Prison avec sursis et interdiction professionnelle
Voici une nouvelle affaire hors normes digne d’une fiction audiovisuelle : une avocate s’est pourvue en cassation contre un arrêt (CA de Paris, chambre 2-7, 8 avril 2016), qui, pour violences, menaces de mort réitérées, dénonciation mensongère, appels téléphoniques malveillants, atteinte à la représentation de la personne, faux et usage l’a condamnée à deux ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve et six mois d’interdiction professionnelle.
Conclusion du rapport d’expertise
Pour confirmer la condamnation prononcée, les juges ont souligné, la durée, la violence et l’énergie dépensée par l’avocate pour mettre en oeuvre une vengeance sentimentale totalement indifférente aux conséquences subies par des personnes tierces à la souffrance qui a pu être la sienne. Dans le cadre de l’expertise menée, le rapport du psychiatre a conclu à une personnalité complexe, qui naviguerait entre lucidité et fantasmes, apparaissant de manière « essentiellement autocentrée sur une problématique dépressive ».
Une histoire de vengeance passionnelle
A l’origine de l’affaire, une relation passionnelle avec un avocat au Barreau de Paris ayant entretenu avec la prévenue, une relation extra-conjugale. La durée et la nature exacte de cette relation étaient décrites de façon différente par chacun des intéressés, la prévenue la considérant comme une histoire d’amour, la partie civile comme une relation sexuelle occasionnelle. Toujours est-il qu’elle a pris fin après qu’une « explication » téléphonique ait eu lieu entre la prévenue et l’épouse de son amant.
Dans l’optique de se venger, la prévenue avait mis en oeuvre une machination sur une période d’au minimum seize mois, via un système de maillage informatique de l’entourage familial, professionnel et amical du couple. La prévenue adressait ses emails anonymes et incendiaires à partir d’un Starbucks Coffee. Sur les faits d’appels téléphoniques malveillants, l’avocate avait adressé à l’épouse plus de 300 SMS injurieux ou menaçants, ces messages étaient en provenance de 26 numéros différents, la plupart envoyés depuis la Grande-Bretagne grâce à une plateforme d’anonymisation du numéro de l’appelant. Parmi les SMS en cause, dont certains usurpaient l’identité de l‘épouse de l’avocat, on retrouve le florilège suivant : « aidez-moi, ce n’est pas une blague, j’ai eu votre numéro dans l’annuaire, nous sommes voisins. Mon mari est devenu fou, il m’a frappée et me séquestre. Aidez-moi, ce n’est pas une blague j’habite au … ».
Sur les faits de faux et usage de faux, l’avocate avait adressé à un client de l’avocat, un email fictif, à en tête de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, indiquant que son conseil était l’objet d’une procédure disciplinaire, et l’invitant « à lui signaler tout incident ».
L’avocat victime déplorait également son inscription sur de nombreux sites à caractère sexuel, ce qu’il jugeait très dégradant et préjudiciable à son activité d’avocat, ainsi que des blogs à son nom, dont la lecture des titres caractérisait l’intention évidente de leur auteur de détruire, outre sa vie de couple, sa vie professionnelle.
« Non bis in idem »
Au regard des multiples qualifications pénales retenues par les juges du fond, la Cour de cassation a néanmoins retenu une violation de la règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») qui est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d’après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement (une seconde fois) à raison des mêmes faits. Les faits qui procédaient de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne pouvaient donner lieu, contre la prévenue, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes. C’est à tort que les juges du fond ont déclaré l’avocate coupable de violences (en sus des infractions de faux et usage, dénonciation mensongère, menaces de mort et appels téléphoniques malveillants) alors que cette infraction relevait de la même intention coupable. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quelle est l’affaire impliquant l’avocate condamnée ?L’affaire concerne une avocate qui a été condamnée par la Cour d’Appel de Paris à deux ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, ainsi qu’à six mois d’interdiction professionnelle. Cette condamnation a été prononcée pour plusieurs infractions, notamment des violences, des menaces de mort réitérées, des dénonciations mensongères, des appels téléphoniques malveillants, ainsi que des actes de faux et usage de faux. Les faits se sont déroulés dans un contexte de vengeance sentimentale, où l’avocate a agi de manière à nuire à son ancien partenaire et à son entourage. Quelles ont été les conclusions du rapport d’expertise ?Le rapport d’expertise a révélé que l’avocate avait une personnalité complexe, oscillant entre lucidité et fantasmes. Les juges ont souligné la violence et l’énergie qu’elle a déployées pour mettre en œuvre sa vengeance, montrant une indifférence totale aux conséquences de ses actes sur des tiers. Le psychiatre a noté que l’avocate semblait « essentiellement autocentrée sur une problématique dépressive », ce qui a pu influencer son comportement et ses décisions. Quel était le contexte de la vengeance de l’avocate ?La vengeance de l’avocate était motivée par une relation passionnelle avec un avocat, qui était en réalité une liaison extra-conjugale. La nature de cette relation était perçue différemment par les deux parties : l’avocate la voyait comme une histoire d’amour, tandis que l’autre partie la considérait comme une simple relation sexuelle occasionnelle. La rupture de cette relation a été précipitée par une conversation téléphonique entre l’avocate et l’épouse de son amant, ce qui a déclenché la série d’actes malveillants de l’avocate. Quels types d’actes malveillants l’avocate a-t-elle commis ?L’avocate a mis en place une machination complexe sur une période d’au moins seize mois, utilisant des moyens variés pour nuire à son ancien partenaire et à son épouse. Elle a envoyé plus de 300 SMS injurieux et menaçants à l’épouse, en utilisant 26 numéros différents, souvent anonymisés. De plus, elle a usurpé l’identité de l’épouse pour envoyer des messages alarmants, et a également adressé un email fictif à un client de l’avocat, prétendant que ce dernier faisait l’objet d’une procédure disciplinaire. Qu’est-ce que le principe « non bis in idem » et comment a-t-il été appliqué dans cette affaire ?Le principe « non bis in idem » est un fondement du droit pénal qui stipule qu’une personne ne peut être poursuivie ou punie deux fois pour les mêmes faits. Dans cette affaire, la Cour de cassation a constaté que les juges du fond avaient violé ce principe en déclarant l’avocate coupable de plusieurs infractions, alors que celles-ci découlaient d’une seule intention coupable. Ainsi, la Cour a annulé certaines déclarations de culpabilité, soulignant que les actes étaient indissociables et relevaient d’une action unique. |
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