Fraude à l’assurance maladie : enjeux de la bonne foi et des preuves dans l’utilisation de prescriptions médicales.

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Fraude à l’assurance maladie : enjeux de la bonne foi et des preuves dans l’utilisation de prescriptions médicales.

L’Essentiel : Madame [S] [N] a soumis quatre faux avis d’arrêts de travail à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, permettant le versement d’indemnités de 1.455,76 euros. Des investigations ont révélé la fraude, entraînant un jugement en faveur du recouvrement. En février 2022, une procédure de pénalité financière a été engagée, aboutissant à une amende de 2.910 euros notifiée en mai. Contestant cette décision, Madame [N] a affirmé avoir été trompée, sans fournir de preuves. Lors de l’audience, le Tribunal a confirmé la fraude et la pénalité, déboutant Madame [N] de sa requête et la condamnant aux dépens.

Contexte de l’affaire

Madame [S] [N] a soumis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] quatre avis d’arrêts de travail, prétendument émis par le docteur [W] [T], pour des périodes allant de novembre 2018 à avril 2019. Ces arrêts ont permis le versement d’indemnités journalières à son employeur, totalisant 1.455,76 euros.

Découverte de la fraude

Des investigations menées par le service des fraudes ont révélé que les avis d’arrêt de travail étaient des faux, le docteur [W] [T] n’ayant pas émis ces prescriptions. En conséquence, un jugement du 6 octobre 2022 a validé le recouvrement de l’indu contesté par Madame [N].

Procédure de pénalité financière

Le 18 février 2022, la CPAM a informé Madame [N] de l’initiation d’une procédure de pénalité financière pour usage de faux documents. Le 12 mai 2022, une pénalité de 2.910 euros a été notifiée à Madame [N], qui n’a pas réagi à cette notification.

Contestations et audience

Madame [S] [N] a contesté la pénalité par courrier au Tribunal judiciaire de Paris le 14 décembre 2022. Lors de l’audience du 7 mai 2024, l’affaire a été renvoyée au 2 juillet 2024 pour permettre à Madame [N] de fournir des éléments justifiant sa bonne foi.

Arguments de Madame [N]

Madame [N] a soutenu qu’elle avait été dupée lors de téléconsultations médicales, mais n’a pas présenté de preuves concrètes pour étayer ses affirmations. Elle a reconnu l’usage des faux, mais a nié toute intention frauduleuse.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a jugé que le comportement de Madame [N] constituait une fraude, en raison de l’usage répété de fausses prescriptions. En l’absence de preuves de sa bonne foi, le Tribunal a débouté Madame [N] de sa requête et a confirmé la pénalité financière de 2.910 euros, qu’elle doit verser à la CPAM. Madame [N] a également été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la fraude au sens des articles L 114-17-1 et R 147-11 du Code de la Sécurité Sociale ?

La fraude, au sens des articles L 114-17-1 et R 147-11 du Code de la Sécurité Sociale, se définit comme l’utilisation de moyens frauduleux pour obtenir des prestations indûment.

L’article L 114-17-1 stipule que :

« Les assurés sociaux qui, par des manœuvres frauduleuses, obtiennent ou tentent d’obtenir des prestations ou des remboursements de frais de santé, sont passibles de sanctions. »

De plus, l’article R 147-11 précise que :

« Constitue une fraude, le fait de fournir des informations inexactes ou de se prévaloir de documents falsifiés pour obtenir des droits. »

Dans le cas présent, Madame [S] [N] a utilisé des avis d’arrêts de travail falsifiés pour percevoir des indemnités journalières, ce qui constitue une fraude manifeste.

Elle a été reconnue coupable d’avoir fait usage de faux documents, ce qui est clairement réprimé par ces articles.

Quelles sont les conséquences juridiques de l’usage de faux documents dans le cadre de la sécurité sociale ?

L’usage de faux documents dans le cadre de la sécurité sociale entraîne des conséquences juridiques sévères, notamment des pénalités financières.

L’article R 147-11-1 du Code de la Sécurité Sociale précise que :

« Les assurés qui se rendent coupables de fraude peuvent se voir infliger une pénalité financière, dont le montant est déterminé en fonction de la gravité des faits. »

Dans le cas de Madame [S] [N], la CPAM a décidé d’appliquer une pénalité de 2.910 euros, considérant que son comportement était suffisamment grave pour justifier une telle sanction.

Cette pénalité est fondée sur l’article L 114-17-1, qui permet à la caisse de prendre des mesures contre les assurés ayant commis des fraudes.

