Expulsion locative et conditions de relogement : enjeux et décisions.

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Expulsion locative et conditions de relogement : enjeux et décisions.

L’Essentiel : Le litige oppose les consorts [B] aux consorts [P] concernant un conflit locatif. Le tribunal de Toulouse a ordonné l’expulsion des consorts [P] suite à la constatation de la clause résolutoire de leur bail. Malgré une demande de délai d’expulsion, le juge a débouté les consorts [P], qui ont interjeté appel. Ils plaident pour un délai de grâce d’un an, invoquant leur bonne foi et la situation familiale, notamment les besoins de leur enfant autiste. En revanche, les consorts [B] demandent la confirmation du jugement et le rejet de la demande de délai. La cour a finalement confirmé le jugement initial.

Exposé du litige

Le litige concerne un conflit locatif entre les consorts [B] et les consorts [P]. Par une ordonnance de référé du 28 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire du bail, signé le 22 décembre 2017, étaient réunies. En conséquence, il a ordonné aux consorts [P] de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 15 jours, sous peine d’expulsion. L’ordonnance a été signifiée le 28 novembre 2022, suivie d’un commandement de quitter les lieux le 22 décembre 2022.

Demande de délai d’expulsion

Le 3 mars 2023, les consorts [P] ont saisi le juge de l’exécution pour demander un délai concernant leur expulsion. Le 20 septembre 2023, le juge a débouté les consorts [P] de toutes leurs demandes, laissant les dépens à leur charge. Ils ont interjeté appel de cette décision le 18 octobre 2023, sauf en ce qui concerne la condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Arguments des appelants

Dans leurs dernières conclusions, les consorts [P] demandent à la cour d’infirmer le jugement et d’accorder un délai de grâce d’un an, tout en condamnant les consorts [B] aux dépens. Ils soutiennent que le premier juge n’a pas pris en compte leur bonne foi et leur situation familiale, notamment la nécessité d’un logement adapté pour leur enfant autiste.

Arguments des intimés

Les consorts [B] demandent la confirmation du jugement et le rejet de la demande de délai de grâce. Ils réclament également une indemnité de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et que les appelants supportent les dépens d’appel.

Motifs de la décision

Le juge a examiné les demandes de délai en vertu des articles L 412-3 et L 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Il a constaté que les consorts [P] n’avaient pas justifié de leur capacité à apurer leur dette locative, qui avait augmenté depuis l’ordonnance de référé. De plus, ils n’ont pas démontré avoir effectué des démarches suffisantes pour se reloger, malgré la nécessité d’un logement adapté pour leur fils.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé le jugement du 20 septembre 2023, condamnant les consorts [P] aux dépens d’appel. Elle a également débouté les consorts [B] de leur demande d’indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans un bail ?

La clause résolutoire dans un bail est une disposition qui permet au bailleur de mettre fin au contrat de location en cas de manquement par le locataire à ses obligations, notamment le non-paiement des loyers.

Selon l’article 1225 du Code civil, la clause résolutoire doit être expressément stipulée dans le contrat de bail.

Elle doit également respecter les conditions de mise en œuvre, qui incluent la nécessité d’une mise en demeure préalable, conformément à l’article 21 de la loi du 6 juillet 1989.

Cette mise en demeure doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, et le locataire doit avoir un délai pour régulariser sa situation avant que la résiliation ne soit effective.

Il est donc essentiel que le bailleur respecte ces formalités pour que la clause résolutoire soit valable et opposable au locataire.

Quels sont les droits des occupants en matière de délais d’expulsion ?

Les droits des occupants en matière de délais d’expulsion sont encadrés par le Code des procédures civiles d’exécution, notamment par les articles L 412-3 et L 412-4.

L’article L 412-3 stipule que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, lorsque leur expulsion a été ordonnée judiciairement, et que le relogement ne peut se faire dans des conditions normales.

Ces délais doivent tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté de l’occupant, de sa situation personnelle, ainsi que des diligences qu’il a effectuées pour se reloger.

L’article L 412-4 précise que la durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an, et qu’il faut prendre en compte divers facteurs, tels que l’état de santé des occupants et leur situation familiale.

Ainsi, les occupants peuvent demander des délais d’expulsion, mais ils doivent justifier de leurs efforts pour se reloger.

Comment le juge évalue-t-il la bonne foi des occupants dans le cadre d’une demande de délai ?

La bonne foi des occupants est un critère essentiel que le juge prend en compte lors de l’évaluation d’une demande de délai d’expulsion.

