Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en matière de santé au travail

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Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en matière de santé au travail

L’Essentiel : Mme [Z] [A], employée par la FNATH depuis 2008, a subi une réorganisation en 2017 qui a modifié ses conditions de travail. Placée en arrêt maladie en février 2019 pour burn-out, elle a été licenciée en octobre pour insubordination. Contestant ce licenciement, elle a saisi le tribunal en 2022 pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Le tribunal a établi un lien entre sa maladie et son travail, ordonnant une majoration de sa rente et une expertise pour évaluer ses préjudices, tout en condamnant la FNATH à rembourser les sommes dues à la caisse d’assurance maladie.

Contexte de l’affaire

Mme [Z] [A] a été employée par l’association FNATH depuis le 19 septembre 2008, d’abord à temps partiel puis à temps plein à partir de septembre 2011. En juin 2017, une réorganisation a eu lieu suite à l’absorption du groupement de Haute-Savoie, entraînant des modifications dans les conditions de travail de Mme [Z] [A]. Elle a été sollicitée pour traiter des contentieux supplémentaires et a refusé de travailler en présentiel le mercredi matin, ce qui a conduit à des tensions avec son employeur.

Arrêt de travail et licenciement

Mme [Z] [A] a été placée en arrêt de travail à partir du 26 février 2019, déclarant une maladie professionnelle liée à un burn-out et un syndrome anxio-dépressif. Le 7 octobre 2019, elle a été licenciée pour insubordination, en raison de son refus de fournir des justificatifs concernant son autre activité d’aidant familial. Elle a contesté ce licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a déclaré celui-ci nul en raison de son arrêt maladie.

Demande de reconnaissance de faute inexcusable

Le 15 septembre 2022, Mme [Z] [A] a saisi le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Les parties ont échangé des pièces et conclusions, et un comité régional a été désigné pour donner son avis sur l’origine professionnelle de sa maladie. Ce comité a établi un lien direct entre la maladie et le travail de Mme [Z] [A].

Arguments de Mme [Z] [A]

Mme [Z] [A] a soutenu que sa maladie était imputable à la faute inexcusable de la FNATH, en mettant en avant la reconnaissance de son état par deux comités régionaux. Elle a affirmé que son état n’était pas lié à son emploi d’aidant familial et a demandé une majoration de rente, une expertise pour évaluer ses préjudices, ainsi qu’une provision de 10 000 € pour ses préjudices.

Arguments de la FNATH

L’association FNATH a contesté les demandes de Mme [Z] [A], arguant que la charge de la preuve du caractère professionnel de la maladie pesait sur elle. Elle a nié l’existence d’une surcharge de travail et a soutenu que la maladie de Mme [Z] [A] était due à des facteurs personnels, notamment son second emploi. FNATH a également demandé la condamnation de Mme [Z] [A] à lui verser 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision du tribunal

Le tribunal a reconnu la maladie de Mme [Z] [A] comme étant imputable à son emploi à la FNATH et a déclaré que l’association avait commis une faute inexcusable. Il a ordonné la majoration de la rente au taux maximum et a décidé d’une expertise judiciaire pour évaluer les préjudices. Une provision de 5 000 € a été allouée à Mme [Z] [A], et la FNATH a été condamnée à rembourser les sommes dues à la caisse primaire d’assurance maladie.

Conclusion

Le tribunal a statué en faveur de Mme [Z] [A], reconnaissant la faute inexcusable de la FNATH et ordonnant des mesures pour indemniser la victime. L’affaire a été renvoyée pour l’expertise et les conclusions ultérieures, avec une exécution provisoire de droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur selon le Code de la sécurité sociale ?

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est régie par l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »

Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, il faut établir que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est important de noter que la faute inexcusable n’a pas besoin d’être la cause déterminante de l’accident ou de la maladie. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même si d’autres fautes, y compris celle de la victime, ont contribué au dommage.

En dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Comment est déterminé le caractère professionnel d’une maladie selon le Code de la sécurité sociale ?

Le caractère professionnel d’une maladie est défini par l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, qui précise que :

« Le caractère professionnel d’une maladie non désignée dans un tableau ne peut être reconnu qu’après avis d’un comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles. »

Cela signifie que, pour qu’une maladie soit reconnue comme professionnelle, il est nécessaire de recueillir l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le juge ne peut statuer sur le caractère professionnel de la maladie sans avoir préalablement obtenu cet avis, même si la caisse primaire d’assurance maladie a suivi l’avis d’un comité régional.

Dans le cas présent, la maladie de Mme [Z] [A] a été reconnue comme professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie, suite à l’avis d’un comité régional, ce qui est un élément essentiel pour établir la responsabilité de l’employeur.

Quelles sont les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur sur les droits de la victime ?

Les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur sont régies par l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« En présence d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités. »

Cette majoration est accordée au taux maximal légal du capital ou de la rente servie. Il est également précisé que seule la faute inexcusable de la victime peut entraîner une diminution de cette majoration.

En outre, l’article L.452-3 du même code permet à la victime de demander réparation pour les préjudices causés par les souffrances physiques et morales, ainsi que pour d’autres préjudices tels que l’esthétique ou la perte de possibilités de promotion professionnelle.

Ainsi, la reconnaissance de la faute inexcusable ouvre droit à des indemnités complémentaires et à une majoration des rentes, ce qui constitue une protection importante pour la victime.

