Exploitation d’une marque sous une forme légèrement modifiée

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Exploitation d’une marque sous une forme légèrement modifiée
L’Essentiel : L’usage d’une marque sous une forme légèrement modifiée est considéré comme une exploitation valide, à condition que les différences ne soient pas significatives et ne modifient pas la physionomie du signe. Dans le cadre d’un litige, la société RD Technologies a été accusée de contrefaçon de la marque ‘SOLO’ par les sociétés Patherm et Solo Swiss. La cour a jugé que l’usage de la marque par RD Technologies, même sous une forme modifiée, ne portait pas atteinte à son caractère distinctif, confirmant ainsi le jugement initial qui rejetait les demandes de déchéance et de contrefaçon.

L’usage d’une marque sous une forme légèrement modifiée vaut exploitation du signe par le titulaire de la marque, à la condition que le signe ne comporte pas de différences importantes qui emporteraient une physionomie particulière.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/02734 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDDBO
 
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 décembre 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre 1ère section – RG n°19/01050
 
APPELANTES
 
Société SOLO SWISS, société de droit suisse, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 5]
 
[Adresse 3]
 
SUISSE
 
Société PATHERM, société de droit suisse, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 7]
 
[Localité 2]
 
SUISSE
 
Représentées par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI DOMINIQUE OLIVIER – SYLVIE KONG THONG, avocate au barreau de PARIS, toque L 0069
 
Assistées de Me Arnaud CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque K 177
 
INTIMEE
 
S.A.S. RD TECHNOLOGIES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 4]
 
[Localité 1]
 
Immatriculée au rcs de Gap sous le numéro 497 817 619
 
Représentée par Me Benoît PILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque G 333
 
Assistée de Me Constance CUVILLIER, avocate au barreau de DIJON
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
L’affaire a été débattue le 8 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
 
Mme Véronique RENARD, Présidente
 
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
 
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
 
qui en ont délibéré
 
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
 
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
 
ARRET :
 
Contradictoire
 
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
 
Vu le jugement contradictoire rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
 
— rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon de marque, ainsi que celles fondées sur des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire, ainsi qu’aux fins d’écarter certaines pièces des débats, présentées par les sociétés Patherm et Solo Swiss,
 
— rejeté les demandes reconventionnelles de la société RD Technologies en déchéance de la marque SOLO et au titre de la procédure abusive,
 
— condamné les sociétés Patherm et Solo Swiss in solidum aux dépens,
 
— condamné les sociétés Patherm et Solo Swiss in solidum à payer à la société RD Technologies la somme de 45 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— ordonné l’exécution provisoire du jugement,
 
Vu l’appel interjeté le 10 février 2021 par les sociétés Patherm et Solo Swiss SA,
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 mai 2022 par les sociétés Patherm et Solo Swiss SA qui demandent à la cour de :
 
— recevoir les sociétés Patherm et Solo Swiss bien fondées en leur appel et y faisant droit :
 
— confirmer le jugement du 17 décembre 2020 en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société RD Technologies au titre de la demande de déchéance de la marque SOLO et de la procédure abusive,
 
— débouter en conséquence la société RD Technologies de toutes ses demandes, fins et conclusions,
 
— le réformer pour le surplus et statuant de nouveau :
 
Sur la contrefaçon de marque
 
A titre principal
 
— dire et juger que la société RD Technologies a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque SOLO n° 387 184 au préjudice de la société Patherm,
 
— condamner de ce chef la société RD Technologies à payer à la société Patherm la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts,
 
— interdire à la société RD Technologies de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par jour et par infraction constatée dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt,
 
A titre subsidiaire
 
— dire et juger que la société RD Technologies a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque SOLO n° 387 184 au préjudice de la société Patherm,
 
— condamner de ce chef la société RD Technologies à payer à la société Patherm la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire,
 
— interdire à la société RD Technologies de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par jour et par infraction constatée dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt,
 
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
 
— dire et juger que la société RD Technologies a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire incluant des actes de dénigrement direct et indirect au préjudice de la société Solo Swiss,
 
— condamner de ce chef la société RD Technologies à payer au principal à la société Solo Swiss la somme de 1 000 000 euros de dommages et intérêts, sauf à parfaire,
 
— condamner également la société RD Technologies à payer à la société Solo Swiss la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice moral,
 
— interdire à la société RD Technologies de poursuivre ces actes de concurrence déloyale et parasitaire sous astreinte de 10 000 euros par jour et par infraction constatée dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt,
 
