Extension des opérations d’expertise : enjeux de la mise en cause d’un mandataire liquidateur

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Extension des opérations d’expertise : enjeux de la mise en cause d’un mandataire liquidateur

L’Essentiel : Par ordonnance du 31 mai 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire sur un programme immobilier de 294 logements, initialement confiée à Monsieur [Y] [H], remplacé par Monsieur [U] [J] le 5 juillet 2023. Le 21 août 2024, la société MMA IARD a assigné la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS pour étendre l’expertise, invoquant l’article 145 du Code de procédure civile. Lors de l’audience du 25 novembre 2024, la SCP n’ayant pas constitué d’avocat, le juge a statué en faveur de l’extension des opérations d’expertise, rendant la participation de la SCP obligatoire.

Ordonnance d’expertise judiciaire

Par ordonnance du 31 mai 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire concernant un programme immobilier de 294 logements. Monsieur [Y] [H] a été désigné pour réaliser cette expertise, mais a été remplacé par Monsieur [U] [J] selon une ordonnance du 5 juillet 2023.

Assignation de la SCP MANDATAIRES LIQUIDATEURS

Le 21 août 2024, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD ont assigné la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS devant le Juge des Référés pour étendre les opérations d’expertise, invoquant l’article 145 du Code de procédure civile. Elles ont souligné que la société BETRI, en redressement judiciaire depuis le 30 mai 2024, nécessitait la participation de la SCP en tant que mandataire liquidateur.

Audience et absence de constitution d’avocat

L’affaire a été examinée lors de l’audience du 25 novembre 2024, où les sociétés MMA IARD ont maintenu leurs demandes. Malgré une assignation régulière, la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS n’a pas constitué d’avocat, permettant ainsi au juge de statuer par décision réputée contradictoire.

Motifs de la décision

Conformément à l’article 145 du Code de procédure civile, le juge peut ordonner des mesures d’instruction avant tout procès si un litige est suffisamment caractérisé. Les éléments présentés, notamment la note de synthèse de l’expert, montrent que la participation de la SCP est nécessaire pour poursuivre l’expertise. Les sociétés MMA IARD justifient donc d’un intérêt légitime à cette extension.

Décisions du juge

Le Juge des Référés a décidé que les opérations d’expertise confiées à Monsieur [U] [J] seront communes et opposables à la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS, qui devra participer aux réunions d’expertise. La mission de l’expert ne sera pas modifiée, et aucune consignation complémentaire n’est requise à ce stade. Les frais de la procédure resteront à la charge des sociétés MMA IARD, sauf s’ils sont inclus dans un éventuel préjudice global.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du Code de procédure civile dans le cadre de l’expertise judiciaire ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cet article permet donc au juge d’ordonner des mesures d’instruction, comme une expertise, avant même qu’un procès ne soit engagé, si un motif légitime est établi.

Dans le cas présent, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD ont justifié leur demande d’extension des opérations d’expertise en raison de l’importance de la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS dans le cadre du redressement judiciaire de la société BETRI.

Ainsi, la mise en cause de cette SCP est considérée comme nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise, ce qui répond aux exigences de l’article 145.

Comment l’article 149 du Code de procédure civile s’applique-t-il dans cette affaire ?

L’article 149 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. »

Cet article confère au juge une certaine flexibilité dans la gestion des mesures d’instruction. Dans le contexte de l’affaire, le juge a décidé d’étendre les opérations d’expertise pour inclure la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS, ce qui est en accord avec l’article 149.

Cette décision est justifiée par le fait que la participation de la SCP est essentielle pour garantir que le rapport d’expertise soit commun et opposable à toutes les parties concernées.

Le juge a donc exercé son pouvoir d’accroître l’étendue des mesures d’expertise, ce qui est conforme à la lettre et à l’esprit de l’article 149.

Quelles sont les implications de la décision sur les dépens dans cette affaire ?

La décision du juge stipule que :

« Les dépens seront laissés à la charge de la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD, sauf à les inclure dans leur éventuel préjudice global. »

Cela signifie que les frais liés à la procédure d’expertise et à l’assignation de la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS seront à la charge des demandeurs, sauf si ces frais sont intégrés dans une demande de préjudice global ultérieure.

Cette disposition est importante car elle souligne la responsabilité financière des parties qui initient une procédure, même si elles obtiennent gain de cause sur le fond.

Cela peut également influencer la stratégie des parties dans la gestion de leurs coûts et dans la formulation de leurs demandes de dommages et intérêts.

