L’Essentiel : Monsieur [F] [B], fils biologique de Madame [X] [S], a demandé l’exhumation de sa mère, inhumée dans le carré des indigents. La Ville de [Localité 4] a refusé, arguant que l’adoption plénière avait rompu le lien de filiation. En mai 2023, Monsieur [B] et sa fille ont assigné la Ville, soutenant leur statut de proches parents. Le tribunal a statué que, bien que l’adoption ait rompu les liens familiaux, Monsieur [B] pouvait être considéré comme le plus proche parent en l’absence d’autres membres de la famille. Le tribunal a donc autorisé l’exhumation de Madame [S].
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PROCÉDURE SANS AUDIENCELes parties ont convenu de procéder sans audience. Les avocats ont soumis leurs plaidoiries au greffe de la chambre aux dates du 18 juillet et 15 novembre 2024. Un rapport a été établi par Monsieur Benoit Chamouard concernant l’affaire. JUGEMENTLe jugement a été prononcé par mise à disposition, de manière contradictoire et en premier ressort. EXPOSE DU LITIGEMonsieur [F] [B] est le fils biologique de Madame [X] [S], qui a été adoptée plénièrement par Monsieur [J] [B] et Madame [N] [T] le 5 mars 1979. En 2010, Monsieur [B] a appris le décès de sa mère biologique survenu en 2002 et a découvert en 2020 qu’elle était inhumée dans le carré des indigents d’un cimetière parisien. Il a demandé, par courrier du 7 septembre 2020, l’autorisation d’exhumer sa dépouille pour la réinhumer dans une concession qu’il acquérirait. La Ville de [Localité 4] a refusé cette demande le 9 mars 2021, arguant que l’adoption plénière avait rompu le lien de filiation. Monsieur [B] et sa fille, Madame [O] [B], ont assigné la Ville de [Localité 4] devant le tribunal en mai 2023, demandant l’autorisation d’exhumer Madame [S]. Ils soutiennent être les plus proches parents de la défunte, précisant que l’adoption ne les exclut pas de cette notion. La Ville a contesté cette position, affirmant que l’adoption avait rompu les liens juridiques et que Monsieur [B] ne pouvait plus être considéré comme le plus proche parent. MOTIFS DE LA DECISIONL’article R2213-40 du code général des collectivités territoriales stipule que la demande d’exhumation doit être faite par le plus proche parent. Bien que la loi ne définisse pas cette notion, il n’existe aucune disposition excluant un enfant adopté plénièrement de cette qualification. Toutefois, la rupture des liens familiaux due à l’adoption implique que Monsieur [B] ne peut être considéré comme le plus proche parent que s’il n’existe pas d’autres membres de la famille en contact avec la défunte. Monsieur [B] a retrouvé sa mère biologique grâce à une recherche dans l’intérêt des familles, ce qui indique qu’il n’y avait plus de relation entre eux. Bien qu’il se déclare comme le seul enfant de Madame [S], il ne peut pas prouver cette assertion en raison de l’ancienneté du décès. De plus, le fait que Madame [S] ait été inhumée dans le quartier des indigents suggère qu’elle n’avait pas de proches pour organiser des funérailles différentes. En vertu de l’article 1382 du code civil, les présomptions non établies par la loi sont laissées à l’appréciation du juge. Les circonstances de l’affaire permettent de présumer que Monsieur [B] est le plus proche parent au moment du jugement, et il est donc légitime à demander l’exhumation de Madame [S]. En revanche, Madame [B] ne peut pas être considérée comme la plus proche parent, étant la petite-fille de la défunte. DECISION FINALELe tribunal autorise Monsieur [F] [B] à demander l’exhumation de la dépouille de Madame [X] [S] et déboute Madame [O] [B] de sa demande. Les parties conservent la charge de leurs propres dépens. Le jugement a été rendu à Paris le 22 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la définition de « plus proche parent » dans le cadre d’une demande d’exhumation ?La notion de « plus proche parent » n’est pas explicitement définie par la loi. Selon l’article R2213-40 du code général des collectivités territoriales, toute demande d’exhumation doit être faite par le plus proche parent de la personne défunte. Cet article ne précise pas les conditions d’éligibilité pour être considéré comme le plus proche parent. Ainsi, il est possible qu’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière, qui a rompu les liens juridiques avec sa mère biologique, puisse être désigné comme tel. Cependant, la jurisprudence indique que la rupture des liens familiaux due à l’adoption entraîne également une rupture de toutes relations entre l’enfant adopté et ses parents biologiques. Cela signifie que cette personne ne peut être considérée comme le plus proche parent qu’en l’absence d’autres membres de la famille, tels qu’un conjoint non séparé ou d’autres enfants. Dans le cas présent, Monsieur [B] a retrouvé sa mère biologique grâce à une recherche dans l’intérêt des familles, ce qui démontre qu’il n’existait plus de relation entre eux. Cela soulève des questions sur la validité de sa demande