Garanties de représentation et mesures de rétention administrative : enjeux et implications.

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Garanties de représentation et mesures de rétention administrative : enjeux et implications.

L’Essentiel : M. [V] [C] a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour violences volontaires par conjoint, tout en étant placé en rétention administrative en raison d’une obligation de quitter le territoire. Contestant cette mesure, il a demandé une assignation à résidence. Le tribunal a validé l’arrêté de rétention, mais a accordé l’assignation chez un cousin, refusant la prolongation. En appel, le préfet a argué que M. [V] [C] constituait une menace pour l’ordre public, mais la cour a jugé que les garanties de représentation étaient suffisantes, confirmant ainsi la décision du tribunal judiciaire.

Contexte de l’affaire

À la suite d’une mesure de garde pour violences volontaires par conjoint, M. [V] [C] a été convoqué devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour le 6 juin 2025. En parallèle, il a reçu un arrêté de placement en centre de rétention administrative le 26 décembre 2024, en raison d’une obligation de quitter le territoire français, avec une interdiction de retour de deux ans.

Contestations et procédures

M. [V] [C] a contesté l’arrêté de placement en rétention par le biais d’une requête de son avocat le même jour. Le 27 décembre 2024, le préfet a demandé la prolongation de la rétention pour 26 jours. Lors de l’audience du 30 décembre 2024, M. [V] [C] a plaidé contre l’arrêté, invoquant une erreur manifeste d’appréciation et a demandé une assignation à résidence.

Décision du tribunal judiciaire

Le tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré l’arrêté de placement en rétention régulier, mais a accordé l’assignation à résidence de M. [V] [C] chez un cousin, tout en refusant la prolongation de sa rétention. Le préfet a interjeté appel de cette décision le 31 décembre 2024.

Arguments en appel

Le préfet a soutenu que M. [V] [C] ne présentait pas de garanties de représentation et constituait une menace pour l’ordre public. Le ministère public a également requis l’infirmation de l’ordonnance, avançant des motifs similaires. M. [V] [C] a plaidé que le préfet ne soutenait pas son appel, ce qui devrait être considéré comme un désistement.

Analyse de la cour d’appel

La cour a déclaré l’appel recevable et a examiné les garanties de représentation de M. [V] [C]. Elle a noté qu’il avait fourni des preuves d’hébergement et que son passeport avait été remis aux autorités pendant sa garde à vue, ce qui ne pouvait lui être reproché. La cour a conclu que l’absence de volonté manifeste de quitter le territoire ne suffisait pas à établir un risque pour l’ordre public.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé l’ordonnance du tribunal judiciaire en toutes ses dispositions, laissant les dépens à la charge de l’État. La décision a été notifiée aux parties concernées, y compris à la préfecture et au ministère public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par le préfet du Tarn-et-Garonne ?

L’appel interjeté par le préfet du Tarn-et-Garonne a été déclaré recevable par la cour.

Cette décision repose sur le fait que l’appel a été effectué dans les formes et délais légaux, conformément aux dispositions de l’article L. 743-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Cet article stipule que le représentant de l’État dans le département n’est pas tenu à peine d’irrecevabilité ou de désistement implicite de soutenir sa déclaration d’appel à l’audience.

Ainsi, la cour a constaté qu’il n’y avait pas lieu de déclarer l’appel irrecevable, ni de constater un désistement d’appel du préfet.

Quelles sont les conditions pour ordonner une assignation à résidence selon le CESEDA ?

L’assignation à résidence d’un étranger est régie par l’article L. 743-13 du CESEDA.

Cet article précise que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence lorsque l’étranger dispose de garanties de représentation effectives.

Il est également stipulé que l’assignation à résidence ne peut être ordonnée qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité.

En échange, un récépissé est délivré, justifiant de l’identité de l’étranger et mentionnant la décision d’éloignement en instance d’exécution.

Dans le cas présent, le tribunal a jugé que M. [V] [C] avait fourni des éléments suffisants pour justifier de ses garanties de représentation, notamment une attestation d’hébergement et des preuves de son activité professionnelle.

Quelles sont les implications de l’absence de remise du passeport par M. [V] [C] ?

L’absence de remise personnelle du passeport par M. [V] [C] a été un point de contestation dans la procédure.

Cependant, il a été établi que le passeport avait été remis aux autorités françaises durant sa garde à vue, ce qui ne lui permettait pas de le récupérer.

L’article L. 743-13 du CESEDA précise que l’assignation à résidence nécessite la remise du passeport, mais il ne stipule pas que cette remise doit être effectuée par l’étranger lui-même.

La cour a donc considéré que la remise du passeport par sa compagne, à laquelle il n’a pas opposé de résistance, satisfaisait aux exigences légales.

