Extension de l’expertise : conditions et implications pour les parties concernées

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Extension de l’expertise : conditions et implications pour les parties concernées

L’Essentiel : Le président du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné une mesure d’expertise à la requête de Mme [C] [K] contre la société Autoplus 35. Lors de l’audience du 4 décembre 2024, Mme [K] a souhaité intervenir pour interrompre la prescription et s’est opposée à l’extension de la mission de l’expert demandée par la SAS Renault. Le juge a reconnu la recevabilité de son intervention et a décidé d’étendre l’expertise aux SAS Renault et Jean-Louis Guilmault, justifiant cette décision par l’intérêt technique des faits présentés. La SAS Autoplus 35 doit fournir les pièces nécessaires et consigner une provision pour l’expert.

Ordonnance de référé du 5 janvier 2024

Le président du tribunal judiciaire de Rennes a prononcé une ordonnance de référé à la requête de Mme [C] [K] contre la société Autoplus 35, ordonnant une mesure d’expertise confiée à M. [D] [B]. Cette décision n’est pas suspensive d’exécution.

Assignations et demandes d’extension d’expertise

Les assignations ont été délivrées par la SAS Autoplus 35 à l’encontre de Renault SAS et de la SAS Jean-Louis Guilmault, demandant que l’ordonnance du 5 juin 2024 soit déclarée commune et opposable à ces sociétés, et que les opérations d’expertise soient étendues à leur égard.

Intervention de Mme [K] et oppositions

Lors de l’audience du 4 décembre 2024, Mme [K] a souhaité intervenir volontairement pour interrompre la prescription et s’est opposée à l’extension de la mission de l’expert demandée par la SAS Renault. La SAS Autoplus 35 a également repris ses prétentions et demandé le débouté des demandes de la SAS Jean-Louis Guilmault.

Réserves de la SAS Renault et demandes de la SAS Jean-Louis Guilmault

La SAS Renault a exprimé des réserves concernant la demande d’extension de l’expertise, tandis que la SAS Jean-Louis Guilmault a demandé à être mise hors de cause, arguant qu’elle n’était pas responsable de la panne survenue sur le véhicule.

Motifs de la décision

La juridiction a reconnu la recevabilité de l’intervention de Mme [K] et a précisé qu’elle n’était pas tenue de statuer sur des demandes de constatations. Concernant l’extension de l’expertise, le juge a estimé qu’il était justifié d’inclure les nouvelles parties en raison de l’intérêt technique et des faits objectifs présentés.

Réactions des parties et décision sur l’expertise

La SAS Jean-Louis Guilmault a contesté sa responsabilité, tandis que la SAS Autoplus 35 a soutenu que la participation de ce garagiste était nécessaire. Le juge a décidé d’étendre la mission de l’expert à ces deux sociétés, tout en imposant une consignation supplémentaire à la SAS Autoplus 35 pour couvrir les frais d’expertise.

Demandes annexes et dépens

Le juge a statué sur les dépens, précisant que la partie défenderesse à l’expertise ne pouvait être considérée comme perdante. La demande de frais irrépétibles de la SAS Jean-Louis Guilmault a été rejetée, et les dépens resteront provisoirement à la charge de la SAS Autoplus 35.

Conclusion de la décision

Le tribunal a déclaré communes les opérations d’expertise aux SAS Renault et Jean-Louis Guilmault, les obligeant à intervenir et à être présentes lors de l’expertise. La SAS Autoplus 35 doit également fournir toutes les pièces nécessaires à ces sociétés et consigner une provision pour la rémunération de l’expert.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’extension de la mission d’expertise selon l’article 145 du code de procédure civile ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« Le juge peut ordonner une mesure d’instruction, même en référé, lorsque la preuve d’un fait est nécessaire à la solution d’un litige. Il peut également permettre à l’expert d’accomplir sa mission en présence des parties dont l’intervention est justifiée par un motif légitime. »

Pour qu’une extension de la mission d’expertise soit accordée, il est nécessaire que le motif légitime soit constitué par des faits précis, objectifs et vérifiables.