En tout état de cause
 
— ordonner à la société RD Technologies, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt, la communication de tous documents ou informations se rapportant aux pièces litigieuses fabriquées, modifiées et vendues par elle durant la période non prescrite et jusqu’au jour de l’arrêt à intervenir, à savoir :
 
— les noms et adresses de tous ses clients en France et à l’étranger en lien avec SOLO,
 
— les quantités produites, commercialisées, livrées et modifiées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits,
 
— la marge brute réalisée pour ces produits,
 
le tout sous la certification d’un commissaire aux comptes,
 
— ordonner à la société RD Technologies sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée et par jour de retard dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt, de prendre les mesures pour cesser tout risque de confusion et d’association avec SOLO et en particulier de justifier :
 
— qu’elle s’interdit d’utiliser les codes internes de SOLO ainsi que l’usage de la marque comme au sein des adresses URL des images publiées sur son site Internet ainsi que dans les codes sources des pages de son site et comme origine des produits sur son site Internet et plus généralement sur tout document commercial tel que publicités, devis, bons de livraison, factures, propositions commerciales,
 
— qu’elle insère dans ses documents commerciaux une mention selon laquelle :- les pièces de rechanges proposées et les modifications sont « compatibles/adaptables » avec les produits SOLO et sans la garantie du constructeur d’origine,
 
— de préciser (sic) que la marque SOLO appartient à une société tierce avec laquelle RD Technologies n’a aucun lien juridique ou commercial,
 
— infirmer, par ailleurs, le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés Patherm et Solo Swiss à payer chacune à la société RD Technologies la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (sic),
 
— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir en totalité ou en extraits dans 5 revues ou magazines au choix des sociétés Patherm et Solo Swiss sans que le coût de ces insertions n’excède toutefois la somme de 5.000 euros HT par insertion à la charge de la société RD Technologies,
 
— dire et juger que la cour d’appel se réservera une compétence exclusive pour liquider s’il y a lieu les astreintes ordonnées par elle,
 
— condamner la société RD Technologies à payer à chacune des sociétés Patherm et Solo Swiss une indemnité de 45 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner la société RD Technologies en tous les dépens de première instance et d’appel, y compris les frais et honoraires de la saisie contrefaçon du 22 novembre 2018 et du procès-verbal de constat par huissier le 12 juillet 2018,
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 mai 2022 par la société RD Technologies qui demande à la cour de :
 
— débouter les sociétés Patherm et Solo Swiss SA de l’ensemble de leurs demandes,
 
fins et prétentions,
 
— confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 17 décembre 2020 sauf en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société RD Technologies en déchéance de la marque SOLO et en réparation du préjudice subi au titre de la procédure abusive,
 
Statuant à nouveau :
 
— prononcer la déchéance du signe n°387184 à l’expiration d’un délai de 5 ans suivant la date de publication de l’enregistrement du signe au BOPI, soit à compter du 1er juin 1977, et ce pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt,
 
— condamner solidairement les sociétés Patherm et Solo Swiss SA à verser à la société RD Technologies la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de l’abus de droit d’agir,
 
— condamner solidairement les sociétés Patherm et Solo Swiss SA à verser à la société RD Technologies la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice né de la mobilisation de son représentant légal et de ses salariés pour organiser la défense de la société tant en première instance qu’à hauteur de cour,
 
— condamner solidairement les sociétés Patherm et Solo Swiss SA à verser à la société RD Technologies la somme de 80 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner solidairement les sociétés Patherm et Solo Swiss SA aux entiers dépens, en ce compris les frais d’huissier liés aux sommations interpellatives et aux procès-verbaux de constat des 9 mai 2019 et 7 février 2019, ainsi que les frais de consultant informatique et les frais de traduction dont le coût total s’élève à 3 232,38 euros,
 
Vu l’ordonnance de clôture du 9 juin 2022 ;
 
SUR CE,
 
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
 
Il sera simplement rappelé que la société de droit suisse Patherm a pour activité le développement, la valorisation et le transfert de technologie, l’achat et la vente de brevets, la concession de licences, la fabrication de prototypes, ainsi que la participation à d’autres entreprises.
 
Elle est titulaire de la marque internationale désignant la France ‘SOLO’, enregistrée à l’OMPI le 6 mars 1972 sous le n°387 184, sous priorité d’un dépôt suisse du 1er avril 1965, et régulièrement renouvelée, pour désigner des produits en classes 7, 9 et 11, et notamment les fours industriels.
 