Cela a permis de fixer son identité et de déterminer sa nationalité, rendant ainsi vaine toute tentative d’utiliser des identités distinctes à l’avenir.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour sur la rétention de M. [V] [C] ?

La cour a confirmé l’ordonnance du tribunal judiciaire de Toulouse, qui avait décidé de ne pas prolonger la rétention de M. [V] [C].

Cette décision repose sur l’article L. 741-3 du CESEDA, qui stipule qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

La cour a jugé que les éléments présentés par M. [V] [C] démontraient qu’il ne constituait pas une menace sérieuse et actuelle à l’ordre public.

De plus, la remise de la convocation pour un jugement dans un délai de six mois après la levée de la garde à vue, sans mesure de sûreté, n’était pas suffisante pour justifier une prolongation de la rétention.

Ainsi, la cour a décidé de laisser les dépens à la charge de l’État, confirmant la décision initiale en toutes ses dispositions.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 25/01

N° RG 24/01404 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QW4F

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 02 janvier à 11h25

Nous S. GAUMET magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 12 décembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L. 342-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Vu l’ordonnance rendue le 30 Décembre 2024 à 17H22 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative et faisant droit à l’assignation à résidence de :

[V] [C]

né le 08 Décembre 1997 à [Localité 2] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 31/12/2024 à 14 h 51 par courriel, par la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE.

A l’audience publique du 02 janvier 2024 à 10h00, assisté de A.CAVAN, greffier, avons entendu:

Me Jérôme CANADAS, avocat au barreau de Toulouse substituant Me Régis CAPDEVIELLE, avocat au barreau de Toulouse, représentant [V] [C], ayant eu la parole en dernier;

En l’asbence du représentant de la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE, régulièrement avisé;

avec le concours de [E] [D], interprète;

En l’absence du représentant du Ministère public, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et qui fait connaitre son avis ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSE DU LITIGE

À l’issue d’une mesure de garde prise du chef de violences volontaires par conjoint ou concubin, M. [V] [C] s’est vu remettre une convocation devant le tribunal correctionnel de Toulouse le 6 juin 2025.

Il a parallèlement fait l’objet d’un arrêté de placement en centre de rétention administrative pris par le préfet de Tarn-et-Garonne le 26 décembre 2024, notifié le jour même à 11h35, en exécution d’un arrêté pris le même jour toujours par le préfet de Tarn-et-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français (OQTF), fixant le pays de renvoi, avec interdiction de retour durant 2 ans.

Par requête de son conseil en date du 26 décembre 2024, M. [V] [C] a contesté l’arrêté de placement en rétention administrative en soulevant divers moyens.

Par requête datée du 27 décembre 2024enregistrée au greffe le 28 décembre 2024 à 17h02, le préfet du Tarn-et-Garonne a demandé la prolongation de la rétention de M. [V] [C] pour une durée de 26 jours.

À l’audience du 30 décembre 2024, M. [V] [C] a fait plaider sa contestation sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et sollicité à titre subsidiaire, une assignation à résidence.

Par ordonnance du 30 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– Déclaré régulier l’arrêté portant placement en centre de rétention administrative pris par le préfet de Tarn-et-Garonne le 26 décembre 2024 à l’égard de M. [V] [C],

– Fait droit à la demande d’assignation à résidence formulée par M. [V] [C] qui sera domicilié chez M. [R] [C] – [Adresse 1] – [Localité 3],

– Dit n’y avoir lieu à prolongation de la rétention de M. [V] [C] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Le préfet du Tarn-et-Garonne a interjeté appel de cette décision, par déclaration du 31 décembre 2024.

Par réquisitions du 31 décembre 2024, le procureur général près la cour d’appel de Toulouse a requis l’infirmation de l’ordonnance et la prolongation de la rétention de l’intéressé.

À l’audience du 02 janvier 2025, les services de la préfecture du Tarn-et-Garonne, qui ont accusé réception de la convocation le 31 décembre 2024 à 15h54, ne sont pas représentés.

M. [V] [C], régulièrement convoqué par remise de la convocation par les services de gendarmerie de [Localité 4] le 1er janvier 2025 était présent et assisté de son conseil.

M. [V] [C] a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel, interjeté dans les formes et délais légaux, doit être déclaré recevable.

L’appel porte, selon la déclaration du préfet du Tarn-et-Garonne, sur le placement sous assignation à résidence de M. [C].

Sur l’assignation à résidence

Pour faire droit à la demande subsidiaire d’assignation à résidence de l’intéressé, le premier juge a indiqué qu’au regard des pièces versées aux débats notamment une attestation d’hébergement datée du 27 décembre 2024 d’un cousin à [Localité 3] et la preuve de ce qu’il avait effectué des missions d’intérim, M. [C] bénéficiait des garanties de représentations exigées par l’article L. 743-13 du CESEDA.