L’article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution mentionne que le juge doit tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations.

Cela implique que le juge examinera les preuves fournies par les occupants concernant leurs efforts pour régulariser leur situation, comme les paiements effectués ou les démarches entreprises pour se reloger.

Dans le cas présent, les appelants n’ont pas réussi à démontrer une reprise significative des paiements, et leur dette a même augmenté, ce qui a conduit le juge à conclure qu’ils n’étaient pas de bonne foi.

Le juge doit également considérer les circonstances personnelles des occupants, telles que leur état de santé ou leur situation familiale, mais cela ne suffit pas à lui seul à justifier un délai si les efforts de relogement ne sont pas probants.

Quelles sont les conséquences d’une décision de débouter les appelants de leur demande de délai de grâce ?

Le déboutement des appelants de leur demande de délai de grâce a plusieurs conséquences juridiques.

Tout d’abord, cela signifie que l’expulsion ordonnée par le juge de l’exécution sera maintenue, et que les appelants devront quitter les lieux dans le délai imparti.

En vertu de l’article L 412-3, si le juge refuse d’accorder un délai, l’occupant ne pourra pas bénéficier d’une prolongation de son séjour dans le logement, ce qui peut entraîner des conséquences financières et personnelles significatives.

De plus, les appelants, en tant que partie perdante, seront tenus de supporter les dépens d’appel, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est généralement condamnée aux dépens.

Enfin, le refus de délai de grâce peut également avoir des implications sur la capacité des appelants à trouver un nouveau logement, car ils seront contraints de quitter leur logement actuel sans avoir eu le temps nécessaire pour organiser leur relogement.

15/01/2025

ARRÊT N° 28/2025

N° RG 23/03584 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PYJS

PB/KM

Décision déférée du 20 Septembre 2023

Juge de l’exécution de TOULOUSE

( 23/00963)

S.SELOSSE

[D] [P]

[S] [P]

C/

[R] [B]

[T] [L] épouse [B]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

*

ARRÊT DU QUINZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

*

APPELANTS

Monsieur [D] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Etienne PACHOT, avocat au barreau de TOULOUSE

Epoux [S] [P] née [M] [W]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés par Me Etienne PACHOT, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2023-7374 du 05/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMES

Monsieur [R] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Olivier GROC, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Madame [T] [L] épouse [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier GROC, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. VET,conseiller faisant fonction de président

P. BALISTA, conseiller

S. GAUMET, conseiller

Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance de référé du 28 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse a notamment, dans le cadre d’un litige locatif opposant les consorts [B] aux consorts [P], outre paiement d’un arriéré locatif et fixation d’une indemnité d’occupation :

-constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 22 décembre 2017 entre M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] et M. [D] [P] et Mme [S] [P] concernant l’appartement à usage d’habitation ainsi qu’un parking en sous-sol n°33, situés au [Adresse 4]) sont réunies à la date du 17 mai 2022,

-ordonné en conséquence à M. [D] [P] et Mme [S] [P] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,

-dit qu’à défaut pour M. [D] [P] et Mme [S] [P] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique,

-dit n’y avoir lieu à ordonner l’expulsion des meubles éventuellement laissés sur place.

L’ordonnance a été signifiée le 28 novembre 2022 à M. [D] [P] et Mme [S] [P], à étude d’huissier pour chacun d’eux.

Un commandement de quitter les lieux a été signifié le 22 décembre 2022, selon les mêmes modalités pour chacun d’eux.

Par requête reçue le 3 mars 2023, M. [D] [P] et Mme [S] [P] ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulouse d’une demande de délai à la mesure d’expulsion.

Par jugement du 20 septembre 2023, le juge de l’exécution a :

-débouté Monsieur et Madame [P] de l’ensemble de leurs demandes,

-dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

-laissé les dépens à la charge de Monsieur et Madame [P],

-débouté les parties de toute demande plus ample.

M. [D] [P] et Mme [S] [P] ont interjeté appel de cette décision le 18 octobre 2023 en critiquant l’ensemble des chefs de la décision sauf celui ayant dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans les dernières conclusions, notifiées par Rpva le 7 décembre 2023, auxquelles il est fait référence pour l’énoncé de l’argumentaire, M. [D] [P] et Mme [S] [P] demandent à la cour de:

-infirmer le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulouse du 20 septembre 2023,

-statuant à nouveau,

-accorder à M. [D] [P] et Mme [S] [P] un délai de grâce d’une année,

-condamner M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] aux entiers dépens de l’instance.