d’exhumation, étant donné qu’il doit prouver son statut de plus proche parent. Quelles sont les implications de l’adoption plénière sur les droits successoraux et funéraires ?L’adoption plénière, selon l’article 360 du code civil, entraîne une rupture complète des liens juridiques entre l’adopté et sa famille d’origine. Cela signifie que l’adopté acquiert une nouvelle filiation avec sa famille adoptive, et les liens avec la famille biologique sont rompus. En conséquence, l’adoption plénière a des implications directes sur les droits successoraux et funéraires. L’adopté ne peut plus revendiquer des droits en tant que membre de sa famille d’origine, ce qui inclut le droit de demander l’exhumation d’un parent biologique. Dans le cas de Monsieur [B], la Ville de [Localité 4] a soutenu que l’adoption plénière avait mis fin à la filiation entre lui et sa mère biologique, Madame [S]. Cela soulève la question de savoir si, malgré cette rupture, Monsieur [B] peut être considéré comme le plus proche parent, surtout en l’absence d’autres membres de la famille. Il est important de noter que l’article 1382 du code civil stipule que les présomptions non établies par la loi sont laissées à l’appréciation du juge. Dans ce contexte, le juge doit évaluer si les éléments présentés par Monsieur [B] sont suffisants pour établir sa qualité de plus proche parent. Comment le tribunal a-t-il évalué la demande d’exhumation de Monsieur [B] ?Le tribunal a examiné plusieurs éléments pour évaluer la demande d’exhumation de Monsieur [B]. Tout d’abord, il a pris en compte l’article R2213-40 du code général des collectivités territoriales, qui stipule que la demande d’exhumation doit être faite par le plus proche parent. Le tribunal a noté que la notion de « plus proche parent » n’est pas définie par la loi, ce qui laisse une certaine marge d’appréciation. Il a également souligné que la rupture des liens familiaux due à l’adoption ne signifie pas nécessairement que l’adopté ne peut pas être considéré comme le plus proche parent, surtout en l’absence d’autres membres de la famille. Monsieur [B] a affirmé être le seul enfant de Madame [S], mais il n’a pas fourni de preuves suffisantes pour étayer cette assertion. Le tribunal a également pris en compte le fait que Madame [S] avait été inhumée dans le quartier des indigents, ce qui pourrait indiquer qu’elle n’avait pas de proches souhaitant ou en mesure de pourvoir à des funérailles différentes. En appliquant l’article 1382 du code civil, le tribunal a conclu que les circonstances évoquées permettaient de présumer que Monsieur [B] était le plus proche parent au moment du jugement. En l’absence d’éléments contraires fournis par la Ville de [Localité 4], le tribunal a donc autorisé Monsieur [B] à demander l’exhumation de la dépouille de Madame [S]. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/07713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZNVR
N° MINUTE :
Assignation du :
01 Juin 2023
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDEURS
Monsieur [F] [B]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Madame [O] [B]-[W]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentés par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat plaidant au barreau de DIEPPE, [Adresse 3], [Localité 5], et par Me Lorraine DELVA, avocat postulant au barreau de PARIS, vestiaire #J0121
DÉFENDERESSE
Etablissement public VILLE DE [Localité 4]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0229
Décision du 22 Janvier 2025
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 23/07713 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZNVR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint
Président de formation,
Madame Cécile VITON, Première vice-présidente adjointe
Madame Valérie MESSAS, Vice-présidente
Assesseurs,
assistés de Madame Marion CHARRIER, Greffier
Les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience.
Les avocats ont déposé leur dossier de plaidoirie les 18 juillet et 15 novembre 2024 au greffe de la chambre.
Monsieur Benoit Chamouard a fait un rapport de l’affaire.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [B] est le fils biologique de Madame [X] [S]. Il a fait l’objet d’une adoption plénière par Monsieur [J] [B] et Madame [N] [T] par jugement du 5 mars 1979.
Monsieur [B] a engagé une procédure de recherche dans l’intérêt des familles et a été informé le 2 février 2010 du décès de Madame [S], intervenu le [Date décès 1] 2002. Il a appris en 2020 que sa mère biologique était inhumée dans le carré des indigents du cimetière parisien de [Localité 8].
Par courrier du 7 septembre 2020, Monsieur [B] a demandé à la Ville de [Localité 4] l’autorisation d’exhumer la dépouille de Madame [S] afin de la réinhumer dans une concession qu’il acquerrait dans un cimetière parisien.
Le 9 mars 2021, la Ville de [Localité 4] a refusé cette demande, au motif que l’adoption plénière avait mis fin à la filiation entre le demandeur et la défunte.
