Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans le cadre d’une maladie professionnelle liée à l’amiante

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Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans le cadre d’une maladie professionnelle liée à l’amiante

L’Essentiel : Monsieur [B] [D], soudeur de 1969 à 1990, a été diagnostiqué d’un cancer du poumon, entraînant son décès en 2016. Un certificat médical a établi un lien entre sa maladie et son activité professionnelle. Après un refus initial, la CPCAM a reconnu la maladie comme professionnelle. Les ayants droit ont accepté une indemnisation de 116.900 € du FIVA. En mars 2020, la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue, doublant l’indemnisation. Le FIVA a ensuite saisi le tribunal pour obtenir le remboursement des sommes versées. La société [9] étant en liquidation, la CPCAM ne pourra pas agir contre l’employeur.

Contexte de l’affaire

Monsieur [B] [D] a été employé en tant que soudeur dans la société [9] du 24 mars 1969 au 24 juillet 1990. Il a été diagnostiqué avec un cancer du poumon, et est décédé le 2 décembre 2016. Un certificat médical a été établi le 5 janvier 2017, confirmant le lien entre sa maladie et son activité professionnelle.

Reconnaissance de la maladie professionnelle

Une déclaration de maladie professionnelle a été faite auprès de la caisse primaire centrale d’assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône. Après un refus initial, la CPCAM a reconnu la maladie de Monsieur [B] [D] comme étant liée à son travail, sur la base d’une expertise médicale. Son décès a également été pris en charge par la CPCAM.

Indemnisation des ayants droit

Les ayants droit de Monsieur [B] [D] ont accepté une offre d’indemnisation du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), qui s’élevait à 71.900 € pour les préjudices personnels des proches et 45.000 € pour les préjudices subis par le défunt.

Reconnaissance de la faute inexcusable

Le pôle social a reconnu, par un jugement du 30 mars 2020, que la maladie professionnelle de Monsieur [B] [D] était due à la faute inexcusable de son employeur. Ce jugement a ordonné le doublement du capital d’indemnisation et a alloué des sommes pour ses souffrances morales et physiques.

Action en justice du FIVA

Le FIVA a saisi le tribunal le 26 août 2021 pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur et obtenir le remboursement des sommes versées aux ayants droit. L’affaire a été fixée pour plaidoirie le 6 novembre 2024.

Position de la CPCAM

La CPCAM des Bouches-du-Rhône a communiqué des conclusions, se remettant à l’appréciation du tribunal concernant la faute inexcusable et demandant une réduction des montants d’indemnisation sollicités.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué que la maladie de Monsieur [B] [D] était due à la faute inexcusable de son employeur. Il a ordonné la majoration de la rente pour le conjoint survivant et a fixé les indemnités pour les préjudices personnels de Monsieur [B] [D] et de ses ayants droit.

Indemnisation des préjudices

Les préjudices personnels de Monsieur [B] [D] ont été évalués à 34.200 €, tandis que les préjudices moraux des ayants droit ont été fixés à 71.900 €. La CPCAM des Bouches-du-Rhône a été désignée pour verser ces sommes au FIVA.

Conséquences de la liquidation judiciaire

La société [9] ayant été placée en liquidation judiciaire, la CPCAM ne pourra pas exercer son action récursoire contre l’employeur. Les dépens seront à la charge de l’État.

Appel de la décision

Le tribunal a précisé que tout appel de la décision doit être formé dans un délai d’un mois à compter de sa notification.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ?

La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés.

Il est considéré comme ayant commis une faute inexcusable lorsque :

– Il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié.

– Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié de ce danger.

Il est important de noter que la faute inexcusable n’a pas besoin d’être la cause déterminante de la maladie ou de l’accident.

Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour engager la responsabilité de l’employeur, même si d’autres fautes ont également contribué au dommage.

La jurisprudence a également précisé que l’exposition à des substances dangereuses, comme l’amiante, doit être habituelle, mais pas nécessairement permanente.

Dans le cas de Monsieur [B] [D], il a été établi qu’il a été exposé à l’inhalation de poussières d’amiante sans protection adéquate, ce qui a conduit à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Quels sont les droits des ayants droit en cas de décès dû à une maladie professionnelle ?

