Conditions de maintien en rétention administrative et exigences de justification des mesures.

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Conditions de maintien en rétention administrative et exigences de justification des mesures.

L’Essentiel : Dans cette affaire, Monsieur [B] [I] a été placé en rétention administrative suite à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Son avocat a contesté la validité de la prolongation de la rétention, soulignant l’absence de pièces justificatives et l’insuffisance des diligences administratives. Malgré l’absence du représentant de la préfecture lors de l’audience, le tribunal a jugé que la recevabilité de l’appel n’était pas contestée et que les éléments du dossier étaient conformes. Le tribunal a confirmé la légalité du maintien en rétention, rejetant les recours de l’intéressé. La décision a été confirmée le 2 janvier 2025.

Contexte Juridique

Les articles L. 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) encadrent les procédures relatives à l’éloignement et à la rétention des étrangers en France. Dans cette affaire, un arrêté d’obligation de quitter le territoire français a été pris le 30 octobre 2023, suivi d’une décision de placement en rétention le 26 décembre 2024.

Procédure de Rétention

Monsieur [B] [I] a été placé en rétention administrative, avec notification de cette décision le 27 décembre 2024. Un appel a été interjeté le 31 décembre 2024, et l’intéressé a comparu en visioconférence pour présenter ses explications. Son avocat a soulevé des questions d’irrecevabilité concernant la requête en prolongation de la rétention, ainsi que des manquements de l’administration.

Arguments de la Défense

L’avocat de Monsieur [B] [I] a contesté la validité de la requête en prolongation, arguant que celle-ci n’était pas accompagnée de toutes les pièces justificatives nécessaires. Il a également mis en avant l’insuffisance des diligences de l’administration, compte tenu du caractère exceptionnel de la mesure de rétention.

Réponse de l’Administration

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu lors de l’audience. Toutefois, le tribunal a constaté que la recevabilité de l’appel n’était pas contestée et que les éléments du dossier ne révélaient aucune irrégularité. Le juge a noté que les pièces justificatives avaient été fournies, et que l’absence de certaines mentions dans le registre de rétention ne constituait pas un motif d’irrecevabilité.

Décision du Tribunal

Le tribunal a confirmé que le maintien en rétention de Monsieur [B] [I] était conforme aux dispositions du CESEDA. Il a été établi que les diligences nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement avaient été effectuées, et que les recours de l’intéressé contre l’arrêté d’obligation de quitter le territoire avaient été rejetés par le tribunal administratif.

Conclusion

L’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention a été confirmée le 2 janvier 2025. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation contre cette décision dans un délai de deux mois.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité d’une requête en prolongation de rétention administrative selon le CESEDA ?

La recevabilité d’une requête en prolongation de rétention administrative est régie par l’article R. 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

L’article L. 744-2 précise que « il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. »

Il est important de noter que le législateur ne définit pas ce que sont les pièces justificatives utiles. Cependant, il est généralement admis qu’il s’agit des documents nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit. L’absence de dépôt de ces pièces peut entraîner l’irrecevabilité de la demande.

De plus, la jurisprudence a établi que l’absence de pièces justificatives ne peut être suppléée par leur communication à l’audience, sauf en cas d’impossibilité justifiée de les annexer à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185).

Dans le cas présent, il a été constaté que la requête était accompagnée des pièces justificatives requises, ce qui a conduit à rejeter le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’appelant.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligence dans le cadre de la rétention administrative ?

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule qu’« un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Cet article impose à l’administration une obligation de diligence dans l’exécution des mesures d’éloignement. Cela signifie que l’administration doit agir rapidement et efficacement pour organiser le départ de l’étranger retenu.

Dans le cas de Monsieur [B] [I], il a été établi qu’une demande de laissez-passer avait été adressée au consulat tunisien le 23 décembre 2024, avant son placement en rétention le 27 décembre 2024. De plus, il a été noté que Monsieur [B] [I] avait exercé un recours contre l’arrêté d’obligation de quitter le territoire français, et qu’il avait été débouté par le tribunal administratif de Marseille.

Ces éléments montrent que l’administration a pris les mesures nécessaires pour assurer le départ de Monsieur [B] [I] dans les meilleurs délais. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de diligence a été rejeté, confirmant ainsi que l’administration avait respecté ses obligations.

Quelles sont les conséquences de l’absence de mentions dans le registre de rétention ?

L’article L. 744-2 du CESEDA impose à l’autorité administrative de tenir un registre à jour concernant les personnes retenues. Ce registre doit mentionner l’état civil des personnes, les conditions de leur placement, ainsi que les informations relatives aux enfants mineurs accompagnants.

Il est également précisé que l’autorité administrative doit mettre à disposition des personnes qui en font la demande des éléments d’information concernant les dates et heures de placement, le lieu de rétention, ainsi que les décisions de prolongation.

La jurisprudence a établi que les mentions relatives aux présentations consulaires et aux heures de notification des décisions judiciaires doivent apparaître dans ce registre (Civ. 1re 25 septembre 2024 n°23-13.156). Cependant, il a été constaté que le registre en question comportait les mentions nécessaires, telles que la date et l’heure d’arrivée au centre de rétention, ainsi que les décisions prises.

