Expertise judiciaire et conditions de recevabilité des mesures d’instruction préventives

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Expertise judiciaire et conditions de recevabilité des mesures d’instruction préventives

L’Essentiel : Le tribunal a ordonné que les opérations d’expertise soient communes à Sauter Régulation, rejetant sa demande d’inopposabilité. Spie Building Solutions doit transmettre les pièces et notes de l’expert à Sauter Régulation, qui sera convoquée à la prochaine réunion d’expertise. Un délai de quatre mois est accordé à l’expert pour déposer son rapport, avec une provision de 500 euros fixée pour sa rémunération. En cas de non-paiement dans le délai imparti, l’extension de la mission de l’expert sera caduque. La décision est exécutoire à titre provisoire, et les parties peuvent utiliser un outil de gestion dématérialisée pour l’expertise.

Exposé du litige et de la procédure

Selon une ordonnance du 10 janvier 2022, le président du tribunal judiciaire de Nanterre a désigné un expert pour l’affaire enregistrée sous le RG n°21/814, expert qui a été remplacé par un autre le 14 février 2022. Le 27 juin 2024, la société Spie Building Solutions a assigné la société Sauter Régulation devant le juge des référés. Lors de l’audience du 9 décembre 2024, Spie Building Solutions a demandé que les opérations d’expertise soient communes à Sauter Régulation et a sollicité une décision sur les dépens. Sauter Régulation a contesté la validité des opérations d’expertise antérieures et a demandé à être exonérée des dépens.

Motifs de la décision

L’article 145 du code de procédure civile permet d’ordonner des mesures d’instruction avant tout procès si un motif légitime existe. Ce motif doit être crédible et pertinent par rapport à un litige potentiel. L’expert a rendu son avis le 13 juin 2024, et Spie Building Solutions a justifié la nécessité de rendre les opérations d’expertise communes à Sauter Régulation, qui est impliquée dans les désordres en question. Sauter Régulation a contesté la régularité des opérations d’expertise, mais le juge des référés n’est pas compétent pour juger de cette régularité.

Sur les dépens

Selon l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est généralement condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, aucune partie n’est considérée comme perdante, et chaque partie doit donc assumer ses propres dépens.

Sur l’exécution provisoire

La décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Le tribunal a déclaré que les opérations d’expertise sont communes à Sauter Régulation et a rejeté la demande d’inopposabilité des opérations d’expertise. Il a ordonné que Spie Building Solutions communique les pièces et notes de l’expert à Sauter Régulation et que l’expert convoque cette dernière à la prochaine réunion d’expertise. Un délai supplémentaire de quatre mois a été accordé à l’expert pour déposer son rapport, et une provision de 500 euros a été fixée pour sa rémunération. Si la provision n’est pas versée dans le délai imparti, l’extension de la mission de l’expert sera caduque. Les parties sont informées de la possibilité d’utiliser un outil de gestion dématérialisée pour l’expertise. La décision est exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour ordonner des mesures d’instruction en référé selon l’article 145 du code de procédure civile ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige,

les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. »

Cet article exige l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible,

ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur.

L’objet et le fondement juridique de ce litige doivent être suffisamment déterminés,

et la solution doit pouvoir dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

Elle doit également être pertinente et utile pour le litige en question.

Quelle est la portée de la décision du juge des référés concernant l’inopposabilité des opérations d’expertise ?

La société Sauter Régulation a demandé au tribunal de juger que les opérations d’expertise relatives aux stores de l’immeuble,

réalisées avant l’ordonnance à venir, lui sont inopposables. Cependant, le tribunal a statué qu’une telle demande ne relève pas de la compétence du juge des référés.

En effet, selon la jurisprudence, le juge des référés ne saurait apprécier la régularité d’opérations d’expertise,

comme l’indique la décision de la 2e Chambre Civile du 26 février 1997 (pourvoi n°94-15.918).

Ainsi, le tribunal a décidé de ne pas donner suite à cette demande d’inopposabilité,

ce qui signifie que les opérations d’expertise demeurent valables et opposables aux parties concernées.

Comment sont répartis les dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?

L’article 696 du code de procédure civile précise que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans le cas présent, aucune des parties ne peut être considérée comme perdante dans cette instance.

Par conséquent, le tribunal a décidé de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Cette décision reflète le principe selon lequel les dépens sont généralement à la charge de la partie qui succombe,

mais dans des situations où aucune partie ne l’emporte clairement, le juge peut choisir de répartir les dépens de manière équitable.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire selon les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile ?

Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile stipulent que :

« Les décisions de justice sont exécutoires à titre provisoire, même en cas d’appel, sauf disposition contraire. »

Cela signifie que la décision rendue par le tribunal est immédiatement exécutoire,

et ce, même si une partie décide de faire appel.

