L’Essentiel : Cette affaire concerne un litige entre un bailleur, représenté par une société par actions simplifiée, et un preneur, une société à responsabilité limitée, relatif à la fixation du loyer d’un bail commercial. Le contrat de bail, signé pour une durée de neuf ans, a vu son loyer initial modifié. La demande de renouvellement a été faite par le preneur, alors que le bail arrivait à expiration. Le bailleur a proposé un nouveau loyer, contesté par le preneur. Le juge a finalement statué sur le loyer renouvelé, confirmant une décision favorable au preneur et condamnant le bailleur à payer les dépens.
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Résumé de l’AffaireCette affaire concerne un litige entre un bailleur, représenté par la SAS SG VIMENEY, et un preneur, la SARL CITY GAME, relatif à la fixation du loyer d’un bail commercial. Le contrat de bail a été signé le 16 mai 2013 pour une durée de neuf ans, avec un loyer initial de 36.000 euros par an, modifié par la suite à 30.000 euros en 2016. La demande de renouvellement du bail a été faite par le preneur en décembre 2021, alors que le bail arrivait à expiration en mai 2022. Demande de Renouvellement et Proposition de LoyerLe bailleur a accepté le principe de renouvellement en mars 2023, proposant un nouveau loyer de 49.500 euros par an. En réponse, le preneur a contesté cette proposition et a demandé que le loyer soit maintenu à 36.000 euros jusqu’à mars 2023, puis plafonné à 39.406 euros. Le bailleur a ensuite assigné le preneur devant le juge des loyers commerciaux pour fixer le loyer renouvelé. Expertise Judiciaire et JugementLe juge a ordonné une expertise pour évaluer le loyer, qui a été déposée en juillet 2024. En février 2024, le juge a statué que le loyer du bail renouvelé serait fixé à 36.000 euros par an jusqu’à mars 2023, puis à 39.406 euros à partir d’avril 2023, en raison de l’absence de motifs de déplafonnement. Arguments des PartiesLe bailleur a soutenu que la diminution du loyer pendant le bail constituait une modification notable des obligations, justifiant un déplafonnement. En revanche, le preneur a argué que cette réduction était temporaire et n’affectait pas substantiellement l’économie du bail. De plus, le preneur a contesté l’impact des facteurs locaux de commercialité sur son activité, affirmant que l’évolution de la zone commerciale n’avait pas d’incidence sur son commerce. Décision du JugeLe juge a débouté le bailleur de sa demande de fixation du loyer à la valeur locative, confirmant que le loyer devait rester à 36.000 euros jusqu’à mars 2023, puis passer à 39.406 euros. Le bailleur a été condamné à payer les dépens, y compris les frais d’expertise, tandis que les demandes des deux parties au titre des frais irrépétibles ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la procédure de renouvellement d’un bail commercial selon le Code de commerce ?La procédure de renouvellement d’un bail commercial est régie par les articles L145-9 et L145-10 du Code de commerce. L’article L145-9 stipule que le bailleur doit, dans le cas où il ne s’oppose pas au renouvellement, signifier au preneur un congé, en précisant le loyer qu’il propose. En vertu de l’article L145-10, le preneur peut demander le renouvellement du bail, et le bailleur doit répondre dans un délai de trois mois. Si le bailleur ne répond pas dans ce délai, le nouveau loyer n’est dû qu’à compter de la demande de renouvellement. Ainsi, la SAS SG VIMENEY n’a pas respecté ce délai, ce qui a des conséquences sur la fixation du loyer renouvelé. Quels sont les critères de fixation du loyer renouvelé selon le Code de commerce ?La fixation du loyer renouvelé est régie par l’article L145-33 du Code de commerce, qui précise que le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative. Cette valeur est déterminée en tenant compte des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix pratiqués dans le voisinage. L’article L145-34 précise que, sauf modification notable des éléments mentionnés, le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’indice des loyers commerciaux depuis la dernière fixation. Dans cette affaire, la SAS SG VIMENEY a tenté de justifier une augmentation du loyer en invoquant des modifications des obligations et des facteurs locaux de commercialité, mais cela n’a pas été retenu par le juge. Quelles sont les conditions pour justifier un déplafonnement du loyer ?Le déplafonnement du loyer est possible en vertu de l’article L145-34, qui stipule que la fixation du loyer à la valeur locative n’est envisageable qu’en cas de modification notable des éléments mentionnés à l’article L145-33. Cela inclut les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité. La jurisprudence indique qu’une simple modification temporaire du loyer, comme une réduction consentie sans contrepartie, ne constitue pas une modification notable. Dans cette affaire, la réduction de loyer de 36.000 à 30.000 euros a été jugée temporaire et sans impact sur les obligations des parties, ce qui a conduit à l’absence de motifs de déplafonnement. Comment sont déterminés les dépens et les frais irrépétibles dans le cadre d’un litige commercial ?Les dépens sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, la SAS SG VIMENEY, ayant perdu, a été condamnée à payer les dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire. Concernant les frais irrépétibles, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais non compris dans les dépens. Cependant, le juge a décidé de débouter les parties de leurs demandes au titre de l’article 700, tenant compte de l’équité et de la situation économique des parties. |
DE BORDEAUX
LOYERS COMMERCIAUX
30C
N° RG 23/08039 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YJWG
Minute n° 25/00008
Grosse délivrée
le : 05/02/2025
à Avocats
JUGEMENT RENDU LE CINQ FEVRIER DEUX MIL VINGT CINQ
Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier.
