L’Essentiel : M. [K] [I], citoyen nigérien, a été placé en zone d’attente à l’aéroport de [2]. Le 26 décembre 2024, le juge des libertés a décidé de ne pas prolonger son maintien, ordonnant la restitution de ses affaires. Cependant, le 27 décembre, le préfet de police a interjeté appel. Le juge judiciaire, dans ce contexte, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission. Le Conseil constitutionnel a validé cette limitation, précisant que le régime de non-admission peut s’appliquer tant que l’étranger n’est pas entré sur le territoire. Finalement, le maintien de M. [K] [I] a été prolongé de huit jours.
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Contexte de l’affaireM. [K] [I], de nationalité nigérienne, a été placé en zone d’attente à l’aéroport de [2] après son arrivée. Le 26 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a décidé de ne pas prolonger son maintien en zone d’attente, ordonnant la restitution de ses affaires personnelles, y compris son passeport. Appel du préfet de policeLe 27 décembre 2024, le conseil du préfet de police a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation de l’ordonnance du juge. L’avis d’audience a été envoyé à l’avocat de M. [K] [I], qui ne s’est pas présenté à l’audience. Compétence du juge judiciaireLe juge judiciaire, dans le cadre de la prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission. Les articles L 342-1 et L 342-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers stipulent que le maintien en zone d’attente peut être prolongé, mais uniquement pour des raisons liées à l’exercice effectif des droits de l’étranger. Décision du Conseil constitutionnelLe Conseil constitutionnel a validé la limitation du contrôle du juge des libertés, précisant que les garanties de représentation ne peuvent justifier à elles seules le refus de prolongation du maintien en zone d’attente. Cette décision vise à clarifier que le régime de non-admission peut être opposé à l’étranger tant qu’il n’est pas entré sur le territoire français. Conclusion de l’audienceL’argument du magistrat du siège a été jugé inapproprié, car il critiquait la décision de refus d’entrée, qui relève de la compétence du juge administratif. Par conséquent, le moyen soulevé ne pouvait pas entraîner la remise en liberté de M. [K] [I]. Décision finaleL’ordonnance initiale a été infirmée, et il a été ordonné la prolongation du maintien de M. [K] [I] en zone d’attente pour une durée de huit jours. Une expédition de la présente ordonnance a été remise au procureur général. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence du juge judiciaire en matière de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente ?Le juge judiciaire, lorsqu’il est saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission sur le territoire. Cette position est confirmée par une jurisprudence constante, notamment par l’arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2001 (pourvoi n° 99-50.053). Ainsi, le juge ne peut pas examiner les motifs retenus par l’administration pour justifier le placement en zone d’attente. Il est important de noter que cette limitation de compétence vise à protéger l’intégrité du processus administratif en matière d’immigration, en évitant que le juge judiciaire ne se substitue à l’administration dans ses décisions. Quelles sont les conditions de maintien en zone d’attente selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers ?Les articles L 342-1 et L 342-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précisent les conditions de maintien en zone d’attente. L’article L 342-1 stipule que « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention, statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ». De plus, l’article L 342-10 précise que « l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente ». Ces articles établissent donc un cadre juridique strict pour le maintien des étrangers en zone d’attente, en limitant la durée et en précisant les conditions de prolongation. Comment le Conseil constitutionnel a-t-il validé la limitation du contrôle du juge des libertés et de la détention ?Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, a validé la limitation du contrôle du juge des libertés et de la détention. Dans les considérants 29 et 30, il a souligné que le législateur pouvait, sans méconnaître l’article 66 de la Constitution, estimer que les garanties de représentation de l’étranger sont sans rapport avec l’objet de la réglementation du maintien en zone d’attente. Le Conseil a également noté que le régime de la non-admission peut être opposé à l’étranger tant qu’il n’est pas entré sur le territoire français. Ainsi, le législateur a exclu que le critère des garanties de représentation puisse, à lui seul, conduire à priver d’effet la décision de non-admission. Cette décision a donc des implications importantes sur la protection des libertés individuelles et le rôle du juge dans les procédures d’immigration. Quels sont les recours possibles contre l’ordonnance de prolongation du maintien en zone d’attente ?L’ordonnance de prolongation du maintien en zone d’attente n’est pas susceptible d’opposition, mais elle ouvre la voie à un pourvoi en cassation. Le pourvoi en cassation peut être formé par l’étranger, l’autorité administrative ayant prononcé le maintien en zone d’attente, ou le ministère public. Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Le pourvoi doit être effectué par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation, par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Ces dispositions garantissent un certain niveau de contrôle judiciaire sur les décisions administratives en matière de maintien en zone d’attente. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 340-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 28 DECEMBRE 2024
