Expulsion et délais : Équilibre entre droits du propriétaire et du locataire

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Expulsion et délais : Équilibre entre droits du propriétaire et du locataire

L’Essentiel : L’affaire concerne un locataire, ordonné d’être expulsé de son logement par un arrêt rendu par le Président de la cour d’appel. Ce dernier a été signifié, entraînant un commandement de quitter les lieux par la société gestionnaire de l’immeuble. Le locataire a saisi le juge de l’exécution, demandant un délai de douze mois pour quitter le logement, justifiant sa demande par sa situation familiale et des difficultés professionnelles. En réponse, la société gestionnaire a conclu au rejet de cette demande, arguant que le locataire avait déjà bénéficié de délais suffisants. Le juge a finalement rejeté la demande, condamnant le locataire aux dépens.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne un occupant, désigné ici comme un locataire, qui a été ordonné d’être expulsé de son logement par un arrêt rendu par le Président de la cour d’appel de Versailles le 21 novembre 2023. Cet arrêt a été signifié le 8 janvier 2024, entraînant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux par la société gestionnaire de l’immeuble, la Régie immobilière de la Ville de [Localité 3] (RIVP).

Demande de délais par le locataire

Le locataire a saisi le juge de l’exécution de Versailles le 29 janvier 2024, demandant un délai de douze mois pour quitter le logement. Il a justifié sa demande en évoquant sa situation familiale, vivant avec sa compagne et son enfant mineur, ainsi que des difficultés professionnelles liées à un litige avec son employeur et un accident de travail. Il a également mentionné avoir pris des mesures pour se reloger, notamment en faisant une demande de logement social.

Position de la société gestionnaire

En réponse à la demande du locataire, la société RIVP a conclu au rejet de cette demande, arguant que l’arrêt d’expulsion avait été rendu deux ans auparavant, ce qui avait permis au locataire de bénéficier de délais suffisants. Elle a également proposé que l’octroi de nouveaux délais soit conditionné au paiement de l’indemnité d’occupation.

Analyse du juge de l’exécution

Le juge de l’exécution a examiné la demande de délais en se basant sur les dispositions du code des procédures civiles d’exécution. Il a noté que le locataire avait accumulé une dette locative significative et qu’il n’avait pas respecté les échéances de paiement convenues. De plus, il a constaté que le locataire n’avait pas entrepris de démarches suffisantes pour se reloger, en dehors de sa demande de logement social.

Décision finale

En tenant compte de l’ensemble des éléments, le juge a décidé de rejeter la demande de délais du locataire pour quitter les lieux, considérant qu’il avait déjà bénéficié de délais et qu’il n’avait pas respecté ses obligations financières. Le locataire a été condamné aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder des délais avant expulsion selon l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution stipule que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement,

chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Il est également précisé que ces occupants ne doivent pas être entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Ainsi, pour qu’un occupant puisse bénéficier de délais, il doit démontrer que son relogement est difficile et qu’il n’a pas utilisé de moyens illégaux pour entrer dans les lieux.

Comment le juge évalue-t-il la demande de délais en tenant compte des circonstances personnelles de l’occupant ?

L’article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution précise que la durée des délais accordés ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour fixer ces délais, le juge doit prendre en compte plusieurs éléments, notamment la bonne ou mauvaise volonté de l’occupant dans l’exécution de ses obligations,

les situations respectives du propriétaire et de l’occupant, l’âge, l’état de santé, la situation de famille ou de fortune, ainsi que les diligences justifiées par l’occupant en vue de son relogement.

Le juge doit donc établir un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’occupant, en tenant compte des circonstances particulières de chaque cas.

Quelles sont les conséquences d’un non-respect des obligations de paiement par l’occupant ?

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution indique que, malgré une décision d’expulsion passée en force de chose jugée,

il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée entre le 1er novembre et le 31 mars de l’année suivante, sauf si le relogement est assuré dans des conditions suffisantes.

Cependant, si l’occupant ne respecte pas ses obligations de paiement, le juge peut réduire ou supprimer le bénéfice de ce sursis.

Dans le cas présent, le non-respect des échéances de paiement par l’occupant a été un facteur déterminant dans le rejet de sa demande de délais.

Quels éléments ont conduit à la décision de rejet de la demande de délais de l’occupant ?

La décision de rejet de la demande de délais de l’occupant repose sur plusieurs éléments factuels.

Tout d’abord, la dette locative de l’occupant, qui s’élevait à 3 531,98 euros, a été jugée significative et a été accumulée malgré des paiements tardifs.

De plus, l’occupant n’a pas respecté l’échéancier imposé par la commission de surendettement, ce qui a affaibli sa position.

Enfin, il a été constaté qu’il n’avait pas entrepris de démarches suffisantes pour se reloger, ce qui a conduit le juge à conclure qu’il n’y avait pas de raisons valables pour accorder des délais supplémentaires.

