L’Essentiel : Le 3 décembre 2009, IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a signé un bail avec EYES GROUP pour un local commercial de 197 m², d’une durée de dix ans et d’un loyer initial de 240 000 euros. En 2020, EYES [Localité 9] a demandé le renouvellement du bail avec un loyer proposé de 149 700 euros. Suite à un litige, le tribunal a été saisi pour fixer le loyer, avec IMFRA proposant 320 000 euros. Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer la valeur locative, en se basant sur les loyers du centre commercial.
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Contexte du BailLe 3 décembre 2009, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a conclu un contrat de bail avec la société EYES GROUP pour un local commercial de 197 m², situé au premier étage d’un centre commercial. Le bail, d’une durée de dix ans, a été établi pour une activité liée à l’optique et à la lunetterie, avec un loyer annuel initial de 240 000 euros, auquel s’ajoutait un loyer variable de 7,1% du chiffre d’affaires. Modification du BailLe 19 juillet 2012, un avenant a été signé pour substituer la société EYES GROUP par la société EYES [Localité 9]. En 2023, le loyer annuel de base a été révisé à 289 895 euros hors taxes et hors charges. Demande de RenouvellementLe 18 mai 2020, la société EYES [Localité 9] a demandé le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2020, proposant un loyer annuel de 149 700 euros. Cette demande a été suivie d’un mémoire en fixation des loyers le 29 mars 2022, confirmant la même somme. Litige JudiciaireLe 12 avril 2022, la société EYES [Localité 9] a assigné IMFRA IMMOBILIERE FRANCE devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé. Le 14 décembre 2023, la société EYES [Localité 9] a été placée sous redressement judiciaire, avec la désignation d’administrateurs judiciaires. Demandes des PartiesLe 29 juillet 2024, la société EYES [Localité 9] et ses administrateurs ont demandé au juge de déclarer la société recevable et de fixer le loyer à 149 700 euros, tout en sollicitant une expertise si nécessaire. En réponse, le 22 septembre 2023, IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a contesté la recevabilité des demandes et a proposé un loyer de 320 000 euros. Arguments JuridiquesIMFRA IMMOBILIERE FRANCE a soutenu que la société EYES [Localité 9] n’avait pas respecté la clause de médiation prévue dans le bail, tandis que la société EYES a affirmé que cette clause ne s’appliquait pas à la fixation du loyer. Le tribunal a jugé que la société EYES était recevable en ses demandes. Fixation du LoyerLa société EYES [Localité 9] a demandé la fixation du loyer à 149 700 euros, tandis qu’IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a proposé 320 000 euros, se basant sur la valeur locative de marché. Le tribunal a décidé de recourir à une expertise judiciaire pour déterminer le loyer approprié, en se basant sur les loyers pratiqués dans le centre commercial. Décision du TribunalLe tribunal a ordonné une expertise pour évaluer la valeur locative du local, en précisant que les références devaient être limitées aux loyers du centre commercial. La société EYES [Localité 9] a été tenue de consigner une provision de 3 000 euros pour couvrir les frais de l’expertise. Le tribunal a également fixé une audience pour vérifier le versement de cette consignation. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité des demandes de la société EYES [Localité 9] ?La société EYES [Localité 9] a été déclarée recevable en ses demandes par le juge des loyers commerciaux. Cette décision repose sur l’interprétation des articles 122 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil. L’article 122 du Code de procédure civile stipule que : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » En l’espèce, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a soutenu que la société EYES [Localité 9] n’avait pas mis en œuvre la médiation prévue contractuellement, ce qui aurait pu justifier une irrecevabilité. Cependant, le juge a constaté que la clause de médiation ne s’appliquait pas à la fixation du loyer, comme le précise l’article 27.2.1 du bail. L’article 1134 du Code civil, dans sa version applicable, énonce que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Ainsi, le juge a conclu que les parties n’avaient pas entendu soumettre la fixation du loyer à l’obligation de médiation préalable, et a donc débouté la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE de sa fin de non-recevoir. Comment le montant du loyer du bail renouvelé est-il déterminé ?La détermination du montant du loyer du bail renouvelé est régie par les articles