L’Essentiel : L’évaluation du préjudice en matière de typosquatting repose sur l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle. Ce dernier stipule que les dommages et intérêts doivent prendre en compte les conséquences économiques, le préjudice moral et les bénéfices du contrefacteur. Dans le cas de Groupama, le tribunal a reconnu un préjudice de 4 000 euros pour atteinte à la renommée de ses marques. De plus, il a ordonné le transfert des noms de domaine litigieux à Groupama, soulignant l’absence de justification légitime de la part de M. [H] pour ses enregistrements.
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En matière de typosquatting de marque, le préjudice peut être évalué forfaitairement et même en l’absence de preuve du préjudice (exemple : 4 000 euros pour la société victime).
L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelleL’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. La somme forfaitaireToutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. L’emploi de l’adverbe “distinctement” et non “cumulativement”, commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. Le préjudice hypothétiquePar ailleurs, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cass. civ. 1ère, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614). Les mesures complémentairesEn application de l’article L.716-4-11 du même code, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. Au cas présent Groupama ne verse aucune pièce au soutien de ses demandes en réparation. L’atteinte à la renommée des marques verbale française “Groupama” n° 1481901, semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863 et semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221 cause à Groupama un préjudice résultant de leur avilissement qui sera réparé par l’octroi de 4000 euros à titre de dommages et intérêts. Les circonstances sus-indiquées d’atteinte à la renommée des marques invoquées justifient également le prononcé du transfert des enregistrements à Groupama. La caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama détient plusieurs marques, dont la marque verbale « Groupama » et des marques semi-figuratives, enregistrées pour divers services liés aux assurances et aux finances. Le 5 octobre 2023, Groupama découvre que plusieurs noms de domaine, similaires à ses marques, ont été enregistrés par M. [F] [H] en Suisse. En réponse, le président du tribunal judiciaire ordonne le blocage de ces noms de domaine le 24 novembre 2023. Groupama assigne M. [H] pour contrefaçon de marques, demandant des dommages et intérêts ainsi que le transfert des noms de domaine. Le tribunal condamne M. [H] à verser 4000 euros à Groupama pour atteinte à la renommée de ses marques et ordonne le transfert des noms de domaine litigieux à Groupama, tout en rejetant la demande de publication du jugement. M. [H] est également condamné aux dépens et à payer 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. REPUBLIQUE FRANÇAISE 9 octobre 2024 [1] Le ■ 3ème chambre N° RG 23/15973 – N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT La CAISSE NATIONALE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE GROUPAMA représentée par Maître Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1380 DÉFENDEUR Monsieur [F] [H] défaillant Décision du 09 octobre 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS En application des articles L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et 839 du code de procédure civile et après avoir recueilli l’accord des partie, la procédure s’est déroulée sans audience. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 octobre 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe La caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama (ci-après Groupama) est un groupe mutualiste d’assurance et de services financiers. Elle est titulaire de diverses marques, dont :- la marque verbale française “Groupama” n° 1481901, déposée le 5 août 1988 pour désigner divers produits et services en classes 1 à 42, dont des services d’assurances et de finances – la marque verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863, déposée le 10 juin 1999 pour désigner divers services en classes 35, 36, 37, 39 et 42, dont des services d’assurances, d’affaires immobilières et de finances Elle indique également avoir déposé les noms de domaine , et . Selon son assignation, Groupama demande au tribunal de :- condamner M. [H] à lui payer : Au soutien de ses demandes, Groupama fait principalement valoir que :- les marques qu’elle invoque sont renommées pour être connues d’une partie significative du public concerné compte tenu de leur utilisation continue depuis leur dépôt et antérieurement depuis 1986 sous des signes similaires, de leur notoriété en tant que service d’assurances auprès d’un large public et de la reconnaissance de cette notoriété par des décisions de justice et administratives antérieures À titre subsidiaire, elle soutient qu’outre l’identité de signe, les noms de domaine litigieux ont été exploités pour des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels les marques invoquées sont enregistrées, compte tenu de l’activité déclarée de M. [H] dans le domaine du marketing, du conseil, du coaching et de la formation. En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. 