L’Essentiel : Le tribunal a examiné le recours de la Société [5] contre la décision de la CPAM de Saône-et-Loire, qui avait attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 80 % à M. [X] en raison d’un cancer lié à une maladie professionnelle. Malgré les contestations de la société, le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour remettre en question ce taux. La demande d’inopposabilité a été rejetée, et le tribunal a confirmé le taux d’IPP, ordonnant l’exécution provisoire de la décision et condamnant la société aux dépens.
|
Contexte de l’affaireLa Société [5] a introduit un recours le 21 juillet 2022 contre une décision de la CPAM de Saône-et-Loire, datée du 25 novembre 2021, qui a attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 80 % à M. [X] [N]. Ce taux a été établi en raison d’un cancer broncho-pulmonaire lié à une maladie professionnelle, déclaré le 28 août 2020, avec des séquelles graves. Compétence juridictionnelleSuite à la suppression du tribunal du contentieux de l’incapacité de Rhône-Alpes au 31 décembre 2018, le tribunal judiciaire de Lyon est devenu compétent pour traiter ce type de litige depuis le 1er janvier 2019. Les parties ont été convoquées pour une audience publique prévue le 12 novembre 2024. Arguments de la Société [5]Lors de l’audience, la société [5], représentée par ses avocats, a contesté l’opposabilité du taux d’incapacité, arguant que la CPAM n’avait pas prouvé l’existence d’un préjudice professionnel. Elle a également demandé une expertise, sans fournir d’avis médical spécifique, bien que le médecin mandaté ait reçu le rapport d’évaluation des séquelles. Position de la CPAMLa CPAM de Saône-et-Loire n’a pas comparu à l’audience mais a soumis ses conclusions par écrit. Elle a demandé le rejet de la demande d’inopposabilité, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, et a demandé la confirmation du taux d’incapacité de 80 %. Décision du tribunalLe tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’éléments suffisants pour remettre en question l’évaluation du taux d’incapacité par la CPAM et a décidé de ne pas ordonner d’expertise médicale. Le tribunal a ensuite délibéré et rendu son jugement le 20 janvier 2025. Recevabilité du recoursLe tribunal a confirmé la recevabilité du recours, notant que l’employeur avait contesté la décision de la CPAM devant la CMRA, qui n’avait pas statué, validant ainsi le taux fixé par la caisse. Le recours a été déclaré recevable en l’absence de preuve de la date de notification de la décision à l’employeur. Inopposabilité du taux d’incapacitéLe tribunal a examiné les dispositions du Code de la sécurité sociale concernant l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Il a rejeté la demande d’inopposabilité du taux d’IPP, considérant que les séquelles de M. [X] avaient des répercussions professionnelles significatives. Évaluation du taux d’IPPLe tribunal a vérifié l’application du barème et des dispositions légales relatives à l’évaluation du taux d’incapacité. La société [5] n’ayant pas fourni d’éléments pour contester le taux de 80 %, le tribunal a confirmé ce taux, en se basant sur les critères établis par la législation. Conclusion du jugementLe tribunal a déclaré recevable le recours de la société [5], rejeté la demande d’inopposabilité du taux d’IPP, confirmé le taux de 80 % opposable à l’employeur, et ordonné l’exécution provisoire de la décision. La société [5] a été condamnée aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité du recoursLa recevabilité du recours est un point essentiel à examiner dans le cadre de ce litige. Selon l’article 125 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC), il est stipulé que « le recours administratif préalable est une condition de recevabilité du recours contentieux ». De plus, l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale précise que « les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle doivent être soumis à un recours administratif préalable ». Dans cette affaire, il est établi que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA), qui n’a pas statué, confirmant ainsi implicitement le taux fixé par la caisse. Le recours a été introduit le 21 juillet 2022, et en l’absence de preuve de la date à laquelle la décision de la caisse a été portée à la connaissance de l’employeur, le tribunal a déclaré le recours recevable. Sur l’inopposabilité du taux faute de preuve d’un préjudice professionnel de l’assuréL’article L.434-1 du Code de la sécurité sociale stipule que « une indemnité en capital est attribuée à la victime d’un accident du travail atteinte d’une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé ». Cette indemnité est fonction du taux d’incapacité de la victime et est déterminée par un barème forfaitaire fixé par décret. L’article L.434-2 précise que « le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ». La jurisprudence de la Cour de cassation a établi que la rente versée à la victime ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, mais uniquement le préjudice professionnel. Dans ce cas, la CPAM a fourni un rapport d’évaluation des séquelles, indiquant que l’assuré n’a pas pu reprendre son travail en raison de la gravité de sa maladie. Par conséquent, le tribunal a rejeté la demande d’inopposabilité du taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 80 %. Sur l’évaluation du taux médical d’IPPL’évaluation du taux d’incapacité permanente est régie par l’article L.434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que « le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles ». Dans cette affaire, la société [5] a demandé une expertise mais n’a pas fourni d’éléments suffisants pour remettre en question le taux d’IPP fixé à 80 % par la caisse. L’absence d’avis médical de la part du médecin mandaté par la société a également été un facteur déterminant. Le tribunal a donc jugé qu’il n’était pas nécessaire d’ordonner une expertise ou une consultation médicale, confirmant ainsi le taux d’IPP de 80 % en application du barème indicatif et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la sécurité sociale. En conséquence, la demande d’expertise a été rejetée, et le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de la décision. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 20 Janvier 2025
Minute n° :
Audience du : 12 novembre 2024
Salarié : M. [X] [N]
Requête n° : N° RG 22/01473 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XBFT
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Frédérique BELLET, avocate au barreau de PARIS substitué par Me Quentin JOREL, avocat au barreau de LYON
partie défenderesse
CPAM DE LA SAONE-ET-LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]
dispensée de comparution
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Lydie REINBOLD
Assesseur collège salarié : Fouzia MOHAMED ROKBI
Assistés lors des débats et du délibéré de : Anne DESHAYES, Greffière
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
S.A.S. [5]
Me Frédérique BELLET (Paris)
CPAM DE LA SAONE-ET-LOIRE
Une copie certifiée conforme au dossier
Par requête adressée au tribunal et reçue le 21/07/2022, la Société [5] a formé un recours à l’encontre d’une décision de la CPAM de SAONE ET LOIRE du 25/11/2021 qui attribue un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 80 % au profit de M. [X] [N] à compter de la date de consolidation fixée le 30/09/2021, en raison d’une maladie professionnelle déclarée le 28/08/2020, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante : » Cancer broncho-pulmonaire primitif avec envahissement ganglionnaire et paralysie récurrentielle traitée par radio-chimiothérapie après exposition à l’amiante « .
Le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rhône-Alpes ayant été supprimé au 31/12/2018, le tribunal judiciaire de Lyon (pôle social – contentieux technique) est devenu la juridiction compétente pour connaître de ce litige depuis le 01/01/2019.
Le greffe de cette juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 12/11/2024.
À cette date, en audience publique :
– la société [5] représentée par Me BELLET substitué par Me JOREL conclut oralement à titre principal à l’inopposabilité du taux d’incapacité notifié au motif que la caisse ne rapporte pas la preuve d’un préjudice professionnel causé par les séquelles de l’assurée alors que la Cour de cassation juge désormais que la rente répare exclusivement le préjudice professionnel résultant de l’incapacité à l’exclusion du déficit fonctionnel permanent.
A titre subsidiaire la société sollicite une expertise mais sans fournir d’avis médical particulier, notamment de la part du médecin qu’elle a mandaté (le Dr [R]).
Il n’est pourtant nullement soutenu qu’il n’aurait pas été destinataire du rapport d’évaluation des séquelles du médecin conseil CPAM.
– la CPAM de SAONE ET LOIRE, n’a pas comparu mais a sollicité une dispense par courriel du 31/10/2024 et fourni ses conclusions, par courrier parvenu au tribunal le 12/11/2024 avant l’audience. Elle demande au tribunal de rejeter l’inopposabilité soulevée par la société sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation qui exclut le déficit fonctionnel permanent de la rente. Elle fait valoir que cette jurisprudence n’a pas entendu remettre en question les principes d’évaluation posés par l’article L432-2 du CSS et par le barème indicatif. Elle s’en rapporte sur l’organisation d’une consultation et demande la confirmation du taux d’incapacité retenu de 80 %.
En l’absence d’élément permettant de remettre en question l’évaluation du taux faite par la caisse, le tribunal n’a pas jugé utile d’ordonne une consultation médicale.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 20/01/2025.
Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse.
Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2019.
En l’espèce, il ressort des pièces communiquées que l’employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA laquelle n’a pas statué et a donc confirmé implicitement le taux fixé par la caisse. Le requérant a introduit son recours le 21/07/2022.
Le recours sera déclaré recevable, en l’absence de preuve de la date à laquelle la décision de la caisse a été portée à la connaissance de l’employeur.
Sur l’inopposabilité du taux faute de preuve d’un préjudice professionnel de l’assuré
Selon l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale » Une indemnité en capital est attribuée à la victime d’un accident du travail atteinte d’une incapacité permanente inférieure à un pourcentage déterminé. Son montant est fonction du taux d’incapacité de la victime et déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret dont les montants sont revalorisés au 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25. Il est révisé lorsque le taux d’incapacité de la victime augmente tout en restant inférieur à un pourcentage déterminé. Cette indemnité est versée lorsque la décision est devenue définitive. Elle est incessible et insaisissable « .