Les droits des ayants droit en cas de décès d’un salarié dû à une maladie professionnelle sont régis par l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale. Cet article précise que, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit peuvent demander réparation du préjudice moral.

Les ayants droit mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants, ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente, peuvent également demander réparation.

Dans le cas présent, les ayants droit de Monsieur [B] [D] ont été indemnisés pour leurs préjudices moraux, qui se décomposent en fonction des liens familiaux et de la nature de la relation avec le défunt.

La somme totale d’indemnisation pour les préjudices moraux a été fixée à 71.900 €, répartie entre le conjoint, les enfants et les petits-enfants.

Comment se déroule l’action subrogatoire du FIVA ?

L’action subrogatoire du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est régie par l’article 53-VI de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000. Cet article stipule que le FIVA est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits des demandeurs contre la personne responsable du dommage.

Cela signifie que le FIVA peut agir en justice pour obtenir réparation des préjudices subis par les victimes ou leurs ayants droit, en se substituant à eux dans leurs droits.

L’article 36 du décret d’application 2001-963 du 23 octobre 2001 précise que dès l’acceptation de l’offre d’indemnisation par le demandeur, le fonds exerce cette action subrogatoire.

Il est également important de noter que l’acceptation de l’offre d’indemnisation vaut désistement des actions juridictionnelles en cours, comme le stipule l’article 53-IV de la même loi.

Dans le cas de Monsieur [B] [D], le FIVA a indemnisé les ayants droit et a ensuite engagé une action pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Quelles sont les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable sur les indemnités ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a des conséquences significatives sur les indemnités versées aux victimes ou à leurs ayants droit.

Selon l’article 53-VI 4ème alinéa de la loi du 2 décembre 2000, cette reconnaissance ouvre droit à une majoration des indemnités versées en vertu de la législation de la sécurité sociale.

L’article L. 452-2 alinéa 1er du Code de la sécurité sociale précise que, en cas de faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues.

Dans le cas de Monsieur [B] [D], la reconnaissance de la faute inexcusable a permis d’augmenter les indemnités versées à son conjoint survivant, qui a droit à une rente majorée.

Les préjudices personnels subis par Monsieur [B] [D] ont également été indemnisés, avec des montants fixés pour les souffrances morales et physiques.

Comment sont évalués les préjudices personnels subis par la victime ?

L’évaluation des préjudices personnels subis par la victime est effectuée en tenant compte de plusieurs facteurs, comme le stipule l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

Cet article permet à la victime de demander une indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Les préjudices peuvent inclure :

– Les souffrances morales et physiques.

– Les préjudices esthétiques et d’agrément.

– La perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Dans le cas de Monsieur [B] [D], les souffrances morales ont été évaluées à 29.400 €, tandis que les souffrances physiques ont été fixées à 4.800 €.

Le préjudice d’agrément, qui compense l’impossibilité de pratiquer des activités de loisirs, a été rejeté en raison de l’absence de preuve d’une pratique antérieure.

Ainsi, l’indemnisation totale des préjudices personnels a été fixée à 34.200 €.

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]

JUGEMENT N°25/00142 du 15 Janvier 2025

Numéro de recours: N° RG 21/02165 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZDZU

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Organisme FIVA
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Christian MULLER, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.E.L.A.F.A. [8], représentée par Me [L] [P], mandataire judiciaire de la société [9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante, ni représentée

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 3]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l’audience publique du 06 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MEO Hélène, Première Vice-Présidente

Assesseurs : VESPA Serge
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 15 Janvier 2025

NATURE DU JUGEMENT

réputé contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [B] [D] a travaillé au sein de la société [9] en qualité de soudeur du 24 mars 1969 au 24 juillet 1990.

Suivant le certificat médical initial et final établi le 5 janvier 2017 par le Docteur [N], pneumologue, un cancer du poumon lui a été diagnostiqué, Monsieur [B] [D] étant décédé des suites de sa maladie le 2 décembre 2016.

Le même jour, une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 30 C a été effectuée auprès de la caisse primaire centrale d’assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône.

