Harcèlement électronique au travailUn fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier une mesure disciplinaire allant jusqu’au licenciement s’il se rattache à la vie de l’entreprise ou à la vie professionnelle. Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (non intervention en présence d’un harcèlement électronique entre collègues) peut être à l’origine de l’inaptitude du salarié et a pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’obligation de prévention des risques professionnelsL’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L.4121-1 du code du travail et de l’article L. 4121-2 du même code est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. L’obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi une déclinaison de l’obligation de sécurité, résultant pour l’employeur des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail. L’absence de harcèlement moralAinsi, l’absence de harcèlement moral n’est pas de nature à exclure, en présence d’une souffrance morale en lien avec le travail, tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité , de sorte qu’il appartient à l’employeur de prendre des mesures de nature à prévenir mais également pour faire cesser ces agissements. L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre qu’il a pris toutes les mesures de préventions et toutes les mesures de nature à faire cesser le harcèlement moral dénoncé. En l’espèce, il résulte des énonciations précédentes de l’arrêt que l’employeur de Mme [J] n’ignorait pas les agissements dont elle était victime de la part de M. [X], Mme [J] ayant régulièrement avisé la CRCAM de la Touraine et du Poitou de ses difficultés. Ainsi, elle a informé son employeur de ce qu’elle avait été victime d’insultes de la part de M. [X], de la consultation de ses comptes bancaires par M. [X], de l’envoi de messages de M. [X] à des clients, des plaintes déposées. La CRCAM de la Touraine et du Poitou avait également connaissance du fait que Mme [J] vivait ‘très mal cette situation’ et qu’il fallait ‘rapidement endiguer ce phénomène qui crée de grosses perturbations à l’intérieur de nos agences’. Toutefois, dès le 16 octobre 2015, l’employeur a procédé auprès de M. [X] à un rappel des règles déontologiques et de l’usage de communication professionnelle. Cette première réaction était ainsi adaptée aux premiers faits dénoncés par Mme [J]. Si la CRCAM de la Touraine et du Poitou ne démontre pas qu’une enquête interne a réellement été menée du 5 novembre 2015 au 16 janvier 2016 comme elle prétend, elle justifie toutefois : – des arrêts de travail de M. [X] du 17 novembre au 21 novembre 2015 puis du 1er décembre au 16 janvier 2016, pendant lesquels elle ne pouvait procéder à aucun entretien avec le salarié, – par des échanges de mail entre les directeurs d’agences et M. [U], que la CRCAM de la Touraine et du Poitou a évoqué la situation en tenant compte de ‘la fragilité psychologique de [E] [X]’ et que M. [X] a été convoqué après sa reprise du travail le 29 janvier 2016, entretien au cours duquel un nouveau rappel de l’usage des outils professionnels a été réalisé. La CRCAM de la Touraine et du Poitou n’a donc pas fait preuve d’une totale inertie face aux difficultés que rencontrait Mme [J] dans sa sphère privée en menant deux entretiens avec M. [X] pour lui rappeler ses obligations professionnelles. Manquement à l’obligation de prévention des risquesL’employeur n’a toutefois pas satisfait à son obligation de prévention des risques en ne prenant pas les mesures adaptées à la sortie de détention de M. [X] et alors même que Mme [J] n’avait pas été déclarée inapte par le médecin du travail. Il s’avère en effet que la seule mesure prise par la CRCAM de la Touraine et du Poitou a été de réintégrer M. [X] dans un poste similaire, situé certes à 50km, mais en lui permettant d’avoir accès à tous les outils professionnels qui lui avaient permis de harceler Mme [J] dans la sphère privée. La CRCAM de la Touraine et du Poitou ne justifie d’aucune autre mesure, d’aucune restriction de M. [X] dans ses accès professionnels, d’aucune mise en garde ou rappel des obligations du salarié postérieurs à sa réintégration. Or, Mme [J] avait rappelé, par l’intermédiaire de son avocat, le 1er avril 2017 à son employeur les faits dont elle avait été victime de la part de M. [X], en attirant son attention sur le fait que ce dernier était sorti de prison et qu’il lui était difficilement concevable de reprendre son activité professionnelle si M. [X] travaillait toujours pour le même employeur. Il n’est pas contesté que la CRCAM de la Touraine et du Poitou n’a pas souhaité prendre d’autre mesure de prévention du risque que le seul éloignement géographique de M. [X]. Un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier une mesure disciplinaire allant jusqu’au licenciement s’il se rattache à la vie de l’entreprise ou à la vie professionnelle. Ainsi, c’est tout à fait vainement que la CRCAM de la Touraine et du Poitou se retranche derrière le fait que M. [X] a été condamné pour un fait relevant de sa vie personnelle alors que certains des faits ont été commis en utilisant des moyens mis à sa disposition dans le cadre professionnel au préjudice de son ex-compagne qui était également salariée du même employeur. Il appartenait dès lors à la CRCAM de la Touraine et du Poitou de prendre les mesures adaptées pour permettre à sa salariée, Mme [J], de reprendre son travail à l’issue de son arrêt de travail dans des conditions de sécurité que ne permettaient pas la réintégration de M. [X] dans un poste similaire éloigné de quelques dizaines de kilomètres. La CRCAM de la Touraine et du Poitou a donc manqué à son obligation de sécurité ce qui a causé un préjudice moral indéniable à Mme [J] qui a vu son employeur favoriser M. [X] en le réintégrant à son détriment. Téléchargez la décision |
