L’Essentiel : Mme [N] [C] [U], de nationalité congolaise, a donné naissance le [Date naissance 7] 2013 à deux garçons, [K] et [X], reconnus par M. [E] [R] et leur mère. En août et septembre 2023, le procureur a assigné les parents en contestation de paternité, mais la procédure a été déclarée caduque. En novembre et décembre 2023, une nouvelle assignation a été lancée pour contester la paternité, révélant des fraudes de M. [R]. Le tribunal a finalement statué que M. [R] n’est pas le père, annulant les actes de reconnaissance et attribuant le nom des enfants à leur mère.
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Naissance des enfantsMme [N] [C] [U], de nationalité congolaise, a donné naissance le [Date naissance 7] 2013 à [Localité 9] (91) à deux enfants de sexe masculin, prénommés [K] et [X]. Ces enfants ont été reconnus conjointement par M. [E] [R] et leur mère le [Date naissance 6] 2013 à [Localité 9] (91). Procédure judiciaire initialeLe 28 août 2023 et le 26 septembre 2023, M. le procureur de la République a assigné Mme [C] [U] et M. [R] devant le tribunal judiciaire de RENNES en contestation de paternité. Cette procédure a été déclarée caduque en raison de l’absence d’enrôlement des assignations dans le délai imparti. Nouvelle assignationLe 14 novembre 2023 et le 12 décembre 2023, M. le procureur a de nouveau assigné Mme [C] [U] et M. [R] pour contester la paternité, en demandant la déclaration de fraude concernant les reconnaissances de paternité, l’annulation des actes de reconnaissance, et la transcription du jugement sur les actes de naissance. Enquête et constatationsUne enquête a révélé que M. [R] avait effectué de nombreuses reconnaissances frauduleuses, y compris celles des enfants de Mme [C] [U]. Malgré les assignations, les défendeurs n’ont pas constitué avocat. Ordonnance de clôture et décisionL’ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2024, et la décision a été mise en délibéré pour être prononcée le 19 novembre 2024. Compétence de la juridictionLes parties résident en France, et la compétence de la juridiction française est confirmée, M. [R] étant de nationalité française. La loi française s’applique, bien que la loi congolaise soit également pertinente. Recevabilité de l’actionL’action engagée en août 2023 est recevable, car elle a été intentée dans le délai de dix ans suivant la naissance des enfants. La contestation de la paternité est fondée sur des éléments de fraude. Éléments de filiationUne enquête a été diligentée suite à des signalements concernant M. [R], qui a reconnu avoir réalisé de fausses reconnaissances en échange d’argent ou de relations sexuelles. Mme [C] [U] a soutenu que M. [R] était le père des jumeaux, mais des éléments ont montré que cela était impossible. Jugement du tribunalLe tribunal a statué que M. [E] [R] n’est pas le père des enfants [X] et [K], annulant les actes de reconnaissance et stipulant que les enfants porteront désormais le nom de leur mère. Les défendeurs ont été condamnés aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action en contestation de paternité ?L’article 336 du Code civil français stipule que « la filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi. » En l’espèce, le ministère public a engagé une action en contestation de paternité sur la base d’indices suggérant que M. [R] a effectué des reconnaissances frauduleuses. De plus, l’article 627 du Code de la famille congolais précise que « l’affiliation peut être contestée par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public, s’il est prouvé que celui auquel la paternité a été attribuée n’est pas le géniteur de l’enfant. » Ainsi, la recevabilité de l’action est fondée sur la possibilité pour le ministère public de contester la paternité en cas de fraude, ce qui est avéré dans cette affaire. Enfin, selon l’article 321 du Code civil, le délai de prescription de l’action est de dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame. Dans ce cas, l’action a été intentée dans le délai légal, rendant l’action recevable. Quelles sont les conséquences juridiques de la reconnaissance frauduleuse de paternité ?L’article 332 alinéa 2 du Code civil dispose que « la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père. » Dans cette affaire, il a été prouvé que M. [R] a réalisé des reconnaissances frauduleuses, ce qui