Forclusion et Validité des Notifications dans les Contrats de Travaux

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Forclusion et Validité des Notifications dans les Contrats de Travaux

L’Essentiel : La SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY pour le paiement de 154 134 euros, contesté par cette dernière pour forclusion. La cour a examiné la validité de la notification du décompte général définitif (DGD) par la SCI, concluant qu’elle ne respectait pas les exigences nécessaires. En conséquence, la SCI ne pouvait pas revendiquer la forclusion des demandes de la SAS BGL. Le juge a rejeté la fin de non-recevoir, réservé les dépens et programmé une audience de mise en état pour le 19 mai 2025, avec des délais pour les conclusions des parties.

Exposé du litige

La SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY devant le tribunal judiciaire de Lyon le 23 décembre 2022, demandant le paiement de 154 134 euros, ainsi que des intérêts et des frais de justice. La SCI DU PASSY a réagi en contestant les demandes de la SAS BGL, arguant de la forclusion de celles-ci. En réponse, la SAS BGL a également formulé des demandes incidentes. L’affaire a été fixée pour une audience d’incident le 21 octobre 2024, avec une mise en délibéré prévue pour le 6 janvier 2025.

Motifs de la décision

La décision se base sur l’article 122 du code de procédure civile, qui définit les fins de non-recevoir. La norme AFNOR NF P03-001, incluse dans le contrat de travaux entre les parties, stipule que l’absence d’observations de l’entrepreneur dans le délai imparti entraîne l’acceptation du décompte général définitif (DGD). La SCI DU PASSY a affirmé avoir notifié un DGD à la SAS BGL, mais la cour a constaté que la notification ne contenait pas les éléments requis pour être considérée comme un DGD valide. Par conséquent, la SCI DU PASSY ne peut pas revendiquer la forclusion des demandes de la SAS BGL.

Dépens et article 700 du code de procédure civile

Les dépens ont été réservés, et il a été décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cet incident.

Conclusion

Le juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY, a réservé les dépens et a renvoyé l’affaire à une audience de mise en état pour le 19 mai 2025, avec des délais précis pour les conclusions des parties.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la forclusion selon l’article 122 du code de procédure civile ?

L’article 122 du code de procédure civile stipule que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Cette disposition énonce que la forclusion est un moyen de défense qui peut être soulevé par une partie pour faire déclarer l’autre partie irrecevable à agir.

La forclusion se produit lorsque les délais pour agir sont dépassés, ce qui empêche la partie de faire valoir ses droits.

Dans le cadre d’un marché de travaux, la forclusion peut également être liée à l’absence de contestation d’un décompte dans le délai contractuellement convenu, ce qui est illustré par la jurisprudence constante.

Il est donc essentiel que les parties respectent les délais stipulés dans leurs contrats pour éviter toute forclusion.

Comment la norme AFNOR NF P03-001 influence-t-elle les obligations des parties dans un marché de travaux ?

L’article 3 du marché de travaux stipule que les parties ont convenu d’inclure la norme AFNOR NF P03-001 dans les pièces contractuelles.

Cette norme régit les obligations des parties, notamment en ce qui concerne la vérification des comptes et l’établissement du décompte général définitif (DGD).

L’article 19.6.2 de la norme précise que l’entrepreneur doit formuler ses observations dans un délai de 30 jours à compter de la notification du DGD, à peine de forclusion.

Ainsi, si l’entrepreneur ne conteste pas le DGD dans ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte, ce qui l’empêche de saisir ultérieurement le tribunal pour contester la reddition des comptes.

Dans le cas présent, la SCI DU PASSY soutient que la SAS BGL a accepté le DGD en ne formulant pas d’observations dans le délai imparti, ce qui soulève la question de la forclusion.

Quels sont les effets d’un DGD devenu définitif sur les demandes de paiement ultérieures ?

Selon l’article 19.6.2 de la norme NF P03-001, le DGD devient définitif si l’entrepreneur ne conteste pas les observations dans le délai de 30 jours.

Dans ce cas, la SCI DU PASSY soutient que le DGD, notifié le 31 octobre 2017, est devenu définitif, ce qui rendrait les demandes de la SAS BGL pour des travaux supplémentaires ultérieures forcloses.

La jurisprudence indique que, lorsque le DGD est accepté, les parties ne peuvent plus revenir sur les éléments qui y sont mentionnés, sauf à démontrer qu’il y a eu des réserves ou des désordres non pris en compte.

Dans cette affaire, la SCI DU PASSY affirme que la demande de la SAS BGL, formulée cinq ans après le DGD, est tardive et ne peut être acceptée.

Cependant, la SAS BGL conteste cette affirmation en soutenant que le DGD notifié ne contenait pas de décompte valide, ce qui pourrait remettre en question la notion de forclusion.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens ».

Cet article permet au juge d’allouer des frais à la partie qui a gagné le procès, en tenant compte des circonstances de l’affaire.

Dans le cadre de cette affaire, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700, ce qui signifie que les frais de justice ne seront pas remboursés à la partie gagnante.

Cette décision peut être motivée par le fait que l’affaire est encore en cours et que les dépens sont réservés, ce qui implique que les frais définitifs seront déterminés à la fin du litige.

