France info : extension des compétences des techniciens

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France info : extension des compétences des techniciens

L’Essentiel : La société France Télévisions a lancé en 2016 le projet de la chaîne d’information « Franceinfo », entraînant une modification de l’accord collectif de 2013. Cette réforme a redéfini les compétences des journalistes, leur demandant d’acquérir des compétences techniques en montage, alors que seuls deux postes de monteurs étaient prévus. Malgré le refus des syndicats et un avis négatif du Comité central d’entreprise, la réforme a été appliquée unilatéralement. La Cour d’appel de Paris a validé cette initiative, affirmant que les compétences complémentaires attribuées aux chefs-monteurs ne constituaient pas une fraude à la convention collective des journalistes.

Affaire France info

La société France Télévisions (FTV), a initié en 2016 une procédure d’information et de consultation de son Comité central d’entreprise (CCE) à propos du projet de lancement de la chaîne d’information « Franceinfo ». Cette initiative a été accompagnée d’une modification de l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013 avec les organisations syndicales représentatives. Cette modification a eu pour effet de transformer en partie le métier et les pratiques de la profession de journaliste en demandant à certains journalistes concernés une compétence complémentaire technique en matière de montage des documents, seuls deux emplois de monteur étant en l’occurrence prévus dans le cadre de la nouvelle chaîne d’information en continu. Cette réforme a également prévu un certain concours journalistique vis-à-vis de personnels techniques sous le contrôle des journalistes en ce qui concerne le montage des documents audiovisuels.  Les organisations syndicales ayant refusé cette réforme et le CCE ayant formulé un avis négatif à ce sujet, la société FTV a appliqué unilatéralement la réforme. Au grand dam des syndicats, la Cour d’appel de Paris vient de valider l’ensemble de la réforme « Franceinfo ».

Absence de fraude

Les syndicats ont reproché à France Télévisions d’avoir organisé une fraude au sens de l’article L.2262-4 du code du travail : « Les organisations de salariés et les organisations ou groupements d’employeurs, ou les employeurs pris individuellement, liés par une convention ou un accord, sont tenus de ne rien faire qui soit de nature à en compromettre l’exécution loyale. Ils ne sont garants de cette exécution que dans la mesure déterminée par la convention ou l’accord ». France Télévisions était en droit de demander à des salariés non journalistes tels que des chefs-monteurs, de produire du contenu éditorial dans le cadre d’une compétence complémentaire et de réaliser ainsi des tâches relevant du seul métier de journaliste.

Ce droit de recourir à des compétences complémentaires, prévu par l’avenant du 20 septembre 2016 à la convention collective du 28 mai 2013, a été validé. La définition de ces compétences supplémentaires de production de contenu éditorial ne constitue pas une fraude à la Convention collective des journalistes.

Validation de l’avenant du 20 septembre 2016

La compétence complémentaire donnée aux chefs-monteurs de France Télévisions leur permet désormais de réaliser seuls des montages, et non pas en collaboration avec un journaliste, mais sous le seul contrôle du rédacteur en chef, garant de la ligne éditoriale. Si le chef-monteur a une part d’autonomie certaine puisqu’il choisit et assemble seul ses images, toutefois, passée cette première étape, son travail est ensuite placé sous la responsabilité d’un journaliste, le rédacteur en chef, auquel appartient le choix final des images et de leur séquencement. Le travail ainsi réalisé de conception de modules par les chefs-monteurs sous la responsabilité éditoriale du rédacteur en chef bien qu’il implique une part d’autonomie, demeure un travail technique effectué, à partir d’éléments préexistants ainsi que de vérifications et d’instructions précises. Il diffère par conséquent d’un travail d’investigation, de vérifications des sources, et de hiérarchisation des sources incombant au journaliste professionnel.