DOSSIER N° : N° RG 24/09846 – N° Portalis DB3R-W-B7I-2AXJ
AFFAIRE : [J] [I] / Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP)

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 04 FEVRIER 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Cécile CROCHET

GREFFIER : Marie-Christine YATIM

DEMANDEUR

Monsieur [J] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

comparant

DEFENDERESSE

Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 3] (RIVP)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Ismael DARHOUR, avocat substituant Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0483

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 07 Janvier 2025 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 04 Février 2025, par mise à disposition au Greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Par arrêt du 21 novembre 2023, signifié le 8 janvier 2024, le Président de la cour d’appel de Versailles a ordonné l’expulsion de M. [I] du logement qu’il occupe au [Adresse 1].

Par acte d’huissier du 8 janvier 2024, la société Régie immobilière de la Ville de [Localité 3] (RIVP)a fait délivrer à M. [I] un commandement de quitter les lieux.

Par requête reçue au greffe le 29 janvier 2024, M. [I] a saisi le juge de l’exécution de Versailles.

Par jugement du 17 mai 2024, le juge de l’exécution de Versailles s’est déclaré incompétent au profit du juge de l’exécution de Nanterre.

L’affaire a été retenue à l’audience du 7 janvier 2025 au cours de laquelle les parties ont été entendues.

M. [I] sollicite un délai de douze mois pour quitter les lieux.

Au soutien de sa demande, M. [I] expose qu’il vit dans le logement avec sa compagne et son enfant mineur. Il fait valoir qu’adjoint technique à la Ville de [Localité 3], il est en litige avec son employeur concernant son placement en absence injustifiée sans solde pour la période du 9 octobre au 3 décembre 2023, qu’il est en accident du travail depuis le 4 décembre 2023 et qu’il perçoit à ce titre des revenus mensuels de 2 000 euros. Il indique régler l’indemnité d’occupation courante ainsi qu’un surplus afin d’apurer la dette locative. Il expose enfin avoir fait une demande de logement social et avoir pris rendez-vous auprès des municipalités environnantes afin de se reloger.

En défense, la société RIVP conclut au rejet de la demande de délais. Elle fait valoir que l’arrêt d’expulsion a été rendu il y a deux ans si bien que le requérant a bénéficié des plus larges délais. Subsidiairement, elle sollicite de voir conditionner l’octroi de délais au paiement de l’indemnité d’occupation.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, il est renvoyé à la requête, conformément à l’article 56 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de délais avant expulsion

En application de l’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 applicable en l’espèce, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et à condition que lesdits occupants ne soient pas entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l’article L.412-4 du même code, dans la même version que précédemment, applicable depuis le 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L.441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

L’article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution dispose que nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L.412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Toutefois, le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il convient de rechercher si la situation de M. M. [I] lui permet de bénéficier de délais avant l’expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n’est pas contesté.

En l’espèce, il ressort des éléments versés aux débats que la dette locative de M. [I], arrêtée au 29 août 2023 et fixée par arrêt du 21 novembre 2023 à 3 485,20 euros, terme de juillet 2023 inclus, est sensiblement identique et s’élève au 6 janvier 2025 à 3 531,98 euros terme de décembre 2023 inclus.

Si le requérant fait valoir qu’il règle mensuellement l’indemnité d’occupation augmentée d’un surplus en apurement de la dette locatif, il résulte du décompte locatif du 6 janvier 2025 produit par la société RIVP qu’il a acquitté tardivement les mois de :
septembre et octobre 2023 en un règlement unique le 3 novembre 2023, novembre 2023 à février 2024, partiellement en deux règlement de 700 euros les 1er et 29 mars 2024,avril 2024 et mai 2024 en deux règlements les 2 juin et 1er juillet 2024, septembre à décembre 2024.
M. [I] n’a par conséquent pas respecté l’échéancier prévu les mesures imposes par la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine du 5 avril 2023 lui octroyant un moratoire de 24 mois sous réserve du paiement à échéance des indemnités d’occupation courante.
Par ailleurs, à l’exception de sa demande de logement social et d’une demande de rendez-vous formée auprès de Vallée Sud Habitat Grand [Localité 3] du 12 avril 2024, M. [I] ne justifie par ailleurs d’aucune démarche afin de se reloger.

L’arrêt d’expulsion ayant été rendu le 21 novembre 2023, le requérant a bénéficié de facto de délais.

En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande de M. [I] tendant à obtenir des délais pour quitter les lieux.

Sur les demandes accessoires

Succombant à l’instance, M. [I] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Rejette la demande de délais pour quitter les lieux de M. [I] ;

Condamne M. [I] aux dépens.

Le Greffier Le Juge de l’Exécution


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