Comment la bonne foi de l’assuré peut-elle être prise en compte dans une procédure de pénalité financière ?

La bonne foi de l’assuré peut être un élément de défense dans une procédure de pénalité financière, mais elle doit être prouvée par des éléments concrets.

Dans le cas présent, Madame [S] [N] a tenté de justifier son recours à des prescriptions médicales falsifiées en arguant qu’elle avait été dupée lors de téléconsultations.

Cependant, l’article 455 du Code de procédure civile impose à la partie qui se prévaut d’un fait de le prouver.

Madame [S] [N] n’a pas fourni d’éléments probants pour étayer sa bonne foi, ce qui a conduit le tribunal à conclure qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait été trompée.

Ainsi, l’absence de preuves tangibles a conduit à la confirmation de la pénalité financière.

Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur le recours de Madame [S] [N] ?

La décision du tribunal a des implications significatives pour le recours de Madame [S] [N].

Le tribunal a déclaré sa demande recevable mais mal fondée, ce qui signifie qu’elle a le droit de contester la pénalité, mais que ses arguments n’ont pas été jugés suffisants.

En vertu de l’article 455 du Code de procédure civile, le tribunal a également noté que les éléments présentés par Madame [S] [N] n’étaient pas convaincants.

Par conséquent, elle a été déboutée de ses demandes et condamnée à verser la somme de 2.910 euros à la CPAM.

Cette décision souligne l’importance de la preuve dans les litiges liés à la sécurité sociale et la rigueur avec laquelle les tribunaux examinent les allégations de fraude.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à l’avocat en LS le :

PS ctx protection soc 1

N° RG 22/03153 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYSUP

N° MINUTE :

Requête du :

13 Décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 21 Novembre 2024
DEMANDERESSE

Madame [S] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]

Comparante

DÉFENDERESSE

ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6] DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE
POLE CONTENTIEUX GENERAL
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représentée par Maître Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur AMAND, Juge
Madame JAGOT, Assesseur
Monsieur TERRIOUX, Assesseur

assistés de Monsieur CONSTANT, greffier lors des débats et de Madame DECLAUDE, Greffière lors de la mise à disposition

Décision du 21 Novembre 2024
PS ctx protection soc 1
N° RG 22/03153 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYSUP

DEBATS

A l’audience du 02 Juillet 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 octobre 2024, prorogé au 21 Novembre 2024.

JUGEMENT

Par mise à disposition
Contradictoire
en dernier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Madame [S] [N] a adressé à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] (ci-après désignée la CPAM ou la Caisse) quatre avis d’arrêts de travail établis au nom du docteur [W] [T] pour les périodes suivantes : du 19 novembre 2018 au 26 novembre 2018, du 7 janvier 2019 au 15 février 2019 ; du 18 février 2019 au 22 février 2019, puis du 28 mars 2019 au 2 avril 2019.

Les indemnités journalières correspondant à ces arrêts de travail ont été versées à l’employeur de Madame [N], subrogé dans les droits de sa salariée pour un montant total de 1.455,76 euros.

Après investigations du service des fraudes, il est apparu que le docteur [W] [T] n’était pas le prescripteur de ces avis d’arrêt de travail, lesquels étaient des faux.

Par jugement rendu le 6 octobre 2022 à l’issue de la procédure de recouvrement de l’indu qui avait été contestée par Madame [N] au moyen d’une requête en opposition à contrainte, la présente juridiction a déclaré celle-ci mal fondée en son recours et a validé l’indu.

Entretemps, le 18 février 2022, la Caisse avait informé Madame [N] de la mise en oeuvre d’une procédure de pénalité financière en application des articles L 114-17-1 et R 147-2 du Code de la Sécurité Sociale, compte tenu de l’usage de faux documents sur la base desquels elle a obtenu le paiement de prestations en espèces, manquement frauduleux prévu et réprimé par les articles R 147-11 et R 147-11-1 du même code.

Le 5 avril 2022, le directeur général de la CPAM de [Localité 6] a envisagé de sanctionner Madame [N] en prononçant à son encontre une pénalité de 3.000 euros.

Par courrier du 12 mai 2022 distribué le 14 mai 2022, en l’absence d’observations de Madame [N], le directeur général de la CPAM de [Localité 6] a notifié à cette dernière une pénalité financière d’un montant de 2.910 euros. Le courrier de notification est revenu accompagné de la mention « pli avisé et non réclamé ».

Par mise en demeure du 26 juillet 2022 notifiée le 6 août 2022, la CPAM de [Localité 6] a réclamé à Madame [S] [N] la somme de 2.910 euros sur le fondement de la pénalité financière.