Quel est le rôle de l’expertise médicale dans l’évaluation des préjudices liés à une maladie professionnelle ?

L’expertise médicale joue un rôle crucial dans l’évaluation des préjudices liés à une maladie professionnelle, comme le stipule l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale. Cet article précise que :

« Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales. »

L’évaluation des préjudices nécessite souvent une expertise médicale pour déterminer la nature et l’ampleur des souffrances, ainsi que les conséquences sur la vie quotidienne de la victime.

L’expert doit examiner les lésions, évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent, et déterminer les préjudices esthétiques, d’agrément, et autres.

Cette expertise est essentielle pour établir un lien entre la maladie professionnelle et les préjudices subis, et pour quantifier les indemnités dues à la victime.

En conclusion, l’expertise médicale est un outil fondamental pour garantir que les victimes de maladies professionnelles reçoivent une indemnisation juste et appropriée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 20 Janvier 2025

Affaire :

Mme [Z] [A]

contre :

Association FNATH, CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN

Dossier : N° RG 22/00500 – N° Portalis DBWH-W-B7G-GD7V

Décision n°25/

Notifié le
à
– [Z] [A]
– Association FNATH

Copie le:
à
– Me Marie christine REMINIAC
– Me Gilles GELEBART
– CPAM 01

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Nadège PONCET

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Baptiste BRAUD

ASSESSEUR SALARIÉ : Jean-Pierre DECROZE

GREFFIER : Ludivine MAUJOIN

PARTIES :

DEMANDEUR :

Madame [Z] [A]
[Adresse 4]
[Localité 2]
assistée par Me Marie- Christine REMINIAC, avocat au barreau de l’AIN

DÉFENDEUR :

Association FNATH
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Me Gilles GELEBART, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN
Pôle des affaires juridiques
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Madame [V] [P], dûment mandatée,

PROCEDURE :

Date du recours : 15 Septembre 2022
Plaidoirie : 25 Novembre 2024
Délibéré : 20 Janvier 2025
EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [A] a été embauchée au sein de l’association FNATH (actuellement Groupement Départemental du Rhône Alp’Ain) le 19 septembre 2008 en contrat à durée indéterminé à temps partiel puis à temps plein à compter de septembre 2011.

En juin 2017, le Groupement Rhône Ain a absorbé le groupement de Haute-Savoie. Lors du conseil l’administration du 16 septembre 2017, il a été décidé une réorganisation du service juridique.

Mme [Z] [A], aux termes de son contrat de travail, travaillait au bureau de [Localité 1] sauf représentations aux audiences du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30 avec une pause déjeuner d’une demi-heure. Elle bénéficiait de son mercredi après-midi et travaillait le mercredi matin en télétravail.

Dans le cadre de la réorganisation, des modifications ont été envisagées quant aux conditions de travail de Mme [Z] [A].

Il a été demandé à Mme [Z] [A] de traiter le contentieux lié aux sections de [Localité 12], [Localité 9] et [Localité 8].

Puis la FNATH a sollicité Mme [Z] [A] pour qu’elle travaille le mercredi matin en présentiel ce que Mme [Z] [A] a refusé.

Mme [Z] [A] a été placée en arrêt de travail à compter du 26 février 2019 puis à compter du 21 mars 2019. Elle a déclaré une maladie professionnelle, «burn-out et syndrome anxio-dépressif», à compter du 21 mars 2019 avec une date de première constatation médicale au 26 février 2019.

Mme [Z] [A] a été licenciée par la FNATH le 7 octobre 2019 pour insubordination en ce qu’elle n’a pas communiqué à son employeur la FNATH de justificatifs concernant son autre activité (aidant familial).

Mme [Z] [A] a contesté la régularité de son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Lyon. Celui-ci par jugement rendu le 23 mai 2023, a déclaré le licenciement de Mme [Z] [A] nul pour être intervenu pendant son arrêt maladie d’origine professionnelle.

C’est dans ces conditions que par requête du 15 septembre 2022, Mme [Z] [A] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Les parties ont été invitées à échanger leurs pièces et conclusions dans le cadre de la mise en état à compter du 5 décembre 2022.

Par ordonnance du président du pôle social du 8 janvier 2024, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur a été désigné pour donner son avis sur l’origine professionnelle de la maladie de Mme [Z] [A] dans le cadre de la procédure de faute inexcusable.

Selon avis du 26 avril 2024, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a retenu l’existence d’un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et le travail habituel de la victime.

Les parties ont été convoquées pour l’audience du 28 octobre 2024. L’affaire a été renvoyée à leur demande à l’audience du 25 novembre 2024.

Mme [Z] [A] représentée par son conseil, se référant à ses écritures, demande au tribunal :
-de juger recevable sa demande,
-de confirmer le caractère professionnel de la maladie professionnelle déclarée et reconnue comme telle par la caisse primaire d’assurance maladie le 29 juillet 2020
-de juger que la maladie professionnelle est imputable à la faute inexcusable commise par l’association FNATH,
-de lui allouer une majoration de rente au taux maximum,
-de nommer un expert pour évaluer ses préjudices avant dire droit,
-de condamner l’association FNATH à lui verser la somme de 10.000 € à titre de provision, à valoir sur le préjudice définitif,
-d’ordonner l’exécution provisoire,
-de condamner l’association FNATH à lui verser la somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre la prise en charge des dépens.

