Forme de la tour Eiffel : une protection problématique

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Forme de la tour Eiffel : une protection problématique

L’Essentiel : La protection juridique de la forme de la tour Eiffel soulève des questions complexes. Bien que le modèle tridimensionnel déposé par une société de confiseries soit nouveau, il a été jugé dépourvu de caractère propre. Les juges ont estimé que l’observateur averti, en l’occurrence le touriste, ne percevait pas d’originalité suffisante dans le design, qui reprenait des éléments standards associés à ce monument emblématique. Ainsi, malgré son innovation, le modèle n’a pas pu bénéficier de la protection des dessins et modèles, illustrant les défis liés à la protection des créations inspirées de symboles culturels largement reconnus.

Forme commune

La forme de la tour Eiffel serait-elle devenue si commune que sa protection juridique en soit devenue impossible ? Il semble que cela soit bien le cas pour les produits et services liés aux activités touristiques. Une société spécialisée dans la commercialisation de spiritueux et de confiseries, destinés à une clientèle touristique visitant la France, a vu son modèle tridimensionnelle de tour Eiffel (contenant de confiseries en plastique) être déclaré nul pour défaut de caractère propre (bien que nouveau).

Action en contrefaçon de modèle

La nullité du modèle a été déclarée dans le cadre d’une action en contrefaçon dirigée par la société contre un concurrent commercialisant dans les boutiques des aéroports de l’Ile de France, des flacons de confiseries similaires. L’affaire a été rejugée après une première  cassation (CC, 29 mars 2017).  Les juges suprêmes avaient fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir dit que l’observateur averti était le consommateur auquel le produit était  destiné soit en l’espèce le touriste en quête de l’achat de souvenirs afin de conserver une trace de son voyage à Paris alors que l’observateur averti se définit comme un observateur doté d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

Le flacon de la société poursuivie n’a fait que reprendre des formes standards pour représenter l’un des monuments les plus connus de France dans le domaine des objets souvenirs. Le choix de le remplir de bonbons déclinés en trois couleurs bleu, blanc et rouge rappelant le drapeau français est banal, s’agissant de l’un monument français le plus connu de France.  Pour l’observateur averti, ce modèle de flacon ne revêt pas de caractère propre lui permettant de bénéficier de la protection au titre des dessins et modèles.

La société poursuivie ayant été empêchée de commercialiser ses produits pendant une période d’environ deux ans, les juges lui ont alloué la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Caractère propre d’un modèle

L’article L511-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau ET présente un caractère propre. En l’espèce, le modèle était bien nouveau : aucun modèle antérieur de tour Eiffel ne reprenait toutes les caractéristiques du modèle tridimensionnel déposé.

En  revanche, le modèle déposé ne disposait pas d’un caractère propre. Un dessin ou modèle présente un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée; l’observateur averti est un observateur doté d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré ; c’est dès lors à bon droit que les premiers juges avaient jugé que l’observateur averti était en l’espèce la boutique de souvenirs ou le consommateur régulier de souvenirs touristiques ou de confiseries.

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Q/R juridiques soulevées :

Pourquoi la protection juridique de la tour Eiffel est-elle devenue difficile ?

La protection juridique de la tour Eiffel est devenue difficile en raison de sa forme devenue commune, notamment dans le cadre des produits et services liés aux activités touristiques.

En effet, une société spécialisée dans la commercialisation de spiritueux et de confiseries a vu son modèle tridimensionnel de la tour Eiffel, qui contenait des confiseries en plastique, déclaré nul pour défaut de caractère propre, malgré son aspect nouveau.

Cela signifie que, bien que le modèle soit original, il ne possède pas les caractéristiques distinctives nécessaires pour bénéficier d’une protection juridique.

Qu’est-ce qu’une action en contrefaçon de modèle ?

Une action en contrefaçon de modèle est une procédure judiciaire engagée pour protéger les droits d’un créateur ou d’une entreprise contre l’utilisation non autorisée de son modèle.

Dans le cas mentionné, la société a intenté une action contre un concurrent qui commercialisait des flacons de confiseries similaires dans les boutiques des aéroports de l’Ile de France.

L’affaire a été rejugée après une première cassation, où les juges ont critiqué la définition de l’observateur averti, qui est essentiel pour déterminer si un modèle est protégé.

Comment est défini l’observateur averti dans le contexte des modèles ?

L’observateur averti est défini comme un individu doté d’une vigilance particulière, souvent en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

Dans le cadre de l’affaire, les juges ont estimé que l’observateur averti était le consommateur en quête de souvenirs, ce qui a conduit à la conclusion que le modèle de flacon ne présentait pas de caractère propre.

Cela signifie que, pour l’observateur averti, le modèle ne se distinguait pas suffisamment des autres représentations de la tour Eiffel pour justifier une protection juridique.

Quelles sont les conditions de protection d’un modèle selon le Code de la propriété intellectuelle ?

Selon l’article L511-2 du Code de la propriété intellectuelle, un dessin ou modèle ne peut être protégé que s’il est à la fois nouveau et présente un caractère propre.

Dans l’affaire en question, bien que le modèle tridimensionnel de la tour Eiffel soit considéré comme nouveau, il n’avait pas de caractère propre.

Un modèle présente un caractère propre lorsque l’impression visuelle qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout autre modèle divulgué antérieurement.

Quel a été le résultat de l’affaire pour la société poursuivie ?

La société poursuivie a été empêchée de commercialiser ses produits pendant environ deux ans, ce qui a eu un impact significatif sur ses activités.

En conséquence, les juges ont alloué à la société la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser cette période d’interdiction.

Cela souligne l’importance de la protection des modèles et des dessins, ainsi que les conséquences financières potentielles d’une action en contrefaçon.


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