Garantie d’éviction : qui paie les frais de défense ?

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Garantie d’éviction : qui paie les frais de défense ?

L’Essentiel : La clause de garantie d’éviction est cruciale en matière de contrefaçon, car elle doit stipuler la prise en charge des frais de défense en cas d’irrecevabilité de l’action. Dans une affaire impliquant la société Qatari Diar et un groupe de publicité, cette dernière a été assignée pour contrefaçon. Qatari Diar a demandé le remboursement des frais de défense, se basant sur le contrat d’agence. Cependant, les juges d’appel ont estimé que la garantie n’était pas systématiquement due, ce qui a été contesté par la Cour de cassation, soulignant que la garantie devait s’appliquer même en cas d’allégation de contrefaçon.

[well type= » »][icon type= »fa fa-cube » color= »#dd3333″] Réflexe juridique  

En matière de contrefaçon, la clause de garantie d’éviction doit prévoir l’hypothèse de la prise en charge des frais de défense en cas d’irrecevabilité de l’action des demandeurs à la contrefaçon (ces frais pouvant ne pas être intégralement couverts par la condamnation de l’adversaire).  [/well]

Action en contrefaçon contre l’annonceur

Dans le cadre d’un appel d’offres pour la promotion d’un complexe immobilier et pour l’élaboration d’une stratégie de communication d’entreprise, la société Qatari Diar a conclu un contrat d’agence avec un groupe de publicité. Estimant avoir été victimes d’actes de contrefaçon de droits d’auteur et d’actes de concurrence déloyale et parasitaire, des auteurs ont assigné en paiement de dommages-intérêts le groupe de publicité ainsi que l’annonceur.  Se prévalant d’un article du contrat d’agence, la société Qatari Diar a demandé la condamnation de l’agence à lui rembourser les frais qu’elle avait exposés pour la défense de ses droits.

Interprétation de la clause de garantie d’éviction

Dans sa version anglaise originale, le contrat d’agence stipulait : « Agency shall indemnify and hold harmless Client with respect to any direct or reasonable indirect damage, cost and expense resulting from any (alleged or otherwise) infringement of intellectual property rights of any third party which may arise in connection with the provision of the Services ».

Selon la traduction donnée par l’agence de publicité : « L’Agence indemnisera et tiendra le Client quitte et indemne de tout dommage direct ou indirect raisonnable, coûts et dépenses résultant de toute (alléguée ou autre) contrefaçon de droits de propriété intellectuelle d’une tierce partie qui découlerait de la réalisation des Services ». A l’opposé, la société Qatari Diar Real Estate Company traduisait l’expression « cost an expense resultingfrom any (alleged or otherwise) infringement of intellectual property rights » par  »frais et débours résultant de toute violation (réelle ou alléguée) de droits de propriété intellectuelle ».

Les juges d’appel ont déduit (à tort), que le fait générateur de l’obligation de garantie à la charge de l’agence de publicité ne pouvait être que l’existence d’une contrefaçon de droits de propriété intellectuelle d’une tierce partie et qu’en conséquence, cette obligation de garantie n’était pas systématiquement due. Dès lors que les demandeurs à l’action en contrefaçon de droits d’auteur étaient déclarés irrecevables en leurs demandes, l’annonceur ne pouvait invoquer la garantie d’éviction.

Interprétation extensive

Cette position a été censurée par la Cour de cassation : en statuant ainsi, alors que le contrat stipulait que la garantie était due en cas de contrefaçon « alléguée » et ne distinguait pas selon que l’allégation de contrefaçon était rejetée au fond ou déclarée irrecevable, les juges d’appel ont dénaturé les termes clairs et précis de la convention (violation du principe d’interdiction de dénaturer les documents de la cause, anciennement visé par l’article 1134 (ancien) du code civil et désormais par le nouvel article 1192 du même code).

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la clause de garantie d’éviction en matière de contrefaçon ?

La clause de garantie d’éviction en matière de contrefaçon est une disposition contractuelle qui prévoit que l’une des parties, généralement l’agence de publicité, s’engage à prendre en charge les frais de défense en cas d’irrecevabilité de l’action en contrefaçon.

Cette clause est essentielle pour protéger le client, ici la société Qatari Diar, contre les conséquences financières d’une action en contrefaçon qui pourrait être déclarée irrecevable. Les frais de défense peuvent inclure les honoraires d’avocat, les frais de justice et d’autres coûts associés à la défense des droits de propriété intellectuelle.

Il est important de noter que ces frais ne sont pas toujours intégralement couverts par la condamnation de l’adversaire, ce qui rend la clause d’autant plus cruciale pour assurer une protection adéquate.

Quelles sont les implications de l’action en contrefaçon contre l’annonceur ?

L’action en contrefaçon contre l’annonceur, dans ce cas la société Qatari Diar, a des implications significatives sur le plan juridique et financier. En assignant le groupe de publicité et l’annonceur, les auteurs cherchent à obtenir des dommages-intérêts pour des actes qu’ils estiment constitutifs de contrefaçon de droits d’auteur et de concurrence déloyale.

La société Qatari Diar, en vertu de son contrat d’agence, a demandé le remboursement des frais engagés pour sa défense. Cela soulève des questions sur la responsabilité contractuelle et la portée des obligations de l’agence de publicité.

Si l’agence est reconnue responsable, cela pourrait entraîner des conséquences financières importantes pour elle, mais également pour l’annonceur, qui pourrait se retrouver dans une position délicate si la garantie d’éviction n’est pas appliquée correctement.

Comment la clause de garantie d’éviction a-t-elle été interprétée par les juges d’appel ?

Les juges d’appel ont interprété la clause de garantie d’éviction de manière restrictive, en considérant que l’obligation de garantie de l’agence de publicité ne pouvait être engagée que si une contrefaçon de droits de propriété intellectuelle était avérée.

Ils ont estimé que, puisque les demandeurs à l’action en contrefaçon avaient été déclarés irrecevables, l’annonceur ne pouvait pas invoquer la garantie d’éviction. Cette interprétation a été critiquée, car elle ne tenait pas compte de la formulation de la clause qui mentionnait explicitement les allégations de contrefaçon.

Cette position a conduit à une déformation des termes du contrat, ce qui a été contesté par la Cour de cassation, qui a souligné que la garantie devait s’appliquer même en cas d’allégation de contrefaçon, indépendamment de son issue.

Quelle a été la réaction de la Cour de cassation concernant l’interprétation des juges d’appel ?

La Cour de cassation a censuré la décision des juges d’appel, affirmant que leur interprétation de la clause de garantie d’éviction était erronée. Elle a souligné que le contrat stipulait que la garantie était due en cas de contrefaçon « alléguée », sans distinction quant à la recevabilité de l’action.

Cette décision a mis en lumière l’importance de respecter les termes clairs et précis d’un contrat. La Cour a rappelé que dénaturer les documents de la cause constitue une violation des principes juridiques, en particulier ceux relatifs à l’interdiction de dénaturer les termes d’un contrat.

Ainsi, la Cour de cassation a réaffirmé que la protection offerte par la clause de garantie d’éviction devait s’appliquer même lorsque les allégations de contrefaçon étaient déclarées irrecevables, renforçant ainsi la sécurité juridique des parties impliquées.


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