Au soutien de ses demandes, elle expose :
-que les deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ont reconnu le caractère professionnel de la maladie,
-qu’en aucun cas cette maladie professionnelle n’est en lien avec son emploi d’aidant familial,
-que l’absence de mention de son emploi d’aidante familiale sur sa déclaration de maladie professionnelle est un simple oubli,
-qu’à supposer que sa maladie ait plusieurs causes, l’origine multifactorielle d’une maladie n’est pas de nature à exclure son caractère professionnel, dès lors qu’il n’est pas exigé que le travail de la victime soit la cause exclusive,
-que l’employeur échoue à rapporter la preuve d’une cause personnelle ou d’un état antérieur,
-que l’origine de sa maladie ne remonte pas au début de ses relations avec la FNATH mais à compter de la réorganisation de 2017,
-qu’elle a régulièrement exprimé ses doléances à Mme [X] lors des entretiens, dont la teneur doit être examinée en tenant compte de la version de la salariée,
-que son état dépressif n’est ni en lien avec un passé prétendu de victime de violences conjugales ni en lien avec la charge de ses parents handicapés à assumer,
-que le médecin du travail a pu juger ses conditions de travail délétères et que les reproches faits à ce médecin ne sont pas compréhensibles,
-que la FNATH cherche à minorer son travail mais que celui-ci était conséquent,
-que les attestations produites le prouvent et que les chiffres produits ne démontrent pas une baisse d’activité,
-que l’attestation de M. [K] est contestable,
-qu’à partir de 2017, elle a été obligée de prendre en charge, à titre complémentaire, les sections de [Localité 9], [Localité 8] et [Localité 12], de gérer les permanences de [Localité 12] une fois par mois et de plaider les dossiers auprès de [Localité 13] en plus de [Localité 1],
-que cette surcharge de travail avait été signalée,
-que les échanges produits par la FNATH tendent seulement à démontrer qu’elle n’entendait pas créer un poste salarié ce qui n’excluait pas la nécessité de la participation d’un bénévole,
-qu’elle avait la particularité d’exercer seule et donc de devoir être très autonome,
-que son employeur a fait pression sur elle pour modifier son contrat de travail et ses horaires du mercredi ainsi que son télétravail,
-qu’elle ne s’est pas opposée à un reporting de son activité les mercredis matin, et qu’elle était parfaitement disponible au téléphone,
-que son employeur n’a rien fait malgré cette surcharge de travail et a au contraire exercé des pressions,
-qu’en 2011 déjà il avait été envisagé d’embaucher une secrétaire pour la soulager,
-que la FNATH avait donc bien conscience du danger auquel elle était exposée.