Après une décision initiale de refus le 28 juillet 2017, la CPCAM des Bouches du Rhône, sur la base de l’expertise médicale effectuée par le Docteur [T] [H], a reconnu que la maladie dont souffrait Monsieur [B] [D], « affection dégénérescence bronchopulmonaire maligne compliquant les lésions bénignes parenchymateuses ou pleurales « , était en relation avec son activité professionnelle au titre du tableau n° 30 C.

Selon notification du 3 août 2017, son décès a également été pris en charge par la CPCAM des Bouches-du-Rhône sur le même fondement.

Les ayants droit de Monsieur [B] [D] ont accepté l’offre d’indemnisation qui leur a été faite par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (ci-après FIVA) comme suit :
préjudices personnels des proches : 71.900 € soit :[M] [D] (conjoint) : 32.600 € ;[E] [J], [S] [D] et [U] [A] (enfants) : 8.700 € chacun ;[Z] et [O] [J], [K] [A] et [G] [D] (petits-enfants) : 3.300 € chacun ;préjudices subis par le défunt (action successorale) : 45.000 € se décomposant comme suit :souffrances morales : 29.400 € ;souffrances physiques : 4.800 € ;préjudice d’agrément : 10.800 €.
Précédemment, le pôle social, par jugement du 30 mars 2020, a reconnu que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur [B] [D] (plaques pleurales calcifiées – tableau n° 30 des maladies professionnelles) était due à la faute inexcusable de son employeur, la société [9], ordonné le doublement du capital servi à la victime et alloué à celle-ci la somme de 14.000 € en réparation de ses souffrances morales et physiques outre 1.000 € en réparation de son préjudice d’agrément.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 26 août 2021, le FIVA, par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le présent tribunal pour voir reconnaître que la maladie professionnelle dont souffrait Monsieur [B] [D], et dont il est décédé, est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [9], et obtenir le remboursement de la somme de 45.000 € versée au titre des préjudices personnels de Monsieur [B] [D] et de celle de 71.900 € au titre des préjudices personnels des ayants droit.

Après une phase de mise en état, l’affaire a été fixée pour plaidoirie à l’audience du 6 novembre 2024.

Me [L] [P], en qualité de mandataire ad hoc avec mission de représenter la société [9] dans le cadre de cette procédure, a indiqué au tribunal que l’impécuniosité du dossier ne lui permettait pas de participer à la procédure.

Reprenant oralement ses dernières conclusions récapitulatives, le conseil du FIVA, subrogé dans les droits des ayants droit de Monsieur [B] [D], sollicite du tribunal de :
dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint [B] [D] et dont il est décédé est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur société [9] ; en conséquence, fixer au maximum légal la majoration de la rente servie au conjoint survivant et dire que cette majoration sera directement versée à ce dernier par la CPAM ;fixer l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [D] à hauteur de 45.000 € comme suit : souffrances morales : 29.400 € ;souffrances physiques : 4.800 € ;préjudice d’agrément : 10.800 € ;fixer l’indemnisation des préjudices moraux des ayants droit à hauteur de 71.900 € se décomposant comme suit : [M] [D] (conjoint) : 32.600 € ;[E] [J], [S] [D] et [U] [A] (enfants) : 8.700 € chacun ;[Z] et [O] [J], [K] [A] et [G] [D] (petits-enfants) : 3.300 € chacun ;dire que la caisse devra lui verser ces sommes en sa qualité de créancier subrogé doit un total de 116.900 €, en application de l’article L. 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;condamner la partie succombant aux dépens ;dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Au soutien de son recours, le FIVA expose que la faute inexcusable de l’employeur est caractérisée dès lors que sa faute inexcusable a été reconnue par une décision de justice définitive pour une maladie professionnelle antérieure, l’inhalation de poussières d’amiante étant à l’origine des deux maladies professionnelles déclarées.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, a régulièrement communiqué des conclusions aux termes desquelles elle s’en rapporte à l’appréciation du tribunal sur la reconnaissance de la faute inexcusable et la majoration de rente du conjoint survivant, sollicite la réduction du montant de l’indemnisation sollicitée au titre des souffrances morales et physiques et des préjudices moraux des ayants droit et le rejet de la demande formée au titre du préjudice d’agrément.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture par la CPCAM des Bouches-du-Rhône

Il convient de rappeler que l’article R. 142-10-5-I du code de la sécurité sociale prévoit que le président de la formation de jugement, pour l’instruction de l’affaire, exerce les missions et dispose de pouvoirs reconnus au juge de la mise en état par les articles 780 à 801 du code de procédure civile ce qui exclut les dispositions relatives au rabat de l’ordonnance de clôture prévues aux articles 802 et 803 du même code, incompatibles avec le principe de l’oralité des débats posé par l’article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale.

