La gestion des délais dans le cadre des procédures de recouvrement des cotisations sociales.

·

·

La gestion des délais dans le cadre des procédures de recouvrement des cotisations sociales.

L’Essentiel : L’affaire oppose l’URSSAF de Normandie à une société suite à des contrôles de 2007 à 2013. Après plusieurs lettres d’observations et mises en demeure, la société a introduit un recours. L’URSSAF a invoqué une exception de péremption, arguant que la société n’avait pas avancé l’instance entre 2019 et 2021. Cependant, la cour d’appel a rejeté cette exception, soulignant que les parties n’avaient pas d’obligation de conclure dans une procédure orale. La Cour de cassation a confirmé cette décision, précisant qu’aucune diligence particulière n’était requise pour interrompre la péremption dans ce contexte.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Haute-Normandie, désormais l’URSSAF de Normandie, et une société. Suite à des contrôles effectués sur la période de 2007 à 2013, l’URSSAF a adressé plusieurs lettres d’observations à la société, suivies de mises en demeure en 2012 et 2014.

Recours de la société

En réponse aux actions de l’URSSAF, la société a introduit un recours devant une juridiction compétente en matière de contentieux de la sécurité sociale. Ce recours a été motivé par les mises en demeure reçues et les observations formulées par l’URSSAF.

Argumentation de l’URSSAF

L’URSSAF a soulevé une exception de péremption d’instance, arguant que la société n’avait pas accompli de diligences nécessaires pour faire progresser l’instance entre le 1er janvier 2019 et le 4 janvier 2021. Elle a cité des articles du code de procédure civile pour soutenir que l’instance devait être considérée comme périmée.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a rejeté l’exception de péremption, en se fondant sur le fait que, dans le cadre d’une procédure orale, les parties n’ont pas d’obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe. Elle a également précisé que la péremption ne pouvait pas leur être opposée simplement parce qu’elles n’avaient pas sollicité la fixation de l’affaire.

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel, en précisant que, dans une procédure sans représentation obligatoire, les parties n’ont pas de diligences à accomplir pour interrompre la péremption. Elle a statué que l’absence de diligence particulière imposée par la juridiction justifiait légalement l’arrêt rendu.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du Code de procédure civile dans le cadre de la demande d’expertise judiciaire ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, M. [J] a justifié sa demande d’expertise en faisant valoir que le véhicule qu’il avait acquis avait fonctionné sans anomalie jusqu’à une panne soudaine.

Cette panne a été signalée par un voyant rouge indiquant un « niveau critique huile moteur », ce qui a conduit à un diagnostic révélant des problèmes graves nécessitant une intervention sur le moteur.

Ainsi, M. [J] a démontré qu’il avait un intérêt légitime à obtenir une expertise pour établir la preuve des faits avant d’engager une action en responsabilité, notamment à l’égard de la société Jaguar Land Rover France.

La cour a donc considéré que la demande d’expertise était fondée sur un motif légitime, justifiant ainsi la mesure d’instruction ordonnée au contradictoire des parties.

Quelles sont les conséquences de la nullité de l’ordonnance de référé selon l’article 542 du Code de procédure civile ?

L’article 542 du Code de procédure civile dispose que :

« L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. »

Dans cette affaire, la société Jaguar Land Rover France a demandé la nullité de l’ordonnance de référé, arguant d’un défaut de motivation.

Cependant, la cour a relevé que la société appelante n’avait pas expressément sollicité l’annulation de l’ordonnance dans sa déclaration d’appel, mais seulement son infirmation.

Par conséquent, la cour a conclu qu’elle n’était pas saisie d’un appel en annulation, ce qui signifie que la demande de nullité n’a pas pu prospérer.

Ainsi, l’absence de demande d’annulation a eu pour effet de maintenir l’ordonnance de référé en vigueur, permettant la poursuite de l’expertise judiciaire.

Comment la cour a-t-elle évalué l’intérêt à agir de M. [J] à l’encontre de la société Jaguar Land Rover France ?

La cour a examiné l’intérêt à agir de M. [J] à l’encontre de la société Jaguar Land Rover France en tenant compte des éléments suivants :

M. [J] a acquis un véhicule qui a présenté des défauts après une période d’utilisation normale.

Il a également engagé des démarches pour obtenir une prise en charge des réparations au titre de la garantie constructeur, ce qui a renforcé son argumentation sur l’intérêt à agir.

