échanges de courriels, il ressort que la salariée a expliqué à M. [K] que son arrêt de travail du 1er juillet 2020 était directement lié à un entretien tenu le même jour, que la salariée a sollicité le 29 juin 2020, et qu’elle qualifie de ‘ particulièrement dur et (faisant) également suite aux différents mails agressifs et avertissements abusifs (qu’elle a) reçu dans la période avril-mai- juin’, M. [K] répliquant que le ‘ comportement [ de la salariée] lors de cet entretien a été inacceptable et à aucun moment (elle n’a) écouté ni accepté les propos de votre direction’.
L’existence d’une forte tension entre M. [K] et la salariée est donc établie.
M.[G] dans le courriel du 9 mars 2023 déjà cité, ajoute à propos du retour de la salariée le 1er juillet 2020, ‘ voyant le tour que prenait l’entretien, j’ai demandé à M. [K] de bien vouloir considérer la rupture conventionnelle comme la meilleure solution et je savais que vous y souscririez. (…) Je fus donc étonné d’apprendre en rentrant de déplacement qu’il était revenu sur cette décision et avait préféré persister dans sa volonté de vous [ la salariée] pousser à la démission. Ce n’était pas la première fois que je tentais de m’opposer à la façon brutale qu’avait mon associé de gérer le personnel (…) Pour moi, il est clair que votre demande de rupture du contrat était votre seule porte de sortie pour échapper définitivement à une ambiance de travail devenue préjudiciable à votre santé mentale. (…)’.
Au plan médical, un traitement anxiolytique a été prescrit à la salariée à compter du 12 mai 2020 et elle a été en arrêt de travail le 1er juillet 2020, ensuite renouvelé jusqu’au 11 septembre 2020 avec mention, sur plusieurs arrêts de travail, d’un état dépressif ou dépressif sévère, l’employeur ayant organisé une contre-visite médicale le 8 juillet 2020 à l’issue de laquelle le médecin du réseau du service médical patronal a indiqué que l’arrêt était justifié le jour du contrôle. Son médecin traitant a indiqué le 9 octobre 2020 que la salariée présentait un ‘tableau dépressif depuis le 12/05/2020″, son état étant peu compatible avec la poursuite de son activité professionnelle.
Son compagnon, M. [J], architecte dans un autre cabinet, témoigne également de la dégradation des relations de travail au sein de la société AGBF après l’arrivée de M. [K], des pleurs de la salariée pendant le confinement y compris pendant une visio-conférence avec M. [K], décrivant la salariée comme étant de plus en plus stressée et déprimée.
En définitive, la salariée établit la dégradation de son état de santé ainsi que le management autoritaire, pressant, voire humiliant de M. [K], envers plusieurs salariés de la société ainsi qu’à son encontre, ainsi que sa surcharge de travail depuis la fin de l’année 2019.
Pris dans leur ensemble, les éléments précédemment retenus comme étant matériellement établis et les certificats médicaux laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il convient donc d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les agissements en cause étaient étrangers à tout harcèlement moral.
L’employeur apporte une explicationobjective à la modification des bureaux dans un souci de respect d’une distance nécessaire entre les salariés conformément aux protocoles sanitaires en vigueur, la cour constatant également que la nouvelle configuration ne s’imposait pas uniquement à la salariée.
L’employeur rappelle ainsi à juste titre le contexte au cours duquel se sont déroulés une partie des faits qui lui sont reprochés mais la cour relève que la salariée présente également des faits qui datent de 2019 ou du début de l’année 2020, avant le premier confinement.
En outre, alors que le client Bouygues Immobilier félicite l’équipe de la société AGBF pour son travail en juin 2020, l’employeur ne justifie pas de la nécessité de recourir à un mode de communication pressant et brutal afin que les salariés, dont Mme [C], effectuent leur travail.
Si l’employeur établit que le turn-over allégué par la salariée à compter de 2018 résulte de la nature des contrats en cours, stages ou contrat à durée déterminée, Mme [T] et M. [O] témoignent des conditions de travail désastreuses et M. [S] relate avoir sollicité une rupture conventionnelle en raison du management autoritaire instauré par M. [K], ‘ nocif à l’état d’esprit qui régnait au sein de l’agence’.
Les courriels produits par la salariée ne sont pas ‘tronqués’ en ce sens qu’elle produit les échanges survenus sur un fait précis et ils sont tous datés, l’employeur ne justifiant pas de la confusion allégée quant à ces éléments de preuve.
L’attestation produite par la salariée du 11 juillet 2023 et intitulée ‘ collective’ par le liquidateur ne vient que confirmer les déclarations précédentes et les propos tenus dans les courriels par M. [K] et ils complètent ainsi les autres éléments de preuve produits par la salariée. Si certains faits ne sont pas datés, d’autres événements le sont précisément et l’ensemble explique le comportement de M. [K].