L. 145-33 et R. 145-2 à R. 145-8 du Code de commerce, ainsi que par les stipulations contractuelles des parties. L’article L. 145-33 du Code de commerce précise que : « La valeur locative doit être fixée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. » Dans le cas présent, l’article 27.2.1 du bail stipule que : « En cas de renouvellement éventuel du présent bail et à défaut d’accord des Parties sur le montant du loyer de base du bail renouvelé, ledit loyer sera fixé judiciairement (…) à la valeur locative de marché. » L’article 27.2.2 précise que : « Pour la détermination de la valeur locative de marché, les Parties entendent se soumettre aux dispositions expresses suivantes : la valeur locative sera déterminée par référence au prix pratiqués pour les autres locaux du Centre Commercial. » Le juge a constaté qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour statuer sur le montant de la valeur locative, ce qui a conduit à ordonner une expertise judiciaire. Cette expertise devra se baser sur les loyers pratiqués au sein du centre commercial, conformément aux stipulations contractuelles. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité des demandes de la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE ?La société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a été déboutée de sa fin de non-recevoir, ce qui signifie que ses demandes n’ont pas été acceptées par le juge. Cela a des conséquences sur la procédure en cours. L’article 455 du Code de procédure civile stipule que : « Le jugement doit être motivé. Il doit répondre à toutes les demandes des parties. » En conséquence, le juge a déclaré la société EYES [Localité 9] recevable en ses demandes, ce qui lui permet de poursuivre la fixation du loyer du bail renouvelé. La société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE ne pourra pas contester cette décision sans avoir à justifier d’un motif valable, ce qui pourrait compliquer sa position dans le litige. De plus, la décision du juge d’ordonner une expertise judiciaire pour déterminer le montant du loyer de renouvellement a des implications financières pour la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE, qui devra potentiellement faire face à un loyer inférieur à celui qu’elle avait initialement fixé. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
Greffe des loyers commerciaux
Affaire N° RG 22/00036 – N° Portalis DB3S-W-B7G-W3AO
Chambre 5/Section 4 – LC
Minute n° 24/01495
S.A.R.L. EYES [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Stéphane DAYAN de la SELAS SELAS ARKARA AVOCATS SDPE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0418
C/
S.A.S. IMFRA IMMOBILIERE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SAS CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C0260
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Madame Aliénor CORON, Juge, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R145-23 et suivants du code de commerce, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 17 septembre 2024
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Aliénor CORON, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Zahra AIT, greffier.
Par acte sous seing privé en date du 3 décembre 2009, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a donné à bail à la société EYES GROUP un local n°238 d’une superficie de 197 m² situé au premier étage du centre commercial [Adresse 10] sis [Adresse 7] à [Localité 9]. Le contrat de bail a été consenti pour une durée de dix années entières et consécutives à compter de la date de livraison au preneur, soit le 1er avril 2010 pour se terminer le 31 mars 2020.
La destination est la suivante : « Optique, Lunetterie et tous articles de précision, lunettes de soleil et tous accessoires s’y rapportant, Audio prothèse. ».
Le loyer annuel a été fixé à la somme de 240 000 euros hors taxes en sus d’un loyer variable additionnel correspondant à 7,1% du chiffre d’affaires hors taxes.
Par courrier en date du 19 juillet 2012 valant avenant au contrat de bail, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE a accepté la substitution de la société EYES GROUP par la société EYES [Localité 9].
Le loyer annuel de base s’élève en 2023 à la somme de 289 895 euros hors taxes et hors charges.
Suivant exploit d’huissier en date du 18 mai 2020, la société EYES [Localité 9] a sollicité le renouvellement du bail au 1er avril 2020, moyennant un loyer annuel en principal de 149 700 euros.
Au terme d’un mémoire en fixation des loyers signifié le 29 mars 2022, la société EYES [Localité 9] a sollicité la fixation du loyer à la somme de 149 700 euros hors taxes et hors charges en principal.