La société Jaguar Land Rover France a contesté cet intérêt, soutenant qu’elle n’était pas partie à la chaîne contractuelle de vente et qu’elle n’avait pas d’obligation envers M. [J].

Cependant, la cour a noté que, bien que Jaguar Land Rover France ne soit pas directement impliquée dans la vente, ses activités déclarées incluaient des opérations liées aux véhicules de la marque.

Cela a conduit la cour à conclure que M. [J] avait un intérêt légitime à solliciter une expertise au contradictoire de cette société, afin d’établir des éléments de preuve pour une éventuelle action future.

Quelles sont les implications des dépens dans le cadre de cette procédure ?

Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui précise que :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties pour la défense de leurs droits. »

Dans cette affaire, la cour a constaté que le juge des référés avait réservé les dépens, ce qui a été jugé comme une erreur.

En effet, la cour a estimé que l’expertise avait été ordonnée dans l’intérêt de M. [J], et que, par conséquent, il devait supporter la charge des dépens.

La cour a donc infirmé la décision attaquée sur ce point, précisant que la société Jaguar Land Rover France, ayant succombé à hauteur d’appel, devait également être condamnée aux dépens de cette instance.

Cela souligne l’importance de la répartition des dépens dans le cadre des procédures judiciaires, qui peut avoir un impact significatif sur les parties impliquées.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 27 F-D

Pourvoi n° V 21-25.770

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

La société [2], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 21-25.770 contre l’arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la cour d’appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de Normandie, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l’URSSAF de Haute-Normandie, défenderesse à la cassation.

L’URSSAF de Normandie, venant aux droits de l’URSSAF de Haute-Normandie, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF de Normandie, venant aux droits de l’URSSAF de Haute-Normandie, et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 10 novembre 2021), à la suite de contrôles portant sur les années 2007 à 2013, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Haute-Normandie, aux droits de laquelle vient l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Normandie (l’URSSAF), a adressé à la société [2] (la société) plusieurs lettres d’observations suivies, les 14 juin 2012, 25 septembre 2012 et 2 octobre 2014 de trois mises en demeure.

2. La société a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l’URSSAF, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. L’URSSAF fait grief à l’arrêt de rejeter l’exception de péremption d’instance, alors :

« 1°/ que selon les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, applicables dans le contentieux de la sécurité sociale dès le 1er janvier 2019, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ; que ni l’oralité de la procédure ni le fait que la convocation de l’adversaire soit le seul fait du greffe ne privent les parties de la direction de la procédure et de la faculté d’accomplir des diligences de nature à faire progresser l’instance, notamment de demander la fixation de l’audience ; qu’en l’espèce, il est constant et non contesté que la société [2] a interjeté appel le 10 avril 2018 du jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen et qu’elle n’a accompli aucune diligence de nature à faire progresser l’instance entre 1er janvier 2019 et le 4 janvier 2021 ; qu’en jugeant que la péremption d’instance demandée par l’Urssaf n’était pas acquise aux prétextes qu’en procédure orale, les parties n’ont aucune obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe puisque la convocation est le seul fait du greffe, la cour d’appel a violé les articles 386, 388 et 390 du code de procédure civile ;

2°/ que la péremption d’instance est de droit lorsque ses conditions d’application sont réunies ; qu’en l’espèce, il est constant et non contesté que la société [2] a interjeté appel le 10 avril 2018 du jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen et qu’elle n’a accompli aucune diligence de nature à faire progresser l’instance entre 1er janvier 2019 et le 4 janvier 2021 ; qu’en jugeant que la péremption d’instance demandée par l’Urssaf n’était pas acquise au prétexte qu’il ne pouvait être reproché aux parties de n’avoir pas, à tout le moins, sollicité la fixation de l’affaire compte tenu de leur connaissance de l’encombrement du rôle de la cour et de ses délais d’audiencement en matière sociale, la cour d’appel a violé les articles 386, 388 et 390 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

5. Selon l’article R. 142-11 du code de la sécurité sociale, dans les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale défini à l’article L. 142-1 du même code, la procédure d’appel est sans représentation obligatoire.

6. Selon l’article 946 du code de procédure civile, la procédure sans représentation obligatoire est orale.

7. Par deux arrêts (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvois n° 22-12.882 et 22-20.384, publiés), la Cour de cassation juge qu’en procédure orale, à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe.

8. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l’arrêt, qui ne mentionne pas qu’une diligence particulière avait été mise à la charge des parties par la juridiction, se trouve légalement justifié.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon