Examen des conditions d’exécution provisoire en matière de créances contestées

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Examen des conditions d’exécution provisoire en matière de créances contestées

L’Essentiel : Le 6 février 2024, le tribunal a validé la contrainte de Pôle emploi, condamnant M. [U] [M] à rembourser 11 290,36 euros, avec intérêts, et à verser 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [M] a interjeté appel le 9 avril 2024, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement, invoquant une enquête pénale en cours et son incapacité à payer en raison d’un arrêt maladie. Pôle emploi a contesté cette demande, la qualifiant d’irrecevable, et a réclamé 800 euros pour ses frais de procédure.

Contexte de l’affaire

Par acte d’huissier de justice en date du 13 janvier 2021, Pôle emploi a signifié à M. [U] [M] une contrainte émise le 28 décembre 2020, d’un montant de 11 295,12 euros. Cette somme correspondait à des aides versées entre le 30 décembre 2014 et le 7 septembre 2015, suite à une enquête sur l’activité de la SARL [6] qui aurait employé M. [M].

Opposition et décisions judiciaires

M. [U] [M] a formé opposition à cette contrainte le 21 janvier 2021, entraînant une procédure devant le tribunal judiciaire de Béthune. Le 13 septembre 2022, le juge a constaté une fausse déclaration de M. [M] et a déclaré recevable l’action de Pôle emploi, tout en rejetant la fin de non-recevoir liée à la prescription.

Jugement au fond

Le 6 février 2024, le tribunal a validé la contrainte de Pôle emploi, condamnant M. [U] [M] à rembourser 11 290,36 euros, avec intérêts, et à payer 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire par provision.

Appel et nouvelles demandes

M. [U] [M] a interjeté appel le 9 avril 2024 et a assigné Pôle emploi le 26 avril 2024, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement et une indemnité de 1 500 euros. Il a soutenu que l’enquête pénale en cours justifiait sa demande et qu’il était en arrêt maladie, ce qui le rendait incapable de payer.

Réponse de Pôle emploi

Pôle emploi a demandé le déboutement de M. [M] et a réclamé 800 euros pour ses frais de procédure. L’établissement a contesté la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, arguant que M. [M] n’avait pas soulevé d’observations sur ce point en première instance.

Décision du premier président

Le premier président a déclaré la demande d’arrêt de l’exécution provisoire irrecevable, soulignant que M. [M] n’avait pas justifié de nouvelles circonstances depuis le jugement du 6 février 2024. Sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 a également été rejetée, et M. [U] [M] a été condamné aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire selon l’article 514-3 du code de procédure civile ?

L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsque deux conditions sont réunies :

1. Il doit exister un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision.

2. L’exécution de la décision doit risquer d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il est important de noter que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est recevable que si la partie qui a comparu en première instance n’a pas formulé d’observations sur l’exécution provisoire. Dans ce cas, elle doit établir l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, ainsi que des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Ainsi, M. [U] [M] n’ayant pas formulé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas recevable, car il ne justifie d’aucun élément survenu depuis le jugement du 6 février 2024.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle la notion de conséquences manifestement excessives ?

La notion de conséquences manifestement excessives est interprétée de manière stricte par la jurisprudence. Pour qu’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire soit recevable, il faut que les conséquences excessives soient survenues après la décision de première instance.

Dans le cas présent, M. [U] [M] a soutenu qu’il se trouvait en arrêt maladie et qu’il ne pouvait pas régler la somme réclamée par Pôle emploi. Cependant, ces circonstances étaient déjà présentes avant le jugement du 6 février 2024.

L’article 514-3 précise que les conséquences doivent être révélées postérieurement à la décision. Par conséquent, les éléments de fait invoqués par M. [U] [M] ne suffisent pas à établir l’existence de conséquences manifestement excessives, car ils ne sont pas nouveaux et n’ont pas été révélés après le jugement.

Quelle est la portée de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais irrépétibles, c’est-à-dire des frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre de la procédure.

Dans cette affaire, Pôle emploi a demandé le paiement d’une somme de 800 euros sur le fondement de cet article. Toutefois, le tribunal a rejeté cette demande, considérant qu’il ne paraissait pas inéquitable de laisser à la charge de Pôle emploi les frais irrépétibles de la procédure.

Cela signifie que, bien que Pôle emploi ait été la partie gagnante, le tribunal a estimé que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une condamnation de M. [U] [M] au titre de l’article 700, ce qui souligne l’importance de l’équité dans l’appréciation des frais de justice.

Quelles sont les implications de la prescription décennale mentionnée dans l’ordonnance du juge de la mise en état ?

L’article L.5422-5 du code du travail stipule que l’action en répétition de l’indu, c’est-à-dire le remboursement des sommes indûment perçues, est soumise à une prescription de dix ans. Cela signifie que Pôle emploi peut revendiquer le remboursement des sommes versées à M. [U] [M] pendant une période de dix ans à compter de leur versement.

Dans l’ordonnance du juge de la mise en état, il a été déclaré que Pôle emploi était fondé à se prévaloir de cette prescription décennale. Cela a des implications importantes pour M. [U] [M], car cela signifie que Pôle emploi a agi dans le délai légal pour récupérer les sommes qu’il estime dues.

La prescription décennale protège également les débiteurs contre des réclamations indéfinies dans le temps, ce qui est essentiel pour la sécurité juridique. Dans ce cas, M. [U] [M] a formé opposition à la contrainte, mais la décision du juge a confirmé la validité de l’action de Pôle emploi, renforçant ainsi la portée de la prescription dans le cadre des litiges liés aux aides au retour à l’emploi.