Par exploit du 12 avril 2022, la société EYES [Localité 9] a assigné la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à 149 700 euros hors taxes et hors charges.
Par jugement du 14 décembre 2023 du tribunal de commerce de Paris, la société EYES [Localité 9] a été placée sous redressement judiciaire. La SCP d’ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ABITBOL & ROUSSELET a été désignée aux termes du même jugement en qualité d’administrateur judiciaire, et la SELARL ASTEREN en qualité de mandataire judiciaire.
Au terme de leur mémoire signifié à la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juillet 2024, la société EYES [Localité 9], la SELARL ASTEREN et la SCP d’ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ABITBOL & ROUSSELET ès qualités sollicitent du juge des loyers commerciaux de :
-DÉCLARER la société EYES [Localité 9] recevable en ses demandes
– FIXER le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2020, à la somme annuelle hors taxes de 149 700 euros, toutes les autres charges, clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées
Subsidiairement,
-DESIGNER tel expert qu’il plaira au Tribunal, et lui donner, notamment, mission d’entendre les parties en leurs explications, visiter les lieux, se faire remettre tous documents, entendre tous sachants, et, plus généralement, effectuer toutes investigations utiles pour fournir au Tribunal tous éléments lui permettant de fixer en connaissance de cause le montant du loyer de renouvellement correspondant aux locaux en cause, à la date du 1er avril 2020 ;
-Dans ce cas, fixer le loyer provisionnel à la somme annuelle hors taxes de 149 700 euros à compter du 1er avril 2020 ;
En tout état de cause :
-DEBOUTER la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE de l’ensemble de ses demandes ;
-CONDAMNER la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE à payer à la société EYES [Localité 9] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
-ORDONNER l’exécution provisoire de la décision.
Au terme de son mémoire notifié par lettre recommandée avec avis de réception le 22 septembre 2023, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE sollicite du juge des loyers commerciaux de :
In limine litis,
-JUGER les demandes de la societe EYES [Localité 9] irrecevables ;
Subsidiairement,
-FIXER le loyer de base du bail renouvelé au 1er avril 2020 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 320 000 euros, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
-CONDAMNER la société EYES [Localité 9] au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés à compter du présent mémoire, qui seront eux-mêmes capitalisés par application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil, pour ceux correspondant à des loyers dus pendant au moins un an ;
-JUGER que le dépôt de garantie devra être ajusté en conséquence, qui devra toujours être égal à trois mois de loyer de base hors taxes ;
Très Subsidiairement,
-DESIGNER tel expert qu’il plaira au Juge de nommer, avec mission de déterminer la valeur locative de marché des locaux loués au 1er avril 2020, définie par les stipulations contractuelles, savoir par référence aux autres locaux commerciaux du Centre Commercial « [Adresse 10] », qui constitue un marché autonome de référence des valeurs locatives et en prenant en considération :
-Les loyers en capital constitués des droits d’entrée et des prix de cession de droit au bail,
-Les loyers correspondant à des prix librement débattus entre bailleur et locataire, soit lors de la prise a bail des nouveaux locaux, soit a l’occasion de modi?cations locatives, soit encore à l’occasion de renouvellements amiables de baux,
-Les loyers convenus contractuellement dans les trois années précédant la date de renouvellement de bail, outre ceux de l’année en cours,
-Les locaux présentant des caractéristiques comparables au local loué, savoir avec une surface équivalente et pour un même secteur d’activité,
-Et sans procéder à aucune pondération des surfaces, sauf pour les mezzanines et les réserves qui ne seraient pas attenantes au local principal, objet du bail.
-FIXER le loyer provisionnel de base pour la durée de l’instance à la somme annuelle en principal égale à la valeur locative du local, conformément aux stipulations des articles 27.2.1 et 27.2.2 du bail, soit 320 000 euros hors taxes hors charges, très subsidiairement au loyer courant majoré de 10 %, dans l’hypothèse ou une mesure d’instruction serait ordonnée ;
En toute hypothèse,
-DIRE que la décision à intervenir constituera un titre exécutoire conforme aux dispositions des articles 2 et 4 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
-RAPPELER le caractère exécutoire de plein droit de la décision à intervenir ;
-CONDAMNER la société EYES [Localité 9] au paiement d’une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux mémoires des parties pour un complet exposé des moyens.