Ainsi, l’application de l’article 700 est laissée à l’appréciation du juge, qui peut décider de ne pas allouer de frais si cela est justifié par les circonstances de l’affaire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 23/00005 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XN7B

Notifiée le :

Expédition à :

Maître Valérie VALEUX de la SELARL EIDJ ALISTER – 1044
Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT – 658

ORDONNANCE

Le 06 janvier 2025

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A.S. BGL
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Valérie VALEUX de la SELARL EIDJ ALISTER, avocats au barreau de LYON

ET :

DEFENDERESSE

S.C.I. SCI DU PASSY
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Vu l’acte d’huissier de justice en date du 23 décembre 2022 par lequel la SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
condamner la SCI DU PASSY à verser à la SAS BGL la somme de 154 134 euros outre intérêts de trois fois le taux d’intérêt légal à compter du DGD envoyé le 11 juin 2019 à la SCI DU PASSY et validé par la maîtrise d’œuvre le 13 juin 2019 ; débouter la SCI DU PASSY de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SAS BGL ; condamner la SCI DU PASSY à payer à la SAS BGL la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI DU PASSY aux dépens ;
Vu les dernières conclusions d’incident de la SCI DU PASSY notifiées par RPVA le 17 mai 2023 dans lesquelles elle demande au juge de la mise en état de :
rejeter les demandes présentées par la société BGL comme étant frappées de forclusion ; condamner la société BGL à verser à la SCI DU PASSY la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SAS BGL aux dépens ;
Vu les dernières conclusions d’incident de la SAS BGL notifiées par RPVA le 15 novembre 2023 dans lesquelles elle demande au juge de la mise en état de :
débouter la SCI DU PASSY de l’intégralité de ses demandes incidentes à l’encontre de la SAS BGL ; condamner la SCI DU PASSY à payer à la SAS BGL la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI DU PASSY aux dépens de l’incident ;
L’affaire a été fixée à l’audience d’incident du 21 octobre 2024 et mise en délibéré au 6 janvier 2025.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir

L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». La liste de fins de non-recevoir donnée par cet article est non exhaustive.

L’article 1134, alinéa 1er, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En application de ces dispositions, dans le cadre d’un marché de travaux, les parties peuvent notamment stipuler que la norme AFNOR NF P03-001 sera incluse dans les pièces contractuelles dudit marché et qu’elles y seront donc soumises.

Si les parties à un marché de travaux ont accepté contractuellement de voir cette norme régir ledit marché, il est de jurisprudence constante que, s’agissant de la vérification des comptes et de l’établissement du DGD, l’absence d’observations formulées par l’entrepreneur dans le délai contractuellement convenu vaut acceptation du décompte général définitif et lui interdit de saisir ultérieurement le tribunal d’une contestation relative à la reddition des comptes. Il s’agit d’une forclusion.

En l’espèce, la norme AFNOR NF P03-001 fait partie des pièces contractuelles du marché de travaux passé le 5 février 2016 entre la SCI DU PASSY et la SAS BGL (article 3 du marché). Elles ont contractualisé cette norme qui s’applique dès lors à elles. Cet aspect n’est d’ailleurs pas contesté par les sociétés BGL et DU PASSY.

La SCI DU PASSY, invoquant notamment les articles 19.6.2 et 19.6.3 de la norme NF P03-001, fait valoir qu’elle a notifié à la SAS BGL le DGD par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2017, que la SAS BGL disposait d’un délai de 30 jours à compter du 31 octobre 2017 pour contester ses observations à peine de forclusion, qu’elle ne l’a pas fait, qu’elle est en conséquence réputée avoir accepté le DGD, que ce DGD est donc devenu définitif, et que la demande de la SAS BGL formée 5 ans après ce DGD pour obtenir le paiement de travaux supplémentaires non mentionnés dans ledit DGD sont forcloses.
La SCI DU PASSY soutient également que, le DGD étant intervenu le 31 octobre 2017 et étant devenu définitif, la demande en paiement du prix des travaux, que la SAS BGL forme en se fondant sur le document émis en 2019, soit deux ans après le DGD définitif du 31 octobre 2017, qu’elle présente comme un DGD et contenant les travaux supplémentaires non visés dans le DGD du 31 octobre 2017, est manifestement tardive et forclose.

Cependant, la lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2017 porte seulement sur des aspects de facturation, sur des réserves qui n’auraient pas été levées, sur un désordre qui serait apparu, et sur le litige opposant la SCI DU PASSY à son voisin. Concernant les éléments joints à cette lettre, il s’agit simplement de deux chèques destinés à régler des sommes dues à la SAS BGL au titre des travaux et du compte prorata ainsi qu’une facture en faveur de la SCI DU PASSY au titre d’une refacturation du compte prorata pour le lot de la SAS BGL. Il n’y a aucun décompte ayant émané au préalable du maître d’œuvre (articles 19.6.1 et 19.6.2 de la norme NF P03-001) qui est joint à ce courrier.

En conséquence, il ne saurait être retenu que la SCI DU PASSY a, par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2017 et les pièces qu’elle y a jointes, notifié un DGD à la SAS BGL.

La SCI DU PASSY ne démontre par ailleurs pas que, depuis ce prétendu DGD, elle en a transmis un à la SAS BGL conformément à l’article 19.6.2 de la norme NF P03-001.

Dès lors, la SCI DU PASSY ne peut se prévaloir d’une quelconque forclusion des demandes de la SAS au titre du paiement du coût des travaux.

Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des parties, la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY ne pourra qu’être rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront réservés.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident.

PAR CES MOTIFS

Nous, Juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

REJETONS la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY ;

RESERVONS les dépens ;

DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 19 mai 2025 pour conclusions au fond de Maître Philippe NUGUE, étant rappelé que les messages et conclusions notifiées par RPVA devront l’être au plus tard le 14 mai 2025 à minuit, et ce à peine de rejet.

LA GREFFIERE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
J.BOSCO BUFFART F. LE CLEC’H


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