Par conséquent, le tribunal, pour admettre ou refuser des conclusions communiquées après la date prévue pour la fin des échanges, doit vérifier si le principe du contradictoire a été respecté en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

En l’espèce, aucune partie ne s’est opposée à ce que les écritures des parties communiquées après la clôture, soient admises aux débats. Il s’en déduit que le principe du contradictoire a été respecté de sorte que l’intégralité des conclusions et pièces produites dans le cadre de cette procédure sera admise aux débats.

Sur la recevabilité des demandes du FIVA dans le cadre de son action subrogatoire

En application de l’article 53-VI, 1er et 2ème alinéas de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000, qui a créé le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA),  » Le Fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge des dites personnes.
Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable […] « .

L’article 36 du décret d’application 2001-963 du 23 octobre 2001 dispose par ailleurs que  » dès l’acceptation de l’offre par le demandeur, le fonds exerce l’action subrogatoire prévue au VI de l’article 53 de la loi du 23 décembre 2000″.

L’article 53-IV 3ème alinéa de la loi du 23 décembre 2000 prévoit que l’acception de l’offre d’indemnisation du FIVA « vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice « .

En l’espèce, le FIVA qui a indemnisé les ayants droit de Monsieur [B] [D] est donc recevable en son action en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de fixation des majorations et indemnisations prévues par le code de sécurité sociale.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié. Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.

Concernant l’exposition à l’amiante, la jurisprudence de la Cour de cassation a posé le principe que l’exposition doit être habituelle et non pas permanente et continue.

Il ressort des pièces du dossier (certificat médical initial, colloque médico-administratif, expertise médicale et décision de prise en charge de la maladie au titre de la légalisation professionnelle par la caisse) que Monsieur [B] [D] a souffert et est décédé d’une  » dégénérescence maligne broncho-pulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes  » mentionnées au tableau n° 30 B, lésions qui ont été prises en charge précédemment par la CPCAM des Bouches-du-Rhône au titre des risques professionnels et qui ont donné lieu à la reconnaissance judiciaire de la faute inexcusable de l’employeur, la société [9].

Monsieur [B] [D] a travaillé au sein des chantiers navals de [Localité 7], devenus la société [9], du 24 mars 1969 au 24 juillet 1990, soit pendant plus de 21 ans en qualité de soudeur.

La présente juridiction, dans le jugement rendu le 30 mars 2010 est devenu définitif, a reconnu que Monsieur [B] [D] avait, dans le cadre de son activité professionnelle, été exposé massivement à l’inhalation de poussières d’amiante sans avoir jamais bénéficié de protection individuelle et collective ni été informé des risques encourus pour sa santé, et jugé que la maladie professionnelle dont il était la victime était due à la faute inexcusable de son employeur.

La maladie, objet de la présente procédure, constitue également une affection professionnelle consécutive à l’inhalation de poussières d’amiante et se caractérise par une complication de l’existence de plaques calcifiées initialement diagnostiquées et prises en charge au titre du tableau n° 30 B.

Il s’en déduit que la faute inexcusable de la société [9] est nécessairement caractérisée pour cette seconde affection.

Par conséquent, la société [9] a commis une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale à l’origine de la maladie de Monsieur [B] [D] dont il est décédé.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Sur la majoration des indemnités

Selon l’article 53-VI 4ème alinéa de la loi du 2 décembre 2000,  » La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, à l’occasion de l’action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de la sécurité sociale. L’indemnisation à la charge du fonds est alors révisée en conséquence ».

Aux termes de l’article L. 452-2 alinéa 1er du code de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de l’employeur,  » La victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre « .

La CPCAM des Bouches-du-Rhône a notifié à Madame [R] [D] par courrier daté du 28 septembre 2017 l’attribution d’une rente en sa qualité d’ayant droit à compter du 3 décembre 2018.