L’association FNATH, représentée par son conseil, demande pour sa part, à titre principal, de débouter Mme [Z] [A] de ses demandes, et subsidiairement de réduire à son minimum le montant de la majoration de la rente ou du capital, de limiter la mesure d’expertise. Elle demande en tout état de cause la condamnation de Mme [Z] [A] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :
-que la charge de la preuve du caractère professionnel de la maladie pèse sur le salarié,
-que la maladie n’a pas de caractère professionnel en cas d’état antérieur,
-qu’en cas de pluralité d’employeurs, le salarié doit aussi prouver que ladite maladie est causalement liée aux conditions de travail chez l’employeur qu’il a assigné au tribunal,
-que le tribunal n’est pas lié par les avis des comités,
-qu’à compter de fin 2018, Mme [Z] [A] s’est montrée opposante à toute démarche, et s’est victimisée en ayant tendance à exagérer et à accuser de manière systématique,
-que la relation de travail s’est déroulée sans le moindre heurt jusqu’à ce que l’association envisage de mettre fin au télétravail de Mme [Z] [A] les mercredis,
-que le test de Maslach n’a pas de valeur probatoire,
-qu’il n’y avait pas de surcharge de travail, le nombre d’adhérents et de dossiers traités étant en baisse,
-qu’en 2018, elle n’a participé qu’à 30 audiences sur l’année et qu’en outre, les dossiers de faute inexcusable étaient conclus par la fédération et non par elle, qu’il en était de même pour les dossiers complexes,
-qu’elle ne recevait les adhérents que sur des plages limitées,
-que les évaluations annuelles ne mentionnent aucune surcharge de travail et que le seul souci évoqué par Mme [Z] [A] est le souhait de changer de locaux,
-que Mme [Z] [A] a été remplacée par un juriste à temps partiel (24h) qui a pourtant en plus la responsabilité du département de Haute-Savoie,
-que les allégations de surcharge du travail sont formulées a posteriori, pour les besoins de la cause,
-que les bénévoles ne pouvaient avoir d’idée précise de la quantité de travail confiée à Mme [Z] [A],
-que la diminution du nombre de bénévoles n’était pas spécifique à l’Ain et a été compensée par la baisse du nombre d’adhérents,
-que la proposition d’avenant à son contrat de travail ne peut être qualifiée de « pression »,
-que l’employeur n’a brandi aucune menace en cas de refus de la modification proposée,
-qu’ainsi au regard du refus de Mme [Z] [A], cette dernière a tout simplement continué de travailler en télétravail le mercredi matin,
-qu’une relance rectifiée ne constitue pas un harcèlement,
-que tout au plus il lui a été demandé des rapports hebdomadaires d’activité pour cette demi-journée,
-que les évaluations ne tracent aucun problème hiérarchique,
-que l’employeur a fait le nécessaire pour améliorer le confort de sa salarié en commandant une étude ergonomique et en investissant dans des fauteuils ergonomiques,
-que l’employeur n’était pas opposé au changement de locaux mais que Mme [Z] [A] qui en a visité n’a pas retenu de locaux convenant aux moyens limités de l’association,
-que la demande d’augmentation de salaire exprime bien le souhait initial de Mme [Z] [A] de s’inscrire dans une relation durable avec son employeur,
-que l’employeur n’a jamais remis en cause ses compétences professionnelles,
-que l’état dépressif chronique résistant mis en évidence par le Dr [B] chez Mme [Z] [A] ne permet pas de rattachement à ses conditions de travail,
-que la présence d’un syndrome interprétatif permet de mettre en doute la réalité des affirmations portées par Mme [Z] [A] dans le cadre du présent litige,
-que la salariée a subi des épreuves personnelles qui sont très certainement la cause de cet état dépressif,
-que sa maladie est très certainement due à son second emploi,
-que d’ailleurs initialement l’arrêt maladie lui a été délivré pour une maladie de droit commun,
-que ses conditions de travail au sein de l’association la mettait à l’abri de tout stress majeur et de toute tension dans la mesure où elle ne croisait jamais les dirigeants de l’association, qu’elle avait de bons rapports avec sa responsable hiérarchique, qu’elle jouissait d’une totale autonomie, qu’elle n’avait aucun objectif quantitatif à remplir, qu’il n’y avait aucune obligation de reporting sauf à la fin pour le mercredi matin, qu’elle n’a jamais fait l’objet de sanction disciplinaire, qu’il a été apporté du soin à son confort de travail, que sa charge de travail était raisonnable et en diminution, que les déplacements professionnels étaient en nombre limité,
-que la médecine du travail n’a jamais émis la moindre réserve,
-que l’employeur n’a reçu aucune alerte sur l’état de santé de Mme [Z] [A],
-que le courrier de Mme [Z] [A] du 28 février 2019 ne fait pas mention d’une surcharge de travail ou d’une fatigue,
-qu’en tout état de cause cette alerte serait tardive et n’aurait été destinée qu’à monter un dossier contre l’association,
-qu’il ne peut être tenu compte des attestations de Mme [X] dans la mesure où cette dernière a également un contentieux à l’égard de l’association et qu’ainsi les deux intéressées procèdent dans leur dossier respectif à des échanges d’attestation,
-qu’au demeurant il revenait à Mme [X] d’alerter sa propre hiérarchie,
-que les témoins revendiqués par Mme [Z] [A] étaient présents de manière très sporadique,
-que l’absorption de la Haute-Savoie n’a pas entrainé de grands changements,
-que l’évaluation du 21 février 2017 ne contient pas d’alerte particulière,
-que la parole de Mme [Z] [A] n’est pas fiable compte tenu du syndrome interprétatif dont elle souffre,
-qu’ainsi l’employeur ne pouvait avoir conscience du prétendu danger et qu’il a tout mis en œuvre pour garantir à Mme [Z] [A] de bonnes conditions de travail.

La CPAM s’en rapporte sur les prétentions de Mme [Z] [A]. Elle indique que si le tribunal reconnaît l’existence d’une faute inexcusable, l’association FNATH devra être condamnée à lui rembourser les sommes dont elle aura à faire l’avance au titre de la majoration de la rente, des préjudices ainsi que des frais d’expertise. Elle précise que le taux d’IPP opposable à l’employeur sera celui initialement notifié à l’employeur même si la majoration de la rente s’appliquera sur le taux retenu par le tribunal, Mme [Z] [A] ayant contesté ce taux et l’affaire étant pendante devant le tribunal.

MOTIFS

Sur la faute inexcusable

L’article L.452-1 du code de la sécurité sociale dispose que « lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »

Le manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident ou de la maladie d’origine professionnelle. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes – en ce compris la faute d’imprudence de la victime – auraient concouru au dommage.

En dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

-sur le caractère professionnel de la maladie

L’existence d’une faute inexcusable suppose que soit établie au préalable l’existence d’une maladie professionnelle.

Il est constant que la décision de prise en charge de l’accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute, ne fait pas obstacle à ce que l’employeur conteste, pour défendre à l’action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Selon l’article L 461-1 alinéa du code de la sécurité sociale le caractère professionnel d’une maladie non désignée dans un tableau ne peut être reconnu qu’après avis d’un comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles de sorte que saisi d’une contestation de l’employeur, en défense à l’action en reconnaissance de sa faute inexcusable quant au caractère professionnel de la maladie, le juge doit recueillir au préalable l’avis d’un comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles. Le juge ne peut statuer sans avoir recueilli l’avis d’un autre comité régional, même si la caisse a suivi l’avis d’un comité régional alors que la maladie n’était pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles.

En l’espèce, la maladie professionnelle déclarée et reconnue comme telle par la caisse primaire d’assurance maladie dans ses rapports avec la salariée suite à un avis d’un premier comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est décrite de la manière suivante par le certificat médical initial du 21 mars 2019 (rectifié) : « burn out avec épuisement émotionnel important et perte d’accomplissement personnel constaté par médecin du travail ». Il est fait état d’une première constatation médicale de la maladie professionnelle au 26 février 2019.