L’exécution provisoire permet d’assurer que les mesures ordonnées par le tribunal soient mises en œuvre sans délai,

ce qui est particulièrement important dans les affaires où des mesures urgentes sont nécessaires.

Dans le cas présent, le tribunal a rappelé que sa décision est exécutoire à titre provisoire,

ce qui implique que les parties doivent se conformer à cette décision sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 08 JANVIER 2025

N° RG 24/01551 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZTYH

N° de minute :

S.A.S.U. SPIE BUILDING SOLUTIONS

c/

S.A.S. SAUTER REGULATION

DEMANDERESSE

S.A.S.U. SPIE BUILDING SOLUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Maître Philippe SAVATIC de la SELEURL PRAVTIKS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0307

DEFENDERESSE

S.A.S. SAUTER REGULATION
[Adresse 6]
[Localité 3]

Représentée par Maître Nathalie DUPUY-LOUP de la SELARL ALERION AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0126

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Quentin SIEGRIST, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Philippe GOUTON, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire

Nous Président, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 09 Décembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Selon ordonnance du 10 janvier 2022 rendue dans l’affaire enregistrée sous le RG n°21/814, M. le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant en référé, a sur la demande de la société Issy Shift, désigné M. [F] [S] en qualité d’expert, remplacé par M. [J] [B] par ordonnance du 14 février 2022.

Par acte de commissaires de justice du 27 juin 2024, la société Spie Building Solutions a fait assigner la société Sauter Régulation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.

Dans ses dernières écritures déposées et soutenues à l’audience du 9 décembre 2024, la société Spie Building Solutions demande au juge des référés de rendre les opérations d’expertises communes à la société Sauter Régulation et de statuer ce que de droit relativement aux dépens.

A l’audience du 9 décembre 2024, la société Sauter Régulation a formulé protestations et réserves, et demande au tribunal de juger que les opérations d’expertise relatives aux stores de l’immeuble réalisées avant l’ordonnance à venir lui sont inopposables, et de condamner la demanderesse aux dépens.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Cet article suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

L’expert a donné son avis selon note en date du 13 juin 2024.

La société Spie Building Solutions justifie d’un motif légitime de rendre communes à la société Sauter Régulation les opérations d’expertise ; qu’en effet, celle-ci est concernée par des désordres sur lesquelles porte l’expertise judiciaire (fabricante des régulateurs des stores).

En ce qui concerne la demande de non-opposabilité des opérations d’expertise, la société Sauter Régulation indique qu’elle a été convoquée, avant même l’ordonnance, pour une réunion d’expertise devant avoir lieu le 5 juillet 2024 relative aux stores.

Toutefois, une telle demande ne relève pas de la compétence du juge des référés qui ne saurait apprécier la régularité d’opérations d’expertise (2e Civ., 26 février 1997, pourvoi n°94-15.918).

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. En l’espèce, aucune partie ne pouvant être regardée comme perdante au sein de la présente instance, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

Sur l’exécution provisoire

Conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, il y a lieu de rappeler que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déclarons communes à la société Sauter Régulation les opérations d’expertise ordonnées par les ordonnances des 10 janvier 2022 et 14 février 2022 ayant désigné M. [J] [B] en qualité d’expert, ainsi que les ordonnances ultérieures ayant étendu la mission de l’expert et les opérations d’expertise à d’autres parties (31 août 2022 et 22 février 2023),

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande relative à l’inopposabilité des opérations d’expertise,

Disons que le demandeur communiquera sans délai à la nouvelle partie l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert,

Disons que l’expert devra convoquer la société Sauter Régulation à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elle sera informée des diligences déjà accomplies et invité à formuler ses observations,

Impartissons à l’expert un délai supplémentaire de quatre mois pour déposer son rapport,

Fixons à la somme de 500 euros la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée par la société Spie Building Solutions entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 1], dans le délai d’un mois à compter de la présente ordonnance, sans autre avis (il convient de privilégier le paiement par virement, la partie demanderesse devant solliciter les coordonnées de la régie par mail (avec une copie scannée de la décision) : [Courriel 5]),

Disons que, faute de consignation par la société Spie Building Solutions de la part de la provision lui revenant dans ce délai impératif, l’extension de la mission de l’expert à la société Sauter Régulation sera caduque et privée de tout effet,

Informons la partie intéressée qu’elle pourra être invitée par l’expert à l’utilisation d’Opalexe, outil de gestion dématérialisée de l’expertise ;

Laissons à chacune des parties la charge des dépens qu’elles ont exposés,

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

FAIT À NANTERRE, le 08 Janvier 2025.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT
Philippe GOUTON, Greffier
Quentin SIEGRIST, Vice-président


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