Le long témoignage fourni par M.[G] à la salariée le 3 juin 2023 n’est également pas contradictoire avec celui qu’il avait remis à M. [K] par courriel du 30 septembre 2021, quand il indique que M. [K] a repris et respecté les contrats de travail en cours, augmenté les salaires, le témoin invoquant déjà tout de même une ambiance parfois ‘ tendue’, et que le comportement de M. [K] s’expliquait pour maintenir l’activité de la société.
La salariée soutient que M. [K] lui a imposé à elle seule des congés la première semaine de juin 2020, ce qui n’a pas été mis en oeuvre après que la salariée ait rappelé à l’employeur les dispositions relatives aux congés payés à la sortie du confinement, le liquidateur n’établissant pas que M. [K] a imposé également des congés payés aux autres architectes de l’agence à cette même période.
Pas davantage, le liquidateur n’apporte de contradiction utile à la surcharge de travail dont se prévaut la salariée à plusieurs reprises en fin d’année 2019 et en 2020, et aux faits relatifs à la pressions, aux propos humiliants et sanctions allégués.
Enfin, si Mme [A] témoigne le 30 juin 2021 que la charge de travail était bien équilibrée, ou qu’une récupération était organisée en cas de surcharge, que M. [K] a renouvelé les équipements de travail pour une ambiance plus zen et propre et qu’elle n’a jamais vécu de harcèlement, il a été précédemment évoqué le SMS qu’elle a adressé à ce moment-là à M.[G] et dont il ressort qu’elle ne voulait pas témoigner pour l’employeur.
Il s’ensuit que l’employeur ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, lequel est donc établi.
La cour retient que sont établis les manquements invoquéspar la salariée, à savoir un harcèlement moral concernant des faits survenus notamment avant son arrêt de travail, ininterrompu jusqu’à la prise d’acte.
Le harcèlement moral subi par le salarié lui a causé un préjudice moral résultant des agissements de M. [K], qu’il convient de réparer par une indemnité de 3 000 euros, somme qui sera fixée au passif de la société AGBF, par voie d’infirmation.
Ce manquement est d’une gravité telle qu’il empêchait la poursuite du contrat de travail de telle sorte que la prise d’acte s’analyse en une rupture aux torts de l’employeur qui doit être en conséquence requalifiée en un licenciement, lequel produit les effets d’un licenciement nul, en application des articles L1152-1 et L. 1235-3-1 du code du travail. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de la nullité du licenciement
Par voie d’infirmation du jugement, la salariée peut prétendre aux indemnités de rupture et à l’indemnité pour licenciement nul d’après un salaire de référence calculé à partir de la rémunération brute des douze derniers mois de salaires précédant son arrêt de travail, ce qui correspond à la somme de 3 742,98 euros , non contestée par le liquidateur et l’AGS.
Il convient de fixer au passif de la société AGBF les sommes suivantes selon les calculs effectués par la salariée dans ses conclusions, non utilement discutés :
-10 605,10 euros d’indemnité légale de licenciement,
-11 228,94 euros d’ indemnité compensatrice de préavis outre 122,89 euros de congés payés afférents.
La salariée peut également prétendre à une indemnité pour licenciement nul en application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail selon lequel cette indemnité ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Eu égard à l’ancienneté de la salariée (11 années), à son niveau de rémunération (3 742,98 euros), à sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge lors du licenciement (35 ans), à son état de santé justifié en 2020, à ce qu’elle a retrouvé un emploi en contrat à durée déterminée le 20 novembre 2020 moyennant une rémunération mensuelle de 3 545 euros, qui s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée le 17 mai 2021 (3 723,28 euros de salaire dont prime) , il convient d’évaluer à la somme de 25 000 euros bruts le préjudice qui résulte, pour elle, de la perte injustifiée de son emploi, cette créance étant fixée au passif de la société AGBF.
Sur l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Il a été précédemment reconnu le harcèlement moral dont se prévaut la salariée et cette dernière invoque également les faits au soutien de ce harcèlement en ajoutant qu’elle a alerté l’employeur dès lors qu’elle lui a fait part d’objectifs difficiles à tenir tout en contestant des décisions inapplicables, les congés imposés à la fin du confinement ou des propos contestés en raison de leur sévérité, la salariée affirmant à juste titre que son comportement n’a alors pas relevé de l’insubordination.
Il est également établi que M.[G] a tenté de négocier en vain avec M. [K] le départ de la salariée en juillet 2020 dans le cadre d’une rupture conventionnelle, après l’altercation survenue le 1er juillet 2020 et à la suite d’envoi de courriels dont il ressortait une forte tension entre eux.
