Problématique des garanties procédurales en matière de privation de liberté sanitaire

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Problématique des garanties procédurales en matière de privation de liberté sanitaire

L’Essentiel : Le 28 décembre 2024, le juge des libertés a prolongé la mesure d’isolement de Monsieur [N] [M], initiée en 2016. Son conseil a interjeté appel, arguant que le renouvellement n’était pas justifié et que le curateur n’avait pas été convoqué. Le parquet général a souhaité confirmer l’ordonnance. Cependant, le 29 décembre, le centre hospitalier a levé la mesure d’isolement à 06h29, information confirmée par le Directeur. Le président de chambre a déclaré l’appel recevable, mais sans objet, et a notifié la décision aux parties, laissant les dépens à la charge de l’État.

Ordonnance du juge des libertés

Le 28 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a autorisé la poursuite de la mesure d’isolement de Monsieur [N] [M], dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation sans consentement initiée le 27 octobre 2016. Cette mesure, en cours depuis le 24 décembre 2024, a été prolongée au-delà de la durée de 72 heures prévue par le code de la santé publique.

Appel du conseil de Monsieur [N] [M]

Le 28 décembre 2024, le conseil de Monsieur [N] [M] a interjeté appel de l’ordonnance, demandant son annulation. Il a soutenu que le renouvellement de la mesure d’isolement n’était pas justifié par des éléments nouveaux et que le curateur n’avait pas été régulièrement convoqué. L’appel a également soulevé des irrégularités dans la procédure, notamment l’absence d’information du curateur et le manque d’évaluation médicale régulière.

Observations du parquet général

Le parquet général a exprimé, le 28 novembre 2024, son souhait de confirmer l’ordonnance contestée. Les dernières observations du conseil du patient ont été soumises le 29 décembre 2024, renforçant les arguments en faveur de l’annulation de la mesure d’isolement.

Levée de la mesure d’isolement

Le 29 décembre 2024, le centre hospitalier a informé que la mesure d’isolement avait été levée à 06h29. Cette information a été confirmée par le Directeur du centre hospitalier par courriel, attestant de la fin de la mesure à l’heure précisée.

Décision du président de chambre

Le président de chambre a déclaré l’appel de Monsieur [N] [M] recevable, mais sans objet en raison de la levée de la mesure d’isolement. La décision a été notifiée aux parties concernées, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État. L’ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois suivant sa notification.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de renouvellement de la mesure d’isolement selon le Code de la santé publique ?

Le renouvellement de la mesure d’isolement est encadré par l’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique, qui stipule que :

« La mesure d’isolement ne peut être prolongée au-delà de 72 heures que si elle est justifiée par la survenance d’éléments nouveaux. »

Il est également précisé que :

« Un certificat médical doit être établi avant l’expiration de la 12ème heure de la mesure d’isolement, puis deux fois par période de 24 heures. »

Dans le cas présent, le conseil de Monsieur [N] [M] soutient que le renouvellement de la mesure d’isolement n’est pas justifié par des éléments nouveaux, ce qui pourrait constituer une irrégularité.

Il est donc essentiel de vérifier si les conditions de renouvellement ont été respectées, notamment en ce qui concerne l’évaluation médicale obligatoire.

Quelles sont les conséquences de l’absence de convocation du curateur dans le cadre de la mesure d’isolement ?

L’absence de convocation du curateur peut avoir des conséquences significatives sur la régularité de la procédure. Selon l’article 425 du Code civil, le curateur doit être informé des mesures privatives de liberté :

« Le curateur est chargé de veiller aux intérêts de la personne protégée et doit être informé de toute mesure qui pourrait affecter ses droits. »

Dans le cadre de la mesure d’isolement, le non-respect de cette obligation d’information peut être considéré comme une violation des droits de la défense du patient.

Cela pourrait également entraîner une nullité de la procédure, car le curateur est une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient, comme le souligne le conseil de Monsieur [N] [M].

Quels sont les droits du patient en matière de recours effectif et d’accès au juge ?

Les droits du patient en matière de recours effectif et d’accès au juge sont garantis par l’article 16-1 du Code civil, qui dispose que :

« Chacun a droit au respect de sa dignité. »

De plus, l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que :

« Toute personne a droit à un recours effectif devant une instance nationale. »

Dans le cas de Monsieur [N] [M], l’absence d’information et de convocation du curateur pourrait constituer une atteinte à ces droits fondamentaux, rendant la mesure d’isolement contestable.

Il est donc crucial que le patient puisse exercer ses droits de manière effective, notamment en ayant accès à un juge pour contester la mesure d’isolement.

Quelles sont les implications de l’irrégularité du certificat médical dans le cadre de la mesure d’isolement ?

L’article R3211-12 du Code de la santé publique précise que :

« Le certificat médical doit attester de l’état de santé du patient et de son aptitude à être entendu par le juge des libertés et de la détention. »

Si le certificat médical établi par le psychiatre [Y] [T] est jugé irrégulier, cela pourrait remettre en question la légitimité de la mesure d’isolement.

L’irrégularité du certificat pourrait également constituer une violation des droits du patient, car elle affecte la possibilité d’un contrôle judiciaire effectif de la mesure.

Ainsi, toute irrégularité dans la procédure, y compris celle relative au certificat médical, pourrait entraîner la nullité de la mesure d’isolement et justifier une demande de mainlevée immédiate.

