L’Essentiel : L’émission « Pièces à conviction » a suscité une controverse en présentant un prêtre comme complice de génocide lors du génocide rwandais. Bien que condamné par contumace par un tribunal militaire rwandais, le reportage a omis de préciser que cette condamnation n’était pas émanée d’une juridiction internationale. Les journalistes ont laissé entendre qu’ils adhéraient aux accusations, créant ainsi une impression de culpabilité. La présomption d’innocence, un droit fondamental, a été mise à mal, car le reportage a véhiculé des conclusions définitives sans nuance, ce qui a pu induire les téléspectateurs en erreur quant à la culpabilité du prêtre.
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Emission « Pièces à convictions »Un prêtre ayant assisté au génocide Rwandais a obtenu la condamnation de France Télévisions pour violation de sa présomption d’innocence. Cité dans l’émission «Pièces à conviction» au cours du reportage « Rwanda : des prêtres accusés», le reportage le présentait comme complice de génocide : « Ils sont prêtres, et célèbrent la messe face à des paroissiens qui ignorent parfois tout de leur passé. L ‘Eglise catholique de France, après les avoir aidés à fuir; continue de les protéger alors qu’ils ont été condamnés pour génocide par la justice rwandaise. Il y a vingt ans, le troisième génocide du XXème siècle, après celui des Juifs et des Arméniens, faisait 800.000 morts au Rwanda ; le père Wenceslas X , condamné par contumace pour génocide à perpétuité par la justice rwandaise en 2006. Il vit en France.» (voix off), Manque de prudence dans l’expressionLe prêtre était présenté dans l’introduction du reportage comme ayant été condamné par la justice d’une manière apparemment définitive, pour génocide, en omettant de préciser que cette condamnation n’émanait ni du tribunal pénal international pour le Rwanda et des juridictions françaises mais d’un tribunal militaire rwandais et qu’elle avait été prononcée en son absence, sans avoir pu recourir à l’assistance d’un avocat, par contumace. Les journalistes auteurs et participants au reportage laissaient penser au téléspectateur qu’ils adhéraient aux déclarations accusatrices, dans la mesure où la voix off qui ponctuait le récit du témoin (la victime) n’exprimait aucune distance avec les propos. Il était difficilement explicable que les journalistes qui indiquaient avoir fait une enquête approfondie sur place n’aient été en mesure de présenter qu’un seul témoignage, sans faire état des précautions à prendre quant à sa fiabilité. L’enchaînement des propos tenus sur l’exfiltration de responsables génocidaires assimilées à des « ratlines » et la présence du père à l’église où s’est déroulé un massacre, a concouru à persuader les téléspectateurs que le prêtre filmé était l’un de ces criminels génocidaires dont il a fallu organiser l’exfiltration « comme d’anciens nazis après la guerre de 39- 45 ». Malgré l’emploi de certains termes tels que « accusé » « génocidaire présumé » « mise en examen » et le rappel de ce que les condamnations déjà prononcées par différentes juridictions ne sont pas définitives, pour des motifs confus et incompréhensibles pour le téléspectateur moyen, celui-ci a bien nécessairement acquis, à la fin du reportage, la conviction de la culpabilité du prêtre du crime de génocide. Conditions de la présomption d’innocenceLa présomption d’innocence est un droit consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et par l’article 6-2 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ; les atteintes à ce droit peuvent être réparées dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 9-1 du Code civil. Ce texte suppose qu’une personne qui fait l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire soit présentée publiquement comme coupable des faits objets de cette enquête ou de cette instruction, la protection ainsi instituée demeurant jusqu’à l’éventuelle intervention d’une condamnation pénale devenue irrévocable. L’atteinte à la présomption d’innocence n’est caractérisée qu’à la double condition que i) l’existence de l’enquête ou de l’instruction soit citée à moins qu’elle ne soit notoire et que ii) les propos incriminés contiennent des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée pour les faits objets de l’enquête ou de l’instruction. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le sujet principal de l’émission « Pièces à conviction » ?L’émission « Pièces à conviction » aborde le sujet délicat du génocide rwandais, en se concentrant sur le cas d’un prêtre qui a été accusé d’être complice de ce génocide. Ce prêtre, cité dans le reportage intitulé « Rwanda : des prêtres accusés », a été condamné par contumace par un tribunal militaire rwandais. A noter que cette condamnation a été prononcée en son absence, sans qu’il ait pu bénéficier d’une défense adéquate, ce qui soulève des questions sur la validité de cette accusation. Quelles sont les critiques formulées à l’encontre du reportage ?Le reportage a été critiqué pour son manque de prudence dans la présentation des faits. En effet, il a présenté le prêtre comme ayant été définitivement condamné pour génocide, sans préciser que cette condamnation provenait d’un tribunal militaire rwandais. De plus, le reportage a omis de mentionner que le prêtre n’avait pas eu la possibilité de se défendre, ce qui remet en question la légitimité de la condamnation. Les journalistes ont également été accusés de ne pas avoir fourni un contexte suffisant sur la fiabilité des témoignages présentés, ce qui a pu induire les téléspectateurs en erreur. Comment la présomption d’innocence est-elle protégée par la loi ?La présomption d’innocence est un droit fondamental, protégé par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et l’article 6-2 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Ce droit stipule qu’une personne ne peut être considérée comme coupable tant qu’elle n’a pas été condamnée par une décision de justice irrévocable. Les atteintes à ce droit peuvent être réparées selon les dispositions de l’article 9-1 du Code civil, qui prévoit des recours pour les personnes dont la présomption d’innocence a été violée. Quelles conditions doivent être remplies pour qu’il y ait atteinte à la présomption d’innocence ?Pour qu’il y ait atteinte à la présomption d’innocence, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, l’existence d’une enquête ou d’une instruction judiciaire doit être mentionnée, sauf si elle est notoire. Deuxièmement, les propos incriminés doivent contenir des conclusions définitives qui manifestent un préjugé en faveur de la culpabilité de la personne concernée. Ces conditions visent à protéger les individus contre des déclarations publiques qui pourraient influencer l’opinion et compromettre leur droit à un procès équitable. Quel impact le reportage a-t-il eu sur la perception du prêtre ?Le reportage a eu un impact significatif sur la perception du prêtre, car il a pu induire les téléspectateurs à croire en sa culpabilité. Malgré l’utilisation de termes tels que « accusé » et « génocidaire présumé », le ton et la présentation des informations ont contribué à créer une impression de culpabilité. Les téléspectateurs, à la fin du reportage, ont pu acquérir la conviction que le prêtre était coupable de génocide, ce qui constitue une violation de son droit à la présomption d’innocence. |
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