Exonération des cotisations sociales : conditions d’application des frais de repas en entreprise

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Exonération des cotisations sociales : conditions d’application des frais de repas en entreprise

L’Essentiel : L’affaire concerne un contrôle de l’URSSAF d’Auvergne sur une société pour les années 2013 à 2015, entraînant un redressement et une mise en demeure. L’URSSAF conteste l’annulation partielle de ce redressement par la cour d’appel, notamment sur la réintégration des frais de paniers repas dans les cotisations sociales. La cour rappelle que les frais professionnels déductibles incluent les charges spécifiques liées à l’emploi. Elle conclut que les salariés, contraints de se restaurer sur leur lieu de travail en raison de conditions particulières, peuvent bénéficier de l’exonération, annulant ainsi le redressement de l’URSSAF.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne un contrôle effectué par l’URSSAF d’Auvergne sur la société pour les années 2013 à 2015, qui a abouti à plusieurs chefs de redressement et à une mise en demeure le 24 octobre 2016. En réponse, la société a introduit un recours devant une juridiction spécialisée dans le contentieux de la sécurité sociale.

Arguments de l’URSSAF

L’URSSAF conteste l’annulation partielle de la décision de redressement par la cour d’appel, en ce qui concerne la réintégration des frais de paniers repas dans l’assiette des cotisations sociales. Elle soutient que l’exonération des indemnités de restauration ne peut être accordée que dans des cas spécifiques de travail, tels que le travail en équipe ou de nuit, et que la simple contrainte de temps pour prendre un repas ne justifie pas cette exonération.

Réponse de la Cour

La cour rappelle que, selon l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002, les frais professionnels déductibles incluent les charges spécifiques liées à l’emploi. Elle précise que l’indemnité de restauration est considérée comme utilisée conformément à son objet si le salarié est contraint de se restaurer sur son lieu de travail en raison de conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail.

Interprétation des conditions d’exonération

La cour d’appel a établi que pour bénéficier de l’exonération, il suffit que les salariés exercent leur emploi dans des conditions particulières, sans définition exhaustive de ces conditions. Elle a noté que les salariés disposant d’une pause repas de 30 minutes sont contraints de se restaurer sur leur lieu de travail, ce qui constitue une condition d’horaires de travail particulière.

Conclusion de la cour d’appel

Sur la base des éléments de preuve et de son appréciation, la cour d’appel a conclu que les primes en question étaient exonérées de cotisations sociales, annulant ainsi le redressement de l’URSSAF. Le moyen soulevé par l’URSSAF a été jugé non fondé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’exonération des indemnités de restauration selon l’arrêté du 20 décembre 2002 ?

L’article 3, 2° de l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002 stipule que l’indemnité de restauration sur le lieu de travail est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n’excède pas cinq euros, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail.

Ces conditions particulières incluent des situations telles que le travail en équipe, le travail posté, le travail continu, le travail en horaire décalé ou le travail de nuit.

Il est donc essentiel que l’indemnité soit versée dans un contexte où le salarié est effectivement contraint de se restaurer sur son lieu de travail, ce qui peut être le cas même si cela se produit pendant les heures habituelles de repas.

Comment la Cour d’appel a-t-elle interprété les conditions d’organisation et d’horaires de travail ?

La Cour d’appel a interprété que pour ouvrir droit à l’exonération, il suffit que les salariés bénéficiaires d’une indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration exercent leur emploi selon des conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail.

Elle a noté que les salariés travaillant « en journée » ne disposent que d’une pause repas de 30 minutes, ce qui les contraint à se restaurer sur leur lieu de travail en raison de ces conditions particulières d’horaires de travail.

Cette appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve a conduit la Cour à conclure que les primes litigieuses étaient exonérées de cotisations, annulant ainsi le redressement correspondant.

Quels sont les enjeux juridiques soulevés par la décision de la Cour d’appel ?

Les enjeux juridiques portent principalement sur l’interprétation des conditions d’exonération des indemnités de restauration et sur la définition des « conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail ».

La question de savoir si la simple contrainte de temps pour prendre un repas constitue une condition suffisante pour bénéficier de l’exonération est centrale.

L’URSSAF a soutenu que la situation d’un salarié ayant seulement 30 minutes pour prendre son repas ne répondait pas aux critères d’exonération, car cela se produisait pendant les heures habituelles de repas.

Cependant, la Cour a jugé que cette contrainte de temps, associée à d’autres éléments, justifiait l’exonération, ce qui soulève des questions sur la portée de l’article 3, 2° de l’arrêté du 20 décembre 2002 et son application dans des contextes variés.

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° N 22-20.960

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

L’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Auvergne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-20.960 contre l’arrêt rendu le 5 juillet 2022 par la cour d’appel de Riom (4e chambre civile, sociale), dans le litige l’opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF d’Auvergne, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société [3], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 5 juillet 2022), à la suite d’un contrôle portant sur les années 2013 à 2015, l’URSSAF d’Auvergne (l’URSSAF) a notifié à la société [3] (la société), plusieurs chefs de redressement, puis, le 24 octobre 2016, une mise en demeure.

2. La société a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. L’URSSAF fait grief à l’arrêt d’annuler partiellement la décision de redressement, en ce qui concerne la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales des frais de paniers repas versés aux salariés de l’entreprise, alors :

« 1°/ que l’exonération des indemnités de restauration versées en raison de conditions particulières d’organisation et d’horaires de travail n’est possible qu’en cas de travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit ; qu’en retenant, pour annuler le redressement opéré à ce titre, qu’il suffisait que les salariés bénéficiaires exercent leur emploi selon des conditions particulières d’organisation ou d’horaire de travail, sans que cette notion soit définie de manière exhaustive, la cour d’appel a violé l’article 3, 2° de l’arrêté du 20 décembre 2002, dans sa version applicable au litige ;

2°/ en tout état de cause, que la circonstance qu’un salarié ne dispose que de 30 minutes pour prendre son repas ne constitue pas une condition d’organisation et d’horaires de travail qui ouvre droit à une exonération de cotisations si la pause octroyée à ce titre se situe pendant les heures habituelles de repas, peu important que cela implique en pratique la contrainte de se restaurer sur le lieu de travail ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 3, 2° de l’arrêté du 20 décembre 2002, dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l’article 1er de l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.

5. En application de l’article 3, 2° du même texte, l’indemnité de restauration sur le lieu de travail est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n’excède pas cinq euros, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit.

6. Il en résulte qu’est déductible, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, l’indemnité de restauration sur le lieu de travail servie au travailleur salarié ou assimilé contraint, en raison de conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail, de prendre sur son lieu effectif de travail une restauration, même pendant les heures habituelles de repas.

7. L’arrêt relève que, pour ouvrir droit à exonération, il suffit que les salariés, bénéficiaires d’une indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration, exercent leur emploi selon des conditions particulières d’organisation ou d’horaires de travail, sans que cette notion soit définie de manière exhaustive. Il ajoute que les salariés travaillant « en journée » ne disposent que d’une pause repas de 30 minutes, ce qui les contraint à se restaurer sur leur lieu de travail en raison de conditions particulières d’horaires de travail.

8. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits devant elle, la cour d’appel a exactement déduit que les primes litigieuses étaient exonérées de cotisations, de sorte que le redressement correspondant devait être annulé.

9. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.


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