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : Q N° RG 24/06096 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKQW3
Décision déférée : ordonnance rendue le 26 décembre 2024, à 14h20, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Bobigny
Nous, Laurent Roulaud, conseiller à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Maxime Martinez, greffieraux débats et au prononcé de l’ordonnance
LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR REPRÉSENTÉ PAR LE PRÉFET DE POLICE
représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Adam-Caumeil, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
M. [K] [I]
né le 15 Août 1980 à [Localité 1]
de nationalité Nigérienne
Libre, non comparant, non représenté, convoqué en zone d’attente à l’aéroport de [2], dernier domicile connu
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– réputée contradictoire
– prononcée en audience publique
-Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny du 26 décembre 2024 à 14h20 disant n’y avoir lieu de prolonger le maintien de M. [K] [I], en zone d’attente de l’aéroport de [2], et rappelant que l’administration doit restituer à l’intéressé l’intégralité de ses affaires personnelles, y compris son passeport et ses documents de voyage ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 27 décembre 2024, à 00h16, par le conseil du préfet de police ;
– Vu l’avis d’audience, adressée par courriel le 27 décembre 2024 à 10h58 à Me Lin Banoukepa, avocat au barreau de Paris, qui ne se présente pas ;
– Après avoir entendu les observations du conseil du préfet de police tendant à l’infirmation de l’ordonnance ;
En application d’une jurisprudence constante, le juge judiciaire, saisi d’une demande de prolongation du maintien d’un étranger en zone d’attente, n’est pas compétent pour apprécier la légalité des décisions administratives de refus d’admission sur le territoire et de placement en zone d’attente en particulier les motifs retenus par l’administration à cette fin (2e Civ., 7 juin 2001, pourvoi n° 99-50.053).
Il résulte des articles L 342-1 et L 342-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours » et que « l’existence de garanties de représentation de l’étranger n’est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente ».
La décision du Conseil constitutionnel n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 a validé (considérants 29 et 30) la limitation du contrôle du juge des libertés et de la détention. A titre d’éclairage de cette décision, il peut être relevé que le commentaire officiel sur le site du Conseil constitutionnel indique que « En excluant que l’existence de garanties de représentation de l’étranger soit à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d’attente, le législateur a entendu mettre un terme à une jurisprudence contraire de la Cour de cassation. Celle-ci juge en effet que le JLD peut refuser la prolongation au motif que l’étranger présente des garanties de représentation, telles qu’un billet de retour, la présence de membres de sa famille en France, une réservation d’hôtel’ Pour les requérants, cette restriction de l’office du juge judiciaire, dans sa compétence de protecteur de la liberté individuelle, méconnaissait l’article 66 de la Constitution./ Si l’article 13 restreint le pouvoir d’appréciation du JLD en lui interdisant de mettre un terme, pour certains motifs, à une mesure privative de liberté, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait, sans méconnaître l’article 66 de la Constitution, estimer que les garanties de représentation de l’étranger sont sans rapport avec l’objet de la réglementation du maintien en zone d’attente. Ainsi qu’il a déjà été dit, ce régime repose sur le postulat que l’intéressé n’est pas encore entré sur le territoire français. Dès lors, le régime de la non-admission peut lui être opposé. Au contraire, si le maintien en zone d’attente n’est pas décidé ou prolongé, l’intéressé entre sur le territoire français. Seul le régime de l’irrégularité du séjour pourra alors lui être opposé. Le législateur pouvait donc, sans méconnaître la Constitution, exclure que le critère des garanties de représentation conduise, à lui seul, à priver d’effet la décision de non-admission. »
Il s’en déduit que l’argument retenu en l’espèce par le magistrat du siège correspond à l’examen des conditions d’entrée au regard de l’article L. 311-1 du code précité, des circonstances dans lesquelles la personne a voyagé, au regard des explications données et des de documents produits postérieurement à son arrivée à la frontière. Ces motifs critiquent en réalité la décision de refus d’entrée dont le contentieux échappe au juge judiciaire pour relever du juge administratif, de sorte que le moyen soulevé n’était pas de nature à entraîner la remise en liberté de la personne étrangère.
Il convient donc d’infirmer l’ordonnance querellée et d’ordonner, en l’absence d’autres moyens et au regard de la régularité de la procédure quant à l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, la prolongation du maintien en zone d’attente.
INFIRMONS l’ordonnance,
STATUANT à nouveau,
ORDONNONS la prolongation du maintien de M. [K] [I] en zone d’attente de l’aéroport de [2] pour une durée de huit jours,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris, le 28 décembre 2024 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant
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