Il n’y a pas lieu de répondre aux demandes de “donner acte”, qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 768 du code de procédure civile, faute d’être susceptibles de produire un effet juridique.
Sur la fin de non-recevoir
Se fondant sur l’article 26.3 du bail et sur l’article 122 du code de procédure civile, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE fait valoir que la société EYES [Localité 9] n’a pas mis en œuvre la médiation prévue contractuellement, et est donc irrecevable en ses demandes.
Se fondant sur l’article 27.2.1 du bail, la société EYES [Localité 9] soutient que cette clause ne trouve pas à s’appliquer puisque ne concernant que certaines contestations du contrat, inexistantes en l’espèce puisque la bailleresse n’a jamais répondu à se demande de fixation du loyer à la somme de 149 700 euros, mais en tout état de cause non prévues par l’article 26.3 qui ne vise pas la fixation du loyer.
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l’article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En l’espèce, l’article 26.3 des conditions générales du bail, intitulé « Médiation », stipule que :
« Hors les différends portant sur la mise en jeu de la clause résolutoire et notamment le recouvrement des loyers, charges et accessoires du bail, lesquels resteront soumis dès le constat de l’infraction aux dispositions susvisées aux articles 26.1 et 26.2, les Parties entendent recourir, préalablement a toute instance judiciaire, a la médiation pour toutes les contestations qui viendraient à se produire à propos de la validité, l’interprétation,l’exécution ou l’inexécution, l’interruption ou la résiliation du présent bail et ce dans les conditions décrites ci-après ».
L’article 26.3.2. précise les conditions de mise en œuvre de cette clause.
L’article 27.2. des conditions particulières, intitulé « Loyer du bail renouvelé » stipule en son article 27.2.1. que :
« De convention expresse entre les Parties, il est stipulé que, en cas de renouvellement éventuel du présent bail et à défaut d’accord des Parties sur le montant du loyer de base du bail renouvelé, ledit loyer sera fixé judiciairement (…) à la valeur locative de marché ».
Il se déduit de la lecture combinée de ces stipulations que les parties n’ont pas entendu soumettre la fixation du loyer à l’obligation de médiation préalable qu’elles avaient prévue pour les autres contestations du bail, étant rappelé que les conditions particulières priment sur les conditions générales.
Par conséquent, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE sera déboutée de sa fin de non-recevoir et la société EYES [Localité 9] sera jugée recevable en ses demandes.
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Se fondant sur un rapport d’expertise amiable réalisé le 21 juillet 2020, la société EYES [Localité 9] sollicite la fixation du loyer de base à la somme de 149 700 euros hors taxes et hors charges par an.
Se fondant sur l’article 27.2 du bail, la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE sollicite la fixation du loyer de base à la valeur locative de marché telle que définie contractuellement, et qu’elle évalue à la somme annuelle de 320 000 euros hors taxes et hors charges.
Selon l’article L 145-33 du code de commerce, la valeur locative doit être fixée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
En l’espèce, l’article 27.2.1 du bail tel que modifié par son annexe stipule qu’en cas de renouvellement du bail, le loyer « sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur et à la valeur locative de marché telle que définie ci-après à l’article 27.2.2. ».
L’article 27.2.2. prévoit que « Pour la détermination de la valeur locative de marché, les Parties entendent se soumettre aux dispositions expresses suivantes :
– La valeur locative sera déterminée par référence au prix pratiqués pour les autres locaux du Centre Commercial, lequel constitue un marché autonome de références de valeurs locatives et ce, de préférence en référence à des surfaces équivalentes à celles du local, objet du bail, et dans le même secteur d’activité sauf à les corriger si des références venaient à manquer, par des références d’autres surfaces et/ou secteurs.
