L’Essentiel : En décembre 2009, un syndicat a déposé une plainte contre la société [8] et trois de ses dirigeants pour harcèlement moral, lié à la réduction de 22 000 postes dans le cadre des plans NExT et ACT. Une enquête a été ouverte en avril 2010. En juin 2018, plusieurs dirigeants, dont M. [XG], ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral entre 2007 et 2010, affectant trente-neuf salariés. Les prévenus sont accusés d’avoir instauré un climat de travail anxiogène par des réorganisations désordonnées et des pratiques nuisibles. Des appels ont été interjetés suite au jugement initial.
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Contexte de l’affaireEn décembre 2009, un syndicat a déposé une plainte contre la société [8] et trois de ses dirigeants, accusant notamment de harcèlement moral lié à la mise en œuvre du plan NExT et du programme ACT, qui visaient à réduire les effectifs de 22 000 salariés sur environ 120 000. Une enquête a été ouverte le 8 avril 2010. Mise en examen des dirigeantsLa société [8], qui a changé de nom en juillet 2013, ainsi que plusieurs de ses cadres dirigeants, dont le président-directeur général M. [XG], ont été mis en examen pour harcèlement moral ou complicité de ce délit. Renvoi devant le tribunal correctionnelLe 12 juin 2018, le juge d’instruction a renvoyé la société [8] et plusieurs dirigeants devant le tribunal correctionnel pour des faits de harcèlement moral commis entre 2007 et 2010, visant spécifiquement trente-neuf salariés. Accusations de harcèlement moralLes prévenus sont accusés d’avoir mis en place une politique d’entreprise déstabilisante, créant un climat de travail anxiogène par des réorganisations désordonnées, des incitations au départ, une surcharge de travail, et d’autres pratiques nuisibles aux conditions de travail des salariés. Complicité dans le harcèlement moralD’autres dirigeants, dont Mme [CL]-[VE] et Mme [YM], ont également été renvoyés pour complicité de harcèlement moral, ayant facilité la mise en œuvre de pratiques nuisibles et exercé une pression sur les départs. Parties civiles et jugement initialDe nombreuses parties civiles, dont Mme [HM] [GI], se sont constituées. Le 20 décembre 2019, le tribunal a prononcé des relaxes partielles pour certains prévenus et a déclaré d’autres coupables des délits reprochés entre janvier 2007 et décembre 2008. Appels et procédures ultérieuresLes prévenus, à l’exception de la société [8], ont interjeté appel, tandis que le ministère public et les parties civiles ont également fait appel. M. [C] s’est désisté de son appel. Les moyens d’appel présentés n’ont pas été jugés suffisants pour permettre l’admission des pourvois. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications juridiques du harcèlement moral dans le cadre professionnel selon le Code du travail ?Le harcèlement moral est défini par l’article L1152-1 du Code du travail, qui stipule que « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail ». Cette disposition vise à protéger les salariés contre des comportements qui pourraient nuire à leur santé physique ou mentale, ou compromettre leur avenir professionnel. En l’espèce, les faits reprochés à la société [8] et à ses dirigeants, tels que la mise en place d’une politique d’entreprise déstabilisante, des réorganisations désordonnées, et des pressions sur les résultats, s’inscrivent dans cette définition. Les articles L1152-2 et L1152-3 précisent également que l’employeur a une obligation de prévention et de protection de la santé de ses employés, ce qui renforce la responsabilité de la société dans ce contexte. Quelles sont les conséquences juridiques pour les dirigeants d’entreprise en cas de complicité de harcèlement moral ?La complicité de harcèlement moral est également sanctionnée par le Code du travail. Selon l’article L1152-4, « le fait pour un employeur de ne pas prendre les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement moral est constitutif d’une faute inexcusable ». Dans le cas présent, les dirigeants de la société [8] sont accusés d’avoir facilité sciemment le harcèlement moral en organisant des conditions de travail dégradantes. Cela pourrait engager leur responsabilité personnelle, car l’article 121-7 du Code pénal stipule que « la complicité est le fait d’aider ou d’assister une personne dans la commission d’un délit ». Ainsi, les actions des dirigeants, qui ont contribué à créer un climat de travail anxiogène, peuvent être qualifiées de complicité de harcèlement moral, entraînant des sanctions pénales et civiles. Comment le tribunal correctionnel évalue-t-il les preuves dans les affaires de harcèlement moral ?Le tribunal correctionnel, dans le cadre de l’évaluation des preuves, se réfère à l’article 427 du Code de procédure pénale, qui stipule que « le jugement est fondé sur l’ensemble des éléments de preuve produits par les parties ». Dans cette affaire, le tribunal a pris en compte les témoignages des parties civiles, les documents internes de l’entreprise, ainsi que les comportements des prévenus. L’article 431 du même code précise que « le juge apprécie librement la valeur des preuves », ce qui signifie qu’il peut considérer les éléments de preuve dans leur ensemble pour établir la culpabilité ou l’innocence