entraîne l’annulation de ces actes. Le tribunal a ainsi déclaré que M. [R] n’est pas le père des enfants [X] et [K], et a annulé les actes de reconnaissance effectués le 30 octobre 2013. De plus, le jugement stipule qu’il ne pourra plus être fait état de ces reconnaissances et qu’aucune copie de ces actes ne pourra être délivrée, tant en acte intégral qu’en extrait. Cette décision a pour effet de rétablir la situation juridique des enfants, qui porteront désormais le nom de leur mère, Mme [C] [U]. L’article 478 du Code de procédure civile rappelle également que le jugement devra être signifié aux défendeurs dans un délai de six mois, sous peine d’être non-avenu en ses dispositions. Comment la loi française et la loi congolaise s’appliquent-elles dans cette affaire ?L’article 311-17 du Code civil précise que « la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant. » Dans cette affaire, M. [R] est de nationalité française, tout comme les enfants, ce qui signifie que la loi française s’applique. Cependant, la loi congolaise est également applicable en tant que loi personnelle des enfants au moment de la reconnaissance. Cela crée une situation de conflit de lois, mais la loi française est prioritaire en raison de la nationalité des parties. Ainsi, les actes de reconnaissance effectués par M. [R] doivent être examinés à la lumière des dispositions du Code civil français, qui permettent la contestation de la paternité en cas de fraude. Cette dualité législative souligne l’importance de la nationalité et de la résidence dans les affaires de filiation, et la nécessité d’appliquer la loi la plus pertinente au cas d’espèce. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 8] – tél : [XXXXXXXX01]
N°
Cabinet C
3ème Chambre Civile
Le 19 novembre 2024
Rôle N° RG 24/00889 – N° Portalis DBYC-W-B7I-KZUG
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[E] [F] [H]
1 copie exécutoire délivrées à
– parquet civil
copie dossier
le
TROISIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DELIBERE
PRESIDENT: Monsieur Guillaume BAILHACHE, vice-président
ASSESSEURS : Madame Carole LEFRANC, vice-présidente
Madame Hélène RAPITEAU, Juge
GREFFIER : Madame FOUILLET, lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
JUGEMENT
En premier ressort, réputé contradictoire, prononcé par Monsieur BAILHACHE par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
DEMANDEUR :
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, demeurant Tribunal Judiciaire de RENNES –
DEFENDEUR :
Monsieur [E] [F] [H]
né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 10] (RDC), demeurant [Adresse 3] – BELGIQUE
non comparant
Madame [N] [C] [U]
née le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 10] (RDC), demeurant [Adresse 2]
non comparante
Mme [N] [C] [U], de nationalité congolaise, a donné naissance le [Date naissance 7] 2013 à [Localité 9] (91) à deux enfants de sexe masculin, prénommés [K] et [X], reconnus conjointement par M. [E] [R] et par la mère le [Date naissance 6] 2013 à [Localité 9] (91) .
Par actes d’huissier signifiés les 28 août 2023 et 26 septembre 2023, M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de RENNES a fait assigner Mme [C] [U] et M. [R] devant la présente juridiction en contestation de paternité, sur le fondement des articles 336 du Code civil et 423 du Code de procédure civile. Cette procédure a été déclarée caduque, faute d’enrôlement des assignations dans le délai de l’article 754 du Code de procédure civile.
Par actes d’huissier signifiés les 14 novembre 2023 et 12 décembre 2023, M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de RENNES a de nouveau fait assigner Mme [C] [U] et M. [R] aux mêmes fins, pour solliciter :
– que les reconnaissances de paternité effectuées par M. [F] [H] soient déclarées frauduleuses
– l’annulation de la reconnaissance effectuée en mairie d’[Localité 9] (actes n° 937/2013)
– l’annulation des mentions de cette reconnaissance figurant dans les actes de naissance dressés par l’officier d’état-civil de la mairie d’[Localité 9] (actes n° 970/2013 et 971/2013)
– de dire qu’il ne pourra plus être fait état de ces reconnaissances et qu’aucune copie ne pourra être délivrée tant en acte intégral qu’en extrait
– la transcription du jugement sur les actes de naissance et de reconnaissance
– la condamnation des défendeurs aux entiers dépens.