1 – Sur la demande principale en atteinte aux marques renommées Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, applicable aux marques de l’Union européenne invoquée, prévoit en son article 9 que :1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. Au soutien de la renommée de ses marques françaises n° 1481901 et n° 4287380, de l’Union européenne n° 003543139, n° 001210863 et internationale n° 1337221, Groupama produit aux débats :- une décision de la commission administrative de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 5 janvier 2016 reconnaissant la notoriété de la marque de l’Union européenne n° 003543139 “Groupama” (sa pièce n° 3) La renommée des marques invoquées est, ainsi, établie pour le public concerné constitué des consommateurs de services d’assurances, normalement informés, raisonnablement attentifs et avisés, et d’attention moyenne. L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; L’emploi de l’adverbe “distinctement” et non “cumulativement”, commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. Au cas présent Groupama ne verse aucune pièce au soutien de ses demandes en réparation. 3.1 – S’agissant des frais du procès Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le tribunal, Condamne M. [F] [H] à payer 4000 euros à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à la renommée des marques verbale française “Groupama” n° 1481901, semi-figurative française “Groupama” n° 4287380, semi-figurative de l’Union européenne “Groupama” n° 003543139, verbale de l’Union européenne “Groupama” n° 001210863 et semi-figurative internationale “Groupama” n° 1337221 ; Ordonne le transfert à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama de l’enregistrement des noms de domaine , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l’association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC) et à la société OVH par la partie la plus diligente aux fins d’enregistrement de ce transfert ; Rejette la demande de publication du jugement ; Condamne M. [F] [H] aux dépens ; Condamne M. [F] [H] à payer 4000 euros à la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama en application de l’article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 09 octobre 2024 La greffière Le président empéché |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le préjudice évalué pour la société Groupama dans le cadre de cette affaire ?Le préjudice subi par la société Groupama a été évalué à 4 000 euros à titre de dommages et intérêts. Cette somme a été accordée en réparation de l’atteinte à la renommée de ses marques, notamment la marque verbale française « Groupama » et plusieurs marques semi-figuratives, tant au niveau national qu’international. Cette évaluation forfaitaire est conforme aux dispositions de l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, qui permet à la juridiction de prendre en compte les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, le préjudice moral, ainsi que les bénéfices réalisés par le contrefacteur. Il est important de noter que la juridiction a la possibilité d’allouer une somme forfaitaire, qui est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit en question. Quelles sont les marques de Groupama concernées par cette affaire ?Les marques de Groupama concernées par cette affaire incluent plusieurs enregistrements, à savoir : 1. La marque verbale française « Groupama » n° 1481901, déposée le 5 août 1988. Ces marques sont enregistrées pour divers services liés aux assurances et aux finances, et leur renommée a été établie par des décisions de justice antérieures et des études de notoriété. Quelles mesures complémentaires peuvent être ordonnées en cas de condamnation pour contrefaçon ?En cas de condamnation civile pour contrefaçon, l’article L.716-4-11 du code de la propriété intellectuelle permet à la juridiction d’ordonner plusieurs mesures complémentaires à la demande de la partie lésée. Ces mesures incluent : 1. Le rappel des produits reconnus comme contrefaisants des circuits commerciaux. De plus, la juridiction peut ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, comme son affichage ou sa publication dans des journaux ou sur des services de communication en ligne. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur, ce qui souligne la responsabilité de ce dernier dans la réparation du préjudice causé. Comment la juridiction évalue-t-elle les dommages et intérêts en matière de contrefaçon ?La juridiction évalue les dommages et intérêts en matière de contrefaçon en prenant en compte plusieurs éléments distincts, comme stipulé dans l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle. Ces éléments incluent : 1. Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, telles que le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée. Il est essentiel de noter que la juridiction doit apprécier ces chefs de préjudice distinctement et non cumulativement, ce qui signifie que chaque type de préjudice est évalué séparément pour déterminer le montant total des dommages et intérêts à allouer. Quelles sont les implications du préjudice hypothétique dans ce contexte ?Dans le contexte de la contrefaçon, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation. Cela signifie que la juridiction ne peut pas accorder de dommages et intérêts pour des pertes qui ne sont pas prouvées ou qui sont basées sur des suppositions. Le principe de la réparation intégrale implique que l’indemnisation doit couvrir le préjudice réel subi par la partie lésée, sans perte ni profit. Cela a été confirmé par des décisions de la Cour de cassation, qui stipulent que seul un préjudice avéré peut être indemnisé. Ainsi, pour qu’une partie puisse obtenir réparation, elle doit fournir des preuves tangibles de son préjudice, qu’il soit économique ou moral, afin que la juridiction puisse évaluer correctement les dommages et intérêts à allouer. |
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