des prévenus. Ainsi, la décision du tribunal de déclarer certains prévenus coupables repose sur une analyse minutieuse des faits et des circonstances entourant les allégations de harcèlement moral. Quelles sont les voies de recours possibles après un jugement en matière de harcèlement moral ?Après un jugement rendu par le tribunal correctionnel, les parties ont la possibilité d’interjeter appel, conformément à l’article 497 du Code de procédure pénale, qui stipule que « les décisions rendues par le tribunal correctionnel peuvent faire l’objet d’un appel ». Dans cette affaire, les prévenus ont interjeté appel, ce qui est une voie de recours permettant de contester la décision du tribunal. L’article 500 précise que « l’appel est suspensif, sauf disposition contraire », ce qui signifie que l’exécution de la décision peut être suspendue pendant la durée de l’appel. Les parties civiles, ainsi que le ministère public, ont également la possibilité d’interjeter appel incident, ce qui leur permet de contester certains aspects du jugement, notamment en ce qui concerne les relaxes prononcées. Ainsi, le système judiciaire offre plusieurs mécanismes pour contester les décisions en matière de harcèlement moral, garantissant ainsi un droit à un procès équitable. |
N° 00003
LR
21 JANVIER 2025
CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JANVIER 2025
MM. [NL] [XG], [ZL] [FS], Mmes [SI] [CL], épouse [VE], et [OS] [YM], ainsi que Mme [HM] [GI], partie civile, ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-13, en date du 30 septembre 2022, qui, pour harcèlement moral, a condamné les deux premiers à un an d’emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d’amende et une confiscation, et, pour complicité de harcèlement moral, la troisième à six mois d’emprisonnement avec sursis et une confiscation, la quatrième à trois mois d’emprisonnement avec sursis et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [ZL] [FS], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [NL] [XG], les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [SI] [CL], épouse [VE], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mme [OS] [YM], les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [HM] [GI], les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de MM. [EY] et [HU] [BC], Mme [UI] [H], épouse [BC], Mmes [VL] et [TE] [BC], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération [5], l’Union [15], Mmes [Y] [HW], [ZT] [PL], M. [R] [PL], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat [1], M. [UK] [SN], Mme [ZB] [LY], épouse [XT], la fédération [2], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat [10], l’Union [13], Association [6], la Fédération [3], la Fédération [14], la Fédération [4], Mmes [CX] [E], [UI] [D],
[PT] [Z], [EL] [V], [IP] [BZ] [N], [NN] [J], [SI] [DT], [RO] [FA], [BF] [VR], [TY] [EG], [VC] [WS], [PG] [ZN], [MD] [UP], [TA] [GN], [FU] [MF] épouse [FW], [GD] [MF], [NR] [YU], [FF] [SV], [TR] [FH], [L] [YZ], [IX] [PV], [NB] [LL], [I] [FM],
[VC] [AM], [GB] [BI], épouse [MF], [TR] [IB], [JH] [YS], [I] [IV],
[RM] [HJ], [OS] [YH], [LR] [ZV], [TW] [XR], [GP] [CU], [BK] [F], épouse [VW], [L] [OO], [UZ] [MA], [CG] [SG], [TR] [XN], [T] [RJ], [TW] [JL], épouse [EK], [NY] [WU], [IK] [ZY], [HH] [DD], [GX] [LW], [WM] [IS], [FU] [VO], [TW] [YD], [GD] [MP], épouse [TO], MM. [YO] [K], [OA] [U], [UB] [G], [KZ] [O],
[KS] [B], [UB] [JJ], [NG] [LE], [KB] [NT], [FO] [GV], [KI] [TC], [RA] [BH], [XY] [UX], [P] [HO], [KB] [PN], [OA] [MZ], [KF] [KD], [KB] [RH], [RU] [WK], [ID] [AE], [KB] [MS], [KP] [AK], [JO] [OM], [ZE] [VY], [CM] [TJ], [VJ] [YF], [YO] [BN], [W] [MF], [IG] [JR], [KB] [KX], [YO] [AD], [PI] [ET], [XL] [HC], [YK] [CY], [KF] [JW], [UB] [EN], [ZG] [WZ], [NE] [XE], [SB] [PB], [IV] [DG], [RW] [MK], [FC] [WF], [RF] [SX], [WX] [RC], [SP] [EH], [RW] [IV], [JC] [OH], [FO] [LT], [GG] [JE], [NL] [JY], [XL] [DA], [WX] [DY], [YO] [EV], [DM] [LJ], [W] [SD], [IN] [MU], [HA] [AZ], [KB] [EB], [XL] [VT], [JC] [TH], [ID] [US], [WX] [KF],
[AP] [EE], [JO] [MX], [VJ] [AU], [ZG] [HR], [MM] [SG], [JC] [WP], [XL] [PP], [UB] [GT], [H] [NV], [ID] [CA], [M] [LC], [YA] [DV], [UB] [ZI], [DS] [XJ], [AP] [SK], [CS] [LG], [WD] [BW], [BE] [BX], [X] [OK], [II] [EI], [OU] [OW], [P] [DB],
[ID] [KM], [KF] [BU], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. [DS] [AR], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Cavalerie, Seys, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, M. Violeau, Mme Merloz, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, Mme Sommier, greffier de chambre, et Mme Le Roch, greffier de chambre présent au prononcé,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite de la plainte déposée par le syndicat [12], en décembre 2009, du chef notamment de harcèlement moral contre la société [8] et trois de ses dirigeants, dénonçant les conditions dans lesquelles avaient été mis en uvre le plan NExT (« Nouvelle Expérience des Télécoms ») et son volet social, le programme ACT (« Anticipation et Compétences pour la Transformation »), annoncés en 2006, reposant sur une réduction des effectifs à hauteur de 22 000 salariés ou agents (ci-après indifféremment désignés comme salariés ou agents) sur environ 120 000, une information a été ouverte le 8 avril 2010.