Le Juge des Loyers Commerciaux,
A l’audience publique tenue le 08 Janvier 2025 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 05 Février 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile
ENTRE :
S.A.S. SG Vimeney immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n°413 510 660, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX
ET :
S.A.R.L. CITY GAME, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Bérénice DYOT, avocat au barreau de BORDEAUX
Qualification du jugement : contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par contrat du 16 mai 2013, la SCI CANCER, aux droits de laquelle vient la SAS SG VIMENEY, a donné à bail commercial à l’EURL CITY GAME, à compter du 16 mai 2013 pour une durée de neuf ans, un local situé [Adresse 3], moyennant un loyer annuel initial de 36.000 euros hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de salle de billard, jeux, petite restauration…
Par un avenant du 10 septembre 2016, le montant du loyer a été ramené à la somme annuelle de 30.000 euros à compter du 16 septembre 2016 et jusqu’au 16 mai 2022.
Le 09 décembre 2021, la SARL CITY GAME a fait signifier au bailleur une demande de renouvellement du bail commercial venant à expiration le 15 mai 2022.
Le 30 mars 2023, la SAS SG VIMENEY a fait signifier au preneur son acceptation du principe de renouvellement du bail et formulé une proposition de fixation d’un loyer renouvelé porté à la somme de 49.500 euros par an en application des dispositions de l’article L145-11 du code de commerce.
Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 02 août 2023, la SAS SG VIMENEY a, par acte du 06 septembre 2023, fait assigner la SARL CITY GAME devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 16 mai 2022.
Par jugement du 14 février 2024, le juge des loyers commerciaux a, avant dire droit, sur la demande de fixation du prix du bail renouvelé le 16 mai 2022, ordonné une mesure d’expertise confiée à madame [D].
L’expert a déposé son rapport le 09 juillet 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A l’audience, la SAS SG GIMENEY, soutenant son mémoire signifié le 19 décembre 2024 et déposé au greffe le 29 novembre 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux de :
débouter la société CITY GAME de l’ensemble de ses demandes,fixer le prix du loyer du bail renouvelé à compter du 16 mai 2022 à la somme annuelle de 45.000 euros hors taxes et hors charges, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2022ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,condamner la société CITY GAME au paiement des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS SG VIMENEY soutient, en application des articles L145-33, R145-6 et R145-8 du code de commerce, que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative compte tenu de l’existence de motifs de déplafonnement constitués par la modification notable des obligations des parties et des facteurs locaux de commercialité.
Ainsi, elle fait valoir que la modification conventionnelle au cours du bail expiré du montant du loyer à la baisse à hauteur de 16%, qui ne s’analyse pas en une franchise de loyer, sans contrepartie en faveur du bailleur, pour une durée indéterminée, ayant conduit de manière proportionnelle à la diminution du dépôt de garantie, constitue une modification notable des obligations des parties. Elle ajoute que cette modification a eu pour objectif d’éviter à la société preneuse de faire faillite au regard des difficultés rencontrées lors des trois premières années, la nouvelle valeur étant décorrélée de la valeur locative du fond, ce qui conférerait à la SARL CITY GAME, en l’absence de déplafonnement, le bénéfice d’un local à un loyer de renouvellement largement inférieur aux prix couramment pratiqués dans le voisinage ou pour des locaux équivalents.
La société GIMENEY expose également que la zone industrielle, dans laquelle est implanté le local, a bénéficié depuis le 16 mai 2013 d’une évolution des facteurs locaux de commercialité, notamment en raison de l’inauguration le même jour du centre commercial [2] avec 150 enseignes commerciales, et une amélioration notable de la commercialité des abords des locaux avec une multiplication de l’offre commerciale notamment de loisirs. Elle ajoute qu’en raison de la nature spécifique de l’activité exercée dans le local, la zone de chalandise est plus large et correspond à l’agglomération bordelaise, zone au sein de laquelle la concurrence a disparu du fait de la fermeture des établissements similaires. Selon elle cette situation a nécessairement eu une incidence favorable sur le commerce qui a récupéré la clientèle.
