Responsabilité du vendeur face aux vices cachés dans une transaction immobilière

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Responsabilité du vendeur face aux vices cachés dans une transaction immobilière

L’Essentiel : Le 29 mars 2024, Mme [N] [F] a assigné Mme [T] [Z] devant le tribunal judiciaire de Meaux, demandant l’annulation de la vente d’un bâtiment et la restitution de 171.700 € pour divers frais et dommages. Elle a soutenu que des expertises avaient établi la responsabilité d’un copropriétaire pour des infiltrations d’eau, rendant son bien inoccupable. Malgré l’absence de Mme [T] [Z] lors de l’audience, le tribunal a noté que Mme [N] [F] n’avait pas produit l’acte de vente, empêchant la vérification d’une clause de garantie des vices cachés. Les demandes de Mme [N] [F] ont été rejetées.

Exposé du litige

Par acte authentique en date du 19 juillet 2018, Mme [T], [O] [Z] a vendu à Mme [N], [X] [F] un bâtiment à deux niveaux à usage d’habitation, situé à [Adresse 2] – [Localité 4]. Le 9 avril 2022, Mme [N] [F] a déclaré un sinistre de dégât des eaux à son assureur, BPCE Assurances. À la demande de l’assureur, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a ordonné une mesure d’expertise le 12 avril 2023, désignant M. [C] [I] comme expert, remplacé par M. [L] [K] le 19 septembre 2023.

Assignation et demandes de Mme [N] [F]

Le 29 mars 2024, Mme [N] [F] a assigné Mme [T] [Z] devant le tribunal judiciaire de Meaux, demandant l’annulation de la vente immobilière et la restitution de diverses sommes, incluant le prix de vente de 147.000 €, des frais notariés de 14.700 €, des frais d’avocat et d’expertise de 10.000 €, ainsi que des dommages et intérêts pour trouble de jouissance et préjudice psychologique. Elle a soutenu que des expertises amiables avaient retenu la responsabilité d’un copropriétaire pour des infiltrations d’eau, rendant son bien inoccupable.

Arguments de Mme [N] [F]

Mme [N] [F] a fait valoir qu’elle avait subi le dégât des eaux pour la première fois le 9 avril 2022 et qu’elle avait jusqu’au 9 avril 2024 pour agir contre le vendeur en vertu de l’article 1648 du code civil. Elle a également mentionné que des expertises avaient révélé que le sinistre était antérieur à la vente, connu de l’ancienne copropriétaire, et que la situation avait causé des dommages importants à son bien.

Réponse de Mme [T] [Z] et décision du tribunal

Mme [T] [Z] n’a pas constitué avocat et le juge de la mise en état a clos l’instruction le 7 octobre 2024. Le tribunal a statué sur le fond malgré l’absence de comparution de Mme [T] [Z]. Il a noté que Mme [N] [F] n’avait pas produit l’acte de vente, rendant impossible la vérification d’une éventuelle clause de garantie des vices cachés. En conséquence, les demandes de Mme [N] [F] ont été jugées non fondées et rejetées.

Conclusion du jugement

Le tribunal a rejeté les demandes de Mme [N], [X] [F] et l’a condamnée aux dépens, statuant par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action en garantie des vices cachés selon le Code civil ?

L’article 1641 du Code civil stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. »

Cet article établit donc la responsabilité du vendeur en cas de vices cachés, même s’il n’en avait pas connaissance.

De plus, l’article 1648, alinéa 1er, précise que « l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

Dans le cas présent, Mme [N] [F] a déclaré son sinistre le 9 avril 2022, ce qui lui donne jusqu’au 9 avril 2024 pour agir contre le vendeur, Mme [T] [Z].

Ainsi, l’action de Mme [N] [F] est recevable, car elle respecte le délai imparti par la loi.

Quelles sont les conséquences de l’absence de l’acte de vente dans le cadre de la procédure ?

L’article 472 du Code de procédure civile indique que « lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

Dans cette affaire, Mme [F] n’a pas produit l’acte de vente, se contentant d’une attestation incomplète.

Cela empêche le juge de vérifier si une clause de garantie des vices cachés a été stipulée dans l’acte de vente, comme le précise l’article 1643 du Code civil : « il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie. »

Sans l’acte de vente, le tribunal ne peut pas établir si Mme [T] [Z] a informé Mme [N] [F] des vices affectant le bien vendu.

Par conséquent, l’absence de cet acte a conduit à un rejet des demandes de Mme [N] [F], car le juge n’a pas pu vérifier la validité de ses prétentions.

Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes de Mme [N] [F] ?

Le tribunal a rejeté les demandes de Mme [N] [F] en raison de l’absence de l’acte de vente et de l’impossibilité de vérifier les clauses de garantie des vices cachés.

L’article 768, alinéa 3, du Code de procédure civile précise que « les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. »

Dans le cas présent, Mme [F] a demandé l’annulation de la vente, mais n’a pas formulé de moyen dans la discussion pour soutenir cette prétention.

Le tribunal a donc considéré que les demandes n’étaient pas fondées, car il n’y avait pas de base légale suffisante pour statuer en faveur de Mme [N] [F].