Pour conclure à l’infirmation de cette décision, le préfet du Tarn-et-Garonne, a indiqué dans sa déclaration d’appel que l’intéressé ne présente pas de garanties de représentation, qu’il n’a manifesté aucune intention de remettre son passeport algérien aux autorités française, alors qu’il a déjà été signalisé sous diverses identités, qu’il ne fait état d’aucune volonté de quitter le territoire français et constitue une menace sérieuse et actuelle à l’ordre public.

Dans ses réquisitions du 31 décembre 2024, le ministère public conclut à l’infirmation de l’ordonnance et à la prolongation de la rétention au motif de l’absence de garanties de représentation et pour des motifs similaires à ceux avancés par l’autorité administrative.

M. [C], assisté de son conseil, fait plaider que le préfet du Tarn-et-Garonne qui ne soutient pas son appel est réputé s’en être désisté, que les réquisitions du parquet constituent un appel qui doit être déclaré irrecevable, qu’il dispose de garanties de représentation et d’hébergement démontrées par sa présence à l’audience et les pièces versées au dossier en première instance, que le reproche qui lui est fait de ne pas avoir remis personnellement son passeport alors qu’il était en garde à vue et a expliqué que sa compagne conservait ses papiers constitue une condition qui ajoute à la loi et qu’il est présumé innocent des faits pour lesquels il doit s’expliquer devant le tribunal correctionnel.

Sur ce,

À titre liminaire, la cour observe que les réquisitions du ministère public ne contiennent aucune manifestation d’intention de relever appel de la décision rendue le 30 décembre 2024 et que selon les dispositions de l’article L. 743-6 du CESEDA, le représentant de l’État dans le département n’est pas tenu à peine d’irrecevabilité ou de désistement implicite de soutenir sa déclaration d’appel à l’audience. Il n’y a donc lieu ni de constater l’irrecevabilité d’un appel du parquet général, ni de constater le désistement d’appel du préfet du Tarn-et-Garonne.

Selon l’article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

L’article L. 743-13 du même code dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.

Lorsque l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L. 700-1, à l’exception de son 4°, l’assignation à résidence fait l’objet d’une motivation spéciale.

En l’espèce, ainsi que l’a retenu le premier juge, l’intéressé a été en mesure de verser à son dossier des éléments justifiant de sa faculté d’être hébergé par des membres de sa famille qui disposent d’un domicile stable. Interrogé à l’audience, l’intéressé dit y avoir séjourné depuis son élargissement du centre de rétention administrative. Les militaires de la gendarmerie de [Localité 4], chargés de le convoquer à la présente audience ont pu le contacter et lui remettre sa convocation. M. [C] s’est présenté en personne à l’audience. La partie appelante n’explicite pas en quoi il ne serait pas en mesure de démontrer ces garanties de représentations sur la durée. L’absence de manifestation de sa volonté de quitter le territoire n’annihile pas la valeur probante des pièces produites et n’est pas suffisante pour caractériser un défaut de garanties de représentation.

Il est acquis que le passeport de M. [C] a été remis aux autorités françaises au cours de sa garde à vue, étant observé que cette mesure de privation de liberté ne lui permettait pas de récupérer par lui-même ce document et qu’il ne peut lui être reproché une remise par sa compagne, à laquelle il ne s’est pas opposé et qu’il n’a pas contesté tout au long de la procédure. À celle seule cette remise satisfait aux conditions des dispositions sus-visées.

La découverte de ce passeport a permis de fixer de façon certaine une identité et de déterminer la nationalité de M. [C], ce qui rend vaine pour l’avenir toute tentative d’user à nouveau d’identités distinctes.

La remise d’une convocation aux fins de jugement dans un délai de six mois à l’issue de la levée de la garde à vue et sans mesure de sûreté dans l’attente de l’audience n’est pas en elle-même suffisante pour considérer que M. [C] constitue une menace sérieuse et actuelle à l’ordre public.

Dans ces conditions, la décision déférée doit être confirmée en toutes ses dispositions.

Les dépens seront à la charge de l’État.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance rendue sur le siège

– Déclare recevable l’appel interjeté contre l’ordonnance rendue le 30 décembre 2024 à 17h22,

– Dit n’y avoir lieu de constater l’irrecevabilité d’un appel du parquet général,

– Dit n’y avoir lieu de constater le désistement d’appel du préfet du Tarn-et-Garonne,

– Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

– Laisse les dépens à la charge de l’État.

– Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU TARN ET GARONNE, service des étrangers, à [V] [C] par remise en mains propres, ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

A.CAVAN, S. GAUMET.


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