Validation de l’accord France 3

L’accord France 3 sur la création de contenu multimédia a également été validé par les juges. Les compétences complémentaires attribués aux documentalistes, chefs monteurs, scriptes et assistants d’émission, en matière de conception de contenus Multimédia, sont expressément encadrées puisque, là aussi, ces salariés sont placés sous la responsabilité de l’encadrement de sorte qu’ils ne peuvent prendre d’initiative.  De plus, leurs tâches sont limitées au retraitement d’informations, donc nécessairement vérifiées au préalable, en vue d’une diffusion multimédia. En conclusion, l’exercice de compétences complémentaires prévu par l’avenant du 20 septembre 2016 et par l’accord du 26 juillet 2017 sur la mise en oeuvre des unités de compétences complémentaires France 3 ne confère pas le statut de journaliste tant aux chefs-monteurs visés dans le premier de ces accords qu’aux documentaliste, chef monteur, scripte et assistant d’émission visés dans le second.

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Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la création de la chaîne Franceinfo ?

La création de la chaîne d’information « Franceinfo » a été initiée par France Télévisions (FTV) en 2016. Cette démarche a nécessité une procédure d’information et de consultation du Comité central d’entreprise (CCE).

Cette initiative a été accompagnée d’une modification de l’accord collectif d’entreprise datant du 28 mai 2013. Cette modification a eu pour effet de transformer en partie le métier et les pratiques des journalistes, en demandant à certains d’entre eux d’acquérir des compétences techniques supplémentaires, notamment en matière de montage.

A noter que seuls deux postes de monteur étaient prévus pour la nouvelle chaîne, ce qui a soulevé des préoccupations parmi les syndicats. Malgré un avis négatif du CCE et le refus des organisations syndicales, FTV a appliqué la réforme de manière unilatérale, ce qui a été validé par la Cour d’appel de Paris.

Quels reproches ont été formulés par les syndicats concernant la réforme ?

Les syndicats ont accusé France Télévisions d’avoir organisé une fraude au sens de l’article L.2262-4 du code du travail. Cet article stipule que les parties liées par une convention ou un accord doivent agir de manière à ne pas compromettre l’exécution loyale de cet accord.

Les syndicats ont soutenu que FTV avait demandé à des salariés non journalistes, comme des chefs-monteurs, de produire du contenu éditorial, ce qui relevait selon eux des prérogatives exclusives des journalistes. Cependant, la Cour a validé le droit de FTV à recourir à des compétences complémentaires, affirmant que cela ne constituait pas une fraude à la convention collective des journalistes.

Comment la compétence complémentaire des chefs-monteurs a-t-elle été définie ?

La compétence complémentaire accordée aux chefs-monteurs permet désormais à ces derniers de réaliser des montages de manière autonome, mais sous le contrôle du rédacteur en chef. Ce dernier est responsable de la ligne éditoriale et du choix final des images.

Bien que les chefs-monteurs aient une certaine autonomie dans le choix et l’assemblage des images, leur travail est toujours soumis à la supervision d’un journaliste. Cela signifie que, même s’ils peuvent assembler des éléments, leur travail ne remplace pas celui d’un journaliste, qui est chargé de l’investigation et de la vérification des sources.

Quelles sont les implications de l’accord France 3 sur les compétences complémentaires ?

L’accord France 3, qui a également été validé par les juges, encadre les compétences complémentaires attribuées à divers personnels, tels que les documentalistes et les chefs-monteurs. Ces compétences sont strictement définies et les salariés concernés sont placés sous la responsabilité de l’encadrement.

Les tâches de ces employés sont limitées au retraitement d’informations préalablement vérifiées, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas agir de manière indépendante. En conséquence, même si ces compétences complémentaires sont reconnues, elles ne confèrent pas le statut de journaliste aux chefs-monteurs ou aux autres personnels mentionnés dans l’accord.

En résumé, l’exercice de ces compétences complémentaires ne modifie pas la nature du travail journalistique, qui reste distinct et soumis à des exigences professionnelles spécifiques.


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