Dans le cas de Monsieur [B] [I], il a été justifié qu’une demande de laissez-passer avait été adressée aux autorités consulaires avant son placement en rétention. Par conséquent, l’absence d’inscription sur le registre concernant cette demande n’a pas eu d’incidence sur la légalité de la mesure de rétention.

Ainsi, l’absence de certaines mentions dans le registre n’a pas été considérée comme un motif d’irrégularité dans la procédure de rétention.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 02 JANVIER 2025

N° RG 24/02171 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFN7

Copie conforme

délivrée le 01 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Marseille en date du 31 Décembre 2024 à 11H50.

APPELANT

Monsieur [B] [I]

né le 19 Avril 2001 à [Localité 7]

de nationalité Tunisienne

 

comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 5] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Claudie HUBERT,

avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

INTIMÉ

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 01 Janvier 2025 devant Madame Patricia HOARAU, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de M. Corentin MILLOT, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée le 02 Janvier 2025 à 10h30,

Signée par Madame Patricia HOARAU, Conseillère et M. Corentin MILLOT, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 30 octobre 2023 par la PREFECTURE DES BOUCHES-DU-RHONE, notifié le 31 octobre 2023 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 26 décembre 2024 par la PREFECTURE DES BOUCHES-DU-RHONE notifiée le 27 décembre 2024 à 9 heures 01 ;

Vu l’ordonnance du 31 décembre 2024 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [B] [I] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 31 décembre 2024 à 15 heures 20 par Monsieur [B] [I] ;

Monsieur [B] [I] a comparu en visioconférence et a été entendu en ses explications ;

Son avocat a été régulièrement entendu et conclut :

– à l’irrecevabilité de la requête en prolongation, à défaut de démontrer qu’elle était bien accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles selon une liste jointe, ainsi que de la copie du registre actualisé, notamment concernant les présentations consulaires,

– à l’insuffisance de diligences de l’administration au regard du caractère exceptionnel de la mesure de rétention administrative ;

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la recevabilité de la requête en prolongation :

L’article R. 743-2 du CESEDA prévoit que lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2 précité. Le juge doit être en mesure de tirer toutes conséquences d’une absence de pièce qui ferait obstacle à son contrôle.

L’article L. 744-2 du CESEDA prévoit qu’« il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l’état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

L’autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ».

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu’il s’agit des pièces nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d’une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l’irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l’absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l’audience, sauf s’il est justifié de l’impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

Il ne peut être reproché à l’administration de n’avoir pas listé ses pièces annexées, alors que le texte précité ne l’impose pas.

En outre, l’appelant ne précise pas quelle serait la pièce utile qui n’aurait pas été annexée à la requête.

Enfin, s’agissant du registre actualisé, peu de mentions sont obligatoires. Il résulte de l’article L. 744-2 du CESEDA que l’autorité administrative, d’une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d’autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d’information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Il est de jurisprudence constante que les mentions des éléments liées aux présentations consulaires dans le registre relatif aux personnes retenues, ou même des heures de notification des différentes décisions judiciaires emportant prolongation de la mesure de rétention devraient apparaître sur le registre (Civ. 1re 25 septembre 2024 n°23-13.156).

En l’espèce, le registre comporte la mention de la date et heure d’arrivée au centre de rétention, de la décision d’obligation de quitter le territoire français et sa notification, la date de la décision de placement, la provenance de Monsieur [B] [I] qui était précédemment détenu, l’identité de la personne retenue, la signature du retenu, le matricule et la signature de l’agent.

Il est justifié qu’une demande de laissez-passer consulaire a été adressée aux autorités consulaires tunisiennes par mail daté du 23 décembre 2024, avant le placement en rétention, alors qu’il était en détention, si bien qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de l’absence d’inscription sur le registre établi au cours de la mesure de rétention, alors qu’en tout état de cause, aucun grief n’est allégué.

Ainsi, la requête étant accompagnée des pièces justificatives, le moyen sera rejeté.

Sur le fond :

Aux termes de l’article L. 742-1 du CESEDA, le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l’autorité administrative.

L’article L. 741-3 du CESEDA dispose : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Monsieur [B] [I] a été placé en rétention le 27 décembre 2024. Préalablement une demande de laissez-passer a été adressée au consulat tunisien le 23 décembre 2024.

Il est par ailleurs justifié que Monsieur [B] [I] a exercé un recours contre l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français et a été débouté de sa demande par jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 novembre 2023. Il a aussi été condamné le 2 novembre 2023 pour des faits de violences en réunion et le 25 novembre 2024 pour des faits d’évasion en cours de semi-liberté.

Dès lors, à ce stade de la mesure de rétention, les diligences utiles à l’exécution de la mesure d’éloignement dans les meilleurs délais ont été effectuées et le moyen tiré du défaut de diligence, sera rejeté.

Par voie de conséquence, l’ordonnance appelée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 31 décembre 2024.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier La présidente

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [B] [S]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 6]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 02 Janvier 2025

À

– PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Claudie HUBERT

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 02 Janvier 2025, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [B] [I]

né le 19 Avril 2001 à [Localité 7]

de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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