République Française

Au nom du Peuple Français

C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024

N° de Minute : 157/24

N° RG 24/00074 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VQ3L

DEMANDEUR :

Monsieur [U] [M]

né le 11 Mai 1985 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Sébastien Habourdin, avocat au barreau de Béthune

DÉFENDEUR :

POLE EMPLOI HAUTS DE FRANCE

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Tal LETKO BURIAN, avocat au barreau d’Arras

PRÉSIDENTE : Michèle Lefeuvre, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 19 juillet 2024 pour remplacer le premier président empêché

GREFFIER : Christian Berquet

DÉBATS : à l’audience publique du 14 octobre 2024

Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt cinq novembre deux mille vingt quatre, date indiquée à l’issue des débats, par Michèle Lefeuvre, présidente, ayant signé la minute avec Christian Berquet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

74/24 – 2ème page

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier de justice en date du 13 janvier 2021, Pôle emploi a fait signifier à M. [U] [M] une contrainte émise par Pôle emploi le 28 décembre 2020 pour un principal de 11 295,12 euros correspondant à des sommes qui lui ont été versées entre le 30 décembre 2014 et le 7 septembre 2015 au titre de l’aide au retour à l’emploi, après enquête sur la réalité de l’activité de la SARL [6] qui l’aurait employé et de son activité salariée.

M. [U] [M] a formé opposition à cette contrainte le 21 janvier 2021 et l’affaire a été portée devant le tribunal judiciaire de Béthune.

Par ordonnance en date du 13 septembre 2022, le juge de la mise en état a :

– dit que M. [U] [M] a effectué une fausse déclaration auprès de Pôle emploi ;

– dit que pôle emploi est fondé à se prévaloir de la prescription décennale de l’article L.5422-5 du code du travail ;

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription élevée par M. [U] [M] ;

– déclaré recevable l’action de Pôle emploi ;

– dit que les dépens suivront le sort de l’instance principale ;

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 30 novembre 2022.

Par jugement au fond en date du 6 février 2024, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– prononcé la validité de la contrainte délivrée par Pôle emploi ;

– condamné M. [U] [M] à payer à Pôle emploi la somme de 11 290, 36 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 septembre 2020,

– condamné M. [U] [M] aux dépens ;

– condamné M. [U] [M] à payer à Pôle emploi la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que la décision est exécutoire par provision.

M. [U] [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 9 avril 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 26 avril 2024, M. [U] [M] a fait assigner Pôle Emploi devant le premier président de la cour d’appel de Douai aux fins de voir, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile:

– arrêter l’exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Béthune le 6 février 2024 ;

– condamner Pôle emploi à verser à M. [U] [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Il soutient que :

– sur les moyens sérieux de réformation du jugement : en raison de l’enquête pénale encore en cours, rien ne justifie qu’il soit condamné à payer les sommes réclamées par Pôle emploi ;

– sur les conséquences manifestement excessives : il se trouve actuellement en arrêt maladie depuis le 24 février 2024, ne perçoit que les indemnités journalières de la CPAM et n’est pas en capacité financière de régler la somme réclamée par Pôle emploi,

Aux termes de ses conclusions, l’établissement Pôle emploi Hauts de France, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, demande au premier président de:

– débouter M. [M] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 6 février 2024 par le tribunal judiciaire de Béthune ;

– le condamner au paiement de la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il avance que :

– sur la recevabilité de la demande :

o M. [M] n’a formulé aucune observation sur l’arrêt de l’exécution provisoire devant le tribunal judiciaire de Béthune de sorte qu’il doit cumulativement établir l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, ainsi que l’existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement au jugement rendu ;

o les circonstances manifestement excessives dont se prévaut l’appelant existaient déjà 74/24 – 3ème page

antérieurement au jugement rendu le 6 février 2024 puisqu’il se trouvait notamment en arrêt de travail avant le premier jugement,

– sur les moyens sérieux de réformation :

o un certain nombre d’enquêtes pénales sont en cours actuellement, mais d’ores et déjà les investigations qui ont été effectuées permettent de conclure à l’absence totale de versement de salaires par la société [6] à M. [M],

o dans son jugement du 9 juin 2022, le tribunal judiciaire d’Arras a ordonné la continuité de l’indemnisation de M. [M] par la CPAM au motif que cette dernière avait cessé de verser la pension d’invalidité sans remettre en cause les paiements déjà effectués. Or, France Travail a annulé l’ouverture de droit à l’allocation ARE et a réclamé le remboursement de la totalité de l’indemnisation versée, objet même de la contrainte contestée, de sorte que M. [M] ne peut se prévaloir de ce jugement.

SUR CE

Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifeste-ment excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

M. [U] [M] qui n’a pas formé d’observation sur l’exécution provisoire en première instance, ne justifie d’aucun élément survenu depuis le 6 février 2024 se rapportant aux conséquences de l’exécution provisoire assortissant le jugement déféré. Il s’ensuit que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas recevable.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de Pôle Emploi les frais irrépétibles de la procédure. Sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire rendue après débats en audience publique,

Déclare la demande de M. [U] [M] d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement du tribunal judiciaire de Béthune en date du 6 février 2024 irrecevable,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [M] aux dépens.

Ainsi jugé et et prononcé le 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe

Le greffier La présidente

C. BERQUET M. LEFEUVRE


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