La société de droit suisse Solo Swiss, anciennement Thermic Services, est spécialisée dans la conception, la construction, la commercialisation, la maintenance, la rénovation et le service après-vente de fours industriels pour le traitement thermique de pièces métalliques sensibles, ainsi que dans la fourniture de services dans le domaine du traitement thermique et de la métallurgie.
 
Elle bénéficie d’une licence exclusive sur la marque ‘SOLO’, qu’elle indique exploiter dans le monde entier et notamment en France. Le contrat de licence a fait l’objet d’une inscription au registre international des marques le 26 octobre 2018.
 
La société RD Technologies est quant à elle spécialisée dans la reproduction et la fabrication de pièces en alliages réfractaires, entrant dans la constitution de fours industriels de traitement thermique.
 
Les sociétés Patherm et Solo Swiss indiquent avoir découvert que la société RD Technologies se présentait sur son site internet comme ‘partenaire’ des constructeurs de fours et en particulier de la société Solo Swiss en faisant croire en l’existence de liens commerciaux entre les parties, et qu’elle reproduisait sans autorisation la marque ‘SOLO’ dans les adresses URL des images publiées sur son site internet ainsi que dans les codes source de son site ainsi qu’un code 10Cg qui serait une de ses désignations internes de cloches à gaz.
 
Après avoir fait établir le 12 juillet 2018 un procès-verbal de constat d’huissier internet, la société Patherm dûment autorisée, a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société RD Technologies le 22 novembre 2018.
 
Par acte d’huissier du 13 décembre 2018 les sociétés Patherm et Solo Swiss ont fait assigner la société RD Technologies devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.
 
C’est dans ce contexte qu’est intervenu le jugement dont appel.
 
Sur la demande en déchéance de la marque SOLO
 
Selon l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce,
 
‘Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
 
Est assimilé à un tel usage :
 
(…)
 
b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;
 
(…)
 
La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
 
La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu’.
 
En l’espèce, la société RD Technologies ne conteste pas que la société Patherm fait un usage de la marque SOLO pour les produits visés au dépôt mais soutient que cet usage se fait sous une forme modifiée qui ne vaut pas usage du signe tel que déposé dès lors que ce signe comporte des différences importantes qui lui confèrent une physionomie particulière.
 
La seule question qui est soumise à l’appréciation de la cour est donc de savoir si cet usage sous une forme modifiée vaut exploitation du signe par le titulaire de la marque.
 
Le signe enregistré à titre de marque est le signe verbal ‘SOLO’ et le signe en cause tel qu’utilisé est le suivant :
 
le terme ‘SOLO’ étant écrit en lettres blanches dans un cartouche de forme ovale et de couleur rouge avec l’inclusion de l’élément verbal ‘Switzerland’ à l’intérieur du cartouche.
 
Or ces éléments ne sont pas de nature à altérer le caractère distinctif du signe SOLO pour désigner les produits visés à l’enregistrement dès lors que celui-ci reste prédominant dans cet ensemble qui ne comporte aucun autre ajout verbal que l’indication, en très petits caractères, de l’origine suisse du groupe.
 
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de déchéance de la marque considérée.
 
Sur la contrefaçon de marque
 
Selon l’article L713-2 a) du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable aux faits de l’espèce, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : ‘formule, façon, système, imitation, genre, méthode’, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.
 
Selon l’article L713-3 du même code dans la même version applicable aux faits de l’espèce, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
 
a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
 
Enfin l’article L.713-6 b) du même code toujours dans la version applicable aux faits de l’espèce, ajoute que l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.
 
Les sociétés appelantes poursuivent la société RD Technologies en contrefaçon de la marque SOLO n°387 184, à titre principal par reproduction, et à titre subsidiaire par imitation. Se prévalant du constat d’huissier de justice du 12 juillet 2018, elles font valoir à ce titre que la marque SOLO apparaît de façon répétée et disproportionnée dans l’adresse URL attachée aux images publiées ainsi que dans les codes sources du site internet de la société RD Technologies et plus précisément, qu’en saisissant sur le moteur de recherche Google les termes ‘four cloche Solo’, l’internaute obtient plusieurs résultats du site Internet de la société RD Technologies mélangés à ceux issus du site de la société Solo Swiss, et qu’en cliquant sur ces résultats, il est redirigé vers une page de la société RD Technologies. Elles soutiennent que la société intimée n’indique pas la destination des composants qu’elle commercialise mais désigne les produits eux-mêmes, et que la présentation est de nature à faire penser au consommateur qu’il choisit des produits de la marque SOLO et donc de l’induire en erreur, quand bien même le produit est accompagné de la mention RD Technologies.
 