S’agissant de la détermination de la valeur locative, la SAS VIMENEY indique s’en remettre à la proposition de l’expert judiciaire.
A l’audience, la SARL CITY GAME, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 novembre 2024 et déposé au greffe le 07 novembre 2024, demande au juge des loyers commerciaux de:
débouter la SAS SG VIMENEY de ses demandes,fixer le montant du loyer commercial renouvelé au 16 mai 2022 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 36.000 euros jusqu’au 30 mars 2023 ;fixer à compter du 1er avril 2023 le montant du loyer plafonné à la somme de 39.406 euros hors taxes et hors charges par an ;condamner la SAS SG VIMENEY au paiement des dépens qui comprennent les frais d’expertise judiciaire,condamner la SAS SG VIMENEY à lui payer une indemnité de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL CITY GAME soutient, au visa de l’article L145-33 du code de commerce, l’absence de motif de déplafonnement.
D’une part, elle conteste l’existence d’une modification notable des obligations des parties en ce que la diminution de 16% du loyer n’implique aucunement un substantiel bouleversement de l’économie du bail.
D’autre part, elle prétend à l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant bénéficié à son commerce car, s’il peut être constaté l’évolution de la zone commerciale à proximité, elle prétend que celle-ci ne s’étend pas jusqu’à la rue dans la laquelle est située le local qui est une impasse sans commercialité. Elle ajoute que du fait de la nature de l’activité spécifique exercée, qui est une activité de destination, l’évolution de la zone commerciale est sans incidence sur le commerce.
S’agissant du montant du loyer plafonné, elle prétend au visa de l’article L145-11 du code de commerce, qu’il doit être maintenu à la somme de 36.000 euros jusqu’au 30 mars 2023, puis fixé à la somme de 39.406 euros correspondant au nouveau loyer plafonné selon la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux à compter du 1er avril 2023 correspondant à la date de la première demande de fixation d’un nouveau loyer signifiée par le bailleur. Elle expose à ce titre que le bailleur n’avait pas fait connaitre ses intentions dans le délai de trois mois suivant la signification de la demande de renouvellement du bail.
Sur la fixation du montant du loyer du bail commercial
En application de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et, à défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
En vertu de l’article L145-34 du code de commerce, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d’expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d’une durée égale à celle qui s’est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
– Sur l’existence de motifs de déplafonnement
La fixation du loyer renouvelé à la valeur locative n’est possible, en application et dans les conditions de l’alinéa 1 de l’article L 145-34, qu’en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L 145-33 précité. La modification d’un des quatre éléments suffit à obtenir le déplafonnement, s’il est démontré le caractère notable de la modification intervenue au cours du bail expiré, ayant un intérêt pour le commerce considéré.
En l’espèce, il convient d’examiner successivement les deux critères soutenus aux fins de déplafonnement.
– l’évolution des obligations respectives des parties
En vertu de l’article R145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. […] Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer. / Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.
S’il est constant que la diminution du montant du loyer en cours de bail, pour quel que motif que ce soit, constitue une modification des obligations de partie qui pourra entraîner un déplafonnement si elle est qualifiée de notable, il convient toutefois en l’espèce de constater que la réduction conventionnelle de 36.000 à 30.000 euros, soit une diminution de 16% après les trois premières années, au cours du bail expiré était temporaire. En effet, cette diminution, même si elle n’a été consentie sans aucune contrepartie au bénéfice du bailleur, a été prévue pour une période déterminée allant du 16 septembre 2016 au 16 mai 2022, date de fin du bail.
La modification temporaire du montant du loyer doit donc s’analyser comme une franchise partielle, qui n’a pas eu d’effet sur les obligations des parties. Il convient à ce titre de constater que le loyer du bail renouvelé, s’il est plafonné sera fixé en adoptant comme loyer de base le montant de 36.000 euros et non le montant négocié en cours de bail, démontrant par conséquent l’absence de modification notable des obligations des parties au cours du bail expiré.
– l’évolution des facteurs locaux de commercialité
En vertu de l’article R 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
En l’espèce, il résulte de l’expertise judiciaire que, durant la période du bail expiré, de nouveaux commerces ont ouvert dans la zone commerciale [2], et que des travaux ont permis la construction de logements dans le secteur.
Toutefois, d’une part il sera relevé notamment que l’extension de la zone commerciale a été inaugurée en juin 2013 et qu’elle a donc nécessairement été prise en compte au moment de la fixation du montant du loyer lors de la souscription du bail.