-La valeur locative de marché sera, dans tous les cas, déterminée en prenant pour éléments de référence exclusivement les loyers de l’Ensemble Immobilier, c’est-à-dire les prix librement débattus entre bailleur et locataire, soit lors de la prise à bail des nouveaux locaux, soit à l’occasion de modifications locatives, soit encore à l’occasion de renouvellements amiables de baux.
-Les loyers en capital constitués des droits d’entrée et des prix de cession de droit au bail devront être, en sus, pris en compte pour la détermination de la valeur locative.
Lesdits loyers périodiques augmentés des loyers en capital seront ceux consentis contractuellement, au titre des trois années précédant la date d’effet du renouvellement du bail, outre ceux de l’année en cours.
Il est expressément convenu entre les Parties que les prix unitaires des locaux seront retenus pour leur surface contractuelle, sans qu’aucune pondération ne soit effectuée sauf pour les mezzanines et les réserves qui ne seraient pas attenantes au local principal, objet du bail.
La détermination de cette valeur s’imposera à tout arbitre et à toute instance judiciaire devant rendre un avis sur le loyer du bail renouvelé et ce, de convention expresse entre les Parties.
Cet article constitue une condition déterminante du présent bail sans laquelle le Bailleur n’aurait pas contracté, ce qui est expressément accepté par le Preneur. »
Il est rappelé que la notion de « valeur locative de marché » n’a pas de définition juridique. Il se déduit de la clause précédemment citée que les parties ont entendu limiter les références choisies dans le cours de l’expertise aux loyers pratiqués au sein du centre commercial dans les trois années précédant le renouvellement, hors fixations judiciaires, et sans pondération des surfaces.
Le juge ne disposant pas d’éléments suffisants pour statuer sur le montant de la valeur locative telle que définie au bail, celle-ci étant l’objet de divergences entre les parties, il convient de recourir à une mesure d’expertise judiciaire afin de rechercher les éléments permettant de déterminer le loyer de renouvellement à la date du 1er avril 2020, et ce aux frais avancés de la société EYES [Localité 9] qui a pris l’initiative de solliciter une réduction significative du montant du loyer à l’occasion du renouvellement.
En application du bail, les références retenues dans le cadre de l’expertise devront être sélectionnées uniquement au sein du centre commercial.
L’article 27.2.1 de l’annexe au contrat de bail stipule que si le juge des loyers commerciaux saisi en la matière devait ordonner une expertise, il devrait à titre provisionnel fixer le loyer de base du bail renouvelé en référence à la valeur locative telle que définie par le bail et ce, sur production des éléments de comparaison correspondants du bailleur.
En l’espèce, et conformément aux développements précédents, le juge des loyers commerciaux ne dispose pas d’éléments suffisants pour déterminer la valeur locative contractuellement prévue et, partant, fixer le loyer provisionnel à un montant autre que celui résultant du bail échu.
Par conséquent, le montant du loyer provisionnel sera fixé, pendant la durée de l’instance, au loyer résultant du bail échu et indexé conformément aux stipulations contractuelles.
Les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens seront réservées.