Elles incriminent par ailleurs, toujours au titre de la contrefaçon de marque, l’usage d’un code 10Cg qui serait un de ses codes internes, dans les codes sources des pages concernées et qui, associé à l’usage de la marque SOLO, serait de nature à créer une confusion en laissant supposer que la société RD Technologies est fournisseur ou sous-traitant de la société Solo Swiss puisqu’elle connaît et utilise les mêmes codes internes.
 
Il résulte du procès-verbal de constat réalisé sur internet le 12 juillet 2018 que la recherche par les mots clés ‘four cloche solo’ sur le moteur de recherche Google aboutit, dans la base ‘ images’, à des photographies qui lorsqu’on clique dessus font apparaître des adresses URL comportant le terme ‘Solo’, et qui renvoient vers une même page du site internet de la société RD Technologies décrivant différents types de fours.
 
Les opérations de saisie du 22 novembre 2018 ont quant à elle permis de révéler l’usage du signe ‘Solo’ parfois précédé de la mention ‘pour four’ par la société intimée sur différents produits, documents, factures, plans et courriels.
 
Toutefois, l’usage de la marque considérée par la société RD Technologies apparaît toujours comme étant nécessaire pour désigner expressément des produits commercialisés par elle et destinés à s’adapter à des fours industriels conçus et réalisés par la société Solo Swiss dès lors qu’il constitue le seul moyen pour fournir au public concerné, particulièrement avisé en l’espèce s’agissant d’utilisateurs de fours industriels, une information compréhensible et complète sur le produit concerné, sa destination et sa compatibilité avec les produits visés par la marque en cause.
 
Aucun lien commercial entre les parties n’est par ailleurs établi ni même suggéré dès lors que les résultats de la recherche internet n’apparaissent qu’à titre d’images, dans un fichier technique peu compréhensible pour l’internaute, lequel ne sera pas amené à croire que les produits commercialisés par la société RD Technologies proviennent de la même origine que ceux distribués par les appelantes ou que ces entités sont économiquement liées. En outre, la société RD Technologies se présente comme ‘partenaire des professionnels du traitement thermique’ pour avoir comme activité la fabrication, la réparation et la vente de pièces détachées pour fours industriels de traitement thermique de toutes marques, et non pas comme un fournisseur ou un sous-traitant de la société Solo Swiss.
 
Par ailleurs, l’incrimination de l’usage d’un code 10Cg qui serait un des codes internes de la société appelante dans les codes sources des pages internet en cause, est inopérant à établir la contrefaçon de la marque SOLO, même en association avec celle-ci.
 
Enfin la société RD Technologies appose sa propre dénomination sur les produits, ce qui exclut en tant que de besoin tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur.
 
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la contrefaçon n’est pas caractérisée et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société Patherm de l’ensemble de ses demandes formées à ce titre.
 
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
 
La société Solo Swiss fait grief à la société RD Technologies d’avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire résultant de son mode de communication sur internet, d’un détournement fautif de clientèle pour être présente dans des salons professionnels et avoir tenu en 2017 un stand au salon de [Localité 6] en Allemagne en face du sien et afficher la photographie d’un de ses produits, le tout sans prendre les précautions nécessaires pour éviter tout risque de confusion. Elle invoque par ailleurs une atteinte à sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine ainsi que des actes de dénigrement commis à son encontre, directs résultant de la délivrance en cours de procédure d’une sommation interpellative par huissier à trois de ses clients pour obtenir leur avis sur le risque de confusion, et indirects résultant de la présentation de ses produits sur son site internet comportant les mots ‘amélioration’ et ‘améliorés’, ce qui constituerait un message critique à son encontre. Enfin, elle invoque des actes de parasitisme de la part de la société RD Technologies consistant à avoir détourné ses investissements.
 
