Extension des opérations d’expertise : enjeux de responsabilité et d’assurance dans le cadre d’une évaluation immobilière.

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Extension des opérations d’expertise : enjeux de responsabilité et d’assurance dans le cadre d’une évaluation immobilière.

L’Essentiel : Par ordonnance du 17 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire sur un ensemble immobilier, désignant Madame [R] comme experte. Madame [X] [D] a assigné plusieurs parties, dont la SAS FBPP, pour étendre l’expertise. La société FBPP s’est opposée à cette demande, réclamant 2.000 euros pour frais. Les autres parties, la SARL SADES et MAAF ASSURANCES, ont accepté l’expertise avec réserves. Le Juge a jugé nécessaire la mise en cause des parties pour poursuivre l’expertise, déboutant FBPP de sa demande de mise hors de cause.

Ordonnance d’expertise judiciaire

Par ordonnance du 17 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire concernant un ensemble immobilier situé à l’adresse mentionnée, désignant Madame [R] pour réaliser cette expertise.

Assignation des parties

Madame [X] [D] a assigné plusieurs parties, dont la SAS FBPP, la SARL SADES, et divers assureurs, devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux, afin d’étendre les opérations d’expertise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile.

Arguments de la demanderesse

La demanderesse soutient que l’expert judiciaire a recommandé la mise en cause de plusieurs parties, y compris la société FBPP, qui a acquis le bien et mandaté des entreprises pour des travaux de rénovation, ainsi que Monsieur [E], qui a expertisé le bâtiment lors de son acquisition.

Opposition de la société FBPP

La société FBPP s’est opposée à la demande d’expertise commune et a demandé la condamnation de Madame [D] à lui verser 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, arguant qu’elle n’a pas fourni d’éléments suffisants pour justifier la demande d’expertise.

Réponses des autres parties

La SARL SADES et la MAAF ASSURANCES, en tant qu’assureur de la SADES, ont indiqué qu’elles n’opposaient pas à l’expertise, tout en émettant des réserves. La SA QBE EUROPE, assureur de la société ROCHA DM, a également accepté l’expertise tout en demandant le rejet des demandes de la société FBPP.

Absence de représentation d’autres parties

L’EURL [E] et la SA AXA FRANCE IARD, assureur de l’EURL [E], n’ont pas constitué avocat malgré leur assignation, ce qui a conduit à une décision réputée contradictoire.

Motifs de la décision

Le Juge a rappelé que l’article 145 du Code de procédure civile permet d’ordonner des mesures d’instruction avant tout procès si un motif légitime existe. Il a constaté que la mise en cause des parties était nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise.

Décisions du Juge

Le Juge a décidé que les opérations d’expertise seraient communes et opposables aux parties assignées, a débouté la société FBPP de sa demande de mise hors de cause, et a ordonné que les opérations d’expertise se poursuivent en leur présence.

Conséquences financières

Les dépens ont été laissés à la charge de Madame [X] [D], sauf s’ils sont inclus dans un éventuel préjudice global, et aucune application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile n’a été ordonnée.

Signature de la décision

La décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et Charlène PALISSE, Greffière, et a été prononcée publiquement par mise à disposition au greffe.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du Code de procédure civile dans le cadre d’une expertise judiciaire ?

L’article 145 du Code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé. »

Cet article permet donc au juge des référés d’ordonner des mesures d’instruction, comme une expertise judiciaire, lorsque des éléments de preuve sont nécessaires pour éclairer le litige avant qu’il ne soit jugé au fond.

Il est essentiel que le litige soit suffisamment caractérisé pour que le juge puisse agir. Dans le cas présent, le juge a constaté que les pièces versées aux débats, notamment la note expertale, justifiaient la nécessité d’étendre les opérations d’expertise à plusieurs parties, ce qui est conforme à l’esprit de l’article 145.

Comment l’article 149 du Code de procédure civile influence-t-il l’étendue des mesures d’expertise ?

L’article 149 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. »

Cet article confère au juge une certaine flexibilité dans la gestion des mesures d’instruction. Il peut, en fonction des éléments qui lui sont présentés, décider d’ajuster l’étendue des opérations d’expertise.

Dans le litige en question, le juge a décidé d’étendre les opérations d’expertise à plusieurs parties, ce qui est en accord avec l’article 149. Cela permet de garantir que toutes les parties concernées par le litige puissent être entendues et que l’expertise soit complète et exhaustive.

Quelles sont les implications de la prescription en matière de garantie des vices cachés ?