→ Questions / Réponses juridiques
Quelles sont les conséquences d’un harcèlement électronique au travail ?Le harcèlement électronique au travail peut avoir des conséquences graves tant pour le salarié victime que pour l’employeur. Un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié peut justifier une mesure disciplinaire, y compris le licenciement, s’il est lié à la vie professionnelle. Cela signifie que les comportements inappropriés, même s’ils se produisent en dehors du cadre de travail, peuvent avoir des répercussions sur l’emploi. De plus, si l’employeur ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger ses employés, cela peut entraîner des conséquences juridiques, comme un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse. En effet, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, notamment en ne réagissant pas face à un harcèlement électronique, peut causer l’inaptitude du salarié, ce qui renforce la responsabilité de l’employeur dans de telles situations. Quelle est l’obligation de prévention des risques professionnels ?L’obligation de prévention des risques professionnels est inscrite dans le code du travail, notamment dans les articles L.4121-1 et L.4121-2. Cette obligation impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses employés. Cette obligation est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral, qui est également régie par le code du travail. L’employeur doit donc non seulement interdire le harcèlement, mais aussi mettre en place des mesures préventives pour éviter que de tels comportements ne se produisent. Il est essentiel que l’employeur prenne des mesures concrètes pour prévenir le harcèlement moral, car cela découle de son obligation de sécurité. Cela inclut la mise en place de formations, de politiques claires et de procédures pour signaler et traiter les incidents de harcèlement. Que se passe-t-il en cas d’absence de harcèlement moral ?L’absence de harcèlement moral ne signifie pas que l’employeur est exempt de sa responsabilité en matière de sécurité. Même en l’absence de harcèlement avéré, si un salarié souffre moralement en lien avec son travail, l’employeur doit agir. Il lui incombe de prendre des mesures pour prévenir et faire cesser tout comportement inapproprié. Si l’employeur peut prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement, il peut s’exonérer de sa responsabilité. Cependant, si l’employeur est informé des difficultés rencontrées par un salarié, comme dans le cas de Mme [J], il doit agir rapidement pour protéger ce salarié. Ignorer les plaintes ou ne pas prendre de mesures adéquates peut entraîner des conséquences juridiques pour l’employeur. Quelles sont les conséquences d’un manquement à l’obligation de prévention des risques ?Un manquement à l’obligation de prévention des risques peut avoir des conséquences graves pour l’employeur. Dans le cas où l’employeur ne prend pas les mesures adaptées, comme dans le cas de la réintégration de M. [X], cela peut entraîner des répercussions sur la santé mentale et physique des salariés concernés. L’employeur doit être proactif et anticiper les risques, surtout lorsque des situations de harcèlement sont signalées. La simple réintégration d’un salarié ayant harcelé un autre, sans mesures de sécurité appropriées, expose l’employeur à des poursuites judiciaires. Dans le cas de Mme [J], l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, ce qui a causé un préjudice moral à la salariée. Cela souligne l’importance pour les employeurs de prendre des mesures préventives et de réagir de manière appropriée face à des situations de harcèlement. Comment l’employeur peut-il se défendre contre des accusations de harcèlement ?L’employeur peut se défendre contre des accusations de harcèlement en prouvant qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser le harcèlement. Cela inclut la mise en place de politiques claires, la formation des employés et la réalisation d’enquêtes internes lorsque des plaintes sont déposées. Dans le cas de la CRCAM de la Touraine et du Poitou, bien qu’ils aient pris certaines mesures, comme des rappels à l’ordre, ils n’ont pas démontré qu’une enquête interne adéquate avait été menée. Il est déterminant que l’employeur documente toutes les actions entreprises pour montrer qu’il a agi de manière responsable. Cela peut inclure des courriels, des comptes rendus de réunions et des preuves de formations dispensées aux employés. En l’absence de telles preuves, l’employeur risque d’être tenu responsable des conséquences du harcèlement sur ses employés. |
Laisser un commentaire