Au soutien du caractère professionnel de sa maladie en lien avec son activité à la FNATH, Mme [Z] [A] expose en substance :
-que sa charge de travail s’est accrue depuis 2017, date à laquelle l’association s’est restructurée, de nouvelles tâches lui ayant été attribuées (permanences et audiences) dans un contexte où les bénévoles manquaient,
-que début 2019, son employeur a exercé une pression sur elle pour modifier son contrat de travail afin de lui demander de travailler en présentiel pendant la journée du mercredi.

Pour contester le caractère professionnel de la maladie la FNATH, pour sa part :
-réfute l’existence d’une augmentation de la charge de travail de Mme [Z] [A],
-affirme que tout allait bien dans sa relation avec Mme [Z] [A] jusqu’à son premier arrêt de travail,
-nie toute démarche ayant consisté à faire pression sur Mme [Z] [A] pour la modification de ses horaires et la suppression du télétravail, indiquant simplement avoir dans le cadre de son pouvoir de direction, sollicité des comptes-rendus d’activité,
-considère que Mme [Z] [A] souffre d’une pathologie dépressive sans lien avec le travail, et que l’épuisement décrit est plutôt en lien avec son second emploi d’assistante familiale.

En l’espèce, alors que depuis le 1er septembre 2011 Mme [Z] [A] occupait les fonctions de juriste dans le cadre d’un emploi basé à [Localité 1], il résulte du compte-rendu du conseil d’administration du groupement de la FNAT RHONE ALP’AIN du 16 septembre 2017 que Mme [Z] [A] devait également assumer à partir de cette date les permanences de [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 13]. Cette extension de périmètre est reconnue par l’employeur, et les bénévoles ayant travaillé avec Mme [Z] [A] ( Mme [O] [Y], Mme [D] [N], Mme [L] [E], Mme [U] [R]) témoignent de la charge supplémentaire que cela a impliqué en terme de déplacements pour les permanences et suivis de dossiers nouveaux, des trajets étant également effectués pour plaider des dossiers à [Localité 10]. Si l’employeur justifie que les déplacements et la charge des audiences de Mme [Z] [A] étaient tout à fait soutenable dans un contexte de baisse du nombre d’adhésions et de baisse des dossiers, il ne rapporte pas de preuve suffisante de l’absence de travail supplémentaire allégué par Mme [Z] [A] et résultant de cette extension de périmètre. En effet, en premier lieu, les chiffres concernant les diminutions d’adhésions sont donnés sur la globalité du secteur, et non spécifiquement concernant l’Ain. Par ailleurs, s’agissant de la charge de travail de Mme [Z] [A], il ne peut être simplement tenu compte d’une diminution de dossiers alors que les tâches confiées à celle-ci sont extrêmement diversifiées. Il résulte en effet de l’historique des fonctions occupées par Mme [Z] [A] confirmé en cela par les attestations de sa responsable hiérarchique et des bénévoles que Mme [Z] [A] a débuté en qualité de secrétaire, puis s’est formée en tant que juriste, et qu’elle a ainsi toujours cumulé des fonctions administratives tenant à l’accueil et à la gestion des adhérents et ses nouvelles fonctions de juriste (pièce 8 de Mme [A] : annexe de la FNATH du Rhône et de l’Ain). Seule salariée pour le secteur de l’Ain au moins depuis 2011, il ressort des pièces versées aux débats qu’elle a assumé ses fonctions toujours avec l’aide de bénévoles qu’elle recrutait et gérait elle-même. Il y en avait cinq lorsque Mme [A] était assistante juriste dans les années 2011 ou 2012 (pièce 8 précitée), il n’y en avait visiblement plus que trois en juin 2018, avec des problèmes personnels (courriel de Mme [O] [Y] adressé notamment à M. [S] le 8 juin 2018, pièce 19 de Mme [A]). Dans la mesure où il n’est pas établi que les juristes du Rhône assumaient également ces tâches d’accueil, de permanence et de gestion des adhésions, il ne peut être soutenu que Mme [Z] [A] n’était pas confrontée à une charge de travail supplémentaire. De même la comparaison des tâches effectuées par le remplaçant de Mme [Z] [A] ne peut être considérée comme pertinente dans la mesure où d’autres embauches sur des tâches administratives ont eu lieu parallèlement à ce recrutement de juriste. Il apparaît en outre que Mme [Z] [A] assumait d’autres tâches annexes que ses tâches de juriste : visiblement elle recrutait des bénévoles, devait elle-même se renseigner sur la possible embauche de contrats aidés pour la soutenir ou prospectait pour la visite de nouveaux locaux. Enfin, et contrairement à ce que soutient l’association FNATH, cette augmentation de travail est bien remontée à sa hiérarchie avant les arrêts de Mme [Z] [A]. En effet, l’une des bénévoles évoque d’ores-et-déjà une situation potentielle de « burn out » dans un courriel du 8 juin 2018 à l’attention de la Direction. Par ailleurs, la demande d’augmentation de salaire de Mme [Z] [A] (pièce 56 de la FNATH), loin de manifester les bons rapports entre la salariée et l’association FNATH, fait bien allusion à une augmentation de la charge de travail, la salariée indiquant : « Depuis 2015, aucune réévaluation de mon salaire n’a été appliquée malgré la surcharge de travail qui ne cesse d’augmenter ».