Toutefois, il a été dit que la société RD Technologies se présente sur la page d’accueil de son site internet comme ‘le partenaire des professionnels du traitement thermique’, ‘spécialiste de la fabrication et de la réparation de pièces en alliages réfractaires pour fours industriels de traitement thermique’, intervenant ‘sur toutes marques de fours et de types de traitements ainsi que dans tous les secteurs d’activités’. Elle ne se présente donc pas comme un fournisseur ou sous-traitant de la société Solo Swiss. Par ailleurs l’usage d’un code interne de la société Solo Swiss, même associé au signe ‘Solo’, dans les codes source des pages internet peu accessibles au public exclut tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Ce risque de confusion avec la société appelante qui fabrique des fours industriels pour le traitement thermique des métaux ou encore avec une quelconque obligation à garantie qui en découlerait n’est donc pas caractérisé de ce chef.
 
La présence de la société RD Technologies en 2017 à un salon professionnel spécialisé dans le traitement thermique, au demeurant dans une autre allée au même emplacement imposé chaque année ne réalise pas en soi un détournement de clientèle de la société Solo Swiss, étant précisé que le visuel présent sur le stand ne permet aucunement d’affirmer qu’il s’agit d’une pièce de la société Solo Swiss.
 
Cette dernière invoque encore une atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial en renvoyant à ses développements relatifs au risque de confusion et d’association entre ‘elle et la société RD Technologies’.
 
Or, il a déjà été dit qu’il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre les fours industriels pour le traitement thermique de pièces métalliques fabriqués et commercialisés par la société suisse Solo Swiss sous cette dénomination et le nom commercial éponyme, et les produits compatibles commercialisés par la société RD Technologies sous le signe ‘Solo’. En conséquence le grief ne peut prospérer.
 
S’agissant des noms de domaine ‘soloswiss.com’ et ‘soloswiss.fr’, si la société Soloswiss n’en est pas réservataire, pour autant, elle justifie les utiliser comme adresses permettant l’accès à son site internet. Cependant pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés et tenant à l’absence de risque de confusion entre les produits et commercialisés par la société suisse Solo Swiss et les produits compatibles commercialisés par la société RD Technologies sous le signe ‘Solo’, la demande doit être rejetée.
 
Par ailleurs, le fait d’avoir fait appel à un huissier de justice pour interpeller des clients de la société Solo Swiss en leur posant diverses questions sur le risque de confusion et en recueillant leurs réponses, même en indiquant que ‘les sociétés PATHERM et SOLO SWISS prétendent que la société RD TECHNOLOGIES fait un usage massif et illicite de la marque SOLO’, ne caractérise pas un acte de dénigrement au préjudice de la société Solo Swiss, la société RD Technologies s’exprimant avec mesure et ne jetant pas le discrédit sur les produits commercialisés par les appelantes.
 
De même, présenter ses produits de la société RD technologies sur son site internet en proposant des améliorations sur des pièces usagées sans identifier la société Solo Swiss ne réalise aucune critique à l’encontre de cette dernière et partant aucun acte de dénigrement à son préjudice.
 
S’agissant du parasitisme, il est reproché à la société RD Technologies de démarcher les clients de la société Solo Swiss dans les conditions fautives en se servant notamment de ses plans et de son savoir-faire afin de reproduire à moindre frais des pièces d’origine à l’identique ou de les modifier en proposant de nouvelles solutions techniques.
 
Si la société Solo Swiss produit un rapport relatant des dépenses de publicité et marketing pour l’exercice 2016-17 du cabinet BDO, en date du 4 décembre 2018, celles-ci concernent le groupe Solo Swiss composé des sociétés Patherm SA, Solo Swiss SA et Axron Swiss Technology SA. Le rapport du même cabinet en date du 23 décembre 2021 relatant l’activité de recherche et développement durant la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2021 ne fait état quant à lui que de l’existence de descriptifs de six projets pendant la période considérée. Surtout, il n’est démontré aucun détournement de la part de la société RD Technologies qui dispose de ses propres ingénieurs, bureau d’études et services commerciaux pour fabriquer et commercialiser des pièces de rechange adaptables aux produits de la société Solo Swiss. Le parasitisme n’est donc pas établi.
 
En définitive, aucun des griefs de concurrence déloyale et de parasitisme ne peut prospérer et la société Solo Swiss doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes formées à ce titre. Le jugement qui a rejeté les demandes sera donc confirmé.
 
Sur les autres demandes
 
La société RD Technologies, qui n’établit pas la faute des sociétés appelante à avoir agi en justice ni la réalité du préjudice qu’elle invoque, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement confirmé de ce chef.
 
De même, et faute de caractériser le préjudice allégué qui résulterait du temps passé par son dirigeant à préparer la défense de la société, ce chef de demande sera rejeté.
 
