L’Essentiel : Dans l’affaire opposant Unilever à un concurrent ayant déposé la marque « New York Fair and Lovely », les juges ont statué sur l’existence d’une fraude. En se fondant sur le principe « fraus omnia corrumpit », ils ont annulé l’enregistrement de la marque, établissant que le concurrent avait agi de mauvaise foi, conscient de la notoriété de la marque « Fair & Lovely ». La société Unilever a démontré que le dépôt visait à nuire à son activité, confirmant ainsi la nullité de l’enregistrement. Cette décision souligne l’importance de la protection des droits de propriété intellectuelle face à des pratiques déloyales.
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« Fair & lovely », pas si « Fair »Les sociétés Unilever, victimes d’une fraude au dépôt de leur marque « Fair & lovely » ont obtenu la nullité de l’opposition formée par l’un de leur concurrent, déposant de la marque « New York Fair and Lovely ». Originalité de l’affaire, les juges ont conclu à l’existence d’une fraude en appréciant l’existence de celle-ci au regard des droits utilisés à l’étranger et en se basant sur le droit commun de la responsabilité. Action civile contre une fraudeLa loi du 4 janvier 1991 transposant la directive du 21 décembre 1988 a introduit sous l’article 721-6 du Code de la propriété intellectuelle une action spécifique en revendication qui permet si un enregistrement a été demandé en fraude des droits d’un tiers, celui-ci peut en revendiquer la propriété en justice. Or les sociétés Unilever ne revendiquaient pas la propriété de la marque mais invoquaient le principe « fraus omnia corrumpit » et l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil en ce qui concerne leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire. Le principe « fraus omnia corrumpit » sur lequel les sociétés Unilever fondent leur action existait en droit français dès avant la directive de 1988 et constitue un cas de nullité absolue qui, appliqué au droit des marques, permet d’annuler un enregistrement ; dès lors les sociétés Unilever pouvaient opter pour une demande en annulation sans revendiquer la propriété de la marque. Conditions de la fraudeLe principe « fraus omnia corrumpit » suppose que soit établie la mauvaise foi du déposant qui n’est pas définie que ce soit en droit français ou dans la législation de l’Union européenne. La société Unilever a pu prouver la parfaite connaissance de sa marque par son concurrent. La marque en cause, portant sur une crème mise au point en 1975, a été commercialisée en Inde, puis en 2001 au Royaume Uni et a connu un grand succès, de sorte que son concurrent qui opère sur le même marché ne pouvait en ignorer l’existence. Ce dernier avait délibérément fait obstacle à l’utilisation en France du signe « Fair and Lovely » par les sociétés Unilever ce qui caractérise une intention de nuire. Un dépôt de marque est frauduleux lorsque le déposant l’effectue dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire son activité. Il importe peu que la marque ait eu ou non le caractère de signe notoire dès lors qu’en raison de l’étendue de son secteur de distribution qui comptait avant 2002 au moins deux pays dont l’Inde, qui constitue à elle seule un marché important, et le Royaume Uni, la marque était nécessairement connue de professionnels distribuant un produit similaire s’adressant à une clientèle très ciblée. A noter que le dirigeant de la société concurrente, a indiqué à l’occasion de son contre interrogatoire devant le « Registrar’s Principal Hearing Officer » dans le cadre d’un litige ayant opposé les parties devant l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume Uni, qu’il avait connaissance de l’existence de la marque « Fair & Lovely ». En conséquence, les juges ont confirmé la nullité de l’enregistrement de la marque verbale française « New York fair & lovely ». |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est l’affaire concernant la marque « Fair & lovely » ?L’affaire concerne Unilever, qui a contesté l’enregistrement de la marque « New York Fair and Lovely » par un concurrent. Les juges ont statué en faveur d’Unilever, déclarant que l’opposition à leur marque était fondée sur une fraude. Cette décision a été prise en tenant compte des droits d’Unilever à l’étranger et en se basant sur le droit commun de la responsabilité. L’originalité de cette affaire réside dans la reconnaissance de la fraude, ce qui a permis à Unilever de défendre ses droits sans revendiquer la propriété de la marque. Quelles sont les implications de la loi du 4 janvier 1991 sur cette affaire ?La loi du 4 janvier 1991 a introduit une action spécifique en revendication dans le Code de la propriété intellectuelle. Cette action permet à un tiers de revendiquer la propriété d’une marque si celle-ci a été enregistrée en fraude de ses droits. Cependant, Unilever n’a pas choisi cette voie. Au lieu de cela, ils ont invoqué le principe « fraus omnia corrumpit » et l’article 1240 du Code civil, qui traite de la concurrence déloyale. Ce principe, qui existait avant la directive de 1988, permet d’annuler un enregistrement de marque en cas de fraude, ce qui a été déterminant dans leur victoire. Quelles sont les conditions nécessaires pour établir une fraude dans le dépôt de marque ?Pour établir une fraude dans le dépôt d’une marque, il est essentiel de prouver la mauvaise foi du déposant. Cette notion n’est pas clairement définie en droit français ou dans la législation de l’Union européenne. Dans cette affaire, Unilever a démontré que son concurrent avait une connaissance parfaite de la marque « Fair & lovely ». Le concurrent avait délibérément entravé l’utilisation de cette marque en France, ce qui a été interprété comme une intention de nuire. Ainsi, le dépôt de la marque par le concurrent a été jugé frauduleux. Comment les juges ont-ils justifié leur décision concernant la nullité de la marque « New York Fair and Lovely » ?Les juges ont justifié leur décision en se basant sur la notoriété de la marque « Fair & lovely », qui avait été commercialisée avec succès dans plusieurs pays, dont l’Inde et le Royaume-Uni. Le fait que la marque soit connue des professionnels du secteur, même si elle n’était pas considérée comme notoire, a été un élément clé. De plus, le dirigeant de la société concurrente a admis, lors de son contre-interrogatoire, qu’il connaissait l’existence de la marque d’Unilever. Cela a renforcé l’argument selon lequel le dépôt de la marque « New York Fair and Lovely » était frauduleux, entraînant ainsi la confirmation de sa nullité. |
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