En conséquence, le tribunal a condamné Mme [N] [F] aux dépens, conformément à la règle qui veut que la partie perdante supporte les frais de la procédure.

– N° RG 24/01930 – N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPH3
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l’ordonnance de
clôture : 07 Octobre 2024

Minute n°

N° RG 24/01930 – N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPH3

le

CCC : dossier

FE :
Me Sophie TESA-TARI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU TRENTE ET UN DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

Madame [N] [X] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Sophie TESA TARI de la SELEURL SOPHIE TESA-TARI AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

DEFENDERESSE

Madame [T] [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 1]
non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré : M. NOIROT, Juge statuant comme Juge Unique

DEBATS

A l’audience publique du 10 Décembre 2024,
GREFFIER

Lors des débats et du délibéré : Mme BOUBEKER, Greffière

JUGEMENT

réputé contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. NOIROT, Président, ayant signé la minute avec Mme BOUBEKER, Greffière ;

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique en date du 19 juillet 2018, Mme [T], [O] [Z] a vendu à Mme [N], [X] [F] un bâtiment à deux niveaux à usage d’habitation, dépendant d’un ensemble immobilier situé [Adresse 2] – [Localité 4].

Suivant courrier du 9 avril 2022, Mme [N] [F] a déclaré un sinistre de dégât des eaux à son assureur, la société BPCE Assurances.

A la demande de celle-ci, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a, suivant décision du 12 avril 2023, ordonné une mesure d’expertise et désigné M. [C] [I] en qualité d’expert, lequel a été remplacé par M. [L] [K] le 19 septembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 29 mars 2024, Mme [N] [F] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Meaux Mme [T] [Z] pour voir :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Dire et juger que l’action exercée par Madame [N] [F] est recevable et bien fondée;
Annuler la vente immobilière enregistrée le
Condamner Madame [T] [Z] à lui verser les sommes qui suivent :
➢ Restitution du prix de vente soit 147.000 €,
➢ Restitution des frais notariés de vente soit 14.700 € comprenant le droit d’enregistrement,
➢ Restitution des frais d’avocat, d’huissier, d’expertise judiciaire, soit au total 10.000 €,
➢ Dommages et intérêts pour trouble de jouissance soit 15.000 €,
➢ Dommages et intérêts pour préjudice psychologique subi soit 5.000 €,
➢ 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
➢ Les dépens de la présente instance et ses suites.

Elle expose à l’appui de ses prétentions que :
– une expertise amiable a été organisée par son assureur retenant la responsabilité de M. [S] [Y], copropriétaire du lot situé au-dessus de ladite chambre, s’agissant d’une terrasse grevée d’importantes infiltrations d’eau;
– plusieurs autres expertises amiables ont été organisés, dans le respect du principe du contradictoire, soit en présence de ce dernier et de son assureur, GMF, mais sans possibilité d’aboutir à un accord amiable par prise en charge des dégâts conséquents occasionnés dans ladite chambre, inoccupable, vu la présence d’un énorme trou au plafond, avec fortes infiltrations d’eau, de moisissures, innombrables, et du froid l’isolation ayant été fortement atteinte;
– la première réunion d’expertise s’est tenue à la date du 7 décembre 2023, au cours de laquelle M. [Y] a communiqué des pièces montrant l’antériorité du sinistre largement connu de Mme [Z] [T], ancienne copropriétaire, lui ayant cédé le lot numéro 1 le 19 juillet 2018;
– elle a subi le dégât des eaux pour la première fois le 9 avril 2022, date de sa déclaration de sinistre;
– en application de l’article 1648, alinéa 1er, du code civil, elle disposait jusqu’au 9 avril 2024 pour exercer contre le vendeur, soit Mme [T] [Z], une action en garantie des vices cachés;
– elle est donc largement recevable et bien fondée.

Mme [T] [Z] a été assignée dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile. Elle n’a pas constitué avocat.

Le juge de la mise en état a déclaré close l’instruction le 7 octobre 2024.

MOTIVATION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L’article 768, alinéa 3, du code de procédure civile dispose que “les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.”

Mme [F] demande dans le dispositif de son assignation l’annulation. Aucun moyen n’est invoqué dans la discussion au soutien de cette prétention. Le moyen développé dans la discussion par Mme [F] concerne la résolution de la vente.

Aux termes de l’article 1641 du code civil, “le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.”

L’article 1643 du même code ajoute qu’“il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.”

Mme [F] ne verse pas aux débats l’acte de vente, se contentant de produire une simple attestation, de surcroît incomplète.

Dans ces conditions, le juge n’est pas à même de vérifier si une clause de garantie des vices cachés a été stipulée dans l’acte de vente et quels sont le contenu et la portée d’une telle clause.

En l’absence de l’acte de vente, il n’est pas possible de vérifier si le vendeur a informé l’acquéreur des vices affectant le bien vendu.

Il résulte de ce qui précède que les demandes de Mme [F] ne sont pas fondées et seront rejetées.

Celle-ci est la partie perdante et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Rejette les demandes de Mme [N], [X] [F];

Condamne Mme [N], [X] [F] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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