A ces nouvelles missions s’est ajoutée la demande de la direction, fin 2018, début 2019, de modifier les horaires des salariés afin de garantir des plages horaires d’accueil plus importantes. Or, pour Mme [Z] [A], il s’est avéré que ses horaires de travail étaient contractualisés en particulier qu’elle ne travaillait pas pour la FNATH le mercredi après-midi et qu’elle télétravaillait le mercredi matin. Les courriers et courriels entre Mme [Z] [A] et la direction de la FNATH attestent d’échanges tendus et insistants de la part de la Direction, laquelle a établi deux projets d’avenants malgré le refus clair exprimé par Mme [Z] [A] rappelant notamment son second emploi d’aidant familial. Si la Direction de la FNATH soutient qu’elle n’était pas avisée de cette situation de cumul d’emploi, cette position ne peut être retenue dans la mesure où la responsable hiérarchique directe, Mme [X], connaissait cet état de fait et qu’un ancien membre du Conseil d’Administration avait connaissance de cette situation (pièce 40 de la salariée, attestation de M. [C]). Fin février et début mars, soit juste avant l’arrêt maladie, ce sujet a ainsi cristallisé la tension latente qui pouvait exister entre la salariée et sa Direction du fait de sa charge de travail.

S’agissant d’une possible cause extérieure et indépendante du travail à la FNATH pour expliquer le syndrome anxiodépressif déclaré, cette version n’est corroborée par aucun élément de preuve sérieux.

Pour ce qui est du contexte conjugal et familial de l’intéressée, il apparaît que son divorce remonte à plusieurs années et les attestations de M. [T], Président puis Vice-Président de le FNATH, ne peuvent être prises qu’avec circonspection au regard du fait qu’il est également soutenu que la salariée bénéficiait d’une grande autonomie et rencontrait très peu les membres de la Direction. Quant à son emploi d’aidante familiale, cette contrainte existait depuis des années sans qu’aucun élément objectif ne permette de faire l’hypothèse d’une plus grande exigence de disponibilité pour accomplir ce travail. Aucune des attestations des bénévoles produites ne fait mention de soucis personnels de Mme [Z] [A]. Cette dernière n’a fait remonter aucune difficulté particulière de cette nature à sa hiérarchie. Enfin, s’agissant d’un possible état dépressif antérieur indépendant du burn-out, aucune pièce ne permet de documenter cette thèse. Le certificat du docteur [B] n’indique pas en effet que Mme [Z] [A] souffrirait d’un état antérieur mais se borne à constater la présence chez l’intéressée à la fois d’un état de stress post-traumatique, d’un état dépressif chronique et d’un syndrome interprétatif sans en trancher précisément les causes, sauf à souligner que l’IPP de 30% correspondant à la maladie professionnelle tient compte exclusivement du stress post-traumatique. A supposer donc qu’il y ait un état dépressif chronique évoluant pour son propre compte, ce certificat n’est donc pas de nature à disqualifier le lien direct et essentiel entre la maladie professionnelle en date du 26 février 2019 et le travail effectué par Mme [Z] [A] à la FNATH. Ce lien essentiel ressort au contraire des motivations des deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, lesquels ont estimé avec raison que la salariée avait été exposée à des conditions de travail délétères ou en tous cas à des risques psychosociaux, s’inscrivant dans la durée et confirmés par les témoignages au dossier. Chronologiquement en effet, les modifications des tâches à effectuer, du secteur géographique de l’intéressée, puis possiblement de ses horaires ont précédé la maladie sur une durée d’un peu plus d’un an. Les attestations versées aux débats par la demanderesse ainsi que ses entretiens d’évaluation témoignent de la préoccupation croissante de la salariée à l’égard de ces changements. Enfin, le courrier du médecin du travail, adressé au médecin traitant de l’intéressé le 16 avril 2019 et confirmant le diagnostic de burn-out complète ce faisceau d’indices.

Mme [Z] [A] rapporte donc bien la preuve du caractère professionnel de sa maladie et de l’imputabilité de cette maladie à ses conditions de travail auprès de l’association FNATH.

-sur la caractérisation de la faute inexcusable

Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

D’une part il apparaît que les changements structurels générateurs des risques psycho-sociaux précédemment évoqués ont été décidé par la Direction de l’association elle-même. Ainsi la Direction de l’association était à l’origine de l’extension du secteur géographique de Mme [Z] [A], amenée à intervenir occasionnellement, mais régulièrement dans le Rhône. La demande tendant au travail le mercredi et à l’arrêt du télétravail est également une demande formée par la Direction elle-même et ce, de manière insistante.

Alors que l’employeur maintient qu’il avait une très bonne relation avec sa salariée, et qu’il n’a pas pu se douter d’une quelconque charge de travail supplémentaire et d’une dégradation de ses conditions de travail, cette position est contredite pas les pièces produites aux débats.

Comme déjà indiqué, au moins une bénévole, Mme [O] [Y], avait alerté la Direction sur la situation compliquée de la FNATH pour le secteur de l’Ain en juin 2018. De même, Mme [Z] [A] avait bien lié de manière expresse sa demande d’augmentation de salaire à une charge de travail plus lourde. Surtout, les comptes-rendus d’entretien produits par la FNATH aux débats sont des comptes-rendus tronqués, ne comportant pas l’annexe remplie par la salariée qui doit faire pourtant partie intégrante de cette évaluation.