D’autre part, et en tout état de cause, l’expertise permet également de démontrer l’absence d’impact de la présence de cette zone commerciale et de son développement sur le commerce considéré compte tenu de son emplacement à distance de cette zone, dans la partie plus industrielle. Le local est ainsi situé dans une rue qui est une impasse dans laquelle sont situés des entrepôts. Dès lors l’accroissement éventuel du nombre de chalands suite au développement de cette zone commerciale, et à l’installation d’un magasin LIDL en 2021 et de nouveaux logements, n’a pas à ce titre d’incidence sur le commerce développé, dont les horaires sont par ailleurs des horaires d’ouverture en soirée et le week-end, en déconnexion avec les horaires d’ouverture des commerces. Il ne saurait ainsi être caractérisé d’évolution notable des facteurs locaux de commercialité du fait de l’environnement proche du local.
S’agissant de la zone effective de chalandise du commerce installé dans le local, il convient de relever que le bailleur n’a pas soumis à l’expert judiciaire son argumentation relative à l’existence d’une zone de chalandise plus étendue sur toute l’agglomération bordelaise du fait de la nature de l’activité, ces éléments n’ayant pas non plus été évoqués par l’expert qu’il avait mandaté préalablement à la présente procédure.
S’il résulte d’un dire du preneur dans le cadre de l’expertise judiciaire qu’il a effectivement connu la fermeture définitive de trois de ses concurrents, il n’est pas démontré, et il n’a pas pu être vérifié au cours de l’expertise, l’absence de tout autre concurrent sur la zone de chalandise, ni déterminé quelle est cette zone de chalandise au regard du nombre et de l’emplacement d’autres commerces de ce type.
Le fait que le preneur reconnaissance l’existence d’un accroissement de sa clientèle du fait de la fermeture de ces trois établissements, n’est pas suffisant à démontrer l’absence totale de toute concurrence, et par conséquent l’existence d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité sur une zone de chalandise plus étendue.
Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments et de l’absence de démonstration par la SAS SG VIMENEY de l’existence de motifs de déplafonnement, il convient de la débouter de sa demande de fixation du montant du loyer du bail renouvelé le 16 mai 2022.
Sur le montant du loyer du bail
Par application de l’article L145-11 du code de commerce, le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l’article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l’article L. 145-10, faire connaître le loyer qu’il propose, faute de quoi le nouveau prix n’est dû qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d’Etat.
En l’espèce, la SAS SG VIMENEY n’a pas répondu dans le délai de trois mois prévu à l’article L145-10 du code de commerce, à la demande en renouvellement signifiée par le preneur, la SARL CITY GAME le 09 décembre 2021. Sa réponse à cette demande de renouvellement n’est intervenue que dans un acte extra-judiciaire du 30 mars 2023, qui doit constituer le point de départ du loyer renouvelé plafonné selon les règles de l’article L145-34 du code de commerce, soit la somme annuelle hors taxes et hors charges de 39.406 euros.
En conséquence, il convient de fixer le loyer du bail renouvelé le 16 mai 2022 à la somme annuelle de 36.000 euros hors taxes et hors charges du 16 mai 2022 au 30 mars 2023, sous réserve de l’indexation annuelle conformément aux stipulations contractuelles, et à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 39.406 euros à compter du 1er avril 2023.
Les parties établiront les comptes entre elles, au regard de la somme versée, étant rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de l’assignation délivrée le 06 septembre 2023, la procédure ayant été engagée par le bailleur. Conformément à l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts échus pour une année au mois sera ordonnée.
Sur les frais du procès
– Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, l’expertise ayant été ordonnée dans l’intérêt du bailleur exposant l’existence de motifs de déplafonnement, et ce dernier perdant la présente instance, il convient de le condamner au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
– Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
Des considérations d’équité, tenant à la poursuite des relations entre les parties, commandent de les débouter de leurs prétentions respectives formulées au titre des frais irrépétibles.
Le juge des loyers commerciaux,
Déboute la SAS SG VIMENEY de sa demande en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative ;
Fixe le prix du loyer du local situé [Adresse 3] au titre du bail conclu entre la SAS SG VIMENEY et la SARL CITY GAME renouvelé le 16 mai 2022 à la somme annuelle de 36.000 euros hors taxes et hors charges du 16 mai 2022 au 30 mars 2023, sous réserve de l’indexation annuelle conformément aux stipulations contractuelles, et à la somme annuelle de 39.406 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2023;
Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal, à compter du 06 septembre 2023, sur la somme due au titre de la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer réglé, avec capitalisation des intérêts échus pour une année au moins ;
Condamne la SAS SG VIMENEY au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;
Déboute la SAS SG VIMENEY et la SARL CITY GAME de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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