Le juge des loyers commerciaux,
-Déboute la société IMFRA IMMOBILIERE FRANCE de sa fin de non-recevoir,
-Déclare la société EYES [Localité 9] recevable en ses demandes,
-Dit que le montant du loyer de base du bail renouvelé doit être fixé conformément aux dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-2 à R. 145-8 du code de commerce ainsi qu’aux stipulations contractuelles liant les parties, visées à l’article 27 des conditions générales et de l’annexe au contrat de bail,
Avant dire droit, sur la fixation judiciaire du montant du loyer de base du bail renouvelé à la valeur locative de marché,
-Ordonne une expertise et commet pour y procéder :
[M] [Y]
[Adresse 3]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 8]
Avec pour mission de :
– visiter les lieux loués situés au sein du centre commercial « [Adresse 10] » à [Localité 9] (93),
– décrire les locaux et l’activité qui y est exercée,
– se faire remettre par les parties l’ensemble des documents nécessaires,
– procéder à l’examen des faits qu’allèguent les parties,
– fournir au juge tous éléments susceptibles de lui permettre de déterminer la valeur locative au 1er avril 2020, suivant les critères ci-dessous en tant qu’ils paraîtront pertinents, et par référence aux loyers pratiqués au sein du centre commercial :
i) les caractéristiques propres du local et notamment la surface dont le calcul sera détaillé;
ii) l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité voire, en tant que de besoin, la nature et l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire;
iii) la destination et/ou les modalités de jouissance des lieux prévus au bail;
iv) les obligations respectives des parties s’agissant notamment des obligations et restrictions imposées au bailleur et/ou au preneur, les améliorations apportées dont l’auteur, l’époque et le coût seront précisés;
v) les facteurs locaux de commercialité et notamment : la position du local au sein du centre
– Préciser les prix couramment pratiqués au sein du centre commercial ;
– Donner son avis motivé sur le montant du loyer applicable à compter du 1er avril 2020 selon les critères énoncés aux articles L. 145-33 et R 145-2 à R 145-5 et R145-8 du code de commerce, ainsi ainsi qu’aux stipulations de l’article 27.2. des conditions générales et de l’annexe du contrat de bail signé le 3 décembre 2009, ces dernières prévalant sur les dispositions légales en cas de contradiction,
– Fournir au juge tous éléments utiles à la solution du litige,
– Du tout dresser rapport,
-Dit que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,
-Fixe à 3 000 euros (trois mille euros) le montant de la provision que la société EYES [Localité 9] doit consigner à la régie d’avances et de recettes de ce tribunal avant le 17 janvier 2025 et dit qu’à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque,
-Dit que l’expert provoquera la première réunion dans un délai maximum de cinq semaines à partir de sa saisine, constituée par l’avis donné à l’expert du versement de la consignation et que les parties lui communiqueront préalablement toutes les pièces dont elles entendent faire état,
-Invite l’expert, lors de la première réunion d’expertise et en tout cas dès que possible, à fixer le calendrier des opérations avec la date de diffusion du projet de rapport, le délai imparti aux parties pour transmettre leurs dires et la date du dépôt du rapport définitif,
-Invite l’expert à faire connaître, dès cette première réunion d’expertise, le coût prévisible de sa mission et dit que si la consignation lui apparaît insuffisante, il appartiendra à l’expert commis de solliciter un complément de consignation,
-Dit que l’expert déposera au greffe du tribunal son rapport au plus tard le 31 décembre 2025, en un original et une copie, après en avoir envoyé un exemplaire à chaque partie,
-Dit que l’expert joindra à cet envoi la copie de sa demande de rémunération et que les parties disposeront d’un délai de quinze jours pour formuler des observations sur cette demande,
-Dit que faute pour une partie d’avoir communiqué à l’expert les pièces demandées ou fait parvenir son dire dans les délais impartis, elle sera réputée y avoir renoncé sauf si elle a justifié préalablement à l’expiration du délai d’un motif résultant d’une cause extérieure,
-Dit qu’en application de l’article R.145-31 du code de commerce, dès le dépôt du rapport d’expertise, le greffe avisera les parties, ou, si elles sont représentées, leurs avocats, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la date à laquelle l’affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l’exécution de la mesure d’instruction devront être échangés,
-Ordonne le renvoi de cette affaire à l’audience du juge des loyers commerciaux du 4 février 2025, sans nouvelle convocation des parties, pour s’assurer que la consignation a été versée,
-Dit que faute de versement de la consignation dans le délai précité, la désignation de l’expert sera caduque,
-Dit que le juge de la 5ème chambre, 4ème section de ce tribunal, sera chargé d’assurer le contrôle de l’expertise,
-Dit que pendant le cours de l’instance, la société EYES [Localité 9] sera redevable provisoirement du paiement des loyers échus au prix ancien,
-Réserve les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles,
-Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
Fait au Palais de Justice, le 19 novembre 2024
La minute de la présente décision a été signée par Madame Aliénor CORON, Juge des loyers commerciaux, assistée de Madame Zahra AIT, greffière.
LA GREFFIERE LA JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX
Madame AIT Madame CORON
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