L’Essentiel : La SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY pour le paiement de 154 134 euros, contesté par cette dernière pour forclusion. En réponse, la SAS BGL a formulé des demandes incidentes. L’affaire a été fixée pour une audience d’incident le 21 octobre 2024. La décision s’appuie sur l’article 122 du code de procédure civile et la norme AFNOR NF P03-001, stipulant que l’absence d’observations de l’entrepreneur entraîne l’acceptation du décompte. La cour a jugé que la notification du DGD par la SCI n’était pas conforme, rejetant ainsi la forclusion. L’affaire est renvoyée à une audience de mise en état.
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Exposé du LitigeLa SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY devant le tribunal judiciaire de Lyon le 23 décembre 2022, demandant le paiement de 154 134 euros, ainsi que des intérêts et des frais de justice. La SCI DU PASSY a réagi en contestant les demandes de la SAS BGL, arguant de la forclusion de ces dernières. En réponse, la SAS BGL a également formulé des demandes incidentes, incluant des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été fixée pour une audience d’incident le 21 octobre 2024, avec une mise en délibéré prévue pour le 6 janvier 2025. Motifs de la DécisionLa décision se base sur l’article 122 du code de procédure civile, qui définit les fins de non-recevoir. La norme AFNOR NF P03-001, intégrée dans le contrat de travaux entre les parties, stipule que l’absence d’observations de l’entrepreneur dans le délai imparti entraîne une acceptation du décompte général définitif (DGD). La SCI DU PASSY a affirmé avoir notifié un DGD à la SAS BGL le 31 octobre 2017, mais la cour a constaté que cette notification ne contenait pas de décompte conforme aux exigences de la norme. Par conséquent, la SCI DU PASSY ne peut revendiquer la forclusion des demandes de la SAS BGL. Conclusion de la DécisionLe juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY, réservant les dépens et n’appliquant pas l’article 700 du code de procédure civile dans ce cadre. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état pour le 19 mai 2025, avec des délais stricts pour la notification des conclusions. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la forclusion selon l’article 122 du code de procédure civile ?L’article 122 du code de procédure civile stipule que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Cette disposition énonce que la forclusion est un moyen de défense qui empêche une partie de faire valoir ses droits en raison du non-respect d’un délai imparti pour agir. Il est important de noter que la liste des fins de non-recevoir mentionnée dans cet article est non exhaustive. Cela signifie que d’autres motifs de forclusion peuvent exister en fonction des circonstances du litige et des conventions entre les parties. Dans le cadre d’un marché de travaux, la forclusion peut également découler de l’acceptation tacite d’un décompte général définitif (DGD) si aucune contestation n’est formulée dans le délai contractuellement convenu. Ainsi, la jurisprudence a établi que l’absence d’observations de l’entrepreneur dans le délai imparti vaut acceptation du DGD, ce qui interdit toute contestation ultérieure. Comment la norme AFNOR NF P03-001 influence-t-elle les obligations des parties dans un marché de travaux ?L’article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa version applicable, dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cela signifie que les parties à un contrat sont tenues de respecter les engagements qu’elles ont pris, y compris les normes qui ont été intégrées dans le contrat. Dans le cas présent, la norme AFNOR NF P03-001 a été intégrée comme pièce contractuelle dans le marché de travaux entre la SCI DU PASSY et la SAS BGL. Cette norme impose des règles spécifiques concernant la vérification des comptes et l’établissement du DGD. En vertu des articles 19.6.1 et 19.6.2 de cette norme, l’entrepreneur doit formuler ses observations dans un délai déterminé, faute de quoi il est réputé avoir accepté le DGD. Ainsi, si la SCI DU PASSY a notifié un DGD conformément à cette norme et que la SAS BGL n’a pas contesté dans le délai imparti, la demande de la SAS BGL pour des travaux supplémentaires non mentionnés dans le DGD est susceptible d’être déclarée forclose. Quelles sont les conséquences de l’absence de notification d’un DGD conforme ?La jurisprudence constante indique que l’absence de notification d’un DGD conforme, c’est-à-dire sans les observations requises et sans le décompte émanant du maître d’œuvre, empêche la partie de revendiquer des paiements ultérieurs. Dans le cas présent, la SCI DU PASSY a soutenu que la lettre recommandée du 31 octobre 2017 constituait un DGD. Cependant, cette lettre ne contenait pas les éléments requis par la norme NF P03-001, notamment le décompte du maître d’œuvre. En conséquence, la SCI DU PASSY ne peut pas se prévaloir d’une forclusion des demandes de la SAS BGL, car elle n’a pas respecté les exigences de notification d’un DGD conforme. Cela souligne l’importance de suivre les procédures contractuelles établies pour éviter des litiges ultérieurs concernant le paiement des travaux. Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de ce litige ?L’article 700 du code de procédure civile prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ». Cet article permet au juge d’allouer des frais à la partie gagnante, mais son application est laissée à l’appréciation du juge. Dans le cadre de cette affaire, le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700 dans le cadre de l’incident, ce qui signifie que les frais de justice ne seront pas remboursés à la partie gagnante. Cette décision peut être motivée par le fait que les parties ont été considérées comme ayant des arguments valables, ou que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une telle allocation. Il est essentiel pour les parties de bien préparer leurs arguments et de justifier leurs demandes pour maximiser leurs chances d’obtenir une allocation de frais en vertu de cet article. |
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 J
N° RG 23/00005 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XN7B
Notifiée le :
Expédition à :
Maître Valérie VALEUX de la SELARL EIDJ ALISTER – 1044
Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT – 658
ORDONNANCE
Le 06 janvier 2025
ENTRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. BGL
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Valérie VALEUX de la SELARL EIDJ ALISTER, avocats au barreau de LYON
ET :
DEFENDERESSE
S.C.I. SCI DU PASSY
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocats au barreau de LYON
Vu l’acte d’huissier de justice en date du 23 décembre 2022 par lequel la SAS BGL a assigné la SCI DU PASSY devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
condamner la SCI DU PASSY à verser à la SAS BGL la somme de 154 134 euros outre intérêts de trois fois le taux d’intérêt légal à compter du DGD envoyé le 11 juin 2019 à la SCI DU PASSY et validé par la maîtrise d’œuvre le 13 juin 2019 ; débouter la SCI DU PASSY de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la SAS BGL ; condamner la SCI DU PASSY à payer à la SAS BGL la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI DU PASSY aux dépens ;
Vu les dernières conclusions d’incident de la SCI DU PASSY notifiées par RPVA le 17 mai 2023 dans lesquelles elle demande au juge de la mise en état de :
rejeter les demandes présentées par la société BGL comme étant frappées de forclusion ; condamner la société BGL à verser à la SCI DU PASSY la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SAS BGL aux dépens ;
Vu les dernières conclusions d’incident de la SAS BGL notifiées par RPVA le 15 novembre 2023 dans lesquelles elle demande au juge de la mise en état de :
débouter la SCI DU PASSY de l’intégralité de ses demandes incidentes à l’encontre de la SAS BGL ; condamner la SCI DU PASSY à payer à la SAS BGL la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI DU PASSY aux dépens de l’incident ;
L’affaire a été fixée à l’audience d’incident du 21 octobre 2024 et mise en délibéré au 6 janvier 2025.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la fin de non-recevoir
L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». La liste de fins de non-recevoir donnée par cet article est non exhaustive.
L’article 1134, alinéa 1er, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
En application de ces dispositions, dans le cadre d’un marché de travaux, les parties peuvent notamment stipuler que la norme AFNOR NF P03-001 sera incluse dans les pièces contractuelles dudit marché et qu’elles y seront donc soumises.
Si les parties à un marché de travaux ont accepté contractuellement de voir cette norme régir ledit marché, il est de jurisprudence constante que, s’agissant de la vérification des comptes et de l’établissement du DGD, l’absence d’observations formulées par l’entrepreneur dans le délai contractuellement convenu vaut acceptation du décompte général définitif et lui interdit de saisir ultérieurement le tribunal d’une contestation relative à la reddition des comptes. Il s’agit d’une forclusion.
En l’espèce, la norme AFNOR NF P03-001 fait partie des pièces contractuelles du marché de travaux passé le 5 février 2016 entre la SCI DU PASSY et la SAS BGL (article 3 du marché). Elles ont contractualisé cette norme qui s’applique dès lors à elles. Cet aspect n’est d’ailleurs pas contesté par les sociétés BGL et DU PASSY.
La SCI DU PASSY, invoquant notamment les articles 19.6.2 et 19.6.3 de la norme NF P03-001, fait valoir qu’elle a notifié à la SAS BGL le DGD par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2017, que la SAS BGL disposait d’un délai de 30 jours à compter du 31 octobre 2017 pour contester ses observations à peine de forclusion, qu’elle ne l’a pas fait, qu’elle est en conséquence réputée avoir accepté le DGD, que ce DGD est donc devenu définitif, et que la demande de la SAS BGL formée 5 ans après ce DGD pour obtenir le paiement de travaux supplémentaires non mentionnés dans ledit DGD sont forcloses.
La SCI DU PASSY soutient également que, le DGD étant intervenu le 31 octobre 2017 et étant devenu définitif, la demande en paiement du prix des travaux, que la SAS BGL forme en se fondant sur le document émis en 2019, soit deux ans après le DGD définitif du 31 octobre 2017, qu’elle présente comme un DGD et contenant les travaux supplémentaires non visés dans le DGD du 31 octobre 2017, est manifestement tardive et forclose.
Cependant, la lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2017 porte seulement sur des aspects de facturation, sur des réserves qui n’auraient pas été levées, sur un désordre qui serait apparu, et sur le litige opposant la SCI DU PASSY à son voisin. Concernant les éléments joints à cette lettre, il s’agit simplement de deux chèques destinés à régler des sommes dues à la SAS BGL au titre des travaux et du compte prorata ainsi qu’une facture en faveur de la SCI DU PASSY au titre d’une refacturation du compte prorata pour le lot de la SAS BGL. Il n’y a aucun décompte ayant émané au préalable du maître d’œuvre (articles 19.6.1 et 19.6.2 de la norme NF P03-001) qui est joint à ce courrier.
En conséquence, il ne saurait être retenu que la SCI DU PASSY a, par sa lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2017 et les pièces qu’elle y a jointes, notifié un DGD à la SAS BGL.
La SCI DU PASSY ne démontre par ailleurs pas que, depuis ce prétendu DGD, elle en a transmis un à la SAS BGL conformément à l’article 19.6.2 de la norme NF P03-001.
Dès lors, la SCI DU PASSY ne peut se prévaloir d’une quelconque forclusion des demandes de la SAS au titre du paiement du coût des travaux.
Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des parties, la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY ne pourra qu’être rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens seront réservés.
Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident.
Nous, Juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
REJETONS la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU PASSY ;
RESERVONS les dépens ;
DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident ;
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 19 mai 2025 pour conclusions au fond de Maître Philippe NUGUE, étant rappelé que les messages et conclusions notifiées par RPVA devront l’être au plus tard le 14 mai 2025 à minuit, et ce à peine de rejet.
LA GREFFIERE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
J.BOSCO BUFFART F. LE CLEC’H
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