Par acte des 24 et 30 mai 2023, Monsieur [B] et sa fille, Madame [O] [B], ont fait assigner la Ville de [Localité 4] devant ce tribunal.
Par dernières conclusions du 19 janvier 2024, Monsieur et Madame [B] demandent au tribunal de les autoriser à demander l’exhumation de la dépouille de Madame [S].
Les demandeurs exposent être les plus proches parents de Madame [S]. Ils exposent que le fait que l’adoption plénière a rompu le lien avec la famille d’origine n’est pas exclusif de la notion de plus proche parent. Ils précisent que Monsieur [B] est le seul fils de la défunte, dont aucun proche parent n’est connu. Il ajoute que Madame [S] n’avait pris aucune disposition pour régler ses funérailles. Ils soulignent que son inhumation en fosse commune ne procédait pas d’un choix mais de circonstances économiques s’imposant à elle.
Par dernières conclusions du 18 octobre 2023, la Ville de [Localité 4] demande au tribunal de juger de l’opportunité de délivrer à Monsieur [B] l’autorisation de demander l’exhumation de Madame [S].
La Ville de [Localité 4] expose que l’article R2213-40 du code général des collectivités territoriales réserve la demande d’exhumation au plus proche parent du défunt. Elle soutient que cette notion s’entend de l’état civil et est distincte de la notion de personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles. Elle fait valoir que l’adoption plénière de Monsieur [B] lui a fait cesser d’appartenir à sa famille d’origine et qu’il ne peut plus être considéré comme le plus proche parent du défunt.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 janvier 2024.
L’article R2213-40 du code général des collectivités territoriales prévoit que toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte.
La notion de » plus proche parent » n’est pas définie par la loi. Aucune disposition légale n’exclut ainsi qu’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière, ayant rompu les liens juridiques avec sa mère biologique, puisse être désigné le plus proche parent.
Il convient toutefois de relever que la rupture des liens familiaux en raison de l’adoption s’accompagne, comme en l’espèce, d’une rupture de toutes relations entre l’enfant adopté et ses parents biologiques. Cette rupture des relations ne permet de considérer cette personne comme le plus proche parent qu’à défaut de conjoint non séparé du défunt, d’autre enfant ou d’autres membres de la famille restés en contact avec la personne.
En l’espèce, il est constant que Monsieur [B] a pu retrouver sa mère biologique grâce à une recherche dans l’intérêt des familles. Compte tenu de la nature de cette procédure administrative, destinée à permettre de reprendre contact avec des proches avec lesquels la personnes ne dispose plus d’aucun lien, il est établi qu’il n’existait plus aucune relation entre eux.
Il indique par ailleurs être le seul enfant de Madame [S], sans étayer cette assertion par des pièces. Il apparaît toutefois que Monsieur [B] est dans l’impossibilité de justifier de cet élément, au regard de l’ancienneté du décès et du fait que les actes d’état civil ne mentionnent pas les filiations descendantes.
Il convient par ailleurs de prendre en considération le fait que Madame [S] a été inhumée dans le quartier des indigents et, comme l’indique la Ville de [Localité 4], que sa tombe n’a pas été relevée à l’issue du délai de 5 ans et est restée en place depuis 2002. Cette circonstance pourrait indiquer que Madame [S] ne disposait pas de parent proche souhaitant ou en mesure de pourvoir à des funérailles différentes. La Ville de [Localité 4] n’allègue pas au demeurant avoir été sollicité par d’autres personnes que le demandeur pour pourvoir une autre sépulture à la défunte.
L’article 1382 du code civil dispose que les présomptions qui ne sont pas établies par loi sont laissées à l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen.
L’ensemble des circonstances évoquées ci-dessus permettent de présumer, en application de cette disposition et dans cette espèce particulière, que Monsieur [B] est le plus proche parent au jour de ce jugement. En l’absence d’élément contraire apportés par la Ville de [Localité 4], il est donc légitime à solliciter l’exhumation de la dépouille de Madame [S]. Il sera fait droit à sa demande.
Madame [B] ne peut en revanche être qualifiée de plus proche parent de la défunte, qualification pour laquelle elle est primée en l’espèce par Monsieur [B], fils biologique de la défunte alors qu’elle est sa petite fille. Elle sera déboutée de sa demande.
L’équité commande en l’espèce de laisse aux parties la charge de leurs propres dépens.
Le tribunal statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et susceptible d’appel,
AUTORISE Monsieur [F] [B] à demander à la Ville de [Localité 4] l’exhumation de la dépouille de Madame [X] [S], inhumée dans le cimetière parisien de [Localité 8] (sépulture [Numéro identifiant 2]),
DÉBOUTE Madame [O] [B] – [W] de sa demande,
LAISSE aux parties la charge de leurs propres dépens.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
Le Greffier Le Président
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD
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