Fraudes liées aux aides publiques

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Fraudes liées aux aides publiques

Introduction à la Proposition de loi contre les fraudes aux aides publiques

La Proposition de loi visant à lutter contre toutes les formes de fraudes aux aides publiques est actuellement en phase d’adoption au sein des assemblées. Bien que les estimations soient complexes, les montants associés à la fraude sociale et fiscale se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. En juillet 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a évalué le total de la fraude sociale à près de 13 milliards d’euros (Md€). En 2022, l’administration fiscale a récupéré un montant total de 14,6 Md€, dont 11,95 Md€ d’impôts éludés. Selon les analyses de la Cour des comptes, la fraude fiscale réelle pourrait varier entre 30 et 100 Md€, tous impôts confondus, en se basant sur des extrapolations de l’écart fiscal observé à l’étranger.

Les actions gouvernementales face à la fraude

Dans ce contexte préoccupant, les gouvernements successifs ont pris des mesures proactives. En mai 2023, le précédent gouvernement, sous la direction du Premier ministre Gabriel Attal, a lancé une feuille de route contre la fraude sociale, fiscale et douanière. Ce plan comprend trente-cinq mesures organisées autour de cinq axes principaux : s’adapter aux enjeux numériques, renforcer les sanctions, améliorer la lutte contre les fraudes à l’international, agir collectivement pour une plus grande efficacité et approfondir la relation de confiance avec les usagers de bonne foi. Plusieurs mesures structurelles ont déjà été mises en place, telles que la création d’une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques en décembre 2023, rattachée à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf). De plus, le service d’enquêtes judiciaires des finances a été transformé en Office national anti-fraude (Onaf), élargissant ainsi ses compétences à toutes les fraudes publiques.

Les résultats obtenus en matière de lutte contre la fraude

Ce plan a permis d’enregistrer des succès notables dès 2023. Le 20 mars 2024, le rapporteur a annoncé un niveau record de « mis en recouvrement » en matière fiscale, atteignant 15,2 Md€, soit une augmentation de 3,5 Md€ par rapport à 2019. En ce qui concerne la fraude sociale, les redressements effectués par l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) sur la fraude sociale des entreprises ont connu une hausse de 50 %. De plus, le nombre de saisies à l’étranger par les services des douanes a doublé.

Renforcement des moyens humains pour la lutte contre la fraude

Pour la période 2024-2027, des moyens humains considérables doivent être mobilisés :

– 1 500 agents supplémentaires seront affectés à la lutte contre la fraude fiscale.
– 1 000 agents supplémentaires seront dédiés à la lutte contre les fraudes sociales, avec un doublement du nombre de contrôles auprès des entreprises.
– 450 agents, dotés de prérogatives de police judiciaire et spécialement formés aux cyber-enquêtes, seront également recrutés.
– 100 ETP seront redéployés pour le contrôle douanier du e-commerce.

En outre, un budget supplémentaire d’1 Md€ sera alloué à la modernisation des outils numériques de détection et de lutte contre les fraudes, avec pour objectif d’atteindre 5,5 Md€ de redressements sur la fraude aux cotisations sociales entre 2022 et 2027, ainsi que de détecter 2,4 Md€ de fraudes aux prestations sociales durant la même période.

Les lacunes dans le cadre législatif actuel

Malgré ces efforts, des lacunes subsistent dans le cadre législatif. Bien que le débat public se concentre souvent sur la fraude fiscale ou sociale, de nouveaux dispositifs d’aides publiques ou parapubliques, notamment dans les domaines de la rénovation énergétique et du soutien à l’emploi, représentent des montants significatifs. Par exemple, le soutien à la transition énergétique a vu la valorisation financière des certificats d’économie d’énergie (CEE) atteindre 6 Md€ en 2022. De même, les aides de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah) versées dans le cadre des dispositifs MaPrimeRénov’ ont atteint 3,1 Md€ en 2022, tandis que les aides à l’acquisition de véhicules propres ont frôlé 1 Md€.

Les risques de fraude dans les dispositifs d’aides publiques

Concernant le soutien à l’emploi, le versement des primes à l’embauche d’un apprenti a constitué une dépense de 4,8 Md€ en 2022, et France compétences a contribué au financement des comptes personnels de formation (CPF) à hauteur de 2,5 Md€. Ces dispositifs, considérés comme potentiellement « fraudogènes » par les autorités, exposent près de 20 Md€ d’aides publiques à des tentatives de fraude. Les acteurs peu scrupuleux, ainsi que les entreprises « écodélinquantes », s’intéressent de plus en plus à ces aides, et les fraudes, souvent sophistiquées, peuvent impliquer des réseaux transnationaux de blanchiment identifiés par Tracfin. Le rapporteur estime que le niveau de fraude potentiel sur les dispositifs mentionnés pourrait se situer entre 700 M€ et 1,6 Md€, basé sur les chiffres de 2022.