La société FBPP a soulevé la question de la prescription de l’action en garantie des vices cachés, affirmant que Madame [D] avait une parfaite connaissance de l’état de l’immeuble avant la vente.

Selon l’article 1648 du Code civil :

« L’action en garantie des vices cachés doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. »

Cela signifie que l’acquéreur doit agir dans un délai de deux ans après avoir découvert le vice caché. Si ce délai est dépassé, l’action est prescrite.

Dans le cadre de cette affaire, le juge des référés n’a pas à se prononcer sur la pertinence de cette argumentation, car il est saisi uniquement pour ordonner des mesures d’instruction. La question de la prescription sera examinée lors du procès au fond.

Quel est le rôle de l’article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de la demande de la société FBPP ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la société FBPP a demandé la condamnation de Madame [D] à lui verser 2.000 euros au titre de l’article 700. Cependant, le juge a décidé de ne pas faire application de cette disposition, considérant que l’équité ne commandait pas une telle condamnation à ce stade de la procédure.

Cela souligne que l’article 700 est utilisé pour compenser les frais engagés par une partie, mais son application dépend des circonstances de l’affaire et de l’appréciation du juge. Dans ce cas, le juge a estimé que les frais de la procédure devaient rester à la charge de Madame [D], sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

54G

Minute n° 24/

N° RG 24/00511 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y2NE

MI : 23/00000661

8 copies

ORDONNANCE
COMMUNE

GROSSE délivrée
le 30/12/2024
à la SELARL 3D AVOCATS
la SELARL GALY & ASSOCIÉS
la SELARL MP AVOCAT
la SELARL RACINE BORDEAUX
la SCP TMV

COPIE délivrée
le 30/12/2024
à

2 copies au service expertise

Rendue le TRENTE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

Après débats à l’audience publique du 25 Novembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffière.

DEMANDERESSE

Madame [X] [D]
née le 25 Juillet 1969 à [Localité 17]
[Adresse 6]
[Localité 9]

Représentée par Maître Pierrick CHOLLET de la SCP TMV AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSES

La S.A.S. FBPP
dont le siège social est :
[Adresse 4]
[Localité 8]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Martin PEYRONNET de la SELARL MP AVOCAT, avocats au barreau de BORDEAUX

La S.A.R.L. SADES (SOCIÉTÉ AQUITAINE DE DÉVELOPPEMENT ÉNERGETIQUE ET SANITAIRE)
dont le siège social est :
[Adresse 3]
[Localité 9]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Franck DUPOUY de la SELARL 3D AVOCATS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, Maître Vincent DUPOUY, membre de la SELARL 3D AVOCATS, avocat plaidant au barreau d’AGEN

La MAAF ASSURANCES SA
ès qualité d’assureur de la SASU SADES au titre d’un contrat “multirisque professionnelle” (n°133068096 W 001)
dont le siège social est :
[Adresse 16]
[Localité 12]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

La S.A. QBE EUROPE SA/NV ès qualité d’assureur de l’entreprise ROCHA DM au titre d’une police d’assurance “Responsabilité Civile et Décennale” (n°19072185999)
société anonyme dont le siège social est :
[Adresse 15]
[Localité 2] (99-BELGIQUE)
prise en la personne de sa succursale en France, la SA EUROPE SA/NV, société anonyme dont l’établissement principal est :
[Adresse 1]
[Localité 13]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Représentée par Maître Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX

L’E.U.R.L. [E]
entreprise uniersonnelle à responsabilité limitée exerçant sous le nom commercial AQUITAINE GIRONDE EXPERTISE BATIMENT
dont le siège social est :
[Adresse 5]
[Localité 10]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Défaillante

La S.A. AXA FRANCE IARD
prise en sa qualité d’assureur Responsabilité Civile de l’ EURL [E] (numéro de contrat 7507284404)
[Adresse 7]
[Localité 14]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège

Défaillante

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 17 avril 2023, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire portant sur un ensemble immobilier situé [Adresse 11] et désigné Madame [R] pour y procéder.

Suivant actes des 29 février et 1er mars 2024, Madame [X] [D] a fait assigner la SAS FBPP, la SARL SADES (SOCIETE AQUITAINE DE DEVELOPPEMENT ENERGETIQUE ET SANITAIRE), la MAAF ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la SASU SADES, la SA QBE EUROPE SA/NV en qualité d’assureur de la société ROCHA DM, L’EURL [E] en qualité d’assureur de la société AQUITAINE GIRONDE EXPERTISE BATIMENT et la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de L’EURL [E] devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de leur voir étendre ces opérations d’expertise au visa de l’article 145 du Code de procédure civile.