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge des sociétés appelantes.
 
Enfin la société RD Technologies a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt, en ce compris les frais d’huissier de justice liés aux sommations interpellatives et aux procès-verbaux de constat des 9 mai 2019 et 7 février 2019, ainsi que les frais de consultant informatique.
 
PAR CES MOTIFS
 
Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions.
 
Y ajoutant,
 
Condamne in solidum les sociétés Patherm et Solo Swiss à payer à la société RD Technologies la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d’huissier de justice liés aux sommations interpellatives et aux procès-verbaux de constat des 9 mai 2019 et 7 février 2019, ainsi que les frais de consultant informatique.
 
Condamne in solidum les sociétés Patherm et Solo Swiss aux entiers dépens.
 
La Greffière La Présidente
 
 
Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la condition pour qu’une marque modifiée soit considérée comme exploitée par son titulaire ?

L’usage d’une marque sous une forme légèrement modifiée est considéré comme une exploitation du signe par le titulaire de la marque, à condition que cette modification ne comporte pas de différences significatives qui pourraient lui conférer une physionomie particulière. Cela signifie que si la marque est utilisée d’une manière qui conserve son caractère distinctif, même avec des modifications mineures, elle est toujours considérée comme exploitée. En revanche, si les modifications apportées à la marque sont suffisamment importantes pour créer une nouvelle identité visuelle ou verbale, cela pourrait être interprété comme une non-exploitation de la marque originale.

Quelles sont les implications juridiques de la contrefaçon de marque selon le code de la propriété intellectuelle ?

Selon l’article L713-2 a) du code de la propriété intellectuelle, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque sans l’autorisation du propriétaire est interdite. Cela inclut même l’utilisation de mots tels que « imitation » ou « système » en association avec la marque. De plus, l’article L713-3 stipule que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement est également prohibé, sauf autorisation. Ces articles visent à protéger les droits des titulaires de marques contre toute forme d’utilisation non autorisée qui pourrait induire en erreur le public sur l’origine des produits ou services.

Comment la société RD Technologies a-t-elle été accusée de contrefaçon de marque ?

La société RD Technologies a été accusée de contrefaçon de la marque SOLO n° 387 184 par les sociétés Patherm et Solo Swiss. Les accusations reposent sur le fait que RD Technologies utilisait la marque SOLO de manière répétée et disproportionnée dans les adresses URL de son site internet et dans les codes sources de ses pages. Les plaignants ont soutenu que cette utilisation pouvait induire en erreur les consommateurs, leur faisant croire que les produits de RD Technologies étaient liés à ceux de Solo Swiss. De plus, l’utilisation d’un code interne associé à la marque SOLO a été considérée comme un moyen de créer une confusion sur l’origine des produits.

Quelles étaient les conclusions de la cour concernant la contrefaçon de marque ?

La cour a conclu que la contrefaçon de marque n’était pas caractérisée. Elle a noté que l’usage de la marque par RD Technologies était nécessaire pour désigner des produits compatibles avec les fours industriels de Solo Swiss. La cour a également observé qu’il n’y avait pas de risque de confusion pour le consommateur, car RD Technologies se présentait comme un partenaire des professionnels du traitement thermique, sans établir de lien commercial avec Solo Swiss. En conséquence, le jugement a été confirmé, déboutant Patherm de ses demandes de contrefaçon.

Quelles accusations de concurrence déloyale ont été portées contre RD Technologies ?

La société Solo Swiss a accusé RD Technologies de concurrence déloyale et parasitaire, en raison de son mode de communication sur internet et de sa présence à des salons professionnels. Elle a également allégué un détournement de clientèle, des atteintes à sa dénomination sociale, ainsi que des actes de dénigrement. Cependant, la cour a constaté qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les produits des deux sociétés et que RD Technologies ne se présentait pas comme un fournisseur de Solo Swiss. Ainsi, les accusations de concurrence déloyale et parasitaire ont été rejetées.

Quelles ont été les décisions finales de la cour concernant les demandes des sociétés Patherm et Solo Swiss ?

La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris, rejetant toutes les demandes des sociétés Patherm et Solo Swiss. Elle a également condamné ces sociétés à payer à RD Technologies une somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. Cette décision souligne l’importance de la preuve dans les affaires de contrefaçon et de concurrence déloyale, ainsi que la nécessité d’établir un lien de confusion entre les marques pour que les accusations soient fondées.

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