L’Essentiel : La société Groupe Joker a déposé la marque « Joker » pour des services de transport. Par la suite, Ford a enregistré les marques « Véhicule Joker » et « Service Joker ». Joker a obtenu gain de cause contre Ford pour contrefaçon. La Cour d’appel a rejeté l’argument de forclusion par tolérance, estimant que le délai entre la lettre de Joker et l’assignation n’était pas significatif. La Cour de cassation a précisé que la tolérance s’évalue selon le temps écoulé entre la connaissance de l’usage de la marque seconde et l’acte interruptif de prescription, sans nécessiter une acceptation tacite de l’usage.
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La société Groupe Joker a déposé la marque « Joker » pour désigner notamment, des produits et services de transport de personnes et de réservation de places. Postérieurement à ce dépôt, la société Ford a enregistré les marques « Véhicule Joker » et « Service Joker » pour désigner les mêmes services. La société Joker a obtenu avec succès la condamnation de la société Ford pour contrefaçon. La Cour d’appel a écarté l’argument de la société Ford selon lequel il y avait forclusion par tolérance (1). Les juges d’appel ont considéré que le laps de temps écoulé entre l’envoi de la lettre de la société Joker par laquelle elle manifestait son souhait de ne pas tolérer l’existence de marques qu’elle estimait contrefaisantes et la date d’assignation, n’était pas significatif pour fonder une forclusion par tolérance. La Cour de cassation a censuré cette décision par un attendu limpide. Le délai de tolérance s’apprécie au regard du temps écoulé entre la date à laquelle le titulaire de la marque première acquiert la connaissance de l’usage de la marque seconde, et celle de la délivrance par ses soins d’un acte interruptif de prescription. En outre, la tolérance de la marque seconde par le titulaire de la marque première ne nécessite pas une acceptation tacite d’usage, il suffit que le titulaire de la marque se soit abstenu, en connaissance de cause, de s’y opposer. (1) La forclusion par tolérance prive le titulaire de la marque d’agir en contrefaçon ou en nullité d’une marque déposée par un tiers de bonne foi, dès lors qu’il a toléré l’usage de la marque pendant cinq ans. Cour de cassation, ch. com., 31 mai 2005 Mots clés : usage de marques par des tiers,marques,contrefaçon,catalogue,référence,salons professionnels Thème : Usage licite de marque par un tiers A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour de cassation, ch. com | Date : 31 mai 2005 | Pays : France |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que la forclusion par tolérance ?La forclusion par tolérance est un concept juridique qui se produit lorsque le titulaire d’une marque tolère l’usage d’une marque similaire par un tiers pendant une période prolongée, généralement de cinq ans. Cette tolérance peut être interprétée comme une acceptation implicite de l’usage de la marque par le tiers, ce qui peut priver le titulaire de son droit d’agir en contrefaçon. Il est essentiel de comprendre que cette notion vise à protéger les tiers qui ont agi de bonne foi et qui ont pu croire que leur usage était acceptable en raison de l’inaction du titulaire de la marque. Quel est le critère pour établir la tolérance ?Le critère pour établir la tolérance repose sur le temps écoulé entre la connaissance de l’usage de la marque seconde par le titulaire de la marque première et l’acte interruptif de prescription qu’il émet. Cela signifie que si le titulaire de la marque prend connaissance de l’usage d’une marque similaire, il doit agir rapidement pour protéger ses droits. Si un délai significatif s’écoule sans action de sa part, cela peut être interprété comme une tolérance, ce qui pourrait le priver de son droit d’agir en justice. La tolérance implique-t-elle une acceptation tacite ?Non, la tolérance ne nécessite pas une acceptation tacite. En effet, il suffit que le titulaire de la marque se soit abstenu de s’opposer à l’usage de la marque seconde tout en ayant connaissance de celui-ci. Cela signifie que même si le titulaire n’a pas explicitement accepté l’usage, son inaction peut être interprétée comme une forme de tolérance. Cette distinction est cruciale dans le cadre des litiges en matière de marques, car elle souligne l’importance de la vigilance et de la réactivité des titulaires de marques face à l’usage non autorisé de leurs marques. Pourquoi est-il important pour les entreprises d’être vigilantes concernant l’usage de leurs marques ?La vigilance est essentielle pour les entreprises car elle leur permet de protéger efficacement leurs droits de propriété intellectuelle. En surveillant activement l’usage de leurs marques, les entreprises peuvent détecter rapidement toute utilisation non autorisée et agir en conséquence pour faire valoir leurs droits. Cela inclut l’envoi de lettres de mise en demeure ou l’introduction d’actions en justice pour contrefaçon, ce qui peut dissuader d’autres tiers d’utiliser des marques similaires. De plus, une réaction rapide peut éviter que la tolérance ne soit interprétée comme une acceptation, préservant ainsi les droits de la marque. Quelles leçons peut-on tirer de l’affaire entre le Groupe Joker et Ford ?L’affaire entre le Groupe Joker et Ford illustre les complexités du droit des marques et l’importance de la vigilance pour les titulaires de marques. Elle rappelle que la connaissance et l’absence d’opposition sont des éléments clés dans l’évaluation de la tolérance. Les entreprises doivent donc être attentives à l’usage de leurs marques pour protéger leurs droits efficacement. En fin de compte, cette affaire souligne la nécessité d’une stratégie proactive en matière de gestion des marques pour éviter des litiges coûteux et préserver la valeur de la marque. |
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