Par courrier adressé le 14 décembre 2022 au secrétariat-greffe, Madame [S] [N] a saisi le Pôle Social du Tribunal judiciaire de Paris d’une contestation de la pénalité financière et de la mise en demeure afférente à cette pénalité.

A l’audience du 7 mai 2024, l’audience a été renvoyée au 2 juillet 2024 afin que Madame [N] puisse produire des éléments afin de justifier de sa bonne foi et du fait qu’elle aurait été dupée dans le cadre de téléconsultations médicales.

L’affaire a été retenue à l’audience du 2 juillet 2024, lors de laquelle Madame [S] [N] a comparu en personne, et la CPAM de [Localité 6] était représentée par son conseil.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs pièces et conclusions, régulièrement adressées au secrétariat-greffe, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, ainsi qu’à la note de l’audience du 2 juillet 2024.

Le présent jugement a été mis en délibéré au 3 octobre 2024, puis prorogé au 21 novembre 2024, et rendu à cette dernière date par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité du recours de Madame [S] [N] n’a pas été contestée par la Caisse.

Vu les dispositions de l’article L 114-17-1 et des articles R 147-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale concernant la procédure de pénalité financière ;

Le comportement d’un assuré consistant à faire usage d’une fausse prescription médicale aux fins d’obtenir des arrêts de travail en maladie et les indemnités journalières afférentes est constitutif d’une fraude au sens des articles L 114-17-1 et R 147-11 1° du Code de la Sécurité Sociale.

En l’espèce, il a été établi par le service des fraudes de la CPAM de [Localité 6] que Madame [S] [N] a adressé à la Caisse quatre avis d’arrêts de travail établis au nom du docteur [W] [T] pour les périodes suivantes : du 19 novembre 2018 au 26 novembre 2018, du 7 janvier 2019 au 15 février 2019 ; du 18 février 2019 au 22 février 2019, puis du 28 mars 2019 au 2 avril 2019, alors que le docteur [W] [T] n’était pas le prescripteur de ces avis d’arrêt de travail.

Madame [S] [N] ne conteste pas l’usage matériel de ces faux mais se défend de toute intention frauduleuse et argue de sa bonne foi, précisant qu’il s’agissait de téléconsultations par internet relatives à des troubles anxio-dépressifs à la suite du décès d’un proche, et qu’elle avait bénéficié des téléconsultations litigieuses après avoir prospecté par l’intermédiaire de réseaux sociaux.

Invitée à produire des éléments dans le cadre d’un renvoi d’audience afin de justifier du contexte qu’elle décrivait, Madame [S] [N] n’a produit aucun élément précis concernant la tromperie dont elle aurait été victime, ainsi que sur le lien de causalité entre les troubles médicaux allégués et sa recherche de soins à distance.

Par ailleurs, la Caisse déduit à bon droit l’intention frauduleuse de Madame [N] de l’usage matériel de fausses prescriptions médicales à quatre reprises sur des périodes bien distinctes et parfois relativement longues, l’assurée n’expliquant en aucune manière la raison du recours au docteur [W] [T], médecin généraliste qui n’était pas son médecin traitant et qu’elle ne connaissait pas, afin de traiter de supposés troubles anxio-dépressifs par voie de téléconsultation, sans qu’elle ait pu bénéficier ni du remboursement des dites consultations ni d’aucune délivrance de produits pharmaceutiques ou de soins particuliers durant ces périodes.

En l’absence d’éléments justificatifs de la requérante, Madame [S] [N] sera déboutée de sa requête, la pénalité financière contestée étant bien fondée dans son principe comme dans son montant, celui-ci apparaissant suffisamment proportionné à la gravité du comportement de l’assurée au sens de la réglementation en vigueur.

La Caisse est parfaitement recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle en paiement, de telle sorte que Madame [S] [N] sera condamnée à lui verser la somme de 2.910 euros correspondant à la pénalité financière restant due.

Madame [S] [N], qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi,

statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort:

Déclare Madame [S] [N] recevable mais mal fondée en son recours ;

Déboute Madame [S] [N] de ses demandes ;

Déclare la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle en paiement ;

Condamne Madame [S] [N] à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 6] la somme de 2.910 euros ;

Condamne Madame [S] [N] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 21 Novembre 2024

Le Greffier Le Président

N° RG 22/03153 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYSUP

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : Mme [S] [N]

Défendeur : ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6] DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

6ème page et dernière


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