Indicateurs alarmants sur la fraude

Plusieurs indicateurs actuels soulignent les risques de détournement d’argent public liés à ces dispositifs. Sur les 100 000 contrôles effectués par les demandeurs de CEE en 2023, les opérations contrôlées ont révélé des taux de non-conformité variant entre 8,7 % et 39,4 % pour les actions réalisées auprès de particuliers, selon un rapport récent de la Cour des comptes. Une opération d’isolation sur quatre contrôlée aléatoirement par le pôle national des CEE (PNCEE) a donné lieu à une non-conformité. La revue du dispositif des CEE, en préparation de la sixième période, estime le niveau de fraude à près de 480 millions d’euros (M€) en 2023. Tracfin a également signalé des mouvements financiers suspects liés à près de 400 M€ d’aides publiques versées au titre des dispositifs de l’Anah « MaPrimeRénov’ » pour l’année 2023. De plus, une enquête menée en 2022 par la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) a révélé que sur 840 établissements contrôlés dans le secteur de la rénovation énergétique, 501 suites ont été prononcées à l’encontre de 452 d’entre eux, illustrant la persistance de pratiques déloyales graves.

Enquêtes en cours et fraude industrielle

Au cours des auditions, le directeur de l’Office national anti-fraudes (ONAF) a mentionné l’existence de 35 enquêtes en cours concernant les dispositifs d’apprentissage, les aides de l’Anah, les CEE et le CPF, avec un préjudice évalué à 250 M€ d’argent public. Dans certains cas, la fraude prend une dimension industrielle, comme l’a souligné le directeur de l’Agence de services et de paiement (ASP), qui a indiqué que sur 2 300 dossiers déposés pour bénéficier du fonds territorial d’accessibilité, 1 700 étaient en fraude, représentant ainsi 74 %.

Les outils législatifs pour lutter contre la fraude

Bien que de nombreux outils existent déjà pour lutter contre la fraude fiscale et sociale, les organismes publics en charge des dispositifs d’aides publiques manquent souvent d’un cadre juridique solide et efficace pour contrer les fraudes. Les articles 1 et 2 de la proposition de loi introduisent des dispositifs « balai » de droit commun, permettant aux administrations qui octroient et versent des aides publiques, sans dispositions particulières, de suspendre l’octroi ou le versement d’une aide en cas d’indice de fraude. L’article 2 permet également à Tracfin de transmettre des informations à l’Anah et à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf), tout en créant une clause de droit commun pour l’échange d’informations entre administrations en cas de suspicion de fraude.

Mesures spécifiques pour la rénovation énergétique

L’article 3 aborde plus directement la question de la rénovation énergétique. Il élargit l’interdiction de démarchage aux SMS, courriels et messages personnels sur les réseaux sociaux, tout en incluant les travaux d’adaptation à la perte d’autonomie. De plus, il établit l’infraction de non-immatriculation au registre national des entreprises pour lutter contre les sociétés éphémères, qui ne pouvaient pas être sanctionnées auparavant. Cet article renforce également les obligations d’information du consommateur en cas de recours à des sous-traitants pour les travaux de rénovation énergétique et autorise la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à retirer le label RGE (reconnu garant de l’environnement) en cas d’infraction grave.

Renforcement des contrôles sur les CEE

Enfin, l’article 4 vise à renforcer la lutte contre la fraude aux CEE en facilitant le travail de contrôle du PNCEE dès le dépôt de la demande d’instruction des dossiers. Il améliore également le dispositif de sanctions, permettant au pôle de prononcer des sanctions dès le dépôt de la demande, plutôt qu’après la délivrance des CEE, comme c’est le cas actuellement. Cet article responsabilise davantage tous les acteurs du dispositif, en étendant la pratique du « name and shame » en cas de fraude à l’ensemble des parties concernées.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’objectif principal de la Proposition de loi contre les fraudes aux aides publiques ?

L’objectif principal de la Proposition de loi est de lutter contre toutes les formes de fraudes aux aides publiques.

Cette initiative est en phase d’adoption au sein des assemblées et vise à réduire les montants associés à la fraude sociale et fiscale, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros.

En juillet 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a évalué la fraude sociale à près de 13 milliards d’euros.

Quelles actions ont été entreprises par le gouvernement pour lutter contre la fraude ?

Le gouvernement a mis en place des mesures proactives, notamment une feuille de route lancée en mai 2023 par le Premier ministre Gabriel Attal.

Ce plan comprend trente-cinq mesures organisées autour de cinq axes principaux, tels que l’adaptation aux enjeux numériques et le renforcement des sanctions.