En 2016, avant la restructuration, Mme [Z] [A] a notamment indiqué dans son compte-rendu d’activité, contresigné par sa supérieure hiérarchique Mme [X] qui n’a pas émis d’avis contraire, qu’elle avait recruté un nouveau bénévole et dans ses souhaits qu’elle espérait obtenir une salariée à mi-temps pour l’accueil et obtenir de nouveaux locaux.

En début d’année 2017, Mme [Z] [A] indique qu’elle a débuté la mise en place de permanences téléphoniques et une permanence à [Localité 13]. Elle note « des difficultés avec les bénévoles de l’accueil ». Elle réitère son souhait de changer de locaux et d’obtenir une salariée à mi-temps pour l’accueil en émettant le souhait de faire plus de développement (c’est-à-dire augmenter le nombre d’adhérents). Pour sa part sa supérieure hiérarchique a noté : attention à l’environnement et à l’accueil, ce qui semble être congruent avec les préoccupations de la salariée. Le commentaire de la salariée « A voir, la suite à venir !… », traduit chez la salariée si ce n’est des attentes, au moins des préoccupations sérieuses.

S’agissant de l’entretien du 27 avril 2018, Mme [Z] [A] signale comme événements importants la permanence sur [Localité 13] et l’attribution des sections du Rhône ([Localité 12], [Localité 9], [Localité 8]). Concernant son environnement de travail, Mme [Z] [A] signale qu’il n’y a plus assez de bénévoles et de nouveau que les locaux sont inadaptés. Elle renouvelle ses souhaits de nouveaux locaux et d’un salarié à mi-temps pour l’accueil. Son commentaire traduit cette fois-ci des attentes et une certaine lassitude « Les choses sont longues à se mettre en place !! A voir, la suite à venir… ».

Ces éléments démontrent, contrairement à ce que soutient l’employeur, que Mme [Z] [A] avait signalé à plusieurs reprises son besoin d’être soulagée sur des tâches administratives, et ce en particulier depuis l’extension de ses fonctions au secteur de [Localité 14], puisqu’elle n’a eu de cesse de réclamer un salarié à mi-temps pour la seconder. Il ressort également des comptes-rendus d’entretien mais également des différents témoignages des bénévoles que du point de vue des ressources humaines et très certainement pour limiter les coûts, le bon fonctionnement de l’association repose en grande partie sur la présence de bénévoles. Ainsi la présence de bénévoles apparaît à plusieurs reprises indispensable pour que Mme [Z] [A] puisse mener à bien ses missions, mais il apparait que concomitamment à l’extension de ses missions, plusieurs bénévoles sont partis. Or l’employeur n’a proposé aucune solution concrète pour alléger le travail de Mme [Z] [A], cette dernière étant renvoyée à elle-même pour trouver des solutions telles que le recrutement de bénévole ou l’étude de contrat aidés ou contrat en alternance, ainsi qu’en atteste la réponse de M. [S] au courriel d’alerte de Mme [Y].

En conclusion, alors que la détermination d’une organisation et la recherche de moyens adaptés est une responsabilité de l’employeur, que ce dernier était au courant des restructuration et des efforts demandés à ses salariés, puisqu’il en était à l’initiative, il n’a proposé aucune solution concrète pour réguler la charge de travail de Mme [Z] [A] et l’aider à composer avec ces contraintes nouvelles, alors qu’il avait été alerté à plusieurs reprises par la salariée elle-même et certains membres bénévoles de l’association.

Dès lors la faute inexcusable de l’employeur est démontrée.

Sur les conséquences de la faute inexcusable à l’égard de la victime

Sur la majoration de rente ou du capital

En présence d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités en application de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale.

Seule la faute inexcusable de la victime – entendue comme une faute volontaire, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience – est susceptible d’entraîner une diminution de la majoration de la rente.

La faute inexcusable de l’employeur étant reconnue à l’exclusion de toute faute de même nature de la victime, il convient d’ordonner la majoration au taux maximal légal du capital ou de la rente servie en application de l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale.

Cette majoration suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité permanente partielle reconnu à la victime.

Sur les préjudices personnels

Aux termes de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

Selon la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime peut demander à celui-ci réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Il en résulte que la victime ne peut pas prétendre à la réparation des chefs de préjudices suivants déjà couverts :
les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L.431-1 et suivants, L.434-2 et suivants),l’incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l’allocation d’un capital ou d’une rente d’accident du travail (L.431-1 et L.434-1) et par sa majoration (L.452-2),les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.
En revanche, la victime peut notamment prétendre à l’indemnisation, outre celle des chefs de préjudice expressément visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, :
du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,du déficit fonctionnel permanent, qui n’est pas indemnisé par la rente,des dépenses liées à la réduction de l’autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, à l’exception de l’assistance d’une tierce personne après consolidation (couverte par l’article L.434-2 alinéa 3),du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d’agrément.
L’évaluation des préjudices nécessitant dans le cas d’espèce une expertise médicale, elle sera ordonnée sur cette base, selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.

La caisse primaire d’assurance maladie fera l’avance des frais d’expertise, en application des dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale (Civ. 2ème 9 juillet 2015 n°14-15.309).

La demanderesse sollicite par ailleurs le versement d’une provision d’un montant de 10.000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Elle produit à ce stade la dernière notification du taux d’IPP fixé à 30 %.

