Reconnaissance de la faute inexcusable et ses implications en cas de liquidation d’entreprise

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Reconnaissance de la faute inexcusable et ses implications en cas de liquidation d’entreprise

L’Essentiel : M. [P], ouvrier BTP, a subi un accident du travail le 7 octobre 2019, entraînant des blessures graves. Après avoir contesté son taux d’incapacité permanente de 33 %, il a saisi le tribunal judiciaire du Havre pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société [9]. Le 17 avril 2023, le tribunal a rejeté sa demande, fixant son taux d’incapacité à 43 %. M. [P] a interjeté appel, demandant la reconnaissance de la faute inexcusable et diverses mesures, dont une avance de 15 000 euros. Les débats ont été réouverts pour garantir le respect du principe de contradiction.

Accident du travail de M. [P]

M. [M] [P], salarié de la société [9] en tant qu’ouvrier BTP sous un contrat à durée déterminée, a subi un accident du travail le 7 octobre 2019. Cet accident, survenu lors d’une activité de ravalement, a été caractérisé par une chute, entraînant des blessures aux pieds et au dos, avec des lésions de type fractures. Son état de santé a été déclaré consolidé le 19 juillet 2020, et il a reçu un taux d’incapacité permanente de 33 % par la caisse primaire d’assurance maladie le 25 janvier 2021.

Actions judiciaires de M. [P]

Désirant faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, M. [P] a saisi le tribunal judiciaire du Havre le 26 avril 2021. Après le rejet de son recours amiable, il a également contesté son taux d’incapacité permanente de 33 % par une requête déposée le 7 juin 2021. Le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société [9] le 4 avril 2023, nommant un mandataire liquidateur.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 17 avril 2023, le tribunal judiciaire a débouté M. [P] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’entreprise [9] et a fixé son taux d’incapacité permanente partielle à 43 %, dont 10 % au titre du taux professionnel. Les dépens ont été laissés à sa charge. M. [P] a interjeté appel de ce jugement le 9 mai 2023, contestation qui portait sur le rejet de sa demande de faute inexcusable et sur la décision concernant les dépens.

Prétentions de M. [P]

Dans ses conclusions remises le 16 octobre 2024, M. [P] a demandé à la cour d’infirmer le jugement précédent et de reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Il a également sollicité diverses mesures, telles que la fixation maximale de la majoration de rente, le versement direct des sommes dues par la caisse, une expertise médicale, et une avance de 15 000 euros à titre de provision.

Réouverture des débats

La SELAS [10], mandataire liquidateur de la société [9], n’a pas comparu à l’audience du 7 novembre 2024. La caisse a également demandé une dispense de comparution, qui a été refusée. Pour respecter le principe de la contradiction, la cour a décidé de réouvrir les débats, demandant à M. [P] de signifier ses conclusions à la SELAS et de communiquer ses conclusions à la caisse primaire d’assurance maladie. Les demandes et les dépens ont été réservés en attendant la décision à venir.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en matière d’accident du travail ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule :

« Lorsque l’accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une réparation intégrale de leur préjudice. »

Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, il faut prouver que l’employeur avait conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger.

En l’espèce, M. [P] a saisi le tribunal pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, ce qui implique qu’il doit démontrer que l’accident survenu le 7 octobre 2019 résulte d’une négligence de la part de la société [9].

Il est également important de noter que la charge de la preuve incombe à la victime, qui doit établir le lien entre la faute de l’employeur et l’accident survenu.

Comment se déroule la procédure d’appel en matière de contestation de l’incapacité permanente ?

La procédure d’appel en matière de contestation de l’incapacité permanente est encadrée par les articles 500 et suivants du Code de procédure civile.

L’article 500 précise que :

« L’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il doit être interjeté dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision. »

Dans le cas présent, M. [P] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire qui a fixé son taux d’incapacité permanente à 43 %.

Il est essentiel que l’appelant respecte les délais et les formalités de notification des conclusions aux parties concernées, notamment à la caisse primaire d’assurance maladie et au mandataire liquidateur de la société [9].

La cour d’appel a donc ordonné la réouverture des débats pour permettre à M. [P] de signifier ses conclusions, garantissant ainsi le respect du principe du contradictoire.

Quelles sont les implications de la liquidation judiciaire de l’employeur sur les droits des salariés ?

La liquidation judiciaire d’une entreprise a des conséquences significatives sur les droits des salariés, notamment en ce qui concerne le paiement des indemnités dues.

L’article L. 622-1 du Code de commerce stipule que :

« La liquidation judiciaire est ouverte lorsque l’entreprise est en cessation de paiements et qu’il n’existe aucune perspective de redressement. »

Dans le cadre de la liquidation, les créances des salariés, y compris celles liées aux accidents du travail, sont considérées comme des créances privilégiées.

Cela signifie que les salariés ont un droit de priorité sur les actifs de l’entreprise pour le paiement de leurs créances.

Cependant, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur peut également influencer le montant des indemnités que M. [P] pourrait percevoir, car cela pourrait entraîner une majoration de rente ou d’autres compensations.

Quels sont les droits de la victime en matière d’expertise médicale dans le cadre d’un accident du travail ?

Les droits de la victime en matière d’expertise médicale sont encadrés par l’article L. 441-1 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit que :

« La victime d’un accident du travail a droit à une expertise médicale pour évaluer son état de santé et les conséquences de l’accident. »

Dans le cas de M. [P], il a demandé une expertise médicale pour évaluer les séquelles de son accident.