Ces faits doivent démontrer l’existence d’un litige plausible, même s’il est futur, et qui pourrait influencer le résultat de la mesure d’instruction.

Il est également précisé que l’action envisagée ne doit pas apparaître comme manifestement compromise, ce qui signifie que la demande d’extension doit être fondée sur des éléments solides et non sur des suppositions.

Comment le juge doit-il procéder avant d’étendre la mission de l’expert selon l’article 245 ?

L’article 245 du code de procédure civile dispose que :

« Le juge ne peut étendre la mission de l’expert sans avoir préalablement recueilli ses observations. »

Cela signifie que, avant de prendre une décision sur l’extension de la mission d’expertise, le juge doit consulter l’expert pour connaître son avis sur la question.

Cette consultation est essentielle pour garantir que l’expert est en mesure de réaliser les nouvelles missions qui lui seraient confiées et que celles-ci sont pertinentes par rapport à l’objet de l’expertise initiale.

En l’absence de cette consultation préalable, toute demande d’extension de la mission de l’expert ne pourra être acceptée, comme l’indique la jurisprudence.

Quelles sont les implications des dépens dans le cadre d’une expertise ordonnée en référé selon l’article 491 ?

L’article 491 du code de procédure civile précise que :

« Le juge des référés statue sur les dépens. »

Cela signifie que le juge a la responsabilité de décider qui supportera les frais liés à la procédure, y compris ceux de l’expertise.

Dans le cadre d’une expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145, la partie défenderesse ne peut pas être considérée comme la partie perdante.

Ainsi, les dépens restent à la charge de la SAS Autoplus 35, qui a initié la demande d’expertise.

Cette disposition vise à éviter que la partie qui a demandé une mesure d’instruction ne soit pénalisée par les frais qui en découlent, surtout si l’expertise est nécessaire pour éclairer le litige.

Quels sont les droits des parties concernant la communication des pièces et la présence à l’expertise ?

La décision de référé stipule que :

« La SAS Autoplus 35 communiquera sans délai l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert. »

Cela implique que toutes les parties impliquées dans l’expertise ont le droit d’accéder aux documents pertinents qui ont été échangés au cours de la procédure.

De plus, il est précisé que les SAS Renault et Jean-Louis Guilmault doivent intervenir à l’expertise, d’y être présentes ou représentées.

Cela garantit que toutes les parties ont la possibilité de participer activement à la procédure d’expertise, de formuler leurs observations et de défendre leurs intérêts.

Cette transparence est essentielle pour assurer l’équité du processus et la validité des conclusions de l’expert.

RE F E R E

Du 10 Janvier 2025

N° RG 24/00474 – N° Portalis DBYC-W-B7I-LBHO
56E

c par le RPVA
le
à

Me Aurélie CARFANTAN-MOUZIN, Me Marie-caroline CLAEYS, Me Sébastien COLLET, Me Laura LUET

– copie dossier
– 2 copies service expertises

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Aurélie CARFANTAN-MOUZIN,

Expédition délivrée le:
à

Me Marie-caroline CLAEYS, Me Sébastien COLLET, Me Laura LUET

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEUR AU REFERE:

S.A.S. AUTOPLUS35, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 6]
représentée par Me Aurélie CARFANTAN-MOUZIN, avocat au barreau de RENNES substitué par Me MORIN Nadège, avocat au barreau de Rennes,

DEFENDEURS AU REFERE:

S.A.S. RENAULT, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 7]
représentée par Me Sébastien COLLET, avocat au barreau de RENNES substitué par Me CANTIN NYITRAY, avocat au barreau de Rennes,

S.A.S. GUILMAULT JEAN LOUIS, dont le siège social est sis [Adresse 8] – [Localité 5]
représentée par Me Marie-caroline CLAEYS, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me DELAUNAY Noé, avocat au barreau de Rennes,

PARTIE INTERVENANTE OU APPELEE A LA CAUSE :

Madame [C], [E], [A] [K], demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
représentée par Me Laura LUET, avocat au barreau de RENNES substitué par Me KERDONCUF, avocat au barreau de Rennes,

LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 04 Décembre 2024,

ORDONNANCE: contradictoire, prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 10 Janvier 2025, date indiquée à l’issue des débats

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.