3. La société [8], devenue la société [11] le 1er juillet 2013 (ci-après la société [8]), et plusieurs cadres dirigeants, dont le président-directeur général du groupe, M. [NL] [XG], ont été mis en examen, notamment, du chef de harcèlement moral ou complicité de ce délit.
4. Par ordonnance du 12 juin 2018, le juge d’instruction a notamment renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral, commis entre 2007 et 2010, la société [8], M. [XG], ainsi que deux cadres dirigeants de l’entreprise, M. [ZL] [FS], directeur des opérations France au sein de la société [8], directeur exécutif délégué et président de la société [11], et M. [YK] [C], directeur des ressources humaines.
5. Il est reproché à ces prévenus, ainsi qu’à la société [8], d’avoir, entre 2007 et 2010, harcelé notamment trente-neuf salariés nommément désignés par « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des personnels, susceptible de porter atteinte à leur droit et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel, en l’espèce en mettant en place, dans le cadre des plans NExT et ACT, une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et agents, à créer un climat professionnel anxiogène, en recourant notamment à des réorganisations multiples et désordonnées, des incitations répétées au départ, des mobilités géographiques et/ou fonctionnelles forcées, la surcharge de travail, la pression des résultats ou à l’inverse l’absence de travail, un contrôle excessif et intrusif, l’attribution de missions dévalorisantes, l’absence d’accompagnement et de soutien adaptés des ressources humaines, des formations insuffisantes voire inexistantes, l’isolement des personnels, des manoeuvres d’intimidation, voire des menaces et des diminutions de rémunération ».
6. Par la même ordonnance, le juge d’instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité du délit de harcèlement moral reproché à la société [8] et aux dirigeants précités, Mme [SI] [CL], épouse [VE], directrice du programme ACT, directrice des ressources humaines France puis directrice adjointe des ressources humaines du groupe, Mme [OS] [YM], directrice des actions territoriales d’opérations France, M. [OF] [UD], directeur des ressources humaines France, et M. [DS] [AR], directeur de la direction territoriale Est puis directeur des ressources humaines France.
7. Il leur est reproché de s’être rendus complices du délit de harcèlement moral, au préjudice notamment des mêmes trente-neuf salariés, en ayant facilité sciemment la préparation et la consommation de celui-ci, par aide et assistance, en l’espèce, notamment, s’agissant de Mme [CL]-[VE], entre 2007 et 2010, « en organisant le suivi strict et concret des réductions d’effectifs, en mettant en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant des salariés et des agents sans poste, un management par les résultats, en encourageant les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et salariés, et en organisant les incitations financières relatives à l’atteinte des objectifs de réduction d’effectifs », et, s’agissant de Mme [YM], entre 2007 et mars 2008, « en organisant le suivi strict et concret des réductions d’effectifs et en pratiquant un mode de management très directif encourageant la pression sur les départs ».
8. De très nombreuses parties civiles se sont constituées, dont Mme [HM] [GI].
9. Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal correctionnel a, sur l’action publique, prononcé des relaxes partielles concernant, d’une part, les faits commis du 1er janvier 2009 à fin 2010, s’agissant de MM. [XG], [FS] et [C] ainsi que Mme [CL]-[VE], d’autre part, ceux commis du 6 mai 2008 à fin 2010 s’agissant de M. [AR], et déclaré les prévenus coupables des délits qui leur étaient reprochés, entre janvier 2007 et décembre 2008, et a prononcé sur les intérêts civils.
10. Les prévenus ont interjeté appel, à l’exception de la société [8]. Le ministère public a interjeté appel incident ainsi que les parties civiles. M. [C] s’est désisté de son appel.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [XG], le deuxième moyen proposé pour M. [FS], le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, et le troisième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, proposés pour Mme [CL]-[VE], et le troisième moyen, pris en sa première branche, proposé pour Mme [YM]
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