Cette expertise est déterminante pour déterminer le taux d’incapacité permanente et les indemnités qui en découlent.

L’expert doit rendre son rapport dans un délai déterminé, ce qui permet à la cour d’avoir une évaluation objective de l’état de santé de la victime.

Il est également important de noter que les frais d’expertise peuvent être avancés par la caisse primaire d’assurance maladie, ce qui allège le fardeau financier pour la victime.

N° RG 23/01621 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JLQ4

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00155

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 17 Avril 2023

APPELANT :

Monsieur [M] [P]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représenté par Me Marie-corinne MBABAZABAHIZI de l’AARPI SOCIALITIS, avocat au barreau du HAVRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/004206 du 06/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 4]

non comparante ni représentée

S.A.S.U. [9]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparante ni représentée

S.E.L.A.S. [10] en la personne de Maître [B] [T] ès qualités de « Mandataire liquidateur judiciaire » de la « société [9] »

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparante ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Novembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 07 novembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025

ARRET :

PAR DEFAUT

Prononcé le 10 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [M] [P], salarié de la société [9] en qualité d’ouvrier BTP dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, a été victime le 7 octobre 2019 d’un accident du travail qui selon la déclaration transmise à la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 7] (la caisse) a été ainsi décrit :

– activité de la victime lors de l’accident : « ravalement »

– nature de l’accident : « chutte »

– objet dont le contact a blessé la victime : « sol »

– siège des lésions : « pieds et dos »

– nature des lésions : « fractures »

Son état de santé a été déclaré consolidé au 19 juillet 2020. Par lettre du 25 janvier 2021, la caisse lui a notifié sa décision de lui attribuer un taux d’incapacité permanente de 33 %.

Souhaitant voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, M. [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Havre, par requête reçue au greffe le 26 avril 2021.

Par ailleurs, après rejet de son recours amiable et par requête reçue au greffe le 7 juin 2021, il a saisi cette même juridiction d’une contestation de son taux d’incapacité permanente fixé à 33 %.

Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l’activité à l’égard de la société [9] et nommé comme mandataire liquidateur la SELAS [10] en la personne de M. [B] [T], avec mission de réaliser l’inventaire.

Par jugement du 17 avril 2023, le tribunal judiciaire a :

– débouté M. [P] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’entreprise [9],

– fixé à 43 % dont 10 % au titre du taux professionnel le taux d’incapacité permanente partielle de M. [P] au titre des séquelles de l’accident du travail dont il a été victime le 17 octobre 2019,

– laissé les dépens à la charge de M. [P].

Le 9 mai 2023, M. [P] a fait appel du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’entreprise [9] et a laissé les dépens à sa charge.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions (remises au greffe le 16 octobre 2024), soutenues oralement à l’audience, M. [P] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur et, statuant à nouveau, de :

– dire et juger que l’accident du travail du 7 octobre 2009 dont il a été victime résulte de la faute inexcusable de la société,

– fixer à son maximum la majoration de rente,

– dire que la caisse [Localité 7] lui versera directement les sommes dues au titre de la majoration de rente, de la provision et de l’indemnisation complémentaire,

– ordonner une expertise médicale confiée à un médecin expert, avec mission précisée, et dire que l’expert devra déposer son rapport dans les deux mois à compter de sa saisine,

– condamner la caisse à avancer les frais d’expertise,

– condamner la caisse à lui faire l’avance de la somme de 15 000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,

– mettre au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation de Me Mbabazabahizi au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale,

– déclarer le jugement à intervenir opposable à la caisse primaire d’assurance maladie,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision.

La SELAS [10] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [9], bien que régulièrement convoquée à l’audience du 7 novembre 2024 (accusé de réception tamponné le 27 septembre 2024), n’a pas comparu ni n’était représentée.

Par courrier reçu le 14 octobre 2024, la caisse a adressé ses conclusions au greffe et à cette occasion a sollicité une dispense de se présenter à l’audience, laquelle ne lui a pas été accordée à défaut de justification de la communication de ses conclusions à la société et au liquidateur judiciaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Afin de faire observer le principe de la contradiction, selon les modalités définies aux articles 14 à 16 du code de procédure civile, et étant relevé que la société employeur est en liquidation judiciaire, il y a lieu de ré-ouvrir les débats et de demander à l’appelant M. [P] de :

– faire signifier les conclusions qu’il entend soutenir devant la cour à la SELAS [10] en la personne de M. [B] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [9] (étant observé que la signification du 24 octobre 2024 a été faite à la société elle-même) ;

– communiquer les conclusions qu’il entend soutenir devant la cour à la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 7] (étant observé que la cour ne dispose de la justification de la communication à la caisse que des premières conclusions de l’appelant, du 27 mai 2024, mais non de celles du 16 octobre 2024, postérieures aux conclusions de la caisse du 8 octobre 2024) ;

Dans l’attente de la décision à venir, les demandes et les dépens sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe,

Ordonne la réouverture des débats à l’audience du

jeudi 20 mars 2025 à 14 heures

afin que M. [P] :

– fasse signifier les conclusions qu’il entend soutenir devant la cour à la SELAS [10] en la personne de M. [B] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [9],

– communique les conclusions qu’il entend soutenir devant la cour à la caisse primaire d’assurance maladie [Localité 7] ;

Le présent arrêt valant convocation à l’audience,

Réserve les demandes et les dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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