L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

Vu l’ordonnance de référé prononcée le 05 janvier 2024 (RG 23/00606) par le président du tribunal judiciaire de Rennes à la requête de Mme [C] [K] et au contradictoire de la société par actions simplifiée (SAS) Autoplus 35, ayant ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [D] [B] ;

Vu les assignations délivrées les 26 juin et 2 juillet 2024, à la requête de la SAS Autoplus 35 et à l’encontre de la société Renault SAS et de la SAS Jean-Louis Guilmault, au visa des articles 145, 169 et 331 du code de procédure civile, aux fins de :
– déclarer l’ordonnance du 5 juin 2024 précitée, commune et opposable aux sociétés Renault et Jean-Louis Guillmault et étendre à leur égard les opérations d’expertise confiées à M. [B] ;
– réserver les dépens.

Au cours de l’audience utile du 04 décembre 2024, par conclusions déposées à la barre, Mme [K], représentée par avocat, a indiqué vouloir intervenir volontairement à l’instance au seul motif d’interruption de la prescription. Elle s’est également oralement opposée à l’extension de la mission de l’expert sollicitée par la SAS Renault.

Á cette même audience, la SAS Autoplus 35, pareillement représentée, a repris par voie de conclusions les prétentions formées dans son assignation et a en outre sollicité, le débouté des prétentions présentées par la SAS Jean-Louis Guilmault.

Egalement représentée par avocat, la SAS Renault a, par voie de conclusions, formé les protestations et réserves d’usage quant à la demande formée à son encontre et elle a de plus sollicité une extension de la mission confiée à l’expert.

Pareillement représentée, la SAS Jean-Louis Guilmault, a sollicité par voie de conclusion de :
– la mettre hors de cause ;
– juger irrecevables et mal fondées les demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraires de la demanderesse et l’en débouter avec toutes suites et conséquences de droit ou de fait ;
– condamner la société Autoplus 35 à lui payer une somme de 1 980 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire

Mme [K] est intervenue volontairement à l’instance, sans que ne soit contestée la recevabilité d’une telle intervention volontaire, qui la rend dès lors partie au présent procès.

La juridiction rappelle, ensuite, qu’elle n’est tenue de statuer sur les demandes de « constatations », de « décerner acte » ou de « dire et juger » que lorsqu’elles constituent des prétentions (Civ. 2ème 09 janvier 2020 n° 18-18.778 et 13 avril 2023 n° 21-21.463).

Sur l’extension de l’expertise à de nouvelles parties

En application de l’article 145 du code de procédure civile, il convient de permettre à l’expert d’accomplir sa mission en présence des parties dont l’intervention est justifiée par un motif légitime.

Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables qui démontrent l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins et sur lesquels pourrait influer le résultat de la mesure d’instruction à ordonner (Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 publié au Bulletin). L’action au fond ainsi envisagée ne doit, en outre, pas apparaître comme étant manifestement compromise (Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 publié au Bulletin).
Selon l’article 245 du même code, le juge ne peut, par ailleurs, étendre la mission de l’expert sans avoir au préalable recueilli ses observations.

La SAS Autoplus 35 et Mme [K] sollicitent l’extension de la mesure d’expertise en cours aux SAS Renault et Jean-Louis Guilmault, au seul motif s’agissant de la première citée d’un “ intérêt technique”, le technicien judiciaire ayant conclu à un défaut de conception du moteur du véhicule litigieux et la seconde société appelée étant le dernier garagiste à être intervenu sur ledit véhicule.