Il est en outre justifié au dossier que les tiers extérieurs, en l’occurence le client Bouygues, a indiqué à M. [K] qu’il ne partageait pas son avis sur le travail réalisé et a notamment félicité la salariée pour son travail.
Le liquidateur n’établit donc pas que M. [K] a uniquement agi dans le cadre de son pouvoir de direction et le comportement autoritaire de l’employeur a été précédemment établi.
Le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, qui n’a pas pris en compte les remarques de la salariée et a persisté dans son comportement brutal, y compris quand elle était en arrêt de travail, est établi et il convient de mettre au passif de la société AGBF la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi par la salariée.
Sur l’obligation de prévention du harcèlement moral
La salariée invoque l’absence de respect de l’obligation par l’employeur de prévention des risques psycho-sociaux relatifs au harcèlement moral et sollicite que ce dernier verser aux débats les preuves de ce qu’il a mis en place un système de prévention du harcèlement moral au sein de son entreprise.
Le liquidateur et l’AGS qui contestent la demande en réplique ne produisent aucun élément à ce titre.
L’obligation de prévention des risques professionnels et du harcèlement moral, qui résulte des articles L. 1152-4 du code du travail, L. 4121-1 du même code, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral, instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
Il résulte du dossier que l’employeur ne produit pas le dispositif préventif relatif au harcèlement moral, ce manquement à son obligation de prévention ayant constitué un préjudice pour la salariée, qui ne peut solliciter toutefois une indemnisation que pour elle-même.
La cour infirme le jugement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et le manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral, distinct des autres manquements retenus, sera réparé par l’octroi d’une somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
La salariée fait valoir qu’elle n’a pas perçu le maintien intégral de son salaire pendant ses arrêts de travail et qu’elle n’a pas bénéficié d’une formation, l’employeur ayant violé l’obligation d’adaptation de la salariée à son poste de travail.
Le liquidateur et l’AGS contestent la demande de la salariée.
**
L’article L. 1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Selon l’article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l »employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en ‘uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.
S’agissant de l’absence de paiement intégral du salaire de juillet à septembre 2020, l’employeur a été condamné à un rappel de salaire et la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct qui ne serait pas réparé par l’allocation des intérêts moratoires attachés à cette créance fixée au passif de la société AGBF.
S’agissant de la formation de la salariée et de l’adaptabilité à son poste de travail, le liquidateur produit la facture de la société qui lui a dispensé une formation de cinq jours en février 2020 sur un logicilel professionnel. Le manquement de l’employeur à son obligation de formation n’est pas établi.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les intérêts
Le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 10 mai 2024 a arrêté le cours des intérêts légaux par application des dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce.
En conséquence, les condamnations au paiement à des rappels de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes jusqu’au 10 mai 2024.
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire, lesquelles sont affectées par l’arrêt du cours des intérêts légaux, ne seront quant à elles assorties d’aucun intérêt.
Sur la remise des documents
Il conviendra de donner injonction au liquidateur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.
Sur la garantie de l’AGS
En application des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce s’agissant de créances dues par l’employeur en raison de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, elles doivent être fixées au passif de la société AGBF et garanties par l’AGS dans la limite du plafond légal.
Le présent arrêt est donc opposable à l’AGS CGEA IDF Ouest dans la limite de sa garantie et il sera dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société AGBF aux éventuels dépens et à payer à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais de première instance, sauf à fixer cette somme au passif de la société.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société et leur emploi en frais de justice privilégiés sera ordonné.
Il conviendra de dire n’y avoir lieu de fixer au passif de la société aucune somme sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile au titre des frais engagés en appel, le liquidateur étant débouté de sa demande à ce titre.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il déboute Mme [C] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et manquement à l’obligation de prévention du harcèlement, de sa demande de licenciement nul en raison du harcèlement moral et d’indemnité de licenciement nul,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
DIT nul le licenciement de Mme [C],
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS AGBF les créances de Mme [C] aux sommes suivantes :
– 5 713,08 euros à titre de rappel de salaires outre 571,38 euros de congés payés afférents,
– 25 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement nul,
-10 605,10 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 11 228,94 euros à titre d’ indemnité compensatrice de préavis outre 1 22,89 euros de congés payés afférents,
– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 800 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de prévention du harcèlement moral,
RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels,
DONNE injonction à la Selarl Herbaut-[N] représentée par [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS AGBF de remettre à Mme [C] un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d’astreinte,
DECLARE le présent arrêt opposable à Selarl Herbaut-[N] représentée par [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS AGBF,
DIT que l’association AGS CGEA IDF Ouest est tenue de garantir les sommes allouées Mme [C] dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel et rejette la demande de Selarl Herbaut-[N] représentée par [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS AGBF à ce titre,
FIXE les dépens d’appel au passif de la procédure collective de la société AGBF .
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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