Quelles sont les conséquences de la décision sur la mission de l’expert ?

La décision précise que :

« La présente décision ne comporte pas de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande. »

Cela signifie que l’extension des opérations d’expertise à la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS ne modifie pas la mission initiale confiée à l’expert.

L’expert, Monsieur [U] [J], continuera à mener son travail sans changement dans les objectifs de son expertise.

De plus, il est stipulé qu’il n’y a pas lieu à consignation complémentaire, ce qui allège les obligations financières des parties à ce stade de la procédure.

Ainsi, la décision vise à garantir que l’expertise se déroule de manière fluide et efficace, tout en intégrant les nouvelles parties concernées sans altérer la mission de l’expert.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

54G

Minute n° 24/

N° RG 24/01786 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZN2N

MI : 23/00000941

4 copies

ORDONNANCE
COMMUNE

GROSSE délivrée
le 30/12/2024
à la SCP MAATEIS

COPIE délivrée
le 30/12/2024
à

2 copies au service expertise

Rendue le TRENTE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 25 novembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.

DEMANDERESSES

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Assureur de la Société COBAT
Dont le siège social est :
[Adresse 1]
[Localité 4]
Prise en la personne de son(ses) représentants légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS, avocats au barreau de BORDEAUX

SA MMA IARD
Assureur de la Société COBAT
Dont le siège social est :
[Adresse 1]
[Localité 4]
Prise en la personne de son(ses) représentants légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Stéphan DARRACQ de la SCP MAATEIS, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

SCP [U] [V] [Z] – [R] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS
Prise en sa qualité de Mandataire judiciaire de la Société BETRI (BUREAU D’ETUDES TECHNIQUES ET DE REALISATIONS IMMOBILIERES)
Dont le siège social est :
[Adresse 2]
[Localité 3]
Prise en la personne de son(ses) représentants légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Défaillant

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 31 mai 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire portant sur la réalisation d’un programme immobilier de 294 logements situés [Adresse 5] et [Adresse 7] à [Localité 6] et désigné Monsieur [Y] [H] pour y procéder, remplacé par Monsieur [U] [J] selon ordonnance du Magistrat chargé du Contrôle des Expertises du 5 juillet 2023.

Suivant acte du 21 août 2024, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD ont fait assigner la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de lui voir étendre ces opérations d’expertise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile.

Au soutien de leur demande, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD exposent que la société BETRI a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 30 mai 2024 et que la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS a été désignée ès qualité de mandataire liquidateur de cette dernière, et qu’il est donc nécessaire qu’elle soit attraite à la cause afin que le rapport d’expertise à intervenir lui soit commun et opposable.

L’affaire a été appelée à l’audience du 25 novembre 2024, au cours de laquelle la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD ont maintenu leurs demandes.

Bien que régulièrement assignée, la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS n’a pas constitué avocat.

Il y a dès lors lieu de statuer par décision réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

De même, l’article 149 du Code de procédure civile dispose que le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

En l’espèce, les pièces versées aux débats, et notamment la note de synthèse 1de l’Expert, laissent apparaître que la mise en cause de la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS est nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise. De ce fait, la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD justifient d’un intérêt légitime à faire étendre les opérations d’expertise confiées à Monsieur [U] [J].

Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande.

La présente décision n’entraîne pas de modification de la mission impartie à l’expert. Elle ne nécessite pas de consignation complémentaire, sous réserve de la demande que l’expert pourrait formuler.

À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, les dépens seront laissés à la charge de la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD, sauf à les inclure dans leur éventuel préjudice global.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux, statuant par ordonnance réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel ;

DIT que les opérations d’expertise confiées à Monsieur [U] [J]  par ordonnance de référé du 31 mai 2023 seront communes et opposables à  la SCP [Z] [M] MANDATAIRES LIQUIDATEURS qui sera tenue d’y participer ;

DIT que les opérations d’expertise seront reprises en présence de cette nouvelle partie, et qu’elle sera convoquée à toute réunion d’expertise ultérieure ;

DIT n’y avoir lieu à modifier la mission impartie à l’expert ;

DIT n’y avoir lieu en l’état à consignation complémentaire ;

DIT que la présente décision sera caduque dans l’hypothèse où l’expert aurait déjà déposé son rapport ;

DIT que la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD conserveront à leur charge les frais de la présente procédure, sauf à les inclure dans leur éventuel préjudice global.

La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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