La SAS Autoplus 35 verse aux débats un avis du technicien précité, en date du 10 juin 2024, estimant utile cette demande (sa pièce n°7).

La SAS Renault ayant formé les protestations et réserves d’usage quant à cette demande, il y sera dès lors fait droit, comme énoncé au dispositif de la présente ordonnance.

La SAS Jean-Louis Guilmault sollicite improprement sa “ mise hors de cause”, en réalité le débouté de la demande, au motif que la panne survenue lors de l’entretien du véhicule litigieux dans ses locaux n’est due qu’au hasard et qu’elle n’a commis aucune faute. Elle ajoute que l’expert a clairement identifié un défaut de fabrication de la part du constructeur, non contesté par celui-ci et non un défaut d’entretien. Elle indique qu’elle n’est ni le vendeur, ni le constructeur du véhicule litigieux, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée.

La SAS Autoplus 35 réplique que les conclusions de l’expert judiciaire ne sont que provisoires et que ce dernier a estimé nécessaire la participation de ce garagiste à ses opérations, dont la faute est présumée puisque le véhicule litigieux était entre ses mains lorsque la panne est survenue.

La SAS Jean-Louis Guilmault ne conteste, ni la réalité de l’avarie subie par le moteur du véhicule sous expertise, ni le fait que celui-ci se trouvait entre ses mains lorsque celle-ci est survenue. Si le pré-rapport de l’expert judiciaire impute cette avarie à un défaut de conception du moteur (pièce demandeur n°5, page 26), pour autant, il n’est corroboré par aucun autre élément, de sorte que la SAS Jean-Louis Guilmault ne rapporte pas suffisamment, en l’espèce, la preuve que l’avarie ne lui est en aucun cas imputable et qu’un procès au fond, sur le fondement contractuel, serait irrémédiablement voué à l’échec.

L’expertise, en conséquence, lui sera rendue commune.

La présente décision ayant pour objet d’étendre la mission de l’expert à deux nouvelles parties, il convient de mettre à la charge de la SAS Autoplus 35 une consignation supplémentaire à valoir sur les frais d’expertise en résultant.

La SAS Renault sollicite que la mission dévolue à l’expert soit étendue, prétention à laquelle s’est opposée en partie Mme [K] lors de l’audience.

L’expert judiciaire n’ayant pas été préalablement sollicité à ce sujet, comme l’exige pourtant l’article 245 du code de procédure civile, cette demande ne peut être, à ce stade, que rejetée. La SAS Renault, à défaut d’accord des parties, pourra en saisir ultérieurement le juge du contrôle dans le respect de cette disposition.

Sur les demandes annexes

L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».

La partie défenderesse à une expertise ou à son extension, ordonnée sur le fondement de l’article 145 du même code, ne saurait être regardée comme la partie perdante au sens des dispositions des articles 696 et 700 dudit code.

En conséquence, les dépens resteront provisoirement à la charge de la SAS Autoplus 35.

La demande de frais irrépétibles formée par la SAS Jean-Louis Guilmault, que l’équité ne commande pas de satisfaire, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe :

DECLARONS communes aux SAS Renault et Jean-Louis Guilmault les opérations d’expertise ordonnées par la décision de référé rendue le 05 janvier 2024 (RG 23/00606), susvisée ;

DISONS que ces deux sociétés seront tenues d’intervenir à l’expertise, d’y être présentes ou représentées ;

DISONS que la SAS Autoplus 35 leur communiquera sans délai l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

DISONS que l’expert devra convoquer les SAS Renault et Jean-Louis Guilmault à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elles seront informées des diligences déjà accomplies et invitées à formuler leurs observations ;

FIXONS à la somme de 2 000 € (deux mille euros) la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert que la SAS Autoplus 35 devra consigner au moyen d’un chèque émis à l’ordre du régisseur du tribunal judiciaire de Rennes dans un délai de deux mois, faute de quoi la présente décision sera caduque ;

lui LAISSONS provisoirement la charge des dépens ;

REJETONS toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière Le juge des référés


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