Des mesures structurelles incluent la création d’une cellule de veille interministérielle anti-fraude et la transformation du service d’enquêtes judiciaires des finances en Office national anti-fraude (Onaf).

Quels résultats ont été obtenus grâce à ces actions ?

Les actions entreprises ont permis d’enregistrer des succès notables dès 2023.

Le 20 mars 2024, un niveau record de « mis en recouvrement » a été atteint, s’élevant à 15,2 Md€, soit une augmentation de 3,5 Md€ par rapport à 2019.

Concernant la fraude sociale, les redressements effectués par l’Urssaf ont connu une hausse de 50 %, et le nombre de saisies à l’étranger par les services des douanes a doublé.

Quels moyens humains seront mobilisés pour la lutte contre la fraude entre 2024 et 2027 ?

Pour la période 2024-2027, des moyens humains considérables seront mobilisés, incluant :

– 1 500 agents supplémentaires pour la lutte contre la fraude fiscale.
– 1 000 agents supplémentaires pour la lutte contre les fraudes sociales.
– 450 agents spécialisés en cyber-enquêtes.
– 100 ETP redéployés pour le contrôle douanier du e-commerce.

Un budget supplémentaire d’1 Md€ sera également alloué à la modernisation des outils numériques de détection et de lutte contre les fraudes.

Quelles lacunes existent dans le cadre législatif actuel concernant la fraude ?

Malgré les efforts déployés, des lacunes subsistent dans le cadre législatif.

Le débat public se concentre souvent sur la fraude fiscale ou sociale, tandis que de nouveaux dispositifs d’aides publiques, comme ceux liés à la rénovation énergétique, représentent des montants significatifs.

Par exemple, le soutien à la transition énergétique a atteint 6 Md€ en 2022, et les aides de l’Anah ont totalisé 3,1 Md€.

Quels sont les risques de fraude associés aux dispositifs d’aides publiques ?

Les dispositifs d’aides publiques, tels que les primes à l’embauche d’un apprenti, exposent près de 20 Md€ à des tentatives de fraude.

Les autorités estiment que le niveau de fraude potentiel pourrait se situer entre 700 M€ et 1,6 Md€, basé sur les chiffres de 2022.

Les fraudes peuvent impliquer des réseaux transnationaux de blanchiment, et les acteurs peu scrupuleux s’intéressent de plus en plus à ces aides.

Quels indicateurs soulignent les risques de détournement d’argent public ?

Des indicateurs actuels montrent des taux de non-conformité alarmants.

Sur 100 000 contrôles effectués par les demandeurs de CEE en 2023, les taux de non-conformité variaient entre 8,7 % et 39,4 %.

La revue du dispositif des CEE estime le niveau de fraude à près de 480 M€ en 2023, tandis que Tracfin a signalé des mouvements financiers suspects liés à près de 400 M€ d’aides publiques.

Quelles enquêtes sont en cours concernant la fraude ?

Le directeur de l’Office national anti-fraudes (ONAF) a mentionné l’existence de 35 enquêtes en cours sur divers dispositifs d’aides publiques.

Ces enquêtes concernent les dispositifs d’apprentissage, les aides de l’Anah, les CEE et le CPF, avec un préjudice évalué à 250 M€.

Dans certains cas, la fraude prend une dimension industrielle, comme le montre le cas des dossiers déposés pour le fonds territorial d’accessibilité, où 74 % étaient en fraude.

Quels outils législatifs sont proposés pour lutter contre la fraude ?

La proposition de loi introduit des dispositifs « balai » de droit commun, permettant aux administrations de suspendre l’octroi d’aides en cas d’indice de fraude.

L’article 2 permet à Tracfin de transmettre des informations à l’Anah et à la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).

Ces mesures visent à renforcer le cadre juridique pour contrer les fraudes aux aides publiques.

Quelles mesures spécifiques sont proposées pour la rénovation énergétique ?

L’article 3 élargit l’interdiction de démarchage aux SMS et courriels, tout en établissant l’infraction de non-immatriculation au registre national des entreprises.

Il renforce également les obligations d’information du consommateur en cas de recours à des sous-traitants pour les travaux de rénovation énergétique.

La direction générale de la concurrence peut retirer le label RGE en cas d’infraction grave.

Comment les contrôles sur les CEE seront-ils renforcés ?

L’article 4 vise à renforcer la lutte contre la fraude aux CEE en facilitant le travail de contrôle dès le dépôt de la demande.

Il améliore le dispositif de sanctions, permettant au pôle de prononcer des sanctions dès le dépôt de la demande.

Cette mesure responsabilise davantage tous les acteurs du dispositif, en étendant la pratique du « name and shame » en cas de fraude.


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