Ces éléments justifient d’allouer à Mme [Z] [A] une provision d’un montant de 5.000€ dont la caisse primaire assurera l’avance en application de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Sur l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie

En application de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices alloués à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la majoration de la rente, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

Il en est de même de la majoration de rente versée en application de l’article L.452-2 alinéa 6 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain est fondée à recouvrer à l’encontre de l’association FNATH le montant de la provision ci-dessus accordée, des indemnisations complémentaires qui seront éventuellement accordées postérieurement ainsi que la majoration de la rente (sur la base du taux opposable à l’employeur).

Sur les demandes accessoires

L’exécution provisoire est de droit, compte tenu de la date du recours.

Dans l’attente de l’expertise, il convient de réserver les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DIT que la maladie du 26 février 2029 de Mme [Z] [A] est imputable à son emploi auprès de l’association FNATH et est due à la faute inexcusable de l’association FNATH, son employeur ;

DIT que la rente servie par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale sera majorée au montant maximum,

DIT que la majoration suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué,

Avant-dire droit sur la liquidation du préjudice personnel de Mme [Z] [A],

ORDONNE une expertise judiciaire et désigne pour y procéder :

Docteur [M] [W], domiciliée [Adresse 6] à [Localité 11],

Avec pour mission de :

1. Entendre contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel,

2. Recueillir les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l’accident du travail et sa situation actuelle,

3. Se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial,

4. Fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d’études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l’accident,

5. A partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,

6. Retranscrire dans son intégralité les certificats médicaux initiaux et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ; prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,

7. Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

8. Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

9. Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux,

10. Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, si la date de consolidation ne peut pas être fixée, décrire l’état provisoire de la victime et indiquer dans quel délai la victime devra être réexaminée,

11. Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation,

12. Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ; indiquer si des dépenses liées à la réduction de l’autonomie sont justifiées et si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation,

13. Dégager, en les spécifiant, les éléments propres à caractériser un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

14. Décrire les souffrances physiques ou morales résultant des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles de l’accident ; les évaluer selon l’échelle de sept degrés,

15. Déterminer si le logement ou le véhicule de la victime ont nécessité une adaptation,

16. Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l’évaluer selon l’échelle de sept degrés,

17. Lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir ou la gêne dans l’accomplissement de ces pratiques, donner un avis médical sur cette impossibilité ou sur cette gêne et sur son caractère provisoire ou définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation,

18. Dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),

19. Dire s’il existe sur le plan médical un préjudice exceptionnel, lequel est défini comme un préjudice atypique directement lié aux handicaps permanents dont reste atteint la victime après sa consolidation,

20. Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission,

21. Procéder aux opérations d’expertise, en présence des parties ou celles-ci convoquées et leurs conseils avisés,

22. Faire connaître son acceptation ou son refus d’exécuter sa mission dans le délai de 10 jours à compter de la date à laquelle il aura été informé par le greffe de la consignation de la provision mise à la charge des parties,

DIT qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera procédé aussitôt à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente, ou même d’office, par le magistrat chargé du contrôle de cette expertise,

DIT que les parties communiqueront à l’expert toutes les pièces dont elles entendent faire état préalablement à la première réunion d’expertise,

DIT que les parties communiqueront ensuite sans retard les pièces demandées par l’expert,

DIT qu’à l’issue de la première réunion d’expertise, l’expert devra communiquer aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise un état prévisionnel de ses frais et honoraires et devra en cas d’insuffisance de la provision consignée demander la consignation d’une provision supplémentaire,

DIT que l’expertise se déroulera dans le respect des règles prescrites par les articles 263 et suivants du code de procédure civile sous le contrôle du magistrat chargé de l’expertise,

DIT que l’expert adressera aux parties une note de synthèse ou un pré-rapport dans lequel elles seront informées de l’état des investigations et des conclusions,

DIT que l’expert recueillera leurs dires et observations, dans le délai maximum d’un mois, et mentionnera expressément dans son rapport définitif la suite donnée aux observations ou réclamations présentées,

RAPPELLE que l’article 173 du code de procédure civile fait obligation à l’expert d’adresser copie du rapport à chacune des parties ou, pour elles, à leur avocat,

DÉSIGNE le président de la formation qui a ordonné cette mesure pour suivre les opérations d’expertise,

DIT que l’expert déposera son rapport avant le 30 avril 2025 au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,

FIXE le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert à la somme de 1 200,00 euros,

ORDONNE la consignation de cette somme par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain à la Régie d’avances et recettes du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse avant le 1er mars 2025,

ALLOUE à Mme [Z] [A] la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,

DIT que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain versera directement à Mme [Z] [A] les sommes dues au titre de la provision, de la majoration des indemnités et des indemnisations complémentaires qui seront éventuellement ultérieurement accordées,

DIT que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain pourra recouvrer le montant de la provision, des indemnisations à venir et majoration accordées à Mme [Z] [A] ainsi que le coût de l’expertise, à l’encontre de l’association FNATH et CONDAMNE cette dernière à ce titre,

DIT que le recours de la caisse se fera dans la limite du taux d’incapacité opposable à l’employeur,

RENVOIE l’examen du dossier pour les conclusions du demandeur à l’audience de mise en état (sans comparution des parties) du 7 juillet 2025 à 14 heures,

SURSOIT à statuer sur la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RÉSERVE les dépens,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

En foi de quoi, la Présidente et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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