M. le procureur de la République expose que l’enquête a permis d’établir que M. [R] a effectué de nombreuses reconnaissances frauduleuses, dont celles concernant les enfants de Mme [C] [U].
Régulièrement assignés, Mme [C] [U] et M. [R] n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 octobre 2024.
Il a été procédé à un dépôt des dossiers au greffe, sans débats, en application de l’article 799 alinéa 3 du code de procédure civile. La décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024, pour être prononcée par mise à disposition au greffe.
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EXPOSE DES MOTIFS
Sur les éléments d’extranéité
Les parties résident chacune en France. La compétence de la juridiction française n’est pas contestable, ce d’autant que M. [R] est de nationalité française.
Selon l’article 311-17 du Code civil, applicable aux actions en contestation de reconnaissance, “la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant”.
M. [R] est de nationalité française, ainsi que les enfants, si bien que la loi française s’applique. La loi congolaise est concurremment applicable, en tant que loi personnelle des enfants à l’époque de la reconnaissance.
Sur la recevabilité de l’action
L’article 627 du Code de la famille congolais dispose que l’affiliation peut être contestée par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public, s’il est prouvé que celui auquel la paternité a été attribuée n’est pas le géniteur de l’enfant.
L’article 336 du Code civil français prévoit que “la filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi.
Enfin selon l’article 321 du Code civil, le délai de prescription de l’action est de dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté.
Dans le cas présent, l’action engagée en août 2023 est recevable pour avoir été intentée dans le délai de dix ans à compter de la naissance des enfants en novembre 2013.
Sur la filiation
L’article 332 alinéa 2 du Code civil dispose que “la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père”.
Une vaste enquête a été diligentée suite au signalement par les services préfectoraux en 2017 au parquet de la situation de M. [R], auteur de reconnaissances de plusieurs dizaines d’enfants de mères différentes.
Dans son audition du 28 avril 2022, M. [R] a reconnu avoir réalisé plus d’une trentaine de fausses reconnaissances, en contrepartie d’argent ou de relations sexuelles, ceci permettant aux mères et à leurs enfants d’obtenir des papiers pour vivre en France.
Mme [C] [U], lors de son audition le 16 novembre 2020, a soutenu que M. [R] était bien le père des deux jumeaux. Elle explique être arrivée en France en octobre 2013, alors qu’elle était déjà enceinte des jumeaux qui auraient été conçus avec M. [R] à partir de janvier 2013 au Congo.
Or, il s’avère que M. [R] est arrivé sur le territoire français en 2000 et n’est retourné au Congo qu’en 2006, 2017 et 2021 selon ses dires. Il n’a jamais évoqué une rencontre au Congo avec Mme [C] [U] et apparaît ignorer qu’elle a eu des jumeaux.
Il résulte de ces éléments que la paternité de M. [R] à l’égard des deux enfants conçus au Congo est impossible. La reconnaissance apparaît frauduleuse, motivée par les conséquences en terme de nationalité pour la mère et les enfants. Les actes de reconnaissance seront dès lors annulés et la filiation invalidée.
Le tribunal, statuant publiquement après débats en chambre du conseil, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort :
DIT que M. [E] [R], né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11] (Congo) n’est pas le père de l’enfant [X], né le [Date naissance 7] 2013 à [Localité 9] (91);
DIT que M. [E] [R], né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11] (Congo) n’est pas le père de l’enfant [K], né le [Date naissance 7] 2013 à [Localité 9] (91) ;
ANNULE l’acte de reconnaissance de [X] et [K], effectué le 30 octobre 2013 à [Localité 9] (91) par M. [E] [R] ;
DIT qu’il ne pourra plus être fait état de ces reconnaissances et qu’aucune copie de ces actes ne pourra être délivrée, tant en acte intégral qu’en extrait ;
DIT que les enfants [X] et [K] porteront désormais le nom de [C] [U] ;
DIT que le dispositif du jugement sera porté en marge de l’acte de naissance de chaque enfant et des actes de reconnaissance annulés ;
CONDAMNE Mme [N] [C] [U] et M. [E] [R] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que le jugement devra être signifié aux défendeurs dans le délai de six mois, sous peine d’être non-avenu en ses dispositions (article 478 du Code de procédure civile).
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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