Par conséquent, Madame [M] [D] est en droit de percevoir la majoration de sa rente qui sera fixée à son maximum et qui lui sera directement versée par l’organisme social.

Sur l’indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur [B] [D]

Conformément à l’article L .452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du dit code.

En vertu de l’article 53-VI 1er et 2ème alinéas de la loi du 23 décembre 2000, le FIVA est subrogé dans les droits des ayants droit de Monsieur [B] [D] à concurrence des sommes versées au titre de l’indemnisation de leurs préjudices.

Monsieur [B] [D] est décédé à l’âge de 81 ans des suites d’un cancer broncho-pulmonaire primitif dont les premiers symptômes sont apparus alors qu’il avait 73 ans.

Compte-tenu de sa conscience de la gravité de son affection et de son caractère irréversible outre de l’angoisse suscitée, les souffrances morales de Monsieur [B] [D] peuvent être qualifiées de très importantes et justifier une indemnisation à hauteur de 29.400 €.

Compte-tenu du nombre d’hospitalisations subies par Monsieur [B] [D], du traitement suivi par radiothérapie accompagnées d’effets secondaires habituellement rencontrés, les souffrances physiques justifient une indemnisation à hauteur de 4.800 €.

Le poste du préjudice d’agrément répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu’elle pratiquait antérieurement au dommage. Ce poste de préjudice répare également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Si ces activités peuvent effectivement être très diverses, encore faut il qu’une pratique effective soit démontrée.

Tel n’est pas le cas en l’espèce puisqu’il n’est même pas indiqué quelle était la nature des activités pratiquées par la victime.

La demande d’indemnisation formée de ce chef sera par conséquent rejetée.

Sur l’indemnisation des préjudices personnels subis par les ayants droit de Monsieur [B] [D]

En vertu de l’article L. 452-3 alinéa 2 du code de sécurité sociale, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants, ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

Monsieur [B] [D] est décédé à l’âge de 81 ans. Il était marié depuis 34 ans et avait eu avec son épouse 3 enfants ainsi que 4 petits-enfants.

Compte-tenu de la nature des liens familiaux, il convient de réparer le préjudice des ayants droit à hauteur de la somme de 71.900 € se décomposant comme suit:
[M] [D] (conjoint) : 32.600 € ;[E] [J], [S] [D] et [U] [A] (enfants) : 8.700 € chacun ;[Z] et [O] [J], [K] [A] et [G] [D] (petits-enfants) : 3.300 € chacun.
Il convient donc sur ces points de faire droit aux demandes du FIVA selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision, et de dire que ces sommes lui seront versées par la CPCAM des Bouches-du-Rhône en sa qualité de créancier subrogé.

Sur l’action récursoire de la CPCAM des Bouches-du-Rhône

La société [9] a été placée en liquidation judiciaire et la CPCAM des Bouches-du-Rhône ne pourra exercer son action récursoire compte-tenu de la disparition de l’employeur.

Sur les dépens

L’employeur n’ayant plus de personnalité juridique, les dépens seront mis à la charge de l’État.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort :

DIT que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur [B] [D], et dont il est décédé, est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [9] ;

ORDONNE la majoration de la rente de conjoint survivant perçue par Madame [R] [D] à son taux maximum ;

DIT que cette indemnité sera versée directement par la CPCAM des Bouches-du-Rhône à Madame [R] [D] ;

FIXE l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [B] [D] à la somme totale de 34.200 € comme suit :
souffrances morales : 29.400 € ;souffrances physiques : 4.800 € ;
FIXE l’indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit à la somme totale de 71.900 € se décomposant ainsi :
[M] [D] (conjoint) : 32.600 € ;[E] [J], [S] [D] et [U] [A] (enfants) : 8.700 € chacun ;[Z] et [O] [J], [K] [A] et [G] [D] (petits-enfants) : 3.300 € chacun ;
DIT que la CPCAM des Bouches-du-Rhône devra verser ces sommes au FIVA en sa qualité de créancier subrogé soit un total de 106.100 € ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

CONSTATE que la CPCAM des Bouches-du-Rhône ne dispose pas d’action récursoire à l’encontre de l’employeur ;

LAISSE les dépens à la charge de l’État.

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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