Aux termes de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale » le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci « .
L’article R.434-32 prévoit qu’au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants-droits.
Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
Les annexes I et II au code de la sécurité sociale prises en application de cet article définissent les barèmes indicatifs d’invalidité applicables en matière d’accidents du travail et de maladie professionnelle.
L’annexe I du barème indicatif d’invalidité accidents du travail (application de l’article R434-32 du CSS) définit précisément les éléments constitutifs du taux d’IPP :
« … l’incapacité permanente est déterminée d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.
Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.
Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :
1°/ La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2°/ L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons. L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3°/ L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci. On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4°/ Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.
5°/ Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire « .
Les annexes sus-visées rappellent également que le barème n’a qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.
[Ce] barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.
La Cour de cassation, par deux arrêts (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.947 et n°21-23.673) a décidé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent en sorte que la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.
Le déficit fonctionnel permanent se définit ainsi : » Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation. Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime […] Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime « .
Ainsi le capital ou la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité.
En effet il résulte de l’article L451-1 du CSS qu’ » […] aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants-droits « , ce qui a pour contrepartie une réparation forfaitaire versée par l’assurance-maladie.
Ainsi, en cas d’AT/MP sans reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur, le principe demeure celui de l’exclusion de la responsabilité de l’employeur et de l’indemnisation forfaitaire de la victime par l’organisme de sécurité sociale, telle que prévue par l’article L434-2 et le barème indicatif auquel il renvoie.
L’indemnisation revêt un caractère forfaitaire, né de l’ensemble des éléments constitutifs de l’incapacité, qui ne couvre donc pas l’ensemble du préjudice personnel subi par la victime (DFP) dont la victime ou ses ayant droits peuvent obtenir réparation en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Cela ne signifie pas, pour autant, que l’attribution d’un taux d’incapacité est subordonnée à l’existence d’une incidence professionnelle effective telle qu’un licenciement ou une perte de salaire, dès lors que les séquelles de l’accident ou de la maladie, constatées par le médecin conseil, sont suffisamment importantes pour qu’elles aient une répercussion sur le travail du salarié (ex : pénibilité du travail dû aux douleurs).
Afin d’appréhender l’incidence professionnelle de l’accident ou de la maladie, le médecin conseil de la CPAM apprécie les critères tels que fixés par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale et l’annexe 1 de l’article R. 434-2 du Code de la sécurité sociale.
En l’espèce, il résulte du rapport du médecin conseil de la CPAM d’évaluation des séquelles que l’assuré, chaudronnier et mécanicien d’entretien n’a pu reprendre le travail.
Par ailleurs, il est difficilement contestable que le traitement et la maladie qu’il présente ont eu une incidence professionnelle importante découlant de la gravité de la maladie professionnelle, de la lourdeur du traitement et de l’âge de l’assuré (64 ans à la consolidation).
Par conséquent le taux d’incapacité permanente partiel ayant été fixé en considération des critères habituels retenus par les textes susvisés, et notamment du tableau relatif à la maladie professionnelle en cause figurant au barème indicatif, la demande d’inopposabilité du taux d’IPP sollicitée par l’employeur, doit être rejetée.
Sur l’évaluation du taux médical d’IPP
La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale.
En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
En l’espèce, la société [5] soutient une demande d’expertise mais n’apporte aucun élément permettant de remettre en question le taux fixé à 80 % par la caisse. Elle ne fournit pas d’avis médical du médecin qu’elle a mandaté et qui pourtant a bien été destinataire du rapport du médecin conseil (accusé-réception signé par le Docteur [R] le 02/08/2022, cf pièce 6 CPAM).
Dans ces conditions, le tribunal n’ayant pas à suppléer la carence du demandeur, il n’apparaît pas utile d’ordonner une expertise ou une consultation médicale.
La demande sera rejetée et le taux d’IPP de 80 % fixé en application du barème indicatif et des dispositions de l’article L 434-2 du Code la Sécurité Sociale, confirmé.
Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire compte tenu de l’ancienneté du litige.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort,
– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par la société [5] ;
– REJETTE la demande d’inopposabilité du taux d’IPP de M. [X] [N] ;
– CONFIRME la décision de la CPAM de SAONE ET LOIRE du 25/11/2021 et MAINTIENT à 80 % le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de M. [X] [N] opposable à l’employeur à compter de la date de consolidation fixée le 30/09/2021, en raison d’une maladie professionnelle déclarée le 28/08/2020;
– REJETTE la demande d’expertise ;
– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.
– ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.
– CONDAMNE la société [5] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 20 janvier 2025 dont la minute a été signée par la présidente et par la greffière.
La Greffière La Présidente
Laisser un commentaire