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 75/2024

N° RG 24/00686 – N° Portalis DBVL-V-B7I-VP6W

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d’isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Alain DESALBRES, Président de chambre à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique, assisté de Madame Julie ROUET, greffière,

Vu l’ordonnance du magistrat en charge des hospitalisations sous contrainte du tribunal judiciaire de Rennes rendue le 28 Décembre 2024, autorisant le maintien de la mesure d’isolement de :

M. [N] [M]

né le 18 Août 1991 à [Localité 1] (BRESIL)

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier de Guillaume Régnier

Ayant pour conseil Me Emilie BELLENGER, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d’appel formée par le conseil de M. [N] [M] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d’appel 28 Décembre 2024 à 18 heures 56,

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu le dossier de la procédure ;

Vu les observations sollicitées auprès du ministère public, du centre hospitalier, du patient et de son avocat, de la personne en charge de la mesure de protection ;

Vu les observations du ministère public, pris en la personne de Monsieur Ronan LE CLERC, avocat général à la Cour d’appel de Rennes, en date du 28 décembre 2024, lesquelles ont été communiquées aux parties ;

Vu les observations du centre hospitalier en date du 29 décembre 2024 lesquelles ont été communiquées aux parties ;

Vu les observations de l’avocat du patient en date du 29 décembre 2024, lesquelles ont été communiquées aux parties ;

A mis l’affaire en délibéré et ce jour par mise à disposition au greffe a rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 28 décembre 2024 à 10 h 50 (notifiée à 12 h 05) ayant autorisé, dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation sans consentement (SDRE) initiée le 27 octobre 2016, la poursuite de la mesure d’isolement ordonnée au profit de Monsieur [N] [M], né le 18 août 1991 à Macapa (Brésil), en cours depuis le 24 décembre 2024 à 15 h 31, au-delà d’une durée de 72 heures prévue par l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique ;

Vu l’appel du conseil de Monsieur [N] [M] en date du 28 décembre 2024 à 18h56 et ses conclusions aux termes desquelles il demande au magistrat délégué par le premier président de la cour de :

– d’infirmer l’ordonnance déférée et, statuant à nouveau :

– de dire et juger que le renouvellement de la mesure d’isolement n’est justifié par la survenance d’aucun élément nouveau depuis la mainlevée opéré par la dernière décision du JLD et qu’à ce titre, le renouvellement immédiat de la mesure n’est pas justifié et est irrégulier ;

– constater que le curateur n’a pas été régulièrement convoqué par le Greffe du JLD ;

– de dire et juger :

– que l’absence d’information du curateur de la mesure d’isolement, que l’absence de communication au curateur de la requête JLD aux fins de contrôle et que l’absence de convocation du curateur dans le cadre de ce contrôle sont constitutifs d’une nullité de fond provoquant l’irrégularité de la mesure d’isolement et de la procédure de contrôle JLD subséquente ;

– en conséquence que cette absence d’information constitue un manquement faisant

nécessairement grief au patient puisque la formalité prescrite a pour objet d’informer d’une mesure privative de liberté une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient;

– de constater en conséquence la violation des droits de la défense du patient et de son droit au recours effectif et à l’accès au juge ;

– de dire et juger que :

– la requête et les pièces versées au dossier ne comportent pas d’évaluation médicale obligatoire régulière telle que prescrites par l’article L3222-5-1 du CSP avant l’expiration de la 12 ème heure à compter du début de la mesure d’isolement puis de 2 fois par période de 24 heures ;

– le renouvèlement de la mesure d’isolement est irrégulier au-delà de la 12ème heure d’isolement ;

-le certificat médical ‘état médical du patient incompatible avec son audition par le JLD’ est irrégulier au regard de l’article R3211-12 du CSP et que le psychiatre [Y] [T], qui participe à la mesure d’isolement, ne pouvait pas établir régulièrement ce certificat médical du 27/12/2024 sans violer l’article R3211-12 du CSP ;

– que ces irrégularités portent une atteinte excessive au principe de dignité et aux Droits et Libertés fondamentales ;

– d’ordonner en conséquence la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement ;

– de condamner le Directeur du Centre Hospitalier Guillaume Régnier aux entiers dépens.

Vu l’avis du parquet général en date du 28 novembre 2024 à 20 h 43 tendant à la confirmation de l’ordonnance dont appel ;

Vu les dernières observations du conseil du patient en date du 29 décembre 2024 à 13 h 14 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La recevabilité de l’appel n’est pas contestée.

Suivant un courriel du 29 décembre 2024 à 10 h10, le centre hospitalier indique que la mesure d’isolement a été levée le même jour à 06h29.

Le conseil du patient et le ministère public ont à raison réclamé l’envoi d’un document justifiant cette décision.

Par courriel du 29 décembre 2024 à 15 h 06, le Directeur du centre hospitalier atteste la fin de la mesure d’isolement à l’horaire précisé ci-dessus.

L’appel est dès lors sans objet.

PAR CES MOTIFS :

Nous, président de chambre, magistrat délégué par monsieur le premier président de la cour d’appel de Rennes ;

Déclarons l’appel de Monsieur [N] [M] recevable ;

Disons qu’il est sans objet ;

Disons que la présente décision sera notifiée à l’intéressé, à son avocate, au directeur du centre hospitalier spécialisé ainsi qu’au ministère public ;

Disons que les dépens seront laissés à la charge de l’État ;

Fait à [Localité 2], le 29 Décembre 2024 à 16 heures 00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Alain DESALBRES, Président de chambre

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [N] [M], à son avocat, au CH et curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


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