Extension de la licence légale aux radios en ligne   

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Extension de la licence légale aux radios en ligne   

L’Essentiel : Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l’ARCEPicle L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, relatif à la communication des phonogrammes par les radios en ligne. Dans sa décision n° 2017-649 QPC, il a jugé que les nouvelles dispositions légales, qui limitent le droit d’opposition des artistes-interprètes et producteurs, ne portent pas atteinte de manière disproportionnée à leurs droits de propriété ou à leur liberté contractuelle. Ces mesures visent à faciliter l’accès des radios en ligne aux catalogues de phonogrammes, favorisant ainsi la diversité culturelle.

QPC au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) portant sur le nouvel 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI), issu de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.  Par sa décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 214-1 du CPI conformes à la Constitution.

Droit de communication du phonogramme par les radios en ligne

Le 3° de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que, lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer à sa communication au public par un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l’exclusion des services de radio dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d’un même phonogramme.

Il incombe aux services de communication au public en ligne de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins dans les conditions prévues aux articles L. 212-3, L. 213-1 et L. 213-2. Il en va ainsi des services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication.

Les nouvelles dispositions légales qui privent les producteurs et les artistes-interprètes de la possibilité de s’opposer à la diffusion d’un phonogramme sur certains services de radio par internet n’entraînent pas une atteinte disproportionnée ni au droit de propriété, ni à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre des artistes et producteurs.

Absence d’atteinte au droit de propriété

La propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Selon son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle. À ce titre, figure le droit, pour les titulaires du droit d’auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France.

Il est toutefois loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

L’extension de la licence légale à certaines radios en ligne a été jugée comme proportionnée. L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle (licence légale) ne s’applique qu’à certains modes de communication au public de phonogrammes dont les artistes-interprètes et les producteurs ont déjà accepté la commercialisation. Dès lors, les dispositions contestées n’entraînent pas une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789.

Liberté contractuelle préservée

Sur le volet de la liberté contractuelle, par cette nouvelle disposition, le législateur a entendu faciliter l’accès des services de radio par internet aux catalogues des producteurs de phonogrammes et ainsi favoriser la diversification de l’offre culturelle proposée au public. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.

Radios en ligne bénéficiaires de la licence légale

Les nouvelles dispositions légales dispensent de l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable des artistes-interprètes et des producteurs seulement pour la communication au public de phonogrammes par des services de radio par internet non interactifs. En revanche, cette autorisation demeure requise lorsque le programme principal du service radiophonique est « dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d’un même phonogramme » ou lorsque le service radiophonique a « mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ». L’exception se limite ainsi aux services de radio par internet dont les modalités d’offre et de diffusion sont comparables à celles de la radiodiffusion hertzienne.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ?

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un mécanisme juridique en France qui permet à un justiciable de contester la conformité d’une loi à la Constitution. Introduite par la réforme constitutionnelle de 2008, la QPC peut être soulevée devant le Conseil constitutionnel lorsque la loi est applicable à un litige en cours.

Elle vise à protéger les droits et libertés garantis par la Constitution. Dans le cas mentionné, la SCPP et la SPPF ont saisi le Conseil d’État, qui a ensuite transmis la QPC au Conseil constitutionnel. Ce dernier a examiné la conformité de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 2016-925, et a déclaré cet article conforme à la Constitution par sa décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017.

Quels sont les droits des artistes-interprètes et des producteurs concernant la communication de phonogrammes ?

L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle stipule que, lorsque un phonogramme a été publié à des fins commerciales, les artistes-interprètes et les producteurs ne peuvent pas s’opposer à sa communication au public par des services de radio, sauf si ces services sont principalement dédiés à un seul artiste, auteur ou compositeur.

Cela signifie que les services de radio en ligne peuvent diffuser des phonogrammes sans obtenir l’autorisation préalable des titulaires de droits, tant que leur programme ne se concentre pas sur un seul artiste ou phonogramme. Cette disposition vise à faciliter l’accès à la musique pour le public tout en respectant les droits des créateurs, en imposant des conditions spécifiques aux services qui influencent le contenu diffusé.

Comment le Conseil constitutionnel justifie-t-il l’absence d’atteinte au droit de propriété ?

Le Conseil constitutionnel a affirmé que la propriété, bien qu’étant un droit fondamental, ne subit pas d’atteinte dans le cadre des nouvelles dispositions légales. Selon l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la propriété est inviolable, mais cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas être soumise à des limitations justifiées par l’intérêt général.

Les artistes-interprètes et les producteurs ont déjà accepté la commercialisation de leurs phonogrammes, ce qui signifie que les dispositions contestées ne constituent pas une privation de propriété au sens strict. De plus, le Conseil a jugé que les limitations apportées à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle étaient proportionnées et justifiées par l’objectif d’intérêt général de diversifier l’offre culturelle.

Quel est l’objectif de la nouvelle disposition législative concernant la liberté contractuelle ?

La nouvelle disposition législative vise à faciliter l’accès des services de radio par internet aux catalogues des producteurs de phonogrammes. En permettant une diffusion plus large des phonogrammes, le législateur cherche à favoriser la diversité de l’offre culturelle disponible pour le public.

Cette approche est motivée par un objectif d’intérêt général, car elle permet aux auditeurs d’accéder à une plus grande variété de contenus musicaux. En simplifiant les conditions d’accès aux phonogrammes, le législateur espère également encourager l’innovation et la concurrence dans le secteur de la radio en ligne.

Quelles sont les exceptions à la licence légale pour les radios en ligne ?

Les nouvelles dispositions légales prévoient que l’autorisation préalable des artistes-interprètes et des producteurs n’est pas nécessaire pour la communication au public de phonogrammes par des services de radio par internet non interactifs. Cependant, cette exemption ne s’applique pas dans certains cas spécifiques.

En effet, l’autorisation est requise lorsque le programme principal du service radiophonique est dédié majoritairement à un artiste-interprète, un auteur, un compositeur ou à un phonogramme particulier. De plus, si le service radiophonique permet à un utilisateur d’influencer le contenu ou la séquence de la communication, l’autorisation devient également nécessaire. Ces exceptions garantissent que les droits des créateurs sont respectés tout en permettant une diffusion plus large des œuvres.


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