Dans les dernières conclusions, notifiées par Rpva le 5 janvier 2024, auxquelles il est fait référence pour l’énoncé de l’argumentaire, M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] demandent à la cour de:

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-en conséquence, rejeter la demande de délai de grâce formée par les appelants,

-condamner les appelants à payer aux intimés une indemnité de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d’appel.

La clôture de la procédure est intervenue le 7 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les délais

Au visa de l’article L 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

Au visa de l’article L 412-4 du même code, la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Les appelants font valoir que le premier juge n’a pas tenu compte de leur bonne foi, caractérisée par une reprise des paiements, et de leur situation familiale, en présence d’un enfant autiste qui nécessite un logement en rez-de-chaussée, ce qui ne leur a jamais été proposé dans le cadre des propositions de relogement.

Concernant la reprise des paiements, les appelants ne justifient de versements par la production de relevés de compte (pièce n°10 des appelants) que jusqu’en septembre 2023.

Les intimés produisent le dernier relevé d’arriéré locatif établi par Foncia, gestionnaire de l’appartement loué (pièce n°17 des intimés), dont il ressort une dette en loyers, indemnités d’occupation et frais de 5127,09 € au 2 janvier 2024.

Contrairement à ce qu’indiquent les appelants, leur dette a augmenté depuis l’ordonnance de référé du 28 octobre 2022 et depuis le jugement du juge de l’exécution du 20 septembre 2023, étant noté que cette dette était de 990,39 € en septembre 2022 (p.4 de l’ordonnance de référé) de 2324,73 € en mai 2023 (relevé Foncia du 15 mai 2023, pièce n°13 des intimés) pour atteindre 5127,09 € en début d’année 2024.

M. [D] [P] et Mme [S] [P] ne démontrent en conséquence pas être en mesure d’apurer leur dette et de payer l’indemnité d’occupation à leur charge, depuis l’ordonnance prononçant l’expulsion.

Concernant les diligences effectuées par M. [D] [P] et Mme [S] [P] pour se reloger, les appelants produisent une demande effectuée en février 2023 auprès d’un organisme Hlm (Sa Les Chalets) pour obtenir le bail d’un logement de 4 pièces minimum, une annonce immobilière de location datant de décembre 2023, dont on ne sait si elle a fait l’objet d’une demande auprès du propriétaire, et deux demandes de renseignements adressées en avril 2023 par courriels pour l’achat d’appartements aux prix de 130500 € et de 239044 €.

D’une part, les appelants ne justifient pas être en capacité d’acheter un logement.

D’autre part, s’agissant d’une nouvelle location, M. [D] [P] et Mme [S] [P] ne justifient d’aucune démarche depuis février 2023, date de saisine de la Sa Les Chalets, il y a près de deux ans.

Enfin, s’il est constant que les appelants ont un fils autiste, pour lequel le diagnostic médical est versé aux débats, et qu’il est produit un certificat médical d’un médecin généraliste du 17 octobre 2023, selon lequel un logement en rez-de-chaussée est nécessaire pour leur fils [U], M. [D] [P] et Mme [S] [P] ne justifient, à l’exclusion de la saisine de la Sa Les Chalets précitée, d’aucune démarche effective pour rechercher un tel logement en rez-de-chaussée.

Il n’est, en particulier, produit aucune attestation d’agences immobilières ou de particuliers, indiquant avoir été sollicités par les appelants en vue de se reloger.

Demeurant le fait que l’expulsion n’est toujours pas effective deux ans après la signification de l’ordonnance de référé la prononçant, que la dette a augmenté, que les appelants ont, de facto, déjà bénéficié de délais pour se reloger, qu’ils bénéficient actuellement de la trêve hivernale, et que l’état de santé de leur fils autiste ne peut, à lui seul, conduire à octroyer des délais alors que M. [D] [P] et Mme [S] [P] ne justifient d’aucune démarche récente pour rechercher un logement adapté au handicap de leur fils, c’est à bon droit que le premier juge a écarté la demande de délais formée par les appelants.

Sur les demandes annexes

Partie perdante, M. [D] [P] et Mme [S] [P] supporteront les dépens d’appel.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulouse du 20 septembre 2023.

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [P] et Mme [S] [P] aux dépens d’appel.

Déboute M. [R] [B] et Mme [T] [L] épouse [B] de leur demande formée en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

K.MOKHTARI E.VET


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