Au soutien de sa demande, Madame [X] [D] expose que l’expert judiciaire a préconisé la mise en cause de plusieurs parties ainsi que leur assureur, à savoir la société FBPP qui a fait l’acquisition du bien litigieux et a mandaté plusieurs entreprises dont la société SADES et ROCHA DM afin de procéder à des travaux de rénovation intérieure, ainsi que laMonsieur [E], lequel a expertisé le bâtiment dans le cadre de son acquisition par la demanderesse.

La société FBPP s’est opposée à la demande d’expertise commune et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.

Elle expose au soutien de ses prétentions que Madame [D] n’apporte aucun élément, autre que l’avis de l’expert, permettant de démontrer à son encontre d’un motif légitime à la demande d’expertise et ajoute qu’elle avait en tout état de cause une parfaite connaissance de l’état de l’immeuble avant la vente et que son action sur le fondement de la garantie des vices cachés est prescrite.

La SARL SADES a indiqué ne pas s’opposer à ce que les opérations d’expertise lui soient rendues communes et opposables, sous toutes protestations et réserves d’usage.

La MAAF ASURANCES en qualité d’assureur de la SARL SADES a indiqué ne pas s’opposer à ce que les opérations d’expertise lui soient rendues communes et opposables, sous toutes protestations et réserves d’usage.

La SA QBE EUROPE SA/NV en qualité d’assureur de l’entreprise ROCHA DM a indiqué ne pas s’opposer à ce que les opérations d’expertise lui soient rendues communes et opposables, sous toutes protestations et réserves d’usage et a sollicité par ailleurs le rejet des demandes de la société FBPP, considérant que son argumentation relève du Juge du fond.

Bien que régulièrement assignées, l’EURL [E] et la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de L’EURL [E] n’ont pas constitué avocat.

Il y a dès lors lieu de statuer par décision réputée contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mise en oeuvre de cette disposition suppose l’existence d’un litige dont l’objet et le fondement sont suffisamment caractérisés.

De même, l’article 149 du Code de procédure civile dispose que le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

En l’espèce, étant précisé qu’il n’appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, d’apprécier la pertinence de l’argumentation relative à aux critères de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés et de son éventuelle prescription, les pièces versées aux débats, et notamment la note expertale n°2 de l’expert judiciaire ainsi que son courriel envoyé aux parties le 12 février 2024 laissent apparaître que la mise en cause de la SAS FBPP, la SARL SADES (SOCIETE AQUITAINE DE DEVELOPPEMENT ENERGETIQUE ET SANITAIRE), la MAAF ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la SASU SADES, la SA QBE EUROPE SA/NV en qualité d’assureur de la société ROCHA DM, L’EURL [E] en qualité d’assureur de la société AQUITAINE GIRONDE EXPERTISE BATIMENT et la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de L’EURL [E] est nécessaire pour la poursuite des opérations d’expertise.
De ce fait, Madame [X] [D] justifie d’un intérêt légitime à faire étendre les opérations d’expertise confiées à Madame [R].
Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande.
La présente décision n’entraîne pas de modification de la mission impartie à l’expert. Elle ne nécessite pas de consignation complémentaire, sous réserve de la demande que l’expert pourrait formuler.
À ce stade de la procédure, et alors que la question du fond reste entière, les dépens seront laissés à la charge de Madame [X] [D], sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global. L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux, statuant par ordonnance réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel ;
DIT que les opérations d’expertise confiées à Madame [R] par ordonnance de référé du 17 avril 2023 seront communes et opposables à  la SAS FBPP, la SARL SADES (SOCIETE AQUITAINE DE DEVELOPPEMENT ENERGETIQUE ET SANITAIRE), la MAAF ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la SASU SADES, la SA QBE EUROPE SA/NV en qualité d’assureur de la société ROCHA DM, L’EURL [E] en qualité d’assureur de la société AQUITAINE GIRONDE EXPERTISE BATIMENT et la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de L’EURL [E] qui seront tenues d’y participer ;

DEBOUTE la société FBPP de sa demande de mise hors de cause ;

DIT que les opérations d’expertise seront reprises en présence de ces nouvelles parties, et qu’elles seront convoquées à toute réunion d’expertise ultérieure ;

DIT n’y avoir lieu à modifier la mission impartie à l’expert ;

DIT n’y avoir lieu en l’état à consignation complémentaire ;

DIT que la présente décision sera caduque dans l’hypothèse où l’expert aurait déjà déposé son rapport ;

DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes

DIT que Madame [X] [D] conservera à sa charge les frais de la